Processus d’évaluation environnementale : systématisation de la phase de dialogue entre le porteur du projet et l’autorité environnementale en amont de l’enquête publique (loi n° 2018-148 du 2 mars 2018 ratifiant les ordonnances relatives à l’évaluation environnementale, à l’information et à la participation du public)

Par Me Sébastien BECUE- Green Law Avocats   Le grand public a récemment pu mesurer l’importance cruciale du processus d’évaluation environnementale, propulsé au cœur du ballet médiatique par deux décisions successives des tribunaux administratifs de Paris et de Cergy-Pontoise qui annulent respectivement : la délibération autorisant la piétonnisation des berges de la rive droite de la Seine parisienne, et l’arrêté préfectoral créant la zone d’aménagement concerté du Triangle de Gonesse, au sein de laquelle doivent être réalisés une gare du Grand Paris Express, un centre d’affaires, et le monumental projet de centre commercial « Europacity » du groupe Auchan. Dans les deux cas, les tribunaux rappellent que les insuffisances de l’évaluation environnementale qui fondent l’annulation des deux décisions avaient été pointées de manière précise par l’autorité environnementale. Ces décisions doivent agir comme une piqure de rappel de l’impérativité pour les porteurs de projets de ne pas laisser leur demande d’autorisation partir en enquête publique sans avoir répondu méthodiquement aux critiques de l’autorité environnementale, ou de les avoir satisfaites par la production des compléments sollicités. En effet, après le passage en enquête publique, le dossier est figé dans ses éléments principaux : le principe d’information du public tel qu’interprété par la jurisprudence empêche toute évolution significative ultérieure, sauf à organiser une enquête publique complémentaire. Une telle enquête peut être une solution mais elle implique un retard dans le développement du projet qui peut parfois s’avérer problématique. Une fois l’autorisation délivrée, les opposants au projet piochent au sein les critiques de l’autorité environnementale consignées dans l’avis pour nourrir leur recours. Or, plus la réponse du porteur du projet à l’avis est développée et justifiée techniquement, moins la portée de l’avis de l’AE, au contentieux, se révèle absolue. Pour ces raisons, bon nombre de porteurs de projets habitués des procédures d’autorisation répondent déjà de manière argumentée aux avis des autorités environnementales au moyen d’un mémoire en réponse. Mais cette pratique reste encore trop peu répandue chez certains pétitionnaires, du fait soit qu’ils méconnaissent même cette possibilité, soit qu’ils la jugent trop coûteuse : la production d’un document complémentaire sérieux implique généralement d’avoir à nouveau recours à un bureau d’études. Toutefois, la pratique est désormais systématisée : la loi n° 2018-148 du 2 mars 2018 ratifiant les ordonnances relatives à l’évaluation environnementale, à l’information et à la participation du public, impose désormais : une réponse du maître d’ouvrage à l’avis de l’autorité environnementale, et l’inclusion de cette réponse dans le dossier d’enquête. C’est une véritable opportunité pour les porteurs de projets de sécuriser au mieux leurs dossiers.  

Moulin ayant un droit fondé en titre : reconnaissance de puissance après expertise judiciaire (TA Bordeaux, 1er février 2018- jurisprudence cabinet)

Par Me Fanny Angevin- GREEN LAW AVOCATS Par un jugement en date du 1er février 2018 (jurisprudence cabinet), le Tribunal administratif de Bordeaux a donné raison à un exploitant d’un moulin et a reconnu après une expertise judiciaire une puissance de 628 kW au moulin fondé en titre, équipé d’une micro-centrale hydroélectrique, situé en région Nouvelle Aquitaine. Dans cette affaire, le propriétaire du moulin s’était vu refuser une demande de reconnaissance de la puissance fondée en titre de son moulin à hauteur de 409 kW. Il avait dès lors contesté le refus de l’administration de reconnaître cette puissance. Par un jugement avant dire droit, le Tribunal administratif de Bordeaux a d’abord ordonné que soit menée une expertise en vue de déterminer la consistance du droit fondé en titre du moulin. Cette expertise a évalué la consistance légale attachée au moulin du requérant à 628 kW. Au vu des conclusions du rapport d’expertise, le Tribunal administratif rappelle tout d’abord que la détermination de la puissance fondée en titre s’opère au regard de la hauteur de la chute d’eau et du débit du cours d’eau ou du canal d’amenée et que ce débit doit être apprécié au niveau du vannage d’entée, en aval de ce canal. Puis le Tribunal souligne ensuite que la consistance légale d’un droit fondé en titre s’apprécie selon la puissance maximale dont il peut en théorie disposer et non pas en fonction de la force utile de l’ouvrage : « Considérant qu’un droit fondé en titre conserve la consistance qui était la sienne à l’origine ; qu’à défaut de preuve contraire, cette consistance est présumée conforme à sa consistance actuelle ; que celle-ci correspond, non à la force motrice utile que l’exploitant retire de son installation, compte tenu de l’efficacité plus ou moins grande de ses équipements, mais à la puissance maximale dont il peut en théorie disposer ; que dans le cas où des modifications de l’ouvrage auquel ce droit est attaché ont pour effet d’accroître la force motrice théoriquement disponible, appréciée au regard de la hauteur de la chute d’eau et du débit du cours d’eau ou du canal d’amenée, ces transformations n’ont pas pour conséquence de faire disparaître le droit fondé en titre, mais seulement de soumettre l’installation au droit commun de l’autorisation ou de la concession pour la partie de la force motrice supérieure à la puissance fondée en titre » (voir sur ce point les conclusions éclairantes de M. Xavier de Lesquen dans l’affaire CE, 16 décembre 2016, n°393293). L’administration contestait pourtant les apports du rapport d’expertise et produisait au soutien de ses affirmations une étude critique de l’IRSTEA (Institut national de recherche en science et technologies pour l’environnement et l’agriculture), réalisée postérieurement aux opérations d’expertise. A ce sujet, le Tribunal administratif de Bordeaux a estimé que cette étude ne présentait pas de caractère contradictoire et que les moyens soulevés dans l’étude ne permettaient pas de remettre en cause les estimations réalisées par l’expert dans son rapport.   Le Tribunal administratif de Bordeaux a donc fixé la consistance légale du moulin fondé en titre à hauteur de 628 kW.   Cette décision est particulièrement intéressante pour les propriétaires de moulins fondés en titre. Bien qu’une expertise ait eu lieu et eu pour effet de rallonger la procédure, ce jugement démontre une méthodologie précise de la juridiction quant aux modalités de calcul de la consistance légale et reste un signe positif pour les propriétaires de moulins cherchant à faire reconnaître la puissance de leur ouvrage. Il souligne la nécessité d’inscrire les démarches administratives dans un cadre non seulement juridique strict, mais plus encore d’appuyer les critères juridiques de démonstrations techniques.

Véhicules électriques : c’est mieux avec une prise !

Par David DEHARBE (Green Law Avocats) Le coût écologique des déplacements est un des défis actuels les plus prégnants. Green Law Avocats a réalisé le volet environnemental de l’ouvrage Réglementation de l’automobile a également pu collaborer au numéro spécial de novembre 2017  que « Jurisprudence automobile » (éd. L’argus de l’assurance) a consacré au « véhicule propre » en général et notamment au véhicule électrique. Le cabinet suit avec intérêt l’actualité juridique en la matière. Or le droit doit inciter l’électrification du parc automobile quitte à rappeler des évidences tant les résistances ici sont encore fortes :  afin de voir le nombre de ces véhicules électriques (VE) se décupler, il faut avant tout prévoir leur recharge. C’est en ce sens que le 13 octobre 2017, le député européen roumain Doru-Claudian Frunzulică a posé une question parlementaire à la Commission européenne, s’agissant des bornes de recharge des VE. En effet, le député roumain constate dans un premier temps que le VE a vocation à se déployer largement d’ici une à deux dizaines d’années. Néanmoins en vue de ce développement, il convient de multiplier les bornes de recharge des VE, que ce soit au domicile, sur le lieu de travail ou dans les lieux publics. Sa question est donc la suivante : « Dans le cadre de la révision en cours de la directive sur la performance énergétique des bâtiments, quels sont les projets de la Commission pour une mise en œuvre réussie des dispositions de pré-équipement des VE au niveau européen ? ». Le 4 janvier 2018, le commissaire européen Michel Arias Cañete a donné une réponse au nom de la Commission. Il a constaté dans un premier temps que la majorité des recharges de VE a lieu dans des lieux privés (90%). La révision de la directive sur la performance énergétique des bâtiments prévoit effectivement le déploiement des points de recharge des VE et du pré-câblage, notamment à partir de 10 places de stationnement, que ce soit dans les parkings de bâtiments résidentiels ou non résidentiels. Néanmoins, cette proposition étant en discussion, elle peut toujours évoluer. En France, le code de la construction et de l’habitation fixe des exigences d’installation électrique permettant la recharge de véhicules électriques ou hybrides rechargeables pour les bâtiments d’habitation équipés d’un parc de stationnement couvert ou d’accès sécurisé. Ces exigences sont applicables à la construction des parcs de stationnement depuis le 1er  janvier 2012. Et  la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte introduit de nouvelles obligations législatives concernant l’installation électrique permettant la recharge de véhicule électrique ou hybride rechargeable. Aux termes du nouvel article L111-5-2 du   code de la construction et de habitation, doit ” dote[r] une partie de[s] places des gaines techniques, câblages et dispositifs de sécurité nécessaires à l’alimentation d’une prise de recharge pour véhicule électrique ou hybride rechargeable”, toute personne qui construit : 1° Un ensemble d’habitations équipé de places de stationnement individuelles ; 2° Un bâtiment à usage industriel ou tertiaire équipé de places de stationnement destinées aux salariés ; 3° Un bâtiment accueillant un service public équipé de places de stationnement destinées aux agents ou aux usagers du service public ; 4° Ou un bâtiment constituant un ensemble commercial, au sens du même article L. 752-3, ou accueillant un établissement de spectacles cinématographiques équipé de places de stationnement destinées à la clientèle”. Les articles R. 111-14-2 à R. 111-14, issus du  décret n°2016-968 du 13 juillet 2016, encadrent  ces nouvelles exigences techniques qui s’appliquent aux constructions de bâtiments dont la date de dépôt de la demande de permis de construire est postérieure au 1er janvier 2017. Les constructions de bâtiments dont la date de dépôt de permis de construire est antérieure au 1er janvier 2017 restent soumises aux exigences prévues aux articles R. 111-14-2 à R. 111-14-5 du même code dans leur rédaction antérieure au présent décret. Lorsque les bâtiments neufs à usage principal d’habitation groupant au moins deux logements sont équipés d’un parc de stationnement, ce parc est alimenté par un circuit électrique spécialisé pour permettre la recharge des véhicules électriques ou hybrides rechargeables. L’équipement réalisé est relié à un tableau général basse tension en aval du dispositif de mise hors tension général de l’installation électrique du bâtiment ou de celui du point de livraison spécifique de l’infrastructure de recharge des véhicules électriques ou hybrides rechargeables. Lorsque la capacité de ce parc de stationnement est inférieure ou égale à 40 places, 50 % des places de stationnement destinées aux véhicules automobiles et deux roues motorisés doivent être conçues de manière à pouvoir accueillir ultérieurement un point de recharge pour véhicule électrique ou hybride rechargeable, disposant d’un système de mesure permettant une facturation individuelle des consommations. Dans ce but, des fourreaux, des chemins de câble ou des conduits sont installés à partir du tableau général basse tension de façon à pouvoir desservir au moins 50 % des places destinées aux véhicules automobiles et deux roues motorisés, avec un minimum d’une place. Lorsque la capacité de ce parc de stationnement est supérieure à 40 places, 75 % des places de stationnement destinées aux véhicules automobiles et deux roues motorisés doivent être conçues de manière à pouvoir accueillir ultérieurement un point de recharge pour véhicule électrique ou hybride rechargeable, disposant d’un système de mesure permettant une facturation individuelle des consommations. Dans ce but, des fourreaux, des chemins de câble ou des conduits sont installés à partir du tableau général basse tension de façon à pouvoir desservir au moins 75 % des places destinées aux véhicules automobiles et deux roues motorisés. Le tableau général basse tension est dimensionné de façon à pouvoir alimenter au moins 20 % de la totalité des places de stationnement, avec un minimum d’une place. Les passages de câbles desservant les places de stationnement doivent être dimensionnés avec une section minimale de 100 mm. Les places desservies sont soit des places individuelles, soit un espace commun. Lorsque les bâtiments neufs à usage principal industriel ou tertiaire sont équipés d’un parc de stationnement destiné aux salariés,…

Autoconsommation des centrales photovoltaïques : attention aux arnaques

Par Me Ségolène REYNAL – Green Law Avocats L’autoconsommation d’électricité est amenée à jouer un rôle central dans le développement de l’énergie solaire en France. Comme nous avons eu plusieurs fois l’occasion de l’aborder, le régime juridique de l’autoconsommation en construction depuis 2016, et marqué par la loi du 24 février 2017 n°2017-227 permet à des particuliers ou des entreprises de consommer l’électricité qu’ils produisent, plutôt que de l’injecter dans le réseau pour le vendre à l’acheteur légal ou à un acheteur sur le marché. De nombreuses sociétés ont saisi cette nouvelle opportunité, parfois de façon malhonnête. Le phénomène d’éco-délinquance a vu le jour lors de l’accroissement dans les années 2010 du nombre d’installations de centrales incitées par l’obligation d’achat de l’électricité produite par des installations photovoltaïques à des tarifs réglementés. Les éco délinquants sont des entreprises qui démarchent des particuliers en se faisant passer pour des grandes entités, ou qui utilisent des logos ou certifications pour lesquels ils n’ont pas reçu d’autorisation. La plupart du temps l’arnaque commence, pour les installations injectant sur le réseau au tarif de soutien, par un démarchage téléphonique ou une visite à domicile, promettant une production d’électricité telle que le produit de sa vente couvrirait le prêt contracté pour l’installation photovoltaïque. En réalité la production promise n’était jamais atteinte mais les échéances bancaires elles, étaient bien réelles. L’éco délinquance propre à l’autoconsommation prend une nouvelle forme, l’arnaque numérique, les sites internet diffusant des informations trompeuses liées au photovoltaïque en autoconsommation. Ces sites vantent une diminution de la facture d’électricité, or si l’autoconsommation permet effectivement une diminution de la consommation d’électricité de 20% à 60%, l’abonnement et les taxes non indexées sur la consommation resteront inchangées. Ces sites incitent donc à la vente d’équipements photovoltaïques sur la base d’informations trompeuses. Ce sont des sites complètements factices, sur lesquels les liens redirigent vers un formulaire de demande de devis qui ne fournira jamais un vrai devis mais proposera des prestations inadaptées et mensongères. Ces manipulations trompent le consommateur en ce que cela amène à des contre vérités sur la qualité, la nature et l’origine de la marchandise, et sur l’estimation de la production d’électricité. Ces comportements sont passibles de qualifications pénales, telles que l’escroquerie. Des dirigeants d’une entreprise de panneaux solaires ont ainsi été placé en garde à vue pour avoir convaincu des consommateurs de souscrire des emprunts de plusieurs dizaines de milliers d’euros pour l’installation de panneaux photovoltaïques, en leur promettant un rendement électrique reposant sur le niveau d’ensoleillement d’Afrique du Nord. Afin d’éviter toute tromperie, il convient d’être vigilant en se renseignant sur la société qui se trouve derrière le site internet. Il convient également de vérifier que les sociétés sont certifiées QualiPV et s’assurer de leur souscription à une assurance responsabilité civile professionnelle et de la garantie décennale. Un autre conseil pratique tient à ne rien faire installer avant la fin du délai de rétractation (14 jours à compter de l’acceptation de l’offre préalable). Si vous vous considérez victime de ce type de manœuvre, deux types de recours sont notamment possibles : au pénal vous pouvez déposer une plainte. Le ministère public pourra décider en opportunité de poursuivre le prévenu pour escroquerie. La plainte avec constitution de partie civile pourra forcer, à défaut, l’action publique. Plus efficacement : au civil assigner la société pour annulation ou réformation du contrat (notamment pour dol ou pour inexécution du contrat).

ENR: les 10 propositions du groupe de travail éolien

Par Me Sébastien Bécue (GREEN LAW AVOCATS) Le cabinet est auteur d’un manuel en droit de l’éolien publié par LE MONITEUR Nous l’évoquions en fin d’année dernière, « il est toujours autant nécessaire de simplifier le développement de l’éolien ! » si la France veut tenir ses objectifs de développement des énergies renouvelables. Le groupe de travail « éolien » présidé par Sébastien LECORNU, Secrétaire d’Etat rattaché au ministère de la Transition écologique et solidaire, a rendu ses conclusions le 18 janvier 2018. Il ressort de leur lecture que si la démarche ne répond évidemment pas à l’ensemble des attentes de la profession, elle va au-delà de la simple volonté d’affichage. On peut en espérer une amélioration des conditions de développement des projets de parc même si certaines de ces mesures mériteraient des commentaires plus détaillés. Voici les 10 propositions retenues : 1° Suppression du double degré de juridiction pour les éoliennes terrestres. 2° Cristallisation automatique des moyens invocables au bout de deux mois après introduction du recours 3° Rédaction d’une instruction ministérielle encadrant l’appréciation par le Préfet des conditions d’autorisation du « repowering » 4° Renforcement de la motivation des avis conformes de la DGAC et réexamen de certaines zones d’entraînement aérien propices à l’éolien 5° Suppression de l’autorisation d’approbation d’ouvrage (APO) pour les câbles inter-éoliens et les raccordements 6° Autorisation du balisage fixe des éoliennes 7° Accompagnement des collectivités dans la définition de leur démarche paysagère 8° Garantie que minimum 20 % des retombées fiscales des éoliennes reviennent aux communes d’implantation 9° Rédaction d’un guide des bonnes pratiques entre développeur éolien et collectivité et création d’un réseau national d’accompagnement des collectivités dans leur démarche de développement 10° Systématisation des bonus « financement participatif » dans les appels d’offres