Lutte contre le plastique : consultation publique du 22 Juin au 13 Juillet

Par maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Chaque Français jette en moyenne 20 kg de nourriture par an (statistiques tirées de Planetscope.fr). Face à ce constat, le Gouvernement s’est fixé l’objectif de réduire le gaspillage alimentaire, d’ici 2025, de 50 % par rapport à son niveau de 2015 dans les domaines de la restauration collective et de la distribution alimentaire et, d’ici 2030, de 50 % par rapport à son niveau de 2015 dans les domaines de la production, de la transformation, de la consommation et de la restauration commerciale (art. L. 541-1 Code de l’environnement). C’est dans ce contexte que le 22 Juin dernier le Ministère de la Transition écologique et solidaire a ouvert une consultation publique portant sur un projet de décret relatif à diverses dispositions de lutte contre le gaspillage. Cette consultation est organisée en application de l’article L. 123-19-1 du Code de l’environnement pour la mise en œuvre du principe de participation du public aux décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement prévu à l’article 7 de la Charte de l’environnement. Ce projet s’inscrit également dans la continuité de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire du 10 février 2020 qui contient différentes mesures pour sortir des produits jetables à usage unique, qu’ils soient ou non en plastique. Plus précisément, ce projet a pour objectif  de proposer des mesures d’application des dispositions visant à interdire la mise à disposition de certains produits en plastique prévues dans cette loi et transpose certaines exigences posées par la directive du 5 juin 2019 relative à la réduction de l’incidence de certains produits en plastique sur l’environnement (directive SUP, single use plastic). D’abord, il est prévu de modifier les dispositions relatives à la conception et à la fabrication de certains emballages, notamment des bouchons de bouteilles en plastique qui devront être attachés au corps de la bouteille à compter du 3 juillet 2024 (art. 1er). Ensuite, le décret clarifie certaines exigences concernant le secteur de la restauration et des services de livraison de repas à domicile. Certains de ces établissements auront l’obligation de mettre en place une fontaine d’eau potable, d’autres devront servir les repas et boissons avec de la vaisselle réutilisable (art. 5). Des sanctions pénales sont, en outre, prévues. Elles viennent compléter la liste des contraventions de 3ème  classe posée à l’article R.543-73 du Code de l’environnement en sanctionnant, à compter du 1er janvier 2022, le fait d’apposer une étiquette directement sur un fruit ou un légume, à l’exception de celles qui sont compostables en compostage domestique et constituées de tout ou partie de matières biosourcées. Devraient également être ajoutées, des contraventions de 5eme classe, sanctionnant notamment un établissement recevant du public ou un local professionnel qui distribuerait gratuitement des bouteilles en plastique. Ces sanctions pourraient être complétées par une peine complémentaire d’affichage ou de diffusion de la décision de sanction (art. 2 et 6). Les citoyens ont jusqu’au 13 Juillet pour présenter leurs observations sur le site internet du Ministère. Le Gouvernement précise que la rédaction finale du décret tiendra compte de l’avis du public, étant entendu qu’il ne s’agit pas d’un avis contraignant. Alors qu’outre Atlantique deux militantes écologistes sont poursuivies pour « terrorisme » aux États-Unis car elles renvoyaient des déchets plastiques à des dirigeants de l’industrie chimique, on mesure toute l’importance même des petites mesures préventives à la française …

Limites au comportement d’EDF dans l’exécution de sa mission d’acheteur obligé

Par Me Sébastien BECUE, GREEN LAW AVOCATS On se souvient du récent arrêt du Conseil d’Etat « CORSICA SOLE », en date du 22 janvier 2020 (n°418797). Dans cette affaire, un producteur solaire avait conclu avec EDF un contrat d’achat prévoyant l’application du tarif d’achat « S06 ». Puis EDF avait informé le producteur que, finalement, ce dernier n’avait pas droit à ce tarif et lui avait proposé en conséquence la signature d’un avenant prévoyant que ce serait le tarif « S10 » (moins intéressant) qui s’appliquerait à l’électricité vendue. Le producteur, considérant qu’EDF était tenu contractuellement par le contrat conclu, avait refusé de signer l’avenant et émis ses factures sur la base du tarif « S06 ». Face au refus de l’acheteur obligé d’exécuter le contrat et donc de régler ces factures, la société CORSICA SOLE avait saisi le juge administratif en paiement des factures. En appel, la Cour administrative d’appel de Marseille indiquait : que s’il « est constant que l’installation en cause ne satisfait pas à la condition posée par l’arrêté du 16 mars 2010 pour bénéficier des tarifs d’achat ” S06 “ », ce qui impliquait que la demande de contrat d’achat avait été déposée trop tard pour que le projet bénéficie de ce tarif ; il n’en reste pas moins que : d’une part, le régime de l’obligation d’achat n’a pour objet que « de fixer, au seul bénéfice des producteurs d’électricité, les conditions minimales auxquelles EDF est tenue d’acheter l’électricité », et n’a pas pour « effet d’interdire à EDF d’acheter de l’électricité à des conditions tarifaires plus favorables pour les producteurs » ;  et d’autre part, EDF ne démontrait pas que son erreur – établie – aurait « eu pour effet de vicier son consentement ». En conséquence, la Cour concluait qu’il n’y avait pas lieu d’écarter l’application du contrat et condamnait à verser au producteur les factures calculées sur la base du tarif « S06 » contractuellement convenu (CAA Marseille, 12 fév. 2018, n°17MA00134). Ainsi la Cour se positionnait uniquement du point de vue du droit du contrat administratif, en refusant clairement de tenir compte du fait que le contrat d’achat trouve son fondement juridique dans le code de l’énergie. En interdisant à EDF de revenir sur un contrat conclu, cette décision avait pour effet de responsabiliser l’acheteur obligé : EDF doit vérifier le tarif applicable dans le cadre de l’instruction de la demande de contrat. Une position d’autant plus logique qu’EDF disposait de tous les éléments avant la conclusion du contrat, et il n’y avait donc semble-t-il aucune raison de lui permettre de revenir dessus a posteriori. Sur pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat avait, de manière relativement surprenante – en tant que cette décision dédouanait potentiellement EDF de sa responsabilité, alors qu’elle avait bien retenu contractuellement le tarif « S06 » – jugé : que le contrat conclu par EDF avec un producteur en application du régime de l’obligation d’achat « doit être établi conformément » aux dispositions règlementaires encadrant ce régime ; qu’en conséquence, « les parties à un tel contrat ne peuvent contractuellement déroger aux tarifs d’achat fixés » par ce régime ; et donc que la Cour avait commis une erreur de droit en considérant que le régime de l’obligation d’achat ne fixe que des « conditions minimales auxquelles la société EDF est tenue d’acheter l’électricité produite sans lui interdire de prévoir des conditions tarifaires plus favorables pour les producteurs ». On peut comprendre que le Conseil d’Etat soit soucieux de l’utilisation des deniers publics – EDF étant compensée sur le budget de l’Etat pour les sommes versées au titre de l’obligation d’achat – mais une telle tolérance à l’égard du comportement d’EDF qui avait signé un contrat à un tarif erroné avait de quoi surprendre, alors même que le Conseil d’Etat a largement entamé, depuis 2016 et au nom de l’exigence de sécurité juridique, une entreprise de durcissement des conditions d’exercice du droit au recours fondée sur l’existence « révélée » d’un délai raisonnable d’un an qui s’appliquerait à tout requérant, et en toute matière (cf. le fameux arrêt Czabaj, qui n’en finit pas de trouver des déclinaisons au détriment du requérant : voir sur ce point l’article de C. LANTERO et Y. LIVENAIS). Mais en déniant à EDF toute liberté dans la fixation du tarif, le Conseil d’Etat semblait également lui donner un blanc-seing en l’exonérant de toute responsabilité à l’égard du producteur, alors même qu’elle pouvait être vue comme ayant commis une faute dans l’instruction de la demande, et ce sans que ne soit précisée de limite à cette absence de responsabilité, que ce soit en termes de gravité de la faute ou de limite temporelle : rappelons qu’en l’espèce, alors que le contrat d’achat avait été conclu le 27 décembre 2012, EDF avait proposé la signature de l’avenant le 27 février 2015, soit plus de deux années après ! Les circonstances de l’arrêt ici commenté, toujours de la Cour administrative d’appel de Marseille (22 juin 2020, n°17MA00859), semblent au départ similaires : alors que le producteur avait également conclu avec EDF au tarif « S06 » ; EDF lui avait ensuite proposé un avenant au tarif « S10 ». Seulement, d’une part le fondement du refus change : le motif retenu par EDF est justifié par le fait que la demande de raccordement aurait été déposée dans les temps, mais auprès d’une agence territorialement incompétente d’ENEDIS. D’autre part, dans cette espèce, le producteur a accepté de signer l’avenant proposé par EDF (qui peut l’en blâmer : sa centrale produit et il faut bien rembourser les échéances du prêt). Toutefois, le producteur, même s’il a signé l’avenant, saisit le juge administratif afin d’en obtenir l’annulation et le paiement de ses factures au tarif « S06 ». D’emblée on note que la Cour ne reprend pas le considérant de principe de l’arrêt CORSICA SOLE du Conseil d’Etat selon lequel le contrat d’achat « doit être établi conformément » aux dispositions règlementaires encadrant le régime de l’obligation d’achat. A l’inverse, la Cour commence son analyse du point de vue du droit du contrat administratif en rappelant l’office du juge de plein contentieux en la matière et l’obligation de loyauté contractuelle. Et ce n’est que dans un second temps, dans l’appréciation de la validité de l’avenant, que…

Nouvelles MTD : rubriques 3642, 3643 et 3710

Par Maître David DEHARBE (Green Law avocats) Par un arrêté du 27 février 2020 relatif aux meilleures techniques disponibles (MTD) – applicables à certaines installations classées du secteur de l’agroalimentaire relevant du régime de l’autorisation au titre des rubriques 3642, 3643 ou 3710 (pour lesquelles la charge polluante principale provient d’installations relevant des rubriques 3642 ou 3643) de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement le ministère de l’Environnement – est venu fixer les prescriptions nationales relatives aux meilleurs techniques disponibles (MTD) applicables à certaines ICPE. Ces MTD ont pour origine le droit communautaire puisqu’elles ont été établies par la décision d’exécution (UE) 2019/2031 de la Commission  européenne du 12 novembre 2019, en application de la directive n° 2010/75/UE du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles (dite Directive IED). Le champ d’application défini à l’article 1er précise que 3 rubriques sont concernées :   La rubrique 3642 (Traitement et transformation de matières premières en vue de la fabrication de produits alimentaires ou d’aliments pour animaux) ; La rubrique 3643 (Traitement et transformation du lait) ; La rubrique 3710 (Traitement des eaux résiduaires), pour certaines des installations, lorsqu’une celles-ci traitent les eaux résiduaires rejetées par une ou plusieurs ICPE classées au titre des rubriques 3642 ou 3643 et que ces installations sont à l’origine de la charge polluante principale. Il s’applique également : au traitement combiné d’effluents aqueux provenant de différentes sources, à condition que la principale charge polluante résulte des installations 3642 ou 3643 visées ci-dessus et que le traitement des effluents aqueux ne relève pas de la directive 91/271/CEE relative au traitement des eaux urbaines résiduaires ;  à la production d’éthanol dans une installation relevant de la rubrique 3642.2 ou en tant qu’activité directement associée à une telle installation. En revanche l’arrêté précise que les installations ou activités suivantes sont exclues du champ d’application : installation de combustion sur site produisant des gaz chauds qui ne sont pas utilisés pour le chauffage par contact direct, le séchage ou tout autre traitement d’objets ou de matières ; la production de produits primaires à partir de sous-produits animaux, comme l’extraction et la fonte des graisses, la production de farine et d’huile de poisson, la transformation du sang et la fabrication de gélatine ; la réalisation de découpes de référence pour les grands animaux et de découpes pour la volaille. L’article 2 vient ensuite préciser l’application dans le temps du présent arrêt : une application immédiate et une application différée. Sont soumises à application immédiate les ICPE de l’une ou plusieurs des trois rubriques ainsi que les extensions ou le remplacement complet des installations existantes classées au titre d’une ou plusieurs des trois rubriques concernées, autorisés après le 4 décembre 2019. L’application est différée pour les ICPE autorisées sous l’une ou plusieurs des trois rubriques concernées avant le 5 décembre 2019 selon différentes modalités : les prescriptions seront applicables à compter du 4 décembre 2023 aux installations en question dont les conclusions sur les MTD relatives à la rubrique principale sont celles de la décision d’exécution 2019/2031 ; pour les installations dont les conclusions sur les MTD relatives à la rubrique principale ne sont pas celles de la décision d’exécution 2019/2031, les prescriptions seront applicables : quatre ans après la parution au Journal officiel de l’Union européenne, postérieure au 5 décembre 2019, de la décision d’exécution établissant les conclusions sur les meilleures techniques disponibles relatives à la rubrique principale prévues à l’article R. 515-61 ;  à compter du 4 décembre 2023, lorsque la parution au Journal officiel de l’Union européenne des conclusions sur les meilleures techniques disponibles relatives à la rubrique principale prévues à l’article R. 515-61 est intervenue entre le 5 décembre 2017 et le 5 décembre 2019. A ces dates, l’exploitant sera tenu de : Mettre en œuvre les MTD décrites dans l’annexe de l’arrêté ou garantissant un niveau de protection de l’environnement équivalent, sauf si l’arrêté préfectoral d’autorisation fixe des prescriptions particulières ; Respecter les valeurs limites d’émissions (VLE) de l’annexe, sauf dérogation en vertu de l’article 3 de l’arrêté du 27 février 2020. Les prescriptions applicables sont en annexe de l’arrêté du 27 février 2020. Les dispositions générales applicables à l’ensemble des installations du titre Ier de l’annexe concernent trois domaines : L’évaluation et la surveillance des émissions dans les effluents gazeux canalisés ; Les pertes d’hexane spécifiques ; L’évaluation et la surveillance des émissions dans les rejets aqueux. Les MTD applicables à toutes les installations du titre II concernent 10 thématiques : Les caractéristiques du système de management environnemental (SME) ; L’inventaire de consommation d’eau, d’énergie et de matières premières ainsi que des flux d’effluents aqueux et gazeux ; La surveillance des effluents aqueux ; L’efficacité énergétique ; La consommation d’eau et le rejet des effluents aqueux ; Les substances dangereuses ; L’utilisation efficace des ressources ; La maîtrise et le stockage des émissions dans l’eau ; Le bruit ; Les odeurs. Enfin le titre III intègre d’autres dispositions applicables à certains secteurs d’activité qui sont : L’alimentation animale ; La production de bière ; Le secteur de l’industrie laitière ; Le secteur de la production d’éthanol ; Le secteur du traitement et de la transformation des poissons et crustacés ; Le secteur des fruits et légumes ; Le secteur de la meunerie ; Le secteur du traitement et de la transformation de la viande ; Le secteur de la transformation d’oléagineux et du raffinage des huiles végétales ; Le secteur des boissons non alcoolisées et des nectars/jus élaborés à partir de fruits et légumes transformés ; Le secteur de la production d’amidon ; Le secteur de la fabrication de sucre.

L’indemnisation des victimes d’essais nucléaires précisée

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Par un arrêt en date du 27 janvier 2020 le Conseil d’Etat est venu préciser la portée de la dernière modification de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais français dans sa rédaction issue de la loi n°2018-1317 du 28 décembre 2018 (CE, 27 janvier 2020, n°429574). En l’espèce, était en cause une demande d’indemnisation formulée en mars 2013 par Monsieur D. auprès du Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) après qu’il eut contracté un cancer de la vessie suite à un séjour en Polynésie française de juin 1971 à décembre 1972. Cette demande lui a d’abord été refusée par l’administration puis par le Tribunal administratif de Dijon par un jugement du 28 février 2017. La Cour administrative d’appel de Lyon est ensuite venue annuler ce jugement en faisant application de la loi du 5 janvier 2010 modifiée par la loi du 20 mars 2017 et de la position du Conseil d’Etat voulant que la présomption de causalité légalement prévue ne puisse être renversée que si l’administration démontre que la pathologie de l’intéressé résulte exclusivement d’une cause étrangère à celle des essais nucléaires (CE, 28 juin 2017, n°409777). Le requérant satisfaisant aux conditions de temps, de lieu et de pathologie pour présumer la causalité entre l’exposition aux rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et la survenance de sa maladie, elle a enjoint au CIVEN de réexaminer la demande de M.D dans un délai de 6 mois. C’est contre cet arrêt que le CIVEN s’est pourvu en cassation, soutenant à l’appui de ses prétentions que les juges du second degré avaient commis une erreur de droit en ne faisant pas application de la loi du 28 décembre 2018, pourtant entrée en vigueur avant que la Cour ne se prononce. Le législateur ne s’étant pas préoccupé de l’application dans le temps de ces nouvelles dispositions, il revenait aux juges du Palais Royal de se prononcer sur cette question. Avant tout, rappelons que la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais français créée un droit de créance au bénéfice des personnes ayant développé  une maladie radio-induite suite à une exposition aux rayonnements ionisants issue d’essais nucléaires. Dès l’origine, cette loi a prévu un régime d’indemnisation favorable aux victimes en instaurant une présomption de causalité, sous réserve que le demandeur remplisse les conditions susvisées. Cette présomption pouvait être renversée si l’administration démontrait un « risque négligeable », notion floue qui a par la suite été abandonnée par le législateur dans une loi n° 2017-256 du 28 février 2017. Cette notion ambiguë a alors été substituée par l’indication selon laquelle cette « présomption ne peut être renversée que si l’administration établit que la pathologie de l’intéressé résulte exclusivement d’une cause étrangère à l’exposition aux rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires, en particulier parce qu’il n’a subi aucune exposition à de tels rayonnements » (CE, 28 juin 2017, n°40977). Mais cette présomption étant devenue quasi-irréfragable le législateur est de nouveau intervenu pour introduire une modification prévoyant une hypothèse de renversement de la présomption de causalité lorsque « la dose annuelle de rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français reçue par l’intéressé a été inférieure à la limite de dose efficace pour l’exposition de la population à des rayonnements ionisants fixée dans les conditions prévues au 3° de l’article L. 1333-2 du code de la santé publique » (art. 232 loi 28 décembre 2018), à savoir 1 millisievert (mSv) par an (voir article R.1333-11 du Code de santé publique). Dès lors si les conditions pour bénéficier de l’indemnisation sont réunies il y aura une présomption de causalité sauf si la dose annuelle limite n’est pas dépassée. En premier lieu, cet arrêt du Conseil d’Etat retiendra notre attention en ce qu’il qualifie le sens qu’il convient de donner à l’article 232 de la loi n°2018-1317 du 28 décembre 2018. Selon lui il rend plus aisé la démonstration par le CIVEN d’une présomption de causalité renversée, la preuve d’une cause exclusivement étrangère étant a priori plus difficile à apporter que la démonstration que le seuil n’est pas atteint. Cependant, en qualifiant de la sorte la nature de cette dernière évolution législative le Conseil d’Etat ne vient pas pour autant affirmer qu’elle permettra au CIVEN de renverser systématiquement la présomption de causalité, chaque cas d’espèce étant en effet différent. Indépendamment du fait que cette réforme soit ou non favorable à l’indemnisation des victimes elle a pour avantage indéniable de rendre plus clair le niveau de bascule de la présomption en ne laissant plus au CIVEN le soin de déterminer le seuil de renversement ou non de la présomption. Cela étant dit, après avoir rappelé les conditions ouvrant droit au bénéfice de l’indemnisation la Haute juridiction administrative s’est penchée sur la question de l’application dans le temps de la nouvelle réforme issue de la loi n°2018-1317 du 28 décembre 2018. Ainsi, contrairement à ce qu’avait suggéré le rapporteur public dans ses conclusions, à savoir procéder à une application immédiate de la nouvelle loi aux droits non définitivement acquis, le Conseil d’Etat a jugé que la loi de 2018 ne trouvait pas à s’appliquer aux demandes d’indemnisation formulées antérieurement à son entrée en vigueur : « En modifiant les dispositions du V de l’article 4 de la loi du 5 janvier 2010 issues de l’article 113 de la loi du 28 février 2017, l’article 232 de la loi du 28 décembre 2018 […] doit être regardé, en l’absence de dispositions transitoires, comme ne s’appliquant qu’aux demandes qui ont été déposées après son entrée en vigueur, intervenue le lendemain de la publication de la loi du 28 décembre 2018 au Journal officiel de la République française ». Par ce considérant, le Conseil d’Etat a décidé que les conditions du droit à l’indemnisation devaient être celles posées par la loi en vigueur à la date de la demande d’indemnisation présentée au CIVEN, sauf indication contraire expressément prévue par le…

Production d’électricité et participation

Par Maître Sébastien BECUE, avocat of counsel (Green Law Avocats) La demande d’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité doit faire l’objet d’une procédure d’information et de participation du public (Conseil constitutionnel – QPC 2020-43 du 28 mai 2020) Attention, la décision du Conseil constitutionnel ici commentée ne concerne pas « l’autorisation d’exploiter » au titre de la législation sur les installations classées (ICPE), aujourd’hui « autorisation environnementale », dont la procédure d’instruction prévoyait déjà l’organisation d’une enquête publique (et pour les arrêtés d’enregistrement une consultation du public sur internet). Il s’agit ici de « l’autorisation d’exploiter » une installation de production d’électricité, procédure parallèle qui trouve son fondement dans le code de l’énergie, à l’article L. 311-5 du code de l’énergie, dont l’obtention est exigée dans certains cas (voir infra), pour des installations dont l’objet est la production d’électricité. Arrêtons nous plus longuement sur cette décision. L’inconstitutionnalité de l’ancien régime de l’autorisation d’exploiter Le Conseil constitutionnel était saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), émanant de France Nature Environnement (FNE), relative à l’article L. 311-5 du code de l’énergie en tant que la procédure d’instruction de l’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité ne prévoyait pas de procédure d’information et de participation du public, en violation de l’article 7 de la Charte de l’environnement. L’article 7 de la Charte prévoit, pour mémoire et en synthèse, que toute personne a le droit d’accéder aux informations relatives à l’environnement et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. Il est important de noter d’emblée que la version concernée de l’article L. 311-5 était celle résultant de l’ordonnance du 9 mai 2011. Le Conseil constitutionnel juge que l’autorisation d’exploiter constitue bien une décision publique ayant une incidence sur l’environnement dès lors que l’autorité compétente doit notamment tenir compte lorsqu’il statue sur la demande, selon les dispositions de l’article en question : Du choix des sites ; Des conséquences du projet sur l’occupation de sols et l’utilisation du domaine public ; De l’efficacité énergétique de l’installation ; Et de la compatibilité du projet avec la production de l’environnement. Le Conseil constitutionnel rappelle également que « selon la jurisprudence du Conseil d’Etat, l’autorisation administrative ainsi délivrée désigne non seulement le titulaire de cette autorisation mais également le mode de production et la capacité autorisée ainsi que le lieu d’implantation de l’installation ». Surtout, il écarte l’argument en défense selon lequel l’autorisation n’a pas à faire l’objet d’une procédure d’information et de participation du public dès lors que les projets concernés doivent généralement faire l’objet d’autres autorisations dont la procédure d’instruction prévoit elle l’organisation de procédures d’information et de participation du public (permis de construire, autorisation d’exploiter au titre de la législation sur les installations classées etc.). L’article L. 311-5 dans sa version alors applicable est en conséquence jugée contraire à l’article 7 de la Charte de l’environnement dès lors qu’il ne prévoyait pas de procédure d’information et de participation du public. 2. La portée pratique relative de la décision s’agissant du régime de l’autorisation d’exploiter En premier lieu, comme le note le Conseil constitutionnel dans sa décision, depuis une ordonnance du 5 août 2013, l’article L. 120-1-1 du code de l’environnement prévoit que toute décision ayant une incidence sur l’environnement et qui ne fait pas l’objet d’une procédure d’information et de participation spécifique, doit faire l’objet d’une mise en ligne sur internet et d’une possibilité de dépôt d’observations par le public. Nous ne savons pas si en pratique l’administration prévoyait effectivement cette mise à disposition des demandes d’autorisation d’exploiter sur internet, mais en tout cas, le Conseil considère que cette « clause de sauvegarde » est suffisante pour considérer que le régime est conforme à l’article 7 depuis l’ordonnance du 5 août 2013. Les porteurs de projets soumis à l’autorisation auront donc tout intérêt le cas échéant à solliciter de l’administration qu’elle publie leur demande sur internet, afin de la sécuriser. Surtout, en second lieu, le champ d’application de l’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité est aujourd’hui considérablement réduit. D’une part, depuis un décret du 27 mai 2016 (voir notre article sur ce décret), en sont notamment exonérés : les centrales solaires, éoliennes, biogaz, géothermiques, houlomotrices de moins de 50 MW ; les parcs éoliens marins de moins de 1GW. D’autre part, à supposer qu’une installation entre dans le champ de l’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité, ce qui est ainsi de plus en plus rare, celle-ci est en tout état de cause comprise, en vertu de l’article L. 181-2 du code de l’environnement, dans l’autorisation environnementale délivrée. Elle en est donc une composante, et la partie du dossier de demande qui est consacrée à cette autorisation est donc soumis, comme le reste du dossier du demande d’autorisation environnementale, à enquête publique. Ne sont donc concernés par la « clause de sauvegarde » et objet notre recommandation supra, que les projets soumis à autorisation d’exploiter non soumis à autorisation environnementale ; hypothèse assez rare en pratique. 3. Une portée générale intéressante Il est intéressant de constater que le Conseil constitutionnel précise clairement les conséquences de sa décision : d’abord, l’article L. 311-5 du code de l’énergie n’est jugé inconstitutionnel qu’entre le 1er juin 2011 et le 1er septembre 2013, date d’adoption de la « clause de sauvegarde » de l’article L. 120-1-1 du code de l’environnement ; ensuite, le Conseil constitutionnel estime que dès lors que la remise en cause des autorisations délivrées sur le fondement de l’article L 311-5 lorsque celui-ci était inconstitutionnel aurait des conséquences manifestement excessives, ces autorisations ne peuvent en conséquences « être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité ». C’est un revers important pour les requérants, qui ne pourront bénéficier de l’inconstitutionnalité qu’ils ont identifiée dans le cadre du recours à l’encontre de l’autorisation d’exploiter. On peut néanmoins relativiser la conséquence de la perte de ce bénéfice : d’un point de vue pratique, il est évident que l’autorisation d’exploiter n’est pas réellement le lieu de la discussion des mérites écologiques du projet. Ce débat a en réalité lieu dans le cadre des recours à l’encontre de l’autorisation d’exploiter ICPE du projet. Cette volonté du Conseil constitutionnel de s’intéresser…