De la salubrité et de la procédure …

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Par  Frank ZERDOUMI, Juriste et Docteur en droit public (Green Law Avocats)

L’Association Fédération Droit au Logement a été créée à Paris en 1990 par des familles mal logées ou sans logis et des militants de quartier : elle lutte pour le droit au logement décent et a déjà reçu le soutien de nombreuses personnalités.

À la section 3 du chapitre Ier du titre III du livre III de la première partie de la partie réglementaire du Code de la santé publique, six sous-sections composées des articles R. 1331-14 à R. 1331-65 ont pour objet de fixer les règles sanitaires d’hygiène et de salubrité des locaux d’habitation et assimilés.

Le 29 septembre 2023, l’Association Fédération Droit au Logement a déposé un recours pour excès de pouvoir contre le décret n° 2023-695 du 29 juillet 2023 portant règles sanitaires d’hygiène et de salubrité des locaux d’habitation et assimilés (JORF n°0175 du 30 juillet 2023), c’est-à-dire contre les articles R. 1331-17 à R. 1331-23 du Code de la santé publique.

Le décret fixant de nouveaux critères de salubrité des locaux d’habitation était-il légal ?

Le Conseil d’État a répondu à cette question par la négative : il a annulé ce décret mais, contre toute attente, il ne l’a pas annulé sur le fond, mais sur une question de procédure (CE, 29 août 2024, n° 488640, téléchargeable ici).

L’article L. 1331-23 du Code de la santé publique prévoit que :

« Ne peuvent être mis à disposition aux fins d’habitation, à titre gratuit ou onéreux, les locaux insalubres dont la définition est précisée conformément aux dispositions de l’article L. 1331-22, que constituent les caves, sous-sols, combles, pièces dont la hauteur sous plafond est insuffisante, pièces de vie dépourvues d’ouverture sur l’extérieur ou dépourvues d’éclairement naturel suffisant ou de configuration exiguë, et autres locaux par nature impropres à l’habitation, ni des locaux utilisés dans des conditions qui conduisent manifestement à leur suroccupation. ».

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Dans un premier temps, le Conseil d’État rappelle le principe suivant :

« L’organisme dont une disposition législative ou réglementaire prévoit la consultation avant l’intervention d’une décision doit être mis à même d’exprimer son avis sur l’ensemble des questions soulevées par cette décision. Par suite, dans le cas où, après avoir recueilli son avis, l’autorité compétente pour prendre ladite décision envisage d’apporter à son projet des modifications, elle doit procéder à une nouvelle consultation de cet organisme lorsque ces modifications posent des questions nouvelles » (CE, 29 août 2024, n° 488640, point 5, téléchargeable ici).

Dans un second temps, la Haute Juridiction met en perspective le décret contesté avec le projet initial :

« Il ressort de la comparaison du projet de décret ayant fait l’objet, en application des dispositions de l’article L. 1311-1 du code de la santé publique, de la consultation du Haut Conseil de la santé publique et du décret attaqué que ce dernier diffère du premier, notamment, d’une part, en ce qu’il ne comporte plus de condition relative à la proportion d’enfouissement dans le sol au-delà de laquelle des locaux ne peuvent être regardés comme à usage d’habitation et, d’autre part, en ce qu’il retient comme suffisante pour un tel usage une hauteur sous plafond des pièces de vie et de service égale ou supérieure à 2,20 mètres, susceptible d’être ramenée, par renvoi à l’article 4 du décret du 30 janvier 2002 susvisé, à 1,80 mètres pour les locaux disposant au moins d’une pièce principale ayant un volume habitable au moins égal à 20 mètres cubes, alors que le projet soumis au Haut Conseil retenait qu’une hauteur sous plafond comprise entre 2,20 mètres et 2,50 mètres pouvait contribuer à qualifier une situation d’insalubrité et excluait les locaux d’une hauteur inférieure à 2,20 mètres » (CE, 29 août 2024, n° 488640, point 6, téléchargeable ici).

Le juge administratif tire donc les conséquences de cette inadéquation du projet de décret au résultat final :

« Les modifications ainsi apportées aux règles de salubrité des locaux d’habitation postérieurement à la consultation du Haut Conseil de la santé publique, qui portent sur des critères essentiels au regard de l’objet de cette réglementation et dont la nécessaire combinaison pour apprécier la salubrité d’un local destiné à l’habitation est susceptible de permettre la mise à disposition aux fins d’habitation de locaux enterrés en totalité et d’une hauteur sous plafond de 1,80 m, ce qu’excluait le projet de décret soumis à consultation, doivent être regardées comme posant, eu égard à l’objet de ce décret, une question nouvelle qui imposait une nouvelle consultation de cet organisme. Dans les circonstances de l’espèce, une telle omission de consultation a été susceptible d’exercer une influence sur le contenu du décret attaqué » (CE, 29 août 2024, n° 488640, point 7, téléchargeable ici).

À la lumière du non-respect de cette procédure, la conclusion du Conseil d’État est implacable :

« Il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, l’association Fédération Droit au Logement est fondée à demander l’annulation de la sous-section 2 de la section 3 du chapitre Ier du titre III du livre III de la première partie de la partie réglementaire du code de la santé publique. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de limiter dans le temps les effets de cette annulation » (CE, 29 août 2024, n° 488640, point 8, téléchargeable ici).

La procédure de consultation prévue par la législation doit être respectée, sous peine d’annulation d’un texte réglementaire : des associations telles que la Fédération Droit au Logement sont particulièrement vigilantes sur le sujet, à juste raison.

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