Mesures conservatoires en cas de pollution d’un cours d’eau : le JLD n’a pas à exiger la démonstration préalable d’une faute pénale

Par maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Par un arrêt en date du 28 janvier 2020, la chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass. Crim, 28 janvier 2020, n°19-80.091) : opte pour une interprétation de l’article L. 216-13 du Code de l’environnement en nette faveur de la protection de l’environnement, et au détriment de l’exploitant s’agissant des mesures conservatoires susceptibles d’être prononcées par le juge des libertés et de la détention (JLD) en matière de pollution des eaux. L’affaire portée devant la Haute-Juridiction concernait la pollution du cours d’eau « La Brévenne », relevée en juillet 2018 à hauteur d’une station de traitement et d’épuration dont l’exploitation avait été confiée par un syndicat intercommunal à la société Suez Eau France. L’enquête pénale révélant une pollution des eaux supérieure aux normes règlementaires, le Procureur de la République, sur demande d’une fédération, avait saisi le JLD sur le fondement de l’article L. 216-13 du code de l’environnement d’une requête tendant au prononcé de mesures conservatoires à l’encontre de l’exploitant lui enjoignant de cesser tout rejet dans le milieu aquatique dépassant les seuils fixés. Le JLD ayant fait droit à cette requête pour une durée de six mois, le syndicat intercommunal et la Société Suez Eau France ont interjeté appel. Ces derniers ont alors obtenu du Président de la chambre de l’instruction la suspension par ordonnance de l’exécution de la décision du JLD en application du dernier alinéa de l’article L. 216-13 du Code de l’environnement, puis l’infirmation de l’ordonnance prononçant les mesures conservatoires par un arrêt du 9 novembre 2018, décision objet du pourvoi en cassation formé par la fédération. A ce stade, rappelons qu’en matière de mesures conservatoires, l’alinéa premier de l’article L. 216-13 permet au Procureur de la République, agissant d’office ou à la demande de l’autorité administrative, de la victime ou d’une association agrée de protection de l’environnement, de saisir le JLD d’une requête en cas de non-respect des articles L. 181-12, L. 211-2, L. 211-3 et L. 214-1 à L. 214-6 du Code de l’environnement tendant au prononcé de toute mesure utile, y compris la suspension ou l’interdiction des opérations menées en infraction à la loi pénale. La loi n°2016-1087 dite « loi Biodiversité » a d’ailleurs modifié ces dispositions, portant la durée maximale des mesures utiles pouvant être ordonnées par le juge à un an au lieu de trois mois, précisant que ces mesures portent sur « les opérations menées en infraction à la loi pénale » et non plus sur « l’activité en cause ». Clé de lecture de l’arrêt commenté, ces mesures conservatoires sont susceptibles d’être prononcées à l’encontre des personnes physiques et personnes morales « concernées » par ces opérations menées en infraction à la loi pénale.   A cet égard, la chambre de l’instruction avait infirmé l’ordonnance du JLD à la suite d’une analyse « géographique » sinon ‘codistique’ de l’article L. 216-13. En effet, les juges d’appel avaient relevé que ces dispositions étaient insérées dans le Code de l’environnement au sein d’une sous-section 2 intitulée « sanctions pénales », elle-même figurant dans une section 2 « dispositions pénales » d’un chapitre VI consacré aux « contrôles et sanctions » du titre du Code de l’environnement relatif à l’eau et aux milieux aquatiques et marins. De cette localisation de l’article L. 216-13, la chambre de l’instruction en avait déduit que le JLD ne pouvait prononcer des mesures conservatoires sur le fondement de ces dispositions qu’après avoir nécessairement démontré la commission par les personnes concernées d’une faute de nature à engager leur responsabilité pénale. Autrement dit, parce que ces dispositions figuraient au sein d’une sous-section intitulée « sanctions pénales », les juges d’appel en avaient déduit que la démonstration de l’imputabilité de l’infraction aux personnes concernées était une condition préalable obligatoire au prononcé de mesures conservatoires. Cette lecture est censurée par la chambre criminelle, qui préfère, elle, adopter une interprétation à la fois autonome et téléologique de l’article L. 216-13 en faveur de la protection de l’environnement : Sans tenir compte de la localisation de l’insertion de ces dispositions, la Cour de cassation considère à l’inverse que le prononcé, lors d’une enquête pénale, de mesures conservatoires par le JLD destinées à faire cesser une pollution ou à en limiter les effets n’est pas subordonné à la caractérisation d’une faute de la personne concernée de nature à engager sa responsabilité pénale. Favorable à la protection de l’environnement, la solution n’est pas étonnante, et ce pour plusieurs raisons : – En premier lieu, rappelons que la loi pénale est d’interprétation stricte (art. L. 111-4 du Code pénal). Rapporté à cette décision, la démonstration d’une imputabilité apparaît rapidement comme une condition excessive lorsque le texte évoque comme potentiels sujets au prononcé de mesures conservatoires les « personnes concernées ». Partant, cette condition d’imputabilité aurait pu paraître admissible si le texte avait plutôt visé, par exemple, les personnes « en cause ». – En deuxième lieu, et surtout, la solution retenue par la chambre criminelle se fonde sur une interprétation autonome qui se veut conforme à l’esprit de ces dispositions. Pour cause, dans sa décision, la Cour rappelle la finalité du prononcé de mesures conservatoires, à savoir faire cesser une pollution dans un but de préservation de l’environnement et de la sécurité sanitaire. Fondamentalement provisoires, des mesures conservatoires poursuivent donc une finalité préventive et non répressive. Ajouté à cela que ces dernières répondent à une situation d’urgence, il était donc profondément incohérent vis-à-vis du sens et de la portée du texte de faire dépendre leur prononcé de la démonstration d’une faute de nature à engager la responsabilité pénale de la personne concernée, elle inscrite dans une temporalité nettement différente. – Enfin, en troisième et dernier lieu, la lecture censurée  s’avérait d’une rigueur juridique discutable. Pour cause, accorder une telle importance à cette interprétation dans un contexte d’inflation législative, conduisant à des insertions parfois hasardeuses de dispositions, fragilisait nettement la solution retenue par la chambre de l’instruction. Reste que comme souvent cette lecture environnementale de  la loi se fait au détriment des exploitants pouvant se voir, à l’instar de la société Suez Eau France et du SIVU, imposer des mesures conservatoires à l’occasion d’une…

Le projet de décret sur l’Ae en consultation

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) En application de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement, le Gouvernement a lancé une consultation publique du 7 février 2020 au 28 février 2020 sur le Projet de décret portant réforme de l’autorité environnementale, texte très attendu. I/ L’objet du projet de décret Ce projet de décret (téléchargeable ici) soumis à la consultation du public a pour principal objet d’appliquer la décision « association FNE » du Conseil d’État du 6 décembre 2017 (n° 400559) et l’article 31 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2017 relative à l’énergie et au climat. On sait en effet que le précédent décret n° 2016-519 du 28 avril 2016 relatif à l’autorité environnementale confiait, pour un certain nombre de projets, aux préfets de région la compétence  d’Ae (s’agissant des avis comme des examens au cas par cas), aux côtés de l’Ae du CGEDD et des MRAe. Or dans sa décision du 6 décembre 2017 (n° 400559, recours contre le décret du 28 avril 2016 portant réforme de l’autorité environnementale), le Conseil d’État a jugé que l’autorité environnementale, dans son rôle consultatif (avis), pouvait également être autorité compétente pour autoriser le projet ou en assurer la maîtrise d’ouvrage sous réserve qu’une séparation fonctionnelle au sein de cette autorité soit organisée. Cette solution trouve son fondement dans les directives dites projet et programme de l’Union européenne et surtout dans l’interprétation que donne la CJUE de la seconde dans  son arrêt Seaport (CJUE, 20 oct. 2008, C-474/10). Le décret 28 avril 2016 n’avait pas prévu un tel dispositif dans les cas où le préfet de région était compétent pour autoriser le projet ou lorsqu’il était en charge de l’élaboration ou de la conduite du projet au niveau local. En conséquence, le Conseil d’État a annulé le 1° de l’article 1er du décret 28 avril 2016 en tant qu’il maintenait, au IV de l’article R.122-6 du code de l’environnement, la désignation du préfet de région en qualité d’autorité environnementale. Pour tenter de sauver les projets en cours, des instructions ont été données aux préfets afin que les dossiers concernés soient transférés aux Missions régionales d’autorité environnementale (MRAe) pour ce qui concerne les avis ; de son côté le juge administratif a admis l’indépendance fonctionnelle de la MRAe et a même validé la possibilité de régulariser avec une nouvelle consultation de la MRAe les projets dont l’autorisation environnementale avaient été annulée (CE, avis, 27 sept. 2018, nº 420119 – CE, 27 mai 2019, nº420554/nº420575 ; cf. sur le refus de prononcer le sursis à exécution d’un arrêt d’appel qui n’aurait pas relevé un tel vice : CE, 6 nov. 2019, nº 430352) Reste que le Conseil d’Etat a confirmé son exigence d’autonomie fonctionnelle de l’Ae (CE, 21 août 2019, Assoc. Citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et a., n° 406892, 406894 – CE, 13 mars 2019, n°414930). Ainsi s’agissant du contentieux éolien, le Conseil d’Etat a nettement jugé que les services placés sous l’autorité hiérarchique du préfet de région, tels que les DREAL ne disposaient pas, « en principe », d’une autonomie réelle à son égard (CE, 20 sept. 2019, nº428274) et qu’ainsi ne commettait aucune erreur de droit, la Cour qui avait estimé que, en l’espèce, cet avis de l’autorité environnementale comme irrégulier. Désormais avec le projet décret mis à consultation du public, le Gouvernement envisage de confier à la MRAe la responsabilité de rendre les avis sur les projets ne relevant pas d’une autorité environnementale nationale (ministre chargé de l’environnement ou formation nationale du Conseil général de l’environnement et du développement durable). Reste que le gouvernement a toujours maintenu, même après l’arrêt « association FNE » du Conseil d’Etat, la compétence du préfet de région pour l’examen au cas par cas, Au demeurant, ce projet de décret s’efforce de transcrire l’article L.122-1 du code de l’environnement qui a été modifié, par l’article 31 de la n° 2019-1147 du 8 novembre 2017 relative à l’énergie et au climat, afin de distinguer, pour les projets, autorité chargée de l’avis et autorité chargé de l’examen au cas par cas. la loi confie cette compétence non plus à l’« autorité environnementale » mais à une « autorité chargée de l’examen au cas par cas » qui sera définie par décret. Mais le Parlement a accepté ce transfert de compétence à la condition toutefois que  soient prévenus les conflits d’intérêt avec le « maître d’ouvrage » ou la personne « en charge du projet ». II/ Principales modifications opérées par le projet de décret : L’article R. 122-3 actuel est scindé en deux articles distincts (article R. 122-3 et R. 122-3-1) afin de distinguer plus explicitement les dispositions visant à désigner l’autorité en charge de réaliser l’examen au cas par cas des projets qui y sont soumis (article R. 122-3) de celles visant à préciser le déroulé de la procédure d’examen au cas par cas (article R. 122-3-1) ; L’article R. 122-6 est modifié pour tenir compte de la jurisprudence du Conseil d’Etat et confier aux MRAe le soin de rendre les avis qui relevaient précédemment de la compétence du préfet de Région ; L’article R. 122-7 est toiletté à la marge afin de clarifier la durée dont disposent les collectivités territoriales pour rendre leur avis ; L’article R. 122-17 est complété par un alinéa prévoyant, à l’instar du dispositif applicable aux projets, la possibilité pour le ministre en charge de l’environnement d’évoquer certains dossiers relatifs à des plans ou programmes relevant normalement de la compétence des MRAe ; L’article R. 122-24 clarifie l’organisation interne des MRAe qui bénéficient de l’appui technique des agents de la DREAL ; Les articles R. 122-24-1 et R. 122-24-2 sont créés afin de faire application des dispositions relatives au conflit d’intérêt introduites par la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat et codifiées au V bis de l’article L. 122-1. On relève avec le plus grand intérêt qu’aux termes de l’article R.122-24-1 en projet « Ne constitue pas un conflit d’intérêt le fait, pour l’autorité…

Le programme de l’inspection des ICPE pour 2020 : les Enr dans le viseur ?

Par Maître David  DEHARBE (Green Law Avocats)   Par une instruction du 31 décembre 2019 (Instruction du Gouvernement du 31 décembre 2019, NOR : TREP1937645J), le gouvernement vient d’adresser aux services des préfets de région et des préfets de département le programme des actions nationales de l’inspection des ICPE pour l’année 2020. Ce document expose notamment des actions thématiques, spécifiques à certains secteurs, retenues pour l’année 2020 en fonction des retours d’expérience de l’année 2019. Certaines de ces actions thématiques doivent être systématiquement mises en œuvre par l’inspection des ICPE. D’autres actions sont dites « au choix ». Chaque région peut donc choisir de suivre spécifiquement ces actions, parmi d’autres, pour l’année 2020. Action en matière d’éoliennes : Il convient de souligner que l’action relative aux éoliennes prévue par l’instruction du gouvernement est « au choix ». L’instruction souhaite mettre cette année l’accent sur le risque accidentel sur les éoliennes, donc sur la sécurité des personnes. Elle préconise des inspections ciblées sur un total d’au moins deux sites par département dans chaque région. Elle indique également qu’une part importante des accidents dont l’administration a eu connaissance est relative aux chutes ou aux projections de pâles. Le gouvernement appelle donc à un renforcement des contrôles, spécifiquement sur les équipements de sécurité et les opérations de maintenance préventive. Action en matière d’installations de méthanisation : Selon l’instruction du gouvernement, les retours d’expérience indiqueraient que les exploitants de méthaniseurs auraient une maitrise moindre des risques d’explosions. Partant de ce constat, le gouvernement préconise que systématiquement les inspections soient renforcées sur le respect de la règlementation technique, notamment celle portant sur les appareils à pression. L’instruction fixe en ce domaine comme objectif un nombre de visites par région au moins égal à trois fois le nombre de départements de ladite région. On aura compris qu’en cette période d’élections municipales, il est de bon ton de faire croire que le éoliennes et la méthanisation sont dangereuses pour les riverains…Mais nos Inspecteurs de l’environnement n’ont-ils pas mieux à faire ? Les autres actions sont plus classiques et sans doute participent un peu moins de l’affichage … Outre ces deux domaines particuliers, l’instruction du 31 décembre 2019 aborde d’autres actions systématiques, telles que : le contrôle renforcé des dimensionnements et des conceptions des zones de rétention et de leurs conduites d’écoulement, à la suite de l’accident de Lubrizol ; le contrôle renforcé de l’effectivité du tri dans les centres de tri ; le contrôle renforcé de la pertinence et de l’application des plans de surveillances et de maintenance des canalisations de transport de gaz et d’hydrocarbures. Par ailleurs, d’autres actions « au choix » sont également proposées par l’instruction : des inspections ciblées sur les risques du secteur de la pyrotechnie et de la manipulation d’explosifs, afin de prévenir les risques d’accidents ; un contrôle des mesures prises par les industriels pour pallier les problèmes susceptibles de survenir en cas de coupures de courant volontaires ou involontaires ; un contrôle des importations de fluides frigorigènes, afin de prévenir le trafic illégal de ces fluides ; une vérification du confinement des substances extrêmement préoccupantes, utilisées comme intermédiaire de synthèse ; sur la créosote : une vérification de la bonne utilisation des produits de traitement du bois et de la gestion des bois usagés ; une vérification de la conformité des émissions de composés organiques volatils, notamment des émissions de NOX ; un contrôle de la gestion des situations de sécheresses dans les installations industrielles ; un contrôle de la conformité des conditions de remblayage des carrières. Que de travail attend encore nos 1300 inspecteurs qui sont finalement aussi nombreux qu’on dénombre en France d’installations Seveso… Mais soyons rassurés éoliennes et méthaniseurs sont sous bonne surveillance de l’Inspection !

Pas dévaluation environnementale pour le PPRN ?

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Dans un contexte de sécurisation des documents d’urbanisme, le Tribunal administratif de Poitiers considère par un jugement du 17 octobre 2019, que les plans de prévention des risques naturels (PPRN) ne sont pas soumis à évaluation environnementale après examen au cas par cas (TA Poitiers, 19 octobre 2019, n°1801913, 1801952.docx). L’absence de saisine par le Préfet de l’autorité environnementale compétente pour procéder à cet examen est alors insusceptible de fonder l’annulation d’un PPRN. En l’espèce, le PPRN de la commune de La Couarde sur Mer a été approuvé en 2018 par le Préfet de la Charente-Maritime. À la suite d’évènements tempétueux, à l’instar de la tempête Xynthia en 2010 qui a provoqué de nombreux dégâts sur les côtes Atlantiques, les services de l’État ont procédé à la révision du document réglementaire du PPRN afin de l’adapter à la meilleure connaissance des phénomènes d’érosion littorale, de submersion marine et des incendies de forêt. La révision du PPRN a cependant entraîné le classement en zone rouge Rs3 du secteur du Fonds des airs, constitué d’une cinquantaine de parcelles sur lesquelles sont installés un nombre important de caravanes, de mobil-homes et les locaux sanitaires qui leurs sont dédiés. La zone Rs3 correspond aux zones naturelles soumises aux submersions marines. Ainsi, cette zone est frappée d’une inconstructibilité de principe. Les occupants du secteur du Fonds des Aires ont donc entendu contester le PPRN afin d’obtenir la modification du zonage. Pour ce faire, les requérants ont notamment fait valoir que « la décision dispensant d’une évaluation environnementale le plan de prévention des risques naturels de la commune de La Couarde sur Mer est entachée d’un vice de procédure dès lors qu’elle émane du préfet de la Charente-Maritime qui a également pris la décision approuvant le plan en litige ». Faisant suite à la jurisprudence du Conseil d’État, le Tribunal administratif de Poitiers rejette ce moyen en considérant que les PPRN « ont été placés par le législateur hors du champ d’application de l’évaluation environnementale » et ce, en dépit des prescriptions textuelles en vigueur à ce jour. En 2014, le Conseil d’État excluait toute évaluation environnementale pour les PPRN en ce qu’ils visent la protection des populations contre les risques naturels, alors même que ces plans sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement (CE, 29 janvier 2014, n°356085). Ici, le Conseil d’État s’était appuyé sur l’article 3 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement. Cet article dispose que ne sont pas soumis à évaluation environnementale, « les plans et programmes destinés uniquement à des fins de défense nationale et de protection civile ». À noter que cette solution se justifie en ce que le Conseil d’État s’était basé sur le droit applicable à la date de l’arrêté attaqué (en 2006). Or, à cette époque, les PPRN n’étaient expressément soumis à aucune évaluation environnementale (décret n° 2005-613 du 27 mai 2005 pris pour l’application de l’ordonnance n° 2004-489 du 3 juin 2004 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement). Mais, la loi « Grenelle II » et son décret d’application, puis la loi « ELAN » en 2018 ont complété le champ d’application de l’évaluation environnementale. Ainsi, il ressort des textes en vigueur que les PPRN sont désormais soumis à la procédure d’évaluation environnementale au cas par cas (voir en ce sens l’article R. 122-17, II, 2° du code de l’environnement : « les PPRT et PPRN font partie des plans et programmes susceptibles de faire l’objet d’une évaluation environnementale après un examen au cas par cas »). Cependant, le Tribunal administratif de Poitiers rejette toute possibilité pour l’autorité administrative de soumettre un PPRN à évaluation environnementale après examen au cas par cas, et ce au visa de l’article L. 122-4, V du code de l’environnement qui transpose l’article 3 de la directive du 27 juin 2001. Cet article dispose que « les plans et programmes établis uniquement à des fins de défense nationale ou de protection civile ainsi que les plans et programmes financiers ou budgétaires ne sont pas soumis à l’obligation de réaliser une évaluation environnementale ». Pour le juge administratif, la circonstance que les PPRN visent la protection des populations contre les risques naturels suffit à les sortir du champ d’application de l’évaluation environnementale. Néanmoins, ce principe général de non-soumission à évaluation environnementale des plans et programmes destinés à la protection civile n’est pas sensé s’appliquer aux PPRN en ce que ces derniers sont expressément soumis à évaluation environnementale. Ainsi, l’interprétation de l’article L. 122-4 du code de l’environnement par le Tribunal administratif de Poitiers va à l’encontre des dispositions de l’article R. 122-17 du même code. Ce faisant le Tribunal ne fait jamais que rendre sa primauté au droit communautaire au demeurant transposé par la loi nationale sur un texte réglementaire contraire. Mais cette interprétation introduit également une incohérence jurisprudentielle au regard du champ d’application des procédures d’évaluation environnementale pour les documents de planification. Il convient ici de se rapporter au régime juridique des plans de prévention des risques technologiques (PPRT). Les PPRT « ont pour objet de délimiter les effets d’accidents susceptibles de survenir dans les installations [classées pour la protection de l’environnement] et pouvant entraîner des effets sur la salubrité, la santé et la sécurité publiques […] » (art. L.515-5 du code de l’environnement). Les PPRN ont quant à eux pour objet de réglementer l’utilisation des sols en fonction des risques naturels auxquels ils sont exposés. Ces deux documents visent donc la protection des populations soumises à un risque. Ils bénéficient du même régime juridique au titre de l’évaluation environnementale (art. R. 122-17, II, 2° du code de l’environnement). Pour autant et contrairement aux PPRN, la jurisprudence n’exclut pas les PPRT du champ d’application de l’évaluation environnementale. Au contraire, le Conseil d’État dans un avis du 6 avril 2016 puis le Tribunal administratif de Lyon le 10 janvier 2019 réaffirment la soumission des PPRT à évaluation environnementale après examen au cas par cas (CE, 6e et…

DOMMAGE DE POLLUTION MINIER DE L’EXPLOITANT DISPARU : L’ETAT DOIT INDEMNISER LES PREJUDICES DE JOUISSANCE ET DANS LES CONDITIONS D’EXISTENCE

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Par un jugement du 31 octobre, le tribunal administratif de Lyon (TA Lyon, 31 oct. 2019, n°1708503) a considéré que l’Etat est tenu de garantir les dommages issus d’une pollution des sols causée par l’activité antérieure d’une exploitation minière quand bien même l’exploitant n’existerait plus. Pour une meilleure compréhension du jugement, il convient de rappeler les dispositions de l’article L. 155-3 du Code minier (disponible ici), qui dispose que « L’explorateur ou l’exploitant ou, à défaut, le titulaire du titre minier est responsable des dommages causés par son activité. Il peut s’exonérer de sa responsabilité en apportant la preuve d’une cause étrangère. Sa responsabilité n’est limitée ni au périmètre du titre minier ni à sa durée de validité. En cas de disparition ou de défaillance du responsable, l’État est garant de la réparation des dommages causés par son activité minière. Il est subrogé dans les droits de la victime à l’encontre du responsable ». En l’espèce, les propriétaires d’un moulin rénové, sur le territoire de la commune de Les Salles, situé dans le périmètre d’un ancien secteur minier, font état d’une pollution sur leur territoire. Une étude sanitaire avait été réalisée par un groupement d’intérêt public et avait révélé une pollution importante sur le terrain d’assiette de leur propriété, mais aussi de la cave de leur habitation. Cette pollution au plomb n’était pas anodine. Les requérants avaient adressé une réclamation préalable au préfet de la Loire, afin d’obtenir la réparation des conséquences dommageables de cette pollution. Leur réclamation était restée sans réponse, ces derniers saisissent le TA de Lyon afin d’obtenir une indemnisation. Les juges font tout d’abord une appréciation de la pollution au regard de l’usage antérieur du terrain. Afin d’établir le lien de causalité, les juges se fondent sur l’étude réalisée par le groupement d’intérêt public ainsi qu’un arrêté préfectoral en date du 3 juillet 2019. Les résultats des divers prélèvements réalisés pour ladite étude démontrent que la contamination au plomb affecte non seulement le terrain, mais également la cave d’habitation des requérants. Si la pollution n’est pas issue de l’activité de l’ancienne fonderie exploitée de 1730 à 1844 sur la même parcelle, elle est en revanche issue des déchets ayant pour origine l’ancienne activité minière située sur le secteur proche de Saint-Martin-La-Sauveté. Les juges relèvent que « La pollution dont se plaignent M. B… et Mme A… apparaît donc directement en lien avec cette activité ». Le lien de causalité entre les dommages issus de la pollution relève ici de l’identification des polluants par une analyse des sols. Si l’ancien exploitant minier, ou les autres responsables de cette pollution au plomb ont aujourd’hui disparu, la juridiction estime que « les intéressés sont fondés, en application des dispositions de l’article L. 155-3 du code minier, à solliciter la garantie de l’État en réparation des dommages subis du fait de cette activité minière ». Les dispositions du Code miner encadrent la responsabilité de l’exploitation, et à titre subsidiaire celle de l’État. Classiquement, l’exploitant ou à défaut le titulaire d’un titre minier est responsable des dommages de son activité. Il est difficile pour l’exploitant de se dégager de sa responsabilité en cas de dommage. Dans ce cas, la responsabilité civile de l’exploitant pourra être engagée, et cela même après la fermeture du complexe minier (Cass., 3e civ., 24 sept. 2014, Synd. assainissement Orne aval c/ Sté des Mines de Sacilor-Lormines n° 11-22386). L’exploitant ne peut invoquer sa non-responsabilité que par la preuve d’une cause étrangère. L’utilisation de cet article s’apprécie souvent au regard de l’apparition tardive des effets pervers de pollutions parfois mal renseignée ou même dissimulée. La loi permet une réparation et une responsabilité de l’État dans deux cas spécifiques. L’article L. 155-3 du code minier précité, précise que l’État est garant de la réparation des dommages causés par une activité minière, et ce dès lors qu’il y a disparition ou défaillance du responsable. La notion de disparition est aisée à comprendre, elle agit dans le cas où l’on est dans l’impossibilité d’identifier formellement le responsable de l’activité, que cela soit sa disparition physique ou morale. Dans le cas de la défaillance, cela signifie que l’exploitant n’est plus en capacité d’assumer ces obligations. Cela peut notamment être le cas lors d’une incapacité financière (au sens de la circulaire   du 25 juill. 2000, relative à la mise en œuvre des articles 75-1 à 75-3 du Code minier). Cette deuxième hypothèse n’a pas été envisagée en l’espèce. Il est à noter que la procédure de délivrance d’un permis d’exploitation prend en considération la capacité financière du futur exploitant (CE, 13 juillet 2006, Société Geotech International, n° 273184). Dans notre espèce, les requérants demandent une indemnisation de leurs préjudices de jouissance de leur bien et d’un trouble dans leurs conditions d’existences.  Ils obtiennent gain de cause : «  il résulte de l’instruction que le remblaiement du terrain de M. B… et Mme A… avec des stériles issus de l’activité minière exploitée sur le secteur de Saint-Martin-la-Sauveté a entraîné une pollution au plomb mise en évidence à partir de 2014 par l’étude Géodéris, dont les résultats provisoires ont été portés à la connaissance des requérants lors d’une réunion du 13 novembre 2014. Dès le 21 novembre 2014, l’agence régionale de santé Rhône-Alpes les a invités à faire mesurer le dosage de la plombémie dans leur sang et celui de leurs enfants, puis de se soumettre à un suivi médical régulier afin de surveiller l’augmentation éventuelle de ce taux. Par un arrêté du 13 avril 2016, le préfet de la Loire a instauré des restrictions sanitaires d’utilisation, de mise sur le marché et la surveillance des productions animales et végétales issues notamment des parcelles appartenant aux requérants, classées à la fois en zone de protection et en zone de surveillance. Toute activité agricole s’est ainsi trouvée interdite sur leur terrain, ainsi que la consommation et la cession de toute production d’un éventuel jardin potager, dont la culture est déconseillée. Les requérants doivent également suivre de strictes recommandations sanitaires générales, telles que l’interdiction de laisser…