Par Lucas DERMENGHEM (Green Law Avocat)
Les principes d’équité, de sincérité et de dignité du scrutin innervent le droit électoral français et ont vocation à garantir une désignation juste et transparente des représentants politiques. La liberté d’expression des candidats ou des tiers qui les soutiennent ne saurait justifier l’utilisation de procédés déloyaux aux fins de recueillir les suffrages des électeurs. Ainsi, le droit électoral français, issu du code électoral et interprété par le juge, réglemente la propagande électorale.
La tenue des prochaines élections municipales les 15 et 22 mars 2020 est l’occasion de revenir sur ces règles.
La propagande électorale fait l’objet d’un chapitre dédié au sein du Code électoral (Chapitre V, Titre I, Livre I). Si cette notion ne fait pas l’objet d’une définition légale, la propagande électorale peut être entendue comme désignant l’ensemble des moyens de communication mis en œuvre par les candidats à une élection ou par des tiers qui les soutiennent afin de recueillir les suffrages des électeurs.
La propagande électorale participe donc de l’information des citoyens et emporte un impact direct sur les résultats de l’élection. Afin d’éviter tout risque d’annulation du scrutin, les candidats doivent veiller à ce que les procédés de communication employés lors de la campagne électorale ne soient pas susceptibles de constituer un « abus de propagande ».
Les procédés de communication électorale les plus usuels sont : la tenue de réunions électorales (I.), l’apposition d’affiches (II.) et la distribution de documents de campagne (III.). Il convient donc de présenter le régime juridique applicable à chacune de ces actions.
- Les réunions électorales
La tenue de réunions électorales publiques est libre. Ces rencontres peuvent intervenir avant la campagne électorale, pendant son déroulement et jusqu’à la veille du scrutin (Cons. Const. 8 juin 1967, Haute-Savoie, 3e circ., n°67-371 AN).
Les réunions ne peuvent avoir lieu sur la voie publique et doivent être encadrées par un bureau d’au minimum trois personnes, lequel est chargé du maintien de l’ordre dans le cadre de la réunion (art. 9 de la loi du 30 juin 1881 sur la liberté de réunion).
Cependant, il résulte des dispositions du code électoral que les candidats ne peuvent organiser de réunion électorale le jour du scrutin (art. L.48-2, L.49 et R.26 du code électoral). Toutefois, il n’est pas toujours aisé d’opérer une distinction entre une réunion publique organisée par un candidat et une réunion électorale au sens du présent code.
Le juge opérera un contrôle sur la qualification du caractère électoral d’une réunion publique au regard des circonstances
A titre d’exemple, il a été jugé que le fait pour un candidat d’inviter sympathisants et électeurs dans une salle de réception afin d’attendre les résultats de l’élection, une heure avant la fermeture des bureaux de vote, ne revêt pas le caractère d’une réunion électorale (CE, 10 juin 2015, Elections municipales de Chilly-Mazarin, n°386062).
- L’apposition d’affiches
En période électorale, les communes ont l’obligation de prévoir un nombre minimum d’emplacements d’affichage réservés aux candidats. Chaque liste et chaque candidat se voit attribuer une surface égale, sur laquelle seul le candidat ou la liste attributaire peut apposer une affiche.
Tout affichage en dehors des emplacements réservés et panneaux d’affichage d’expression libre est interdit six mois avant la tenue du scrutin (art. L. 51 du code électoral).
La conception et la forme des affiches est également réglementée par les articles R.27 et R.29 du code électoral : ainsi, il est interdit d’utiliser une combinaison du bleu, blanc et rouge, d’utiliser le papier blanc, etc. Mais les irrégularités de conception des affiches sont peu sanctionnées dès lors qu’elles n’impactent pas la sincérité du scrutin.
En revanche, le caractère irrégulier du contenu des affiches fera l’objet de sanctions plus sévères. Ainsi, il est interdit pour un candidat de procéder à l’affichage d’un « élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n’aient pas la possibilité d’y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale » (art. L. 48-2 du code électoral), au risque de voir cette pratique qualifiée d’abus de propagande si cela est de nature à influencer les résultats du scrutin.
- La distribution de documents de campagne
Des règles sont également prévues en matière de distribution de bulletins, circulaires et tracts.
- Les bulletins:
Le bulletin de vote sert à l’expression du vote mais constitue également un moyen pour le candidat de mener sa communication électorale jusque dans l’isoloir.
Ainsi, les articles L.66, L. 52-3, R. 30-1 et R.66-2 du code électoral définissent les conditions de forme applicables aux bulletins de vote : interdiction d’impression des bulletins sur papier couleur, prohibition des mentions manuscrites, etc.
Notons cependant que les prescriptions de l’article R.66-2 ne s’appliquent qu’aux scrutins de liste des élections municipales des communes de plus de 1 000 habitants.
- Les circulaires:
Une circulaire est un document imprimé adressé aux électeurs et par lequel le candidat présente son programme.
L’article R.29 du code électoral encadre le format des circulaires, tandis que l’article R.27 dudit code interdit l’utilisation de la combinaison du bleu, du blanc et du rouge pour leur conception.
Le format des circulaires est contrôlé par les commissions de la propagande, entités créées par arrêté préfectoral pour assurer le contrôle de conformité des circulaires et bulletins de vote dans les communes de 2500 habitants et plus. Cette commission se charge également de l’envoi des circulaires aux électeurs après avoir contrôlé leur conformité aux prescriptions réglementaires.
- Les tracts:
Le principe est celui de la liberté de distribuer des tracts pendant la période électorale, sous réserve du respect des articles L.48-2 et L.49 du code électoral.
Ainsi, il est interdit pour les candidats de :
- Distribuer des tracts la veille du scrutin ;
- Distribuer des tracts portant à la connaissance du public un nouvel élément de polémique électorale à un moment tel que leurs adversaires n’aient pas la possibilité d’y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale.