Veille en droit de l’environnement industriel : textes parus du 2 au 10 mai 2019

Par David DEHARBE Désormais Green Law Avocats vous convie à un nouveau rendez-vous : sa veille réglementaire hebdomadaire de droit de l’environnement industriel avec à 17H00 les textes de la semaine publiés au JO Cette veille couvre les textes réglementaires, législatifs et européens dans les domaines de l’autorisation environnementale (rubrique 1) et des polices de l’eau (Rubrique n°2), des ICPE (Rubrique n°3), des déchets et des sites et sols pollués (Rubrique n°4), du droit des risques technologiques et naturels (Rubrique n°5), en droit de l’énergie (Rubrique n°6) et en droit des pollutions et des nuisances (Rubrique n°7).     SÉLECTION DE TEXTES PARUS AU 10 MAI 2019 AUTORISATION ENVIRONNEMENTALE : R.A.S POLICES DE L’EAU : R.A.S POLICES DES ICPE : R.A.S POLICES DES DÉCHETS ET DES SITES ET SOLS POLLUES: R.A.S DROITS DES RISQUES TECHNOLOGIQUES ET NATURELS : R.AS. DROIT DE L’ÉNERGIE  : Décret n° 2019-398 du 30 avril 2019 relatif à l’adaptation du dispositif d’obligation d’achat du biométhane injecté dans les réseaux de gaz naturel pour les installations de production de biométhane livrant à un point d’injection mutualisé après un transport routier (JORF n°0103 du 3 mai 2019, texte n° 1) Arrêté du 30 avril 2019 modifiant l’arrêté du 23 novembre 2011 fixant les conditions d’achat du biométhane injecté dans les réseaux de gaz naturel (JORF n°0103 du 3 mai 2019, texte n° 2) Ces texte intéressent les producteurs de biométhane et les fournisseurs de gaz naturel. Le décret définit les conditions auxquelles les installations de production de biométhane livrant à un point d’injection mutualisé après un transport routier peuvent bénéficier d’un tarif d’achat dont le caractère dégressif est calculé sur la base de la production du site de production. Ce tarif d’achat est associé à un dispositif de comptage situé sur le site de production. Les projets de décret et d’arrêté objets du présent étendent le mécanisme de soutien existant pour le biométhane à l’injection mutualisée du biométhane produit par plusieurs installations après transport par camion. Plusieurs installations de production de biométhane, c’est-à-dire de biogaz épuré à la qualité des réseaux de gaz, compriment ou liquéfient ce biométhane pour le transporter jusqu’à un point d’injection commun. Ce schéma de valorisation complète celui actuellement mis en œuvre où chaque installation est raccordée physiquement à un réseau de gaz naturel. DROIT DES POLLUTIONS ET NUISANCES DÉCISION DÉLÉGUÉE (UE) 2019/708 DE LA COMMISSION du 15 février 2019 complétant la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l’établissement de la liste des secteurs et sous-secteurs considérés comme exposés à un risque de fuite de carbone pour la période 2021-2030 (JOUE, 8/05/2019/ L120/20) Avis destiné aux entreprises ayant l’intention de mettre des hydrofluorocarbones en vrac sur le marché de l’Union européenne en 2020 (2019/C 154/06) (JOUE, 6/05/2019/C154/7)  

Compteur Linky : focus sur le contentieux administratif

Par Lucas DERMENGHEM Green Law Avocats Initialement prévu par la directive 2009/72/CE du 13 juillet 2009, le déploiement des « compteurs intelligents » a été transposé en droit français par L. 341-4 du code de l’énergie. La nouveauté qui réside dans ces compteurs demeure avant tout la transmission des données de consommation directement au gestionnaire du réseau d’électricité soit Enedis en France, afin de permettre une facturation basée sur le relevé et non plus sur une estimation. Il est prévu, d’ici 2021, que 80% des compteurs traditionnels soient remplacés par ces nouveaux dispositifs. Mais le déploiement des compteurs suscite l’opposition de certaines communes comme de nombreux consommateurs et donne lieu à un contentieux nourri devant les juridictions judiciaires et administratives. Revenons sur les enseignements principaux des décisions ayant été rendues par le juge administratif en la matière. Les communes ne disposent pas de la compétence leur permettant de refuser le déploiement des compteurs communicants Plusieurs communes se sont distinguées par l’édiction de délibérations du conseil municipal ou d’arrêtés municipaux faisant obstacle à l’installation de compteurs sur le territoire communal. Mais ces initiatives sont généralement annulées par le juge administratif, et ce pour défaut de compétence. En premier lieu, plusieurs décisions ont retenu l’incompétence du maire ou du conseil municipal pour régir le déploiement des compteurs au regard de la propriété de ces dispositifs. Si en vertu de l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales (CGCT), les communes sont les autorités concédantes de la distribution publique d’électricité et exercent à ce titre le contrôle des réseaux publics de distribution d’électricité, il est fréquent qu’en pratique, cette compétence ait été transférée à l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ou encore à un syndicat départemental d’énergie. Dans un tel cas de figure, le juge administratif considère que la commune est dessaisie de la propriété des compteurs et n’est donc pas compétente pour régir leur déploiement (voir en ce sens : CAA Marseille, 24 octobre 2018, n°18MA04142 ; TA Lille, 31 octobre 2017, n°1607882). La Cour administrative d’appel de Nantes a ainsi jugé récemment que : « La commune de Cast est membre du syndicat départemental d’énergie et d’équipement du Finistère. Il est constant que ce syndicat a la qualité d’autorité organisatrice du service public de distribution d’électricité. Dans ces conditions, et en application des dispositions combinées de l’article L. 322-4 du code de l’énergie et du IV de l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, c’est le syndicat départemental d’énergie et d’équipement du Finistère qui est propriétaire des ouvrages affectés à ces réseaux et notamment des compteurs électriques. Il en résulte que ni le conseil municipal de la commune de Cast ni son maire ne disposaient, sur le fondement de ces textes, de la compétence pour s’opposer ou imposer des conditions au déploiement des compteurs ” Linky” » (CAA Nantes le 5 octobre 2018 n°17NT01495) En second lieu, le juge administratif considère régulièrement que le maire d’une commune ne peut valablement recourir à ses pouvoirs de police générale pour interdire l’installation des compteurs Linky. D’une part, parce que le maire doit pour cela justifier de l’existence d’un trouble à l’ordre public, non reconnu en pratique. Le juge des référés du Tribunal de Lyon a statué en ce sens dans une ordonnance rendue le 7 septembre 2018 : « En l’état de l’instruction, à défaut de circonstances locales précises justifiant l’atteinte à l’ordre public alléguée, le moyen tiré de ce que l’arrêté attaqué ne peut légalement se fonder sur les pouvoirs de police générale prévus par les articles L. 2212-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté attaqué. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’ordonner la suspension de l’exécution de l’arrêté municipal en date du 25 juin 2018 jusqu’à ce qu’il ait été statué sur le déféré enregistré sous le n° 1806115. » (TA Lyon, 7 septembre 2018, n°186116) D’autre part, l’usage des pouvoirs de police se confronte à l’existence d’une police spéciale relative à l’implantation des compteurs, comme l’a jugé récemment le Tribunal administratif de Montreuil : « Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, conformément aux dispositions précitées du code de l’énergie, le service public de l’électricité se rattache à la politique nationale de l’énergie qui constitue un objectif d’intérêt général ayant notamment pour objet de garantir l’approvisionnement en électricité sur l’ensemble du territoire national ; que les compétences ainsi attribuées aux autorités nationales qui reposent d’ailleurs sur un niveau d’expertise et peuvent être assortis de garanties indisponibles au plan local, sont conférées à ces autorités, notamment pour veiller, à la préservation de la santé humaine et à la conformité des dispositifs de comptage à des référentiels de sécurité ; que, dans ces conditions, s’il appartient au maire, responsable de l’ordre public sur le territoire de la commune de prendre, sur le fondement des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, celui-ci ne saurait, sans porter atteinte aux pouvoirs ainsi confiés par la loi aux autorités de l’Etat et au gestionnaire national de réseau de distribution d’électricité, adopter sur le territoire de la commune une réglementation portant sur l’implantation des compteurs Linky et destinée à protéger le public contre les effets des ondes émises par ces compteurs alors, au demeurant, qu’il ne ressort des pièces versées au dossier aucun élément circonstancié de nature à établir l’existence, en l’état des connaissances scientifiques, d’un risque pouvant résulter, pour le public, de son exposition aux champs électromagnétiques émis par ces compteurs et justifiant la suspension de leur installation, indépendamment des procédures d’évaluation des risques et des mesures provisoires et proportionnées susceptibles, le cas échéant, d’être mises en oeuvre par les autorités compétentes » (TA Montreuil – 7 décembre 2017 – n° 1700278) Dernièrement, le juge administratif a suspendu un arrêté relatif aux conditions d’implantations des compteurs Linky en raison de l’incompétence du maire. Cependant, la suspension n’était…

Le risque d’émission de particules fines n’a pas systématiquement à être analysé par l’étude d’impact d’une installation de méthanisation (CE, 13 mars 2019, n°418949)

Un arrêt récent du Conseil d’Etat précise l’absence de nécessité d’analyser par principe le risque d’émission de particules fines dans l’étude d’impact d’une installation de méthanisation (CE, 13 mars 2019, n°418949) Aux termes d’un premier arrêt en date du 11 janvier 2018 (n°16LY00015), la Cour administrative d’appel de Lyon avait décidé d’annuler une autorisation d’exploiter une installation de méthanisation projetée en Isère au motif que l’étude d’impact n’analysait pas le risque d’émission potentielle de particules fines PM 2,5. Les termes de l’arrêt étaient particulièrement généralistes. Cet arrêt avait surpris les porteurs de projet comme les juristes environnementalistes : si l’article R. 122-5 du code de l’environnement, qui détermine le contenu de l’étude d’impact, indique que l’étude doit comporter « une estimation des types et des quantités de résidus et d’émissions attendus, tels que la pollution de (…) l’air », il ne précise pas que les particules PM 2,5, en particulier, aient obligatoirement à faire l’objet d’une analyse spécifique. Pour savoir quels types et quantités de résidus doivent être analysés, il convient de se référer au principe de proportionnalité qui gouverne l’interprétation du contenu de l’étude d’impact, prévue au I du même article R. 122-5, et qui indique en substance que ce contenu varie d’une part selon la sensibilité environnementale de la zone et d’autre part selon l’importance et la nature du projet ainsi que ses incidences prévisibles. Or sans faire référence à ce principe de proportionnalité, la Cour avait estimé de manière générale que « l’étude d’impact jointe à la demande d’autorisation d’une installation entraînant des rejets dans l’air doit notamment présenter une analyse précisant la quantité de particules “PM 2,5” émises par l’installation et la contribution de ces émissions à la pollution de l’air ». Ainsi rédigé, ce considérant portait en germe le danger de faire croire qu’il allait pouvoir s’appliquer à tout type d’installation susceptible de provoquer des émissions atmosphériques. La Cour fondait cette obligation sur les dispositions du code de l’environnement relatives à la surveillance de la qualité de l’air, qui ne prévoient pourtant aucune obligation pour les porteurs de projet : ces dispositions imposent à l’Etat de fixer un objectif national de réduction de l’exposition notamment aux particules fines. Juridiquement, la Cour a donc commis une erreur de droit qui a été sanctionnée par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 13 mars 2019. Le Conseil d’Etat rappelle le principe de proportionnalité du contenu de l’impact et conclut que : « en jugeant que le défaut, dans l’étude d’impact, d’analyse spécifique relative aux particules PM 2,5 susceptibles d’être émises par l’installation projetée avait nui à l’information de la population et, par suite, entaché d’irrégularité la procédure d’adoption de l’arrêté attaqué, sans rechercher si les incidences prévisibles de ces émissions justifiaient une telle analyse, la cour a entaché son arrêt d’erreur de droit ». La nécessité d’étudier ce risque dépend donc du contexte : sensibilité de la zone, nature du projet ainsi que de ses incidences prévisibles. La décision de la Cour sera donc intéressante à étudier, car elle devra se justifier conformément à la décision du Conseil d’Etat, c’est-à-dire en recherchant si les incidences prévisibles des émissions de particules fines de l’installation justifiaient en l’espèce qu’il ait été procédé à une telle analyse sur les particules 2,5PM.

Rejet au fond et pour défaut d’intérêt à agir du recours d’une société voisine du site d’implantation d’une unité de méthanisation (TA Orléans, n°1601026 – jurisprudence cabinet)

Une autorisation ICPE d’une installation de production de biogaz située en zone industrielle a été contestée par une SCI (propriétaire de la parcelle voisine) et une société déclarant mener une activité de réparation de groupes électrogènes sur le voisin. Le tribunal rejette à la fois au fond et pour défaut d’intérêt à agir du recours d’une société voisine du site d’implantation d’une unité de méthanisation (TA Orléans, 20 mars 2018, n°1601026 – jurisprudence cabinet) Il reprend le considérant de la jurisprudence Nord Broyage (CE, 30 janvier 2013, n°347347) pour rappeler les conditions de l’intérêt à agir d’un établissement commercial à l’encontre de l’autorisation d’exploiter dont bénéficie une autre entreprise: “Considérant qu’un établissement commercial ne peut se voir reconnaître la qualité de tiers recevable à contester devant le juge une autorisation d’exploiter une installation classée pour la protection de l’environnement délivrée à une entreprise, fût-elle concurrente, que dans les cas où les inconvénients ou les dangers que le fonctionnement de l’installation classée présente pour les intérêts visés à l’article L. 511-1 sont de nature à affecter par eux-mêmes les conditions d’exploitation de cet établissement commercial ; qu’il appartient à ce titre au juge administratif de vérifier si l’établissement justifie d’un intérêt suffisamment direct lui donnant qualité pour demander l’annulation de l’autorisation en cause, compte tenu des inconvénients et dangers que présente pour lui l’installation classée, appréciés notamment en fonction de ses conditions de fonctionnement, de la situation des personnes qui le fréquentent ainsi que de la configuration des lieux.” Puis le Tribunal expose en détail pourquoi il estime qu’en l’espèce la société requérante n’a pas établi qu’il existe un risque que ses conditions d’exploitation (entreposage et réparation semble t-il de groupes électrogènes) soient affectées par le fonctionnement de l’installation. Sur le fond, le Tribunal rejette succinctement les moyens soulevés, en tout état de cause trop peu étayés pour pouvoir faire l’objet d’une analyse poussée.

Rejet pour défaut d’intérêt à agir du recours introduit par des tiers à moins de 400 mètres d’une unité de méthanisation (TA Rennes, 19 octobre 2018, n°1505545 – jurisprudence cabinet)

Une autorisation ICPE d’une unité de méthanisation industrielle était contestée par un couple de riverains. Après une analyse techniquement étayée, le Tribunal administratif (TA Rennes, 19 octobre 2018, n°1505545 – jurisprudence cabinet) estime que les risques de nuisances invoqués par les requérants pour justifier de leur intérêt à agir (odeurs, augmentation du trafic et bruit) ne sont pas suffisamment justifiés. A l’inverse, le Tribunal rappelle en détail : les développements de l’étude d’impact sur la gestion de ces risques, l’analyse des services consultés, et surtout les prescriptions exigeantes prévues dans l’arrêté d’autorisation (filtration de l’air, dalle couverte etc…). La qualité du dossier de demande d’autorisation et des mémoires en réponse du pétitionnaire ont joué un rôle déterminant dans l’obtention de cette décision. Ainsi, le tribunal retient: “Il résulte de l’instruction que l’installation autorisée aura une capacité de traitement de 99,89 t/j et une production de biogaz de 11 790Nm3/j. L’arrêté précise que l’installation fonctionnera 365 jours par an, 24H/24H. Le stockage des matières végétales solides sera effectué sur une dalle extérieure de 825 m² maximum. Le reste (poussières  végétales, déchets à hygiéniser ou à impact olfactif, sous-produits animaux) sera stocké sous couvert. L’installation est composée de 3 cuves de méthanisation : un digesteur vertical de 5 250 m3 et deux digesteurs horizontaux d’un volume maximum de 5 300 m3 maximum. En ce qui concerne les nuisances olfactives, il résulte de l’avis de l’autorité environnementale comme du rapport de l’inspecteur des installations classées pour la protection de l’environnement et de l’étude d’impact, non sérieusement contredits par les requérants, que la conception même de l’installation, ci-dessus rappelée est en mesure de limiter voire de rendre inexistantes les nuisances olfactives là où résident les requérants. L’étude sur la dispersion des odeurs énonce en introduction qu’il n’existe pas de règlementation propre aux sites de méthanisation et qu’elle s’est donc basée sur celle des sites de compostage. Selon cette étude, il apparaît que le seuil de 5 UOE/m3 (seuil de discernement où l’odeur est nettement perçue par 50 % de la population) n’est pas dépassé plus de 175h par an au niveau du domicile des requérants. Or, l’usine de méthanisation présente des conditions de stockage et d’exploitation, générant moins d’émanations olfactives qu’un site de compostage. […]” Cet exemple montre que la seule qualité de riverain, même immédiat, d’un projet d’unité de méthanisation ne donne pas forcément intérêt à agir. Selon une jurisprudence constante, la configuration des lieux, les nuisances déjà existantes, les mesures prises par l’exploitant et les résultats des études réalisées peuvent conduire à rejeter leur intérêt à agir et donc rejeter leur requête comme étant irrecevable.