Contrat de concession de l’A69 : précisions sur la nature des clauses de durée et de résiliation

Contrat de concession de l’A69 : précisions sur la nature des clauses de durée et de résiliation

concession d'autoroute

Par Frank ZERDOUMI, juriste (Green Law Avocats)

En mars 2023, les projets d’autoroute A69 entre Castres et Toulouse et d’élargissement de l’autoroute A680 ont été autorisés par les Préfets de la Haute-Garonne et du Tarn, mais le 27 février 2025, le Tribunal administratif de Toulouse, saisi notamment par des associations environnementales, a annulé ces projets, faute de nécessité impérieuse à les réaliser : pour le juge administratif, au vu des bénéfices très limités pour le territoire et ses habitants, il n’a pas été possible de déroger aux règles de protection de l’environnement et des espèces protégées (voir notre commentaire de TA de Toulouse, 27 février 2025, n° 2303544 ).

Dès le lendemain, la Cour administrative d’appel de Toulouse a suspendu cette annulation, et le chantier a repris (CAA de Toulouse, 28 mai 2025, n° 25TL00597 ).

Presque un an plus tôt, le 18 avril 2024, trois associations environnementales ont demandé au ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires d’abroger l’article 29 de la convention pour la concession de l’autoroute A69 : cet article prévoit la durée de cette concession et les conditions de sa résiliation.

Précisément, ces trois associations ont adressé trois courriers au Premier ministre, au ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires et au ministre des Transports, dans lesquels ils ont demandé auxdits ministres d’abroger cet article, la convention en question ayant été passée entre l’État et la société Atosca et approuvée par le décret n° 2022-599 du 20 avril 2022.

D’après les associations requérantes, la durée prévue par l’article 29 excédait le délai raisonnablement escompté par le concessionnaire pour amortir les investissements nécessaires.

Le 26 juin 2024, n’ayant obtenu aucune réponse, ces associations ont saisi le Conseil d’État afin d’obtenir, d’une part, l’annulation de la décision implicite de refus née du silence gardé par les ministres et, d’autre part, l’abrogation demandée.

Quelle est la nature juridique des clauses d’une concession qui en fixe la durée et les conditions de résiliation ?

Pour le Conseil d’État, ces clauses ne sont pas des clauses réglementaires : en conséquence, elles ne peuvent pas faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir par un tiers (décision commentée : CE, 10 juin 2025, n° 495479 ).

Dans un premier temps, la Haute Assemblée a rappelé les possibilités offertes au tiers :

« Indépendamment du recours de pleine juridiction dont disposent les tiers à un contrat administratif pour en contester la validité, un tiers à un contrat est recevable à demander, par la voie du recours pour excès de pouvoir, l’annulation des clauses réglementaires contenues dans un contrat administratif qui portent une atteinte directe et certaine à ses intérêts » (décision commentée : CE, 10 juin 2025, n° 495479, point 3 ).

A ce titre, la Haute juridiction n’a fait qu’énoncé sa jurisprudence constante en matière d’excès de pouvoir en soulignant que le tiers peut contester les clauses réglementaires dès lors qu’elles portent une atteinte directe et certaine à ses intérêts (CE, 23 décembre 2016, n° 392815, considérant 2 ).

Autrement dit, le contentieux des clauses réglementaires n’a pas être engagé par le tiers dans un recours de pleine juridiction qui vise avant tout à contester la validité du contrat ainsi qu’à réparer le préjudice découlant des atteintes aux droits lésés (CE, 4 avril 2014, n° 358994, considérant 4 ).

Dans un second temps, le juge administratif a dressé la liste des clauses susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir :

« S’agissant d’une convention de concession autoroutière, relèvent notamment de cette catégorie les clauses qui définissent l’objet de la concession et les règles de desserte, ainsi que celles qui définissent les conditions d’utilisation des ouvrages et fixent les tarifs des péages applicables sur le réseau concédé. En revanche, les stipulations relatives notamment au régime financier de la concession ou à la réalisation des ouvrages, qu’il s’agisse de leurs caractéristiques, de leur tracé, ou des mobilités de cette réalisation, sont dépourvues de caractère réglementaire et revêtent un caractère purement contractuel » (décision commentée : CE, 10 juin 2025, n° 495479, point 4 ).

Le Conseil d’État avait déjà considéré que ces clauses comprennent celles relatives à l’organisation ou le fonctionnement d’un service public, en particulier celles concernant à l’objet de la concession et les règles de desserte, ainsi que celles qui définissent les conditions d’utilisation des ouvrages et fixent les tarifs des péages applicables sur le réseau concédé (CE, 9 février 2018, n° 404982, considérant 3 ).

En revanche, il avait déjà refusé de reconnaître un caractère réglementaires aux stipulations relatives notamment au régime financier de la concession ou à la réalisation des ouvrages, qu’il s’agisse de leurs caractéristiques, de leur tracé, ou des modalités de cette réalisation (CE, 9 février 2018, n° 404982, considérant 3 ).

La mise en perspective de la demande des associations avec le raisonnement suivi aboutit donc à l’irrecevabilité de leur recours :

« Il suit de là que la clause d’un contrat de concession fixant la durée d’une concession autoroutière et les conditions d’une résiliation par le concédant, qui n’a pour objet que d’organiser les relations entre le concédant et le concessionnaire et de participer à la détermination du régime financier de la concession, est dépourvue de caractère réglementaire. Dès lors, les conclusions tendant à l’annulation pour excès de pouvoir du refus d’abroger ces stipulations sont irrecevables » (décision commentée : CE, 10 juin 2025, n° 495479, point 5 ).

Certes, un tiers à un contrat de concession peut demander l’annulation des clauses d’un contrat ayant un caractère réglementaire, dans la mesure où celles-ci portent par exemple sur l’organisation du service public.

En revanche, il ne peut pas demander l’annulation de clauses ayant simplement un caractère contractuel, telles que celles qui régissent uniquement les relations entre le concédant et le concessionnaire.

Pour le Conseil d’État, la clause de durée des relations contractuelles ne relève évidemment pas de l’organisation du service public : elle est de nature contractuelle.

Un raisonnement que la Haute juridiction n’a pas manqué de réaffirmer dans le contentieux de la validité du cahier des charges annexé à la convention de concession passée entre l’État et la société AMEDEA pour l’autoroute A412 (CE, 19 juin 2025, n° 499680, considérant 4 ).

En conséquence, les tiers, et donc les associations requérantes, n’étaient pas recevables à en demander l’annulation.

Entre la légalité de l’autorisation environnementale autorisant les travaux et celle des clauses de la convention, ce chantier n’a manifestement pas fini de faire couler beaucoup d’encre et de béton.

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