Modulation dans le temps des annulations et « intérêt public de la promotion des ENR »

La guérilla contentieuse n’a pas toujours les effets escomptés.  Le contentieux des énergies renouvelables voit ainsi de plus en plus souvent le juge moduler dans le temps ses annulations contentieuses touchant leurs actes réglementaires. L’on sait que le Conseil d’Etat s’est vu proposer la semaine dernière la modulation dans le temps de l’annulation de certaines dispositions de l’arrêté tarifaire liée à l’obligation d’achat de l’électricité photovoltaïque, pour sauver les contrats en cours d’une baisse de rémunération du fait d’un risque d’annulation sèche pour rupture d’égalité. On attend avec impatience l’arrêt en la matière mais l’on sait déjà que la modulation qu’il comportera n’interviendra vraisemblablement pas au nom de la contribution des ENR à l’intérêt général… Le Rapporteur public considère que la validation législative est justifiée par un impérieux motif d’intérêt général. L’on sait que dans la même veine le Conseil d’Etat (CE, Juge des référés, 28 janv. 2011, 344973, Inédit au recueil Lebon) a refusé d’accueillir le référé contre le décret de suspension de l’obligation d’achat au nom d’un bilan des urgences plombé par le coût prétendument insupportable pour la CSPE d’une bulle spéculative créée par le gouvernement lui-même.  Au fond le même décret sera validé avec une lecture qui purge l’article 6 de la Charte de l’environnement de toute portée écologique (CE, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 16 nov. 2011, n° 344972). Les membres du Palais ne sont manifestement sensibles qu’à l’intérêt économique immédiat de l’Etat et du consommateur et demeurent délibérément ignorants des coûts écologiques induits des différents modes de production de l’électricité  … La faute est assurément politique, tant il est vrai que l’on ne cesse pas d’en faire sous prétexte que l’on rend la justice administrative, bien au contraire. Nous avons eu l’occasion de le souligner au colloque qui s’est déroulé vendredi dernier à la Faculté de droit de Bordeaux et fort opportunément organisé par le CERDARE (dont nous joignons ici le power point de notre intervention dans l’attente d’un commentaire de l’arrêt attendu dans un prochain numéro de Droit de l’environnement: GREEN LAW AVOCAT- Bordeaux, 23 mars 2012 CERDARE). Une autre voie a pourtant été initiée en particulier par certaines juridictions du fond, peut-être il est vrai plus sensibilisées à la protection de l’environnement que ne le sont les 9ème et 10ème sous-sections du Conseil d’Etat. En particulier nous relevons ce jugement remarquable du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qui a jugé : « Considérant que la société SAS SFE parc éolien de l’Orme-en-Champagne fait valoir, sans être contredite, que l’annulation de l’arrêté attaqué aurait pour conséquence de lui faire perdre son droit à l’obligation d’achat de l’électricité produite par les parcs éoliens qu’elle envisage d’implanter dans le périmètre de la zone de développement de l’éolien litigieuse ; que la péremption des permis de construire et la caducité du certificat d’obligation d’achat qui lui ont été délivrés lui causerait un préjudice qu’elle estime à 3 millions d’euros ; qu’ainsi, compte tenu de l’intérêt public de la promotion des énergies renouvelables poursuivi par les zones de développement de l’éolien, de l’intérêt privé, notamment économique, de ladite société et de la circonstance que l’unique moyen d’annulation est un vice de procédure, la rétroactivité de l’annulation de l’arrêté attaqué aurait des conséquences manifestement excessives ; que, dans ces conditions, il y a lieu de limiter dans le temps les effets de l’annulation en ne donnant effet à cette dernière qu’au 1er juillet 2012 » (TA Chalon en Champagne, 26 mai 2011, n° 0900403). Mais attention tout semble être question d’espèce. Ainsi un arrêté de ZDE se voit certes annulé et pourtant la modulation se trouve refusée en ces termes : « Considérant que la Compagnie du Vent demande que soient limités dans le temps les effets de l’annulation prononcée par le présent arrêt, aux motifs que, selon elle, l’annulation aura des conséquences considérables pour l’intérêt public de la promotion des énergies renouvelables et que la rentabilité de l’exploitation du parc d’éoliennes repose sur l’obligation d’achat à laquelle est soumise Electricité de France ; que, toutefois, il n’apparaît pas, alors que les permis de construire des éoliennes ont été délivrés près d’un an avant l’arrêté en litige que, dans les circonstances de l’espèce, les effets du présent arrêt entraîneraient des conséquences manifestement excessives justifiant qu’il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l’effet rétroactif des annulations contentieuses ; que par suite, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de la Compagnie du Vent » (CAA Marseille, 7ème chambre – formation à 3, 20 déc. 2011, n° 09MA00361, Inédit au recueil Lebon). La motivation n’est guère explicite les raisons qui fondent le refus de moduler, même s’il est vrai que dans cet arrêt la Cour relève que c’est l’administration elle-même qui a été induite en erreur par certaines omissions du dossier de ZDE. David DEHARBE Avocat associé

DPE : attention à la responsabilité du diagnostiqueur de performance énergétique !

Un arrêt récent rendu par la chambre commerciale de la Cour d’appel d’Angers le 13 décembre 2011 illustre le courant jurisprudentiel actuel tendant au renforcement de la responsabilité des professionnels notamment au niveau des diagnostics immobiliers (Cour_d’appel,_Angers,_Chambre_commerciale,_13 décembre 2011, n°10/02273, n° Juris-Data 2011-031787).   Un diagnostic manifestement erroné Dans cette espèce, les demandeurs avaient acquis de particuliers un ancien local professionnel réaménagé en immeuble à usage d’habitation. Le diagnostic de performance énergétique (DPE) relatif à ce bâtiment faisait état de frais énergétiques modérés pour le chauffage, à savoir une estimation annuelle à hauteur de 960 € TTC. Or, les acheteurs se sont rapidement trouvés confrontés à la difficulté de chauffer leur habitation à plus de 18 degrés ainsi qu’à un coût particulièrement élevé de chauffage. Etonnés de cette situation au vu du diagnostic qui leur avait été remis, ils ont alors fait appel à une autre société aux fins de faire réaliser un second DPE. Celui-ci a estimé le coût annuel du chauffage à hauteur de 5.689 €uros et relevé une isolation insuffisante voire inexistante de plusieurs parties de l’immeuble. Sur ce fondement, les acquéreurs ont donc assigné en référé les vendeurs, le diagnostiqueur technique et le notaire aux fins d’obtenir une expertise judiciaire. Celle-ci a été diligentée et l’expert judiciaire a mis en évidence l’absence totale d’isolation thermique de la maison à usage d’habitation et a évalué le montant des travaux de reprise à la somme conséquente de 195.515, 24 €uros. Les acheteurs ont dès lors introduit une action en responsabilité à l’encontre des différentes parties à l’expertise.   Une défense du diagnostiqueur axée sur les limites de sa mission Outre le débat relatif à la qualité de constructeur du particulier vendant, après réalisation de travaux d’envergure, un immeuble et celui relatif à la responsabilité du notaire en raison de l’absence de mention dans l’acte de vente de la souscription ou non d’une assurance dommages ouvrage et ce alors qu’il avait lui-même connaissance de l’ampleur des travaux effectués, s’est posée la question de la responsabilité du diagnostiqueur dans le cadre de l’élaboration de son diagnostic. En effet, et rappelons le, un tiers à un contrat peut parfaitement invoquer un manquement contractuel de l’une des parties cocontractante dès lors que celui-ci est à l’origine ou a participé à la réalisation de son préjudice. C’est bien évidemment ce qu’ont argué les acheteurs qui précisaient qu’ils n’auraient pas acquis la maison si le montant réel de la dépense énergétique leur avait été fourni. La société chargée du diagnostic soutenait, quant à elle, qu’elle n’avait commis aucune faute dans le cadre de l’élaboration du DPE dès lors qu’elle ne devait pas effectuer de démontage ou d’investigations destructrices et qu’elle ne procédait qu’à un simple examen de visu. Elle précisait que seule l’attitude des vendeurs, qui leur aurait caché volontairement la situation énergétique du bien, serait à l’origine de la difficulté. Il convient en effet de préciser que la production par ces derniers, durant les opérations d’expertise, des factures relatives aux frais énergétiques, révélait une consommation énergétique largement supérieure à celle mentionnée dans le diagnostic établi. Le diagnostiqueur estimait donc qu’il ne pouvait lui être reproché aucun manquement contractuel étant simplement tenu d’indiquer les composants et caractéristiques essentielles du bâtiment d’après son aspect visuel.   Une défense pertinente mais non adaptée aux faits de l’espèce. De tels moyens s’avèrent assurément pertinents s’agissant d’un litige portant sur la responsabilité d’un diagnostiqueur immobilier. En effet, que ce soit dans le cadre du diagnostic amiante, du constat de risque d’exposition au plomb, de l’état relatif à la présence de termites…, il s’agit le plus souvent d’un argumentaire développé par le professionnel incriminé, et suivi par les juridictions. Il convient alors de se reporter aux règles de l’art afférentes à chaque diagnostic (fixées par décret, guide de recommandations, pratiques…) et de constater que la mission du professionnel est encadrée dans certaines limites. Ainsi, un diagnostiqueur amiante ne peut être tenu pour responsable de toute présence d’amiante non détectée dès lors qu’il n’est également pas tenu de réaliser des sondages destructifs. Cependant, et en l’espèce, les juges de première instance, suivis en cela par la Cour d’appel, n’ont pas été sensibles à cet argumentaire. Et pour cause…il semble que le diagnostiqueur n’ait pas respecté les termes de sa mission, et ce indépendamment de la réalisation ou non d’investigations destructrices. La juridiction a ainsi pris le soin de relever que le second diagnostiqueur intervenu n’avait, lui-même, pas réalisé de sondage destructif et qu’il avait néanmoins abouti à une estimation de calcul des frais énergétiques radicalement différente et supérieure par rapport à celle mentionnée par la société assignée dans son DPE. De même, l’examen des factures énergétiques des vendeurs démontrait l’évaluation dérisoire et en contradiction avec la réalité effectuée par le diagnostiqueur mis en cause. Par ailleurs, il résultait du rapport d’expertise que la simple visite des combles par l’expert judiciaire avait suffi  pour qu’il soit mis en exergue une absence totale d’isolation thermique de l’immeuble à usage d’habitation. Ainsi, il ressort de ces éléments qu’un simple constat visuel ainsi qu’une demande de communication des informations nécessaires auprès des vendeurs auraient permis d’établir une estimation de la consommation énergétique plus réaliste. De surcroît, les juges d’appel ajoutent que, quand bien même seules des investigations  destructrices auraient permis de réaliser un diagnostic fiable, il appartenait alors au diagnostiqueur d’attirer l’attention, dans son rapport, sur les limites de sa mission et leur impact sur les conclusions présentées. On trouve ici la fameuse référence à l’obligation de conseil du professionnel, qui permet d’étendre sa responsabilité, au-delà même des limites de sa mission. Enfin, et s’agissant du préjudice et de son lien de causalité, la Cour d’appel d’Angers réforme la décision des juges de première instance et estime que l’obligation de réparation du diagnostiqueur à l’égard de l’acquéreur ne peut être limité à une simple perte de chance. Il doit donc être tenu solidairement avec les vendeurs et le notaire de la réparation de l’entier préjudice, le partage de responsabilité devant par la suite…

Adoption définitive de la loi relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives

Dernière en date du vaste chantier de simplification du droit engagé en 2007 (avec les lois n°2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit, n°2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures et n°2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit), la loi relative à la simplification et à l’allègement des démarches administratives  – dont le Conseil constitutionnel a été saisi le 5 mars 2012 – a été définitivement adoptée par l’Assemblée nationale le 29 février 2012.     Le droit de l’environnement est affecté par certaines dispositions contenues dans ce texte de loi, particulièrement sur les procédures à suivre. Parmi ces mesures, l’article 66 exclut de la législation minière les installations de géothermie utilisant les échanges d’énergie thermique par le sous-sol lorsqu’elles ne présentent pas d’incidences significative sur l’environnement (art. L. 112-1 du code minier). Pour les activités qui continuent à relever du code minier, la loi étend la définition des activités géothermiques de minime importance (art. L. 112-3 du code minier).   L’article 67 comporte plusieurs dispositions modifiant le code de l’environnement, dont les principales sont les suivantes:   – Conformément aux exigences de l’article 7 de la charte de l’environnement, la consultation du public à l’élaboration des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE)  est désormais codifiée dans la partie législative du code de l’environnement (art. L. 212-2 du code de l’environnement) et précisée (avec une mise à disposition du projet de schéma par le comité de bassin un an au moins avant son entrée en vigueur pendant une durée de six mois au minimum).   – De même, l’article L. 212-2-1 du code de l’environnement mentionne expressément la participation du public à l’élaboration du programme pluriannuel de mesures contribuant à la réalisation du SDAGE (alors que, jusqu’à présent, l’art. R. 212-19 du CE ne prévoit que la mise à disposition du public du programme). Et les dérogations aux objectifs de qualité et de quantité des eaux présentés dans les SDAGE, justifiées par les caractéristiques physiques des eaux ou l’exercice de nouvelles activités humaines, devront elles-aussi être mises à disposition du public pendant une durée minimale de 6 mois (art. L. 212-1 du CE).   – La loi met  en  cohérence la durée des autorisations d’exploitation de carrière avec celle des autorisations de  défrichement en portant ces dernières à 30 ans (art. L. 515-1 du CE) afin de gommer la discordance entre les dispositions du code de l’environnement – qui limitent la durée d’autorisation ou d’enregistrement des exploitations de carrière sur des terrains défrichés à 15 ans – et celles du code forestier – qui admettent que l’autorisation de défrichement soit portée à 30 ans lorsque le défrichement permet l’exploitation de carrières autorisées -.   – Pour permettre aux entreprises d’amortir leurs investissements, la loi étend le délai au cours duquel les publicités, enseignes et préenseignes doivent être mises en conformité avec la loi dite « grenelle II » n°2010-788 du 12 juillet 2010 de 2 à 6 ans, sachant qu’un délai de mise en conformité inférieur 6 ans mais supérieur à 2 ans pourra éventuellement être prévu par décret  (art. L. 581-43 du CE).   – Une simplification des procédures applicables aux installations hydrauliques en régime d’autorisation est également mise en œuvre (art. 68).  Il s’agit de favoriser  l’essor de la petite hydro-électricité dont le développement est « aujourd’hui entravé par des procédures lourdes, redondantes et difficilement compréhensibles pour les entreprises ou les propriétaires » (Rapport Etienne Blanc n° 3787 sur la proposition de loi Warsmann, Ass. Nat., 5/10/2011, p. 270). La loi  rectifie donc les procédures de la loi du 16 octobre 1919 relative à l’utilisation de l’énergie hydraulique (partiellement codifiée dans le code de l’énergie avec l’ordonnance n° 2011-504 du 9 mai 2011) et de la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 par un alignement de la procédure d’autorisation sur les dispositions codifiées dans le code de l’environnement de la loi du 3 janvier 1992 (par exemples,  pour la procédure d’octroi de l’autorisation au titre du code de l’énergie qui sera régie par les  articles  L. 214-1 et s. du code de l’environnement dans un délai de 6 mois suivant la promulgation de la loi –art. 531-1 du code de l’énergie  – , pour la procédure de renouvellement des autorisations – art. L. 531-3 du code de l’énergie – ou pour le régime de sanctions applicables en cas de non-respect du régime d’autorisation – art. L. 512-2 du code de l’énergie –). En cas d’augmentation de la puissance d’une installation autorisée existante, le régime juridique de l’installation restera le même y compris lorsqu’elle a pour effet de porter la puissance de l’installation au-delà de 4.500 kilowatts, dans la limite de 20 % au-delà de ce seuil (art. L. 511-6 du code de l’énergie) : dans le respect de ces seuils, l’augmentation de puissance (mise en œuvre une seule fois) – autorisée par l’autorité administrative – n’induira pas un basculement dans le régime de la concession. Et, pour les installations concédées, la puissance pourra être augmentée une fois (dans la limite des 20 %) sans que cette augmentation nécessite le renouvellement ou la modification de l’acte de concession (même article).  Par ailleurs, la loi facilite la prise en charge des travaux d’entretien et de restauration des milieux aquatiques par les collectivités territoriales et leurs groupements avec, d’une part, la suppression de l’enquête publique (art. L. 151-37 du code rural et de la pêche maritime) et,  d’autre part, l’extension de la procédure d’expropriation des droits d’eau des propriétaires aux opérations de restauration des milieux aquatiques (art. L. 151-38 du code rural et de la pêche maritime).   – La simplification des procédures d’autorisation intéresse aussi les activités réalisées en sites « natura 2000 » (art. 69) : les projets de faible envergure (tels que les sports de nature ou les activités liées à l’agriculture)  ne portant pas atteinte aux sites « natura 2000 » seront dispensés d’évaluation d’incidences…

Circulation dans les ZAPA: des précisions réglementaires sur les restrictions

 Deux décrets s’inscrivant dans la lutte contre la pollution atmosphérique dans les agglomérations de plus de 100.000 habitants ont été publiés au JORF  du 22 février 2012 : –          Le décret n° 2012-237 du 20 février 2012 relatif à la classification des véhicules et aux sanctions applicables en cas d’infraction à une mesure d’interdiction ou de restriction de la circulation dans les zones prioritaires pour l’air ; –          Le décret n° 2012-238 du 20 février 2012 relatif aux véhicules autorisés à circuler au sein des zones d’actions prioritaires pour l’air.   Les décrets « ZAPA », entrés en vigueur le 23 février 2012,  précisent la liste des véhicules pour lesquels l’accès aux ZAPA ne saurait être interdit ainsi que les sanctions applicables en cas de non respect des mesures d’interdiction ou de restriction (cf. notre brève  du 12/12/2011, « Zone d’action prioritaire pour l’air : les projets de décret pour l’expérimentation sont soumis à consultation »). Alors que l’on recense 42.000 décès chaque année liés à la pollution par les particules dans l’air, les ZAPA doivent contribuer à réduire la pollution atmosphérique liée à la circulation routière et donc limiter son impact sur la santé humaine.  Elles participent de la mise en œuvre du plan national de réduction des particules dans l’air (cf. notre brève du 07/02/2011, « ZAPA : l’expérimentation des zones d’actions prioritaires pour l’air lancée »). Créées à titre expérimental par l’article 182 de la loi Grenelle II (codifié à l’article 228-3 du code de l’environnement), les ZAPA peuvent être instituées dans les communes ou les groupements de communes de plus de 100.000 habitant où une mauvaise qualité de l’air est avérée. Néanmoins, leur reconnaissance intervient au terme d’une longue procédure : le dossier doit être adressé au préfet de département qui le transmet (avec ses observations) aux ministres en charge des collectivités territoriales et du développement durable. L’autorisation d’expérimenter est ensuite délivrée par décret pour une durée de 3 ans (éventuellement prorogée de 18 mois) à condition toutefois que le projet – soumis à évaluation environnementale et dont l’élaboration est concertée (avec les communes limitrophes de la zone, les gestionnaires de voirie, les autorités organisatrices de transport compétentes dans la zone et les chambres consulaires concernées) – soit compatible avec le plan de protection de l’atmosphère  élaboré par le préfet  lorsqu’il existe. Ce projet doit préciser les véhicules dont l’accès à la zone d’actions prioritaires pour l’air est interdit  ainsi que les modalités d’identification des véhicules autorisés à accéder à la zone. Cependant, cet accès ne saurait être interdit à certains véhicules  dont la liste  a été dressée par le  décret n° 2012-238, à savoir : – les véhicules d’intérêt général, – ceux relevant du ministère de la défense – et ceux portant une carte de stationnement pour personnes handicapées (art. D 228-1 du CE). – En outre, les collectivités territoriales concernées et leurs groupements peuvent présenter des demandes de dérogation (accompagnées d’une étude environnementale) à l’interdiction de circuler édictée  à l’encontre des véhicules les plus polluants. Le classement des véhicules à moteur en fonction de leur contribution à la limitation de la pollution atmosphérique est établi par arrêté interministériel en fonction de leur niveau d’émission de polluants atmosphériques (décret n°2012-237). En cas d’infraction aux mesures d’interdiction ou de restriction de circulation  dans les zones d’actions prioritaires pour l’air, le conducteur d’un poids lourd de plus de 3.5 tonnes, d’un bus ou d’un autocar encourt une contravention de 4e classe ( 135 euros) tandis que le conducteur de véhicules plus légers (véhicules de transport de 8 personnes  maximum ; véhicules de transport de marchandises de moins de 3.5 tonnes ; 2 roues, tricycles et quadricycles) encourt une amende de 68 euros (contravention de 3e classe) (décret n° 2012-237 ; art.  R.411-19-1 du code de la route). Le produit des amendes pourra ensuite être utilisé pour financer des études et la mise en œuvre d’expérimentations de ZAPA (art. R.2334-12 du CGCT).   Malheureusement, ces deux décrets ne suffisent pas à assurer l’application de la loi Grenelle II sur ce point alors que les communes et les groupements de communes souhaitant participer à l’expérimentation disposent d’un délai  s’achevant dès le 13 juillet 2012 pour adresser leur projet au préfet de département !   Par ailleurs, bien que la Commission européenne ait saisi la Cour de justice de l’Union européenne pour non respect par la France des seuils européens  en matière de pollution de l’air par les particules fines, le Gouvernement n’envisage la publication du décret  autorisant les projets de ZAPA qu’au cours du premier trimestre ( cf. rapport d’information de l’Assemblée nationale  n° 4340 du 9 février 2012  sur la mise en application de la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement ; notre brève du 20 février 2012, « Bilan du Grenelle II au 31 janvier 2012 : publication du rapport parlementaire sur la mise en application de la loi du 12 juillet 2010 »).     Patricia Demaye-Simoni Maître de conférences en droit public

Bilan du Grenelle II au 31 janvier 2012 : publication du rapport parlementaire sur la mise en application de la loi du 12 juillet 2010

  Dix-huit mois après l’adoption de la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 Grenelle II, les députés Bertrand Pancher et Philippe Tourtelier ont présenté leur rapport définitif sur la mise en œuvre de la loi devant les commissions du développement  durable  et du développement économique le 8 février 2012 (rapport Grenelle II au 31.01.2012).  Ce rapport n°4340 en date du 9 février 2012 sur la mise en application de la loi n°2010-788 portant engagement national pour l’environnement  a été mis en ligne la semaine dernière sur le site de l’Assemblée nationale. Comparativement au bilan d’étape établi en juin 2011 (Cf. notre brève du 13/07/2011, « Grenelle II de l’environnement : bilan des décrets d’application, un an après. »), les chiffres attestent d’une nette progression dans la publication des décrets nécessaires à l’application de la loi « ENE ». Alors qu’au 20 juin 2011, seuls 38 décrets avaient été publiés,  le rapport informe de la publication de 128 décrets (soit 69.2 % des décrets attendus) au 31 janvier 2012, sachant que  57 autres décrets sont en cours de rédaction (p.18).  Ce retard dans l’adoption des décrets « Grenelle » est, en partie, imputable à la « gouvernance grenellienne » empruntée par les pouvoirs publics tendant à ouvrir la discussion publique sur leur contenu avant d’en décider de la mouture définitive (p.18). L’état d’avancement de la mise en œuvre de la loi Grenelle reste toutefois variable selon les domaines  (Cf. notre brève du 20 novembre 2011, « Etat d’avancement de la mise en œuvre du grenelle de l’environnement : troisième rapport annuel ») : si 86 % des décrets ont été adoptés dans le domaine du « climat et de l’énergie », les députés n’ont comptabilisé que 59.5 % de décrets publiés dans le domaine de la « biodiversité ». L’accélération observée dans la  publication des décrets « Grenelle » n’est bien évidemment pas exempte de critiques. De cette façon, dans le domaine des « Transports », si 12 décrets sur les 17 attendus ont été publiés au JORF (p. 49), celui relatif à l’expérimentation sur les péages urbains dans les agglomérations de plus de 300.000 habitants (art. 65 de la loi « ENE ») était encore en attente quand bien même des collectivités ont manifesté leur intéressement à la mise en œuvre des nouvelles dispositions contenues dans la loi Grenelle II (« ENE »). Autre illustration, dans le domaine de la « Biodiversité », la publication attendue  du décret sur la limitation des intrants de synthèse dans les aires d’alimentation des captages d’eau potable n’est pas intervenue au 31/01/2012  (pp.73-75). Quant au  décret relatif au schéma de raccordement des énergies (art. 71 de la loi « ENE »), il  n’est pas paru au JORF alors que le schéma en question doit définir les ouvrages à créer ou à renforcer pour atteindre les objectifs fixés dans SRCAE.   Malheureusement, le retard accusé dans le rythme d’adoption des décrets a souvent des conséquences négatives. Ainsi, la lenteur dans la publication des décrets « éolien » (en date des 16/06/2011 et 23/08/2011) ou le manque d’information délivrée par voie de circulaire a induit une stagnation  des nouveaux projets  par manque de sécurité juridique (notamment, pour la mise en place des zones de développement de l’éolien). De même, à l’image des SRCAE (schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie), l’élaboration des SRE (schémas régionaux éoliens)  se fait attendre, situation d’autant plus inquiétante que le préfet de région pourra adopter seul ces documents s’ils n’ont pas été  achevés par les autorités décentralisées et déconcentrées régionales  au 30 juin 2012 !  En fait, l’on constate que lorsque les décrets sont publiés – parfois tardivement -, leur application est très largement différée. Ainsi, le rapport fait état de la finalisation des SRCAE par 15 régions seulement au 30/06/2012 (soit presqu’un an après la date butoir fixée par la loi « ENE »), ce qui signifie que 11 d’entre elles l’adopteront ultérieurement (p.58) !  Enfin, certains décrets voient leur adoption volontairement différée : ce qui est le cas notamment du décret autorisant la création des ZAPA (zones d’action prioritaires pour l’air) (art. 182 de la loi « ENE ») dont la publication est jugée prématurée par le Gouvernement et ne devrait intervenir qu’au premier trimestre 2013 (p. 99 du rapport) ! Par ailleurs,  l’avancée remarquée dans la publication des décrets assurant la mise en œuvre de la loi Grenelle II doit  être nuancée dès lors que nombre d’arrêtés (voire même de circulaires)  précisant eux-mêmes ces décrets n’ont pas encore été publiés. Estimés à plus d’un millier (cf. « La loi Grenelle II nettement plus difficile à mettre en œuvre que prévu », Les échos, 08/02/2012), le plus souvent, ces arrêtés n’ont pas été adoptés….   Patricia Demaye-Simoni Maître de conférences en droit public