Veille en droit de l’environnement industriel : textes en consultation publique au 6 mai 2019

Par David DEHARBE. Désormais Green Law Avocats vous convie à un nouveau rendez-vous : sa veille réglementaire hebdomadaire de droit de l’environnement industriel. Cette veille couvre les textes réglementaires, législatifs et européens dans les domaines de l’autorisation environnementale (rubrique 1) et des polices de l’eau (Rubrique n°2), des ICPE (Rubrique n°3), des déchets et des sites et sols pollués (Rubrique n°4) et droit des risques technologiques et naturels (Rubrique n°5). On prendra grand soin de distinguer les textes en consultation publiques en vertu du code de l’environnement, des textes publiés. La veille du vendredi 14H00 sera consacrée aux textes en consultation publiques, celle du vendredi 17h00 aux textes publiés. Il convient d’insister sur le fait que nous sommes en présence avec cet article de projets de textes et non de textes en vigueur. SÉLECTION DE TEXTES EN CONSULTATION AU 6 MAI 2019 AUTORISATION ENVIRONNEMENTALE Décret relatif à la simplification de la procédure d’autorisation environnementale – Consultation terminée bilan téléchargeable ici – Du 16/04/2019 au 06/05/2019 – 2371 commentaires Ce projet (téléchargeable ici) suscite une grande hostilité avec pas moins de 2371 commentaires. En pratique pourtant il est intéressant et on peut se demander pourquoi cette réforme n’a pas d’emblée inspiré le décret procédure de l’autorisation environnementale. Il s’agit pour l’essentiel de dématérialiser (à termes de façon obligatoire) le dépôt du dossier initial et de son accusé de réception. Surtout, le décret cherche accélérer la mise à l’enquête publique et à alléger les consultations en les spécialisant. Le projet de décret, qui a été soumis au Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (CSPRT) du 26 mars 2019 qui doit faire l’objet d’autres consultations … affaire à suivre. POLICES DE L’EAU Modification de la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) soumis à la loi sur l’eau- Consultation du 03/05/2019 au 26/05/2019 (lien Ministère) Dans le cadre d’une démarche de simplification administrative des procédures, une modification de la nomenclature des installations, ouvrages, travaux ou activités (IOTA) soumis à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-6 du code l’environnement (dite « loi sur l’eau ») est soumise à consultation. Il en résulte plusieurs modifications de rubriques, de seuils par deux projets de décret mais aussi de trois projets de textes ministériels : – décret en Conseil d’État modifiant la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités visés à l’article L. 214-1 du code de l’environnement et certaines dispositions du code de l’environnement et du code général des collectivités territoriales ; – décret simple relatif à la composition du dossier d’autorisation environnementale prévue à l’article L. 181-1 du code de l’environnement en matière d’assainissement ; – arrêté modifiant l’arrêté du 9 août 2006 relatif aux niveaux à prendre en compte lors d’une analyse de rejets dans les eaux de surface ou de sédiments marins, estuariens ou extraits de cours d’eau ou canaux relevant respectivement des rubriques 2.2.3.0, 3.2.1.0 et 4.1.3.0 de la nomenclature annexée à l’article R. 214-1 du code de l’environnement ; – arrêté définissant les travaux de restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques relevant de la rubrique 3.3.5.0. de la nomenclature annexée à l’article R. 214 1 du code de l’environnement ; – arrêté modifiant l’arrêté du 21 juillet 2015 modifié relatif aux systèmes d’assainissement collectif et aux installations d’assainissement non collectif, à l’exception des installations d’assainissement non collectif recevant une charge brute de pollution organique inférieure ou égale à 1,2 kg/j de DBO5 ; – arrêté modifiant l’arrêté du 8 janvier 1998 fixant les prescriptions techniques applicables aux épandages de boues sur les sols agricoles pris en application du décret n° 97-1133 du 8 décembre 1997 relatif à l’épandage des boues issues du traitement des eaux usées. Projet d’arrêté fixant la liste des amphibiens et des reptiles représentés dans le département de la Martinique protégés sur l’ensemble du territoire national et les modalités de leur protection – Attention J-2 !!!!– Consultation du 17/04/2019 au 12/05/2019 (lien Ministère) Dans les départements et collectivités d’Outre-mer, des travaux sont en cours pour actualiser le dispositif législatif de protection des espèces animales et végétales. Pour ce qui concerne les Antilles françaises, les arrêtés ministériels fixant la liste des reptiles et amphibiens protégés datent du 17 février 1989 L’arrêté soumis à consultation vise à protéger 14 espèces (12 reptiles, 2 amphibiens). Par rapport à l’arrêté de 1989, 4 espèces sont nouvellement protégées, 4 espèces absentes ou introduites sont retirées. POLICES DES ICPE Décret modifiant la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement – Consultation du 30/04/2019 au 22/05/2019 (lien Ministère) Ce décret modifie le libellé ou le champ de certaines activités listées dans la nomenclature des installations classée. Il permet plus particulièrement : Une clarification du libellé de rubriques apportant plus de lisibilité et permettant de mieux préciser le classement des rubriques 1413 (installations de remplissage de réservoirs de gaz sous pression), 1414 (installations de remplissage de gaz inflammables liquéfiés), 2931 (ateliers d’essais sur banc de moteurs à explosion), 2980 (aérogénérateurs) avec l’explicitation de la règle « mât + nacelle » du code de l’urbanisme, 3250 (transformation des métaux non ferreux), 3310 (production de ciment), 3540 (installation de stockage de déchets), 3642 (fabrication de produits alimentaires) et 3670 (traitement de surface avec solvants organiques). La suppression du double classement redondant avec les rubriques relevant de la directive européenne IED, pour les rubriques 2102 (élevages de porcs), 2111 (élevages de volailles), 2210 (abattage d’animaux), 2251 (préparation de vins) et 2260 (broyage de produits organiques). L’introduction du régime de la déclaration pour les activités mobiles d’abattage dans certaines conditions pour la rubrique 2210 (abattage d’animaux). Cette mesure est proposée en application de l’article 73 de la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable (EGALIM). Actuellement, les abattoirs sont soumis à déclaration de 500 kg/j à 5t/j et soumis à autorisation au-dessus de 5t/j. Le projet prévoit l’ajout d’un alinéa portant sur un nouveau type d’installations, à savoir les installations mobiles ayant une capacité de…

« ASSURER LE RISQUE ENVIRONNEMENTAL DES ENTREPRISES » : A PARAÎTRE

Maître Sébastien BECUE et David DEHARBE ont le plaisir de vous annoncer la parution le mois prochain aux éditions de l’Argus d’un ouvrage intitulé ASSURER LE RISQUE ENVIRONNEMENTAL DES ENTREPRISES. La nécessité d’assurer les risques environnementaux ne fait plus de doute depuis que la responsabilité environnementale prolonge sur le terrain juridictionnelle l’avènement spectaculaire d’un droit de l’environnement. L’article 1246 du Code civil qui dispose que « Toute personne responsable d’un préjudice écologique est tenue de le réparer » consacre enfin le préjudice écologique, notion apparue pourtant dès la fin des années 80. Cet ouvrage a pour objectif d’expliciter cette « consécration législative » du préjudice écologique par la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages comme une composante de la responsabilité environnementale, dont il convient désormais de saisir les implications en termes de responsabilité de mécanismes assurantiels . Les auteurs, spécialistes du droit de l’environnement, exposent dans cet ouvrage tant les fondements de la responsabilité environnementale que les conditions de son action. Un préalable nécessaire avant de développer à l’appui d’exemples et de cas concrets, les mécanismes assurantiels, la technique contractuelle et son potentiel indemnitaire.

Implants mammaires PIP : carence fautive de l’Etat.

Par David DEHARBE (Green Law Avocats) La responsabilité de l’Etat peut être engagée à raison de la faute commise par les autorités agissant en son nom dans l’exercice de leurs pouvoirs de police sanitaire relative aux dispositifs médicaux, pour autant qu’il en soit résulté un préjudice direct et certain (cf. par ex. CE,  Assemblée,  3  mars  2004,  Ministre de l’emploi et de la solidarité c/Consorts X. et autres, n° 241150 à 2411153 – Confirmant CAA Marseille, 1re chambre, 18 octobre 2001, n°00MA01665, Ministre de l’Emploi et de la Solidarité c/ Thomas : la Cour a retenu la “carence fautive” des pouvoirs publics qui n’avaient pas joué leur rôle préventif en matière de réglementation de l’exposition des travailleurs au risque amiante). Une nouvelle illustration de ce chef de responsabilité qui intéresse les risques sanitaires mais aussi technologiques. Par un jugement du 29 janvier 2019 n°1800068, le tribunal administratif de Montreuil reconnait l’Etat responsable, pour carence fautive, dans l’exercice de sa mission de contrôle de police sanitaire, des activités de la société PIP (Poly Implant Prothèse). Mme L. s’est fait implanter le 29 avril 2005, à des fins esthétiques, des implants mammaires de la marque Poly Implant Prothèse (PIP). Une inspection inopinée, menée par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits des santé (AFSSAPS) le 17 mars 2010, a révélé que la société PIP utilisait frauduleusement un gel de silicone différent de celui pour lequel elle avait obtenu un certificat de conformité pour la fabrication d’implants mammaires, qui constituent des dispositifs médicaux au sens des dispositions de la directive 93/42/CEE du 14 juin 1993, alors en vigueur, et de l’article L. 5211-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable. Le directeur général de l’AFSSAPS a pris le 29 mars 2010 une décision de suspension de la mise sur le marché, de distribution, d’exportation et d’utilisation. Mme L., qui s’est fait enlever ses prothèses PIP le 29 avril 2010, avait saisi le Tribunal administratif de Montreuil car elle estimait  que la décision est intervenue tardivement au regard des informations et des pouvoirs d’investigation dont l’AFSSAPS disposait. Elle soutenait devant le juge administratif que l’agence, à laquelle s’est ultérieurement substituée l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat et demande l’indemnisation de ses préjudices consécutifs à l’explantation de ses prothèses le 29 avril 2010. Certes, à la suite d’un signalement par les autorités américaines en 1996, une mesure générale de suspension de la mise sur le marché de toutes les prothèses mammaires internes dont le produit de remplissage était autre que du sérum physiologique a été prise pour une durée de douze mois via un arrêté du 28 mai 1997 ; suspension reconduite à plusieurs reprises dans l’attente d’études complémentaires. En ce qui concerne la société PIP, qui fabriquait et distribuait des prothèses mammaires depuis 1991 et avait choisi comme organisme habilité pour la délivrance des certificats de conformité l’organisme TUV Rheinland, sa suspension a été levée le 18 avril 2001, après des échanges contradictoires nourris avec l’Afssaps, un rapport d’expertise sur les tests biologiques menés sur les matières premières, enveloppes et gel de silicone utilisés par ce fabricant, qui ont été jugés satisfaisants, et une inspection de contrôle en juin 2001, qui a conclu à la conformité des prothèses, sans que l’instruction ne permette de retenir une faute de l’Afssaps. Or selon le jugement, « Il ne résulte pas de l’instruction que l’Afssaps pouvait, à la date d’implantation des deux prothèses mammaires de Mme L., le 29 avril 2005, soupçonner que le gel de silicone utilisé par la société PIP dans les implants commercialisés était différent de celui ayant fait l’objet des contrôles, compte tenu notamment de la fraude organisée par cette société pour dissimuler aux organes de contrôle la substitution de composants à des fins de rentabilité économique. Par ailleurs, pour accompagner la remise sur le marché des prothèses en silicone l’Afssaps a mis en 2002 à la disposition des déclarants une fiche de signalement spécifiques aux implants mammaires, et, en 2005, a mis en place un système de matériovigilance se traduisant par un traitement spécifique des déclarations d’incidents relatives aux prothèses mammaires et faites plus particulièrement par les professionnels de santé et les fabricants. Il ne résulte pas de l’instruction, et notamment de l’examen des données de vigilance, que le nombre et la cause des incidents relatifs à des implants en silicone PIP signalés à l’Afssaps entre 2001 et 2007 ne seraient pas conformes aux risques inhérents aux implants mammaires et que ces incidents suffisaient à faire apparaître une dangerosité accrue des produits PIP par rapport aux autres fabricants pour cette période. Dans ces conditions, au regard des informations dont elle disposait et alors même que la société PIP avait fait l’objet en 2001 d’une mesure de suspension, l’instruction ne permet pas d’établir, entre 2001 et la fin de l’année 2008, l’existence d’une faute qui serait liée au retard à déceler la dangerosité des implants PIP et la fraude commise et suspendre leur commercialisation ou encore à l’absence d’investigations complémentaires à celles réalisées par l’organisme notifié, la société TUV, qui n’avait pas fait de remontées particulières, pour s’assurer du respect des obligations et conditions imposées au fabriquant. Elle ne permet pas plus d’établir, en tout état de cause, une atteinte à un « principe de précaution ». Les fautes alléguées dans les missions de vigilance et de surveillance doivent dès lors être écartées ». En revanche, selon le Tribunal « il résulte de l’instruction que les données de vigilance pour l’année 2008 ont été reçues en avril 2009 par l’Afssaps, et l’instruction ne permet pas d’établir qu’un tel délai ne serait pas raisonnable. Elles pouvaient dans ces conditions être traitées utilement à compter du mois d’avril 2009, contrairement aux allégations de cette Agence. Ces données ont fait apparaître une augmentation significative des incidents et notamment des cas de rupture des membranes, et les documents produits en défense font état de la réception d’une délation le 26 novembre 2009 sur les…

Dérogation « espèces protégées » et « intérêt public majeur » : suspension d’un projet par le CE

  Par Me Jérémy Taupin – Green Law Avocats (jeremy.taupin@green-law-avocat.fr) En droit, l’article L. 411-1 du code de l’environnement instaure un régime de protection de certaines espèces animales et végétales, qu’il est interdit de détruire, d’altérer ou de dégrader. L’article L. 411-2 du même code prévoit toutefois que des dérogations à cette interdiction peuvent être délivrées par le Préfet, « à condition qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle », notamment pour « des raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique ». Bien évidemment ces dérogations tentent à permettent la réalisation de projets d’infrastructure ou d’aménagement de toute nature mais seulement s’ils remplissent cette condition drastique. Par une décision en date du 28 décembre 2018 (CE, req. n°419918) le Conseil d’Etat est venu préciser l’office du juge des référés dans le cadre du contrôle de cette exigence. En l’espèce, un arrêté préfet de la Dordogne en date du 29 janvier 2018 portant autorisation unique au titre de l’article L. 214-3 du code de l’environnement avait permis l’engagement des travaux de construction d’une déviation routière de 3,2 kilomètres, de deux ponts et d’un pont rail autour du village de Beynac-et-Cazenac. L’objectif affiché de ces travaux était de contourner le centre-ville afin de résorber les bouchons qui paralysent, l’été, cette commune située au bord de la Dordogne. Le projet d’aménagement avait également nécessité l’obtention d’une dérogation à l’interdiction de destruction d’une espèce protégée, dérogation intégrée à l’arrêté du 29 janvier 2018 (voir notre série d’articles sur le blog sur l’autorisation environnementale). Dans sa décision n°419918, la Haute Juridiction annule les ordonnances n° 1800972 et n° 1801192 des 3 et 10 avril 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux par lesquelles ce même juge avait rejeté les demandes de suspension de l’exécution de l’arrêté préfectoral du 29 janvier 2018. En effet, après avoir rappelé les dispositions des articles L. 411-1 et -2 du code de l’environnement précités (voir notre précédent article sur le blog au sujet de la motivation des dérogations à l’interdiction de destruction d’une espèce protégée), le Conseil d’Etat estime que le juge des référés du tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier qui lui étaient soumises en jugeant que le moyen tiré de ce que le projet de route de contournement du bourg de Beynac ne répondait pas à une raison impérative d’intérêt public majeur, n’était pas, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée. Pour parvenir à cette conclusion, le Conseil d’Etat à clairement mis en avant dans sa décision la balance des intérêts en présence. Le juge des référés au Conseil d’Etat relève d’abord que la liste des espèces protégées affectées par le projet était importante, puisqu’elle comportait quatre espèces de mammifères semi-aquatiques et terrestres, dix-neuf espèces de chiroptères, quatre-vingt douze espèces d’oiseaux, neuf espèces de reptiles et amphibiens, quatre espèces d’insectes et une espèce de poisson. La route de contournement dont l’arrêté contesté autorisait la réalisation se situait également dans des zones faisant en outre, d’une part, l’objet d’un classement en zone Natura 2000 et, d’autre part, l’objet de protection en vertu d’un arrêté de protection du biotope. Le Conseil d’Etat souligne encore qu’il ressort des pièces des dossiers soumis au juge des référés que le bénéfice attendu de cette déviation « apparaît limité en l’état de ce dossier » eu égard, en premier lieu, à la circonstance que l’accroissement de la circulation automobile à Beynac pendant la période estivale est essentiellement dû au nombre important de touristes qui se rendent dans cette commune pour la visiter, et en second lieu, aux travaux déjà réalisés par cette commune, qui ont permis de réduire l’encombrement de la route qui la traverse grâce à un élargissement de la voie existante rendu notamment possible par la mise en place d’un contournement pour les piétons. Cette décision intéressera donc notamment : les porteurs de projet, à qui il incombe de démontrer efficacement au sein de leurs dossiers que la dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées répond bien à un intérêt public majeur ; mais également l’administration, qui devra très précisément motiver les décisions rendues dans ce domaine (voir en ce sens X. Braud, La consistance de la motivation d’une dérogation à la protection des espèces, note sous TA Toulouse, 10 juill. 2014 et TA Rennes, 17 oct. 2014, Dr envir. n° 231, févr. 2015. ; Dérogation «Espèces protégées » et raisons impératives d’intérêt public majeur : des précisions et des interrogations, note sous CAA Douai, 15 oct. 2015, n° 14DA02064, RJE n° 1/2016, mars 2016). Précisons que si cette décision du Conseil d’Etat suspend l’exécution de l’arrêté et donc les travaux de réalisation du projet d’aménagement, pourtant déjà bien avancés, l’affaire doit encore être jugée sur le fond par le tribunal administratif de Bordeaux.  

Le « rescrit juridictionnel » une révolution du contentieux de l’urbanisme ?

Par David DEHARBE (Green Law Avocats) david.deharbe@green-law-avocat.fr L’Assemblée nationale a adopté définitivement, le 31 juillet 2018, le projet de loi pour un Etat au service d’une société de confiance. Les députés sont revenus pour l’essentiel à leur texte de nouvelle lecture. Le souci de sécurité juridique a accouché d’un nouveau dispositif prévu à l’article 54 de la loi adoptée qui dès lors qu’il est applicable à urbanisme mérite que l’on prête toute notre attention : le « rescrit juridictionnel ». Cette procédure juridictionnelle préventive permettra à l’auteur d’une décision d’urbanisme non réglementaire (PC, Permis d’aménager, non opposition à DP…) ou à son bénéficiaire d’en obtenir une déclaration de régularité opposable aux tiers. Ce « rescrit juridictionnel » va être expérimenté pendant trois ans dans le ressort de quatre tribunaux administratifs au plus. Plus largement le dispositif est ouvert au bénéficiaire ou à l’auteur de décisions précisées par un décret en Conseil d’État, prises sur le fondement du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, du code de l’urbanisme ou des articles L. 1331-25 à L. 1331-29 du code de la santé publique et dont l’éventuelle illégalité pourrait être invoquée, alors même que ces décisions seraient devenues définitives, à l’appui de conclusions dirigées contre un acte ultérieur. En revanche remarquons que le rescrit juridictionnel n’est pas applicable aux décisions prises par décret. La demande en appréciation de régularité est formée auprès du Tribunal administratif dans un délai de trois mois à compter de la notification ou de la publication de la décision en cause. Elle est rendue publique dans des conditions permettant à toute personne ayant intérêt à agir contre cette décision d’intervenir à la procédure. La demande est présentée, instruite et jugée dans les formes prévues par le code de justice administrative, sous réserve des adaptations réglementaires nécessaires. Elle suspend l’examen des recours dirigés contre la décision en cause et dans lesquels sont soulevés des moyens de légalité externe, à l’exclusion des référés ( prévus au livre V du code de justice administrative). Le tribunal statue dans un délai fixé par voie réglementaire ; il devra être court et de l’ordre de quelques mois si l’on veut que le dispositif soit efficace, sinon il n’aura aucun intérêt. Le Tribunal se prononce sur tous les moyens de légalité externe qui lui sont soumis ainsi que sur tout motif d’illégalité externe qu’il estime devoir relever d’office, y compris s’il n’est pas d’ordre public. La décision du tribunal n’est pas susceptible d’appel mais peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation. Si le tribunal constate la légalité externe de la décision en cause, aucun moyen tiré de cette cause juridique ne peut plus être invoqué par voie d’action ou par voie d’exception à l’encontre de cette décision. Par dérogation à l’article L. 242-1 du code des relations entre le public et l’administration, l’autorité administrative peut retirer ou abroger la décision en cause, si elle estime qu’elle est illégale, à tout moment de la procédure et jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois après que la décision du juge lui a été notifiée. Ce dispositif pourrait bien révolutionner le contentieux de l’urbanisme :  il permettrait une fois la déclaration de régularité obtenu de décourage les recours dilatoires sur le fonds en exposant leurs auteurs à des amendes pour recours abusifs et même à des dommages et intérêts substantiels. Pour autant ce rescrit juridictionnel deviendrait un passage obligé comme l’est un peu le référé préventif en droit de la construction. Finalement c’est un beau paradoxe manié par ceux qui considèrent que le contentieux de l’urbanisme ralentit inutilement le développement des constructions : on soigne le prétendu mal par le mal en systématisant le passage devant le juge. On attend avec impatience le décret d’application et le lancement de l’expérimentation. Il appartient en particulier à un décret en Conseil d’État : d’abord, de préciser les décisions pouvant faire l’objet d’une demande en appréciation de  régularité,  en  tenant  compte  notamment  de  la  multiplicité des contestations auxquelles elles sont susceptibles de donner lieu. ensuite, de fixer les modalités d’application du présent article, notamment les conditions dans lesquelles   les   personnes   intéressées   sont  informées,  d’une  part,  des  demandes  tendant  à  apprécier  la  régularité  d’une  décision  et  de  leurs  conséquences  éventuelles  sur  les  recours  ultérieurs  et,  d’autre  part,  des réponses qui sont apportées à ces demandes par le tribunal.