Démolition de la construction sans permis de construire du domicile du prévenu et CEDH

Par David DEHARBE (green law avocats) Le droit pénal de l’urbanisme comporte une matière jurisprudentielle assez peu commentée. Le Cabinet suivra désormais l’actualité de ce contentieux qui devient un enjeu pratique plus sensible ses derniers mois. En témoigne cette décision du 31 janvier 2017 n°16-82945 (Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 31 janvier 2017, 16-82.945, Publié au bulletin) : la Chambre criminelle de la Cour de cassation a affirmé la prise en compte de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales (CEDH) relatif au droit au respect de la vie privée et familiale en matière d’urbanisme pénal. Le prévenu avait édifié sa maison à usage d’habitation sans avoir sollicité de permis de construire et violation des dispositions d’un POS et d’un PLU. La Cour d’appel de Montpellier avait alors condamné le prévenu à une amende mais surtout à la remise en état des lieux par la démolition de la construction litigieuse à usage d’habitation. La Cour de cassation reconnaît bien la constitution des infractions. Néanmoins elle note que la Cour d’appel, pour prononcer la démolition de la maison d’habitation, n’a pas recherché si la démolition du domicile du prévenu ne portait pas « une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et à son domicile, dès lors qu’elle visait la maison d’habitation dans laquelle il vivait avec sa femme et ses deux enfants, et que la famille ne disposait pas d’un autre lieu de résidence ». Le juge pénal devra dorénavant effectuer la balance entre les impératifs d’intérêt général poursuivis par la législation en matière d’urbanisme et les impératifs d’intérêts privés protégés par l’article 8 de la CEDH. Cette précision méritait d’être faite par la Chambre criminelle après qu’une occasion ait été manquée dans une précédente espèce où le moyen avait été soulevé pour la première fois en cassation (Crim., 16 février 2016, pourvoi n° 15-82.732, Bull. crim. 2016, n° 48). david.deharbe@green-law-avaocat

Energie: le Ministère annonce des réfactions tarifaires des raccordements aux réseaux de gaz et d’électricité pour certaines installations de production d’énergie renouvelable

Suite au Plan Climat lancé en juillet 2017 par le Ministre de la Transition écologique et solidaire Nicolas Hulot, il a été annoncé une baisse des coûts de raccordement aux réseaux gaz et électricité de certaines installations de production d’électricité renouvelable. L’objectif annoncé par le Ministère est de soutenir le développement des énergies renouvelables en France en favorisant leur développement local. Jusqu’ici, les coûts de raccordement des installations de production de biogaz au réseau de gaz étaient entièrement à la charge des producteurs. Cela pouvait être un frein pour le développement de projets de production de biogaz, notamment en zone rurale, où l’éloignement avec les réseaux peut être important. De plus, depuis la loi NOME de décembre 2010, seuls les consommateurs et les gestionnaires de réseaux bénéficiaient d’une réduction sur le prix du raccordement aux réseaux d’électricité, appelée « réfaction tarifaire » (les installations EnR en bénéficiaient auparavant). Désormais, les coûts de raccordement des installations de production de biogaz au réseau de biogaz seront pris en charge jusqu’à 40% du prix total du raccordement. 60% maximum du coût de raccordement resteront à la charge du porteur du projet. En outre, le coût du raccordement au réseau d’électricité sera diminué pour les « petits et moyens producteurs » d’énergie renouvelable. Il sera désormais possible pour les petites et moyennes installations de bénéficier également d’une réduction du prix du raccordement allant jusqu’à 40 %. Le niveau de réfaction diminuera, selon le communiqué, avec l’augmentation de la puissance de l’installation. Les opérateurs seront donc vigilants quant à l’entrée en vigueur de ces nouvelles règles, qui peuvent peser substantiellement sur l’équilibre économique des projets. Il s’agira en particulier de vérifier les conditions de seuils à respecter.

Exceptions au principe « silence vaut acceptation » : mise à jour du code forestier et du code rural et de la pêche maritime

Me Fanny Angevin- Green Law Avocats   Le décret n°2017-1411 du 27 septembre 2017 modifiant le code forestier et le code rural de la pêche maritime apporte des clarifications quant à l’application du principe « silence vaut acceptation ». Il vise à rendre plus accessible ces exceptions en les codifiant au sein du code forestier et du code rural. Pour rappel, la loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens, avait modifié la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (aujourd’hui codifiée au sein du code des relations entre le public et l’administration). Cette loi avait notamment instauré le principe selon « le silence gardé pendant deux mois par l’autorité administrative sur une demande vaut décision d’acceptation » (ancien article 21-I de la loi n°2013-1005 du 12 novembre 2013, aujourd’hui codifié à l’article L. 231-1 du code des relations entre le public et l’administration). Or, plusieurs décrets portaient des exceptions au principe « silence vaut acceptation » dans le domaine de la forêt et de l’agriculture (les décrets n°2014-1296, n°2014-1297, et n°2014-1298 du 23 octobre 2014) mais n’étaient pas pour autant codifiés au sein du code forestier et du code rural. Ainsi, les usagers devaient consulter différents textes afin de pouvoir identifier le cadre juridique applicable à leur situation. Le décret n°2017-1411 du 27 septembre 2017 met fin à cette situation en codifiant ces exceptions au sein du code forestier et du code rural. Sans modifier le droit existant, ce décret vise donc à simplifier l’accès aux règles applicables en matière agricole et forestière.

Le référé suspension contre les parcs éoliens : une tendance déjà démodée… (TA Lille, 19 sept.2017)

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Certains se sont essayés avec succès à ouvrir la voie à des référés suspension contre les autorisations de parcs éoliens, pour initier une stratégie qui semble devenir tendance. Il est vrai que la juge des référés du tribunal administratif de Rennes a ordonné, le 12 mai 2017, la suspension du permis de construire d’un parc éolien en forêt de Lanouée dans le Morbihan (TA Rennes, ord. 11 mai 2017, n°1701832). Très tôt notre cabinet a, pour sa part, défendu, avec succès (par ex. devant le TA Caen ou celui de Rennes), les opérateurs contre des tentatives de prolonger (contre des autorisations qui n’étaient pas purgées) une guérilla contentieuse ayant trop longtemps paralysé le financement du parc éolien, alors que l’opérateur devait se résoudre à prendre le risque de commencer les travaux. Une nouvelle fois Green Law Avocats a obtenu le rejet d’une demande de référé suspension (TA Lille, ord. 19 septembre 2017, n° 1707514) dont l’accueil aurait été redoutable : des requérants avaient en vain contesté au fond des permis initiaux et contraint l’opérateur, pour préserver la viabilité économique de son opération, à construire sur la base d’un permis modificatif, qui a finalement fait objet d’une requête en référé suspension. Les requérantes faisaient en particulier valoir que le préfet du Pas-de-Calais avait commis une erreur de droit  en délivrant le permis modificatif, « compte tenu de la modification substantielle du projet, qui porte la hauteur totale des éoliennes de 140 mètres à 156 mètres, la conception générale du projet est transformée et le projet devait faire l’objet d’un nouveau permis de construire ». La question se posait de savoir si une telle modification (augmentation de 140 à 156 mètres de la hauteur totale hors sol et déplacement des éoliennes) était substantielle. Après avoir entendu les parties en audience, Madame la juge des référés de Lille par une ordonnance lue le 19 septembre 2017 (et sans doute convaincue par la fiabilité des photomontages qui démontraient le peu de différence perceptible entre le projet initial et celui modifié, comme par la quasi-neutralité  acoustique du changement),  rejette la demande de suspension en ces termes pour défaut de doute sérieux : « Considérant qu’en l’état de l’instruction les moyens ainsi invoqués ne sont pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée compte tenu des caractéristiques des modifications envisagées ; que par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les fins de non-recevoir opposées en défense et la condition d’urgence, les conclusions aux fins de suspension de l’exécution de la décision attaquée doivent être rejetées ». Gageons que le référé suspension contre les parcs éoliens pour avoir été un temps à la mode n’est plus dans le vent …

Urbanisme: précisions sur l’autorité compétente pour refuser le raccordement aux réseaux au titre de l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme (Cass, 15 juin 2017)

Par Jérémy TAUPIN- Green Law Avocat Par un arrêt en date du 15 juin 2017 (C.Cass., Civ. 3, 15 juin 2017, n°16-16838) la Cour de cassation est venue apporter une précision importante relative à la mise en œuvre de la disposition prévoyant que les constructions soumises à autorisations ne peuvent être raccordées définitivement aux réseaux que si elles ont été édifiées de façon régulière. La question se posait dans l’affaire commentée de savoir si un concessionnaire de distribution d’électricité pouvait de lui-même opposer un refus de raccordement, pour une construction ayant fait l’objet d’arrêtés interruptifs de travaux. Après avoir rappelé le principe posé par cet article, nous nous intéressons plus précisément à l’apport de l’arrêt de la Cour de cassation. Le principe : l’interdiction de raccordement aux réseaux d’une construction irrégulière L’actuel article L. 111-12 du Code de l’urbanisme (dont la rédaction est issue de l’ancien article L.111-6, accompagnée d’un toilettage marginal) prévoit que les constructions soumises à autorisations ne peuvent être raccordées définitivement aux réseaux que si elles ont été édifiées de façon régulière : « Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1, ne peuvent, nonobstant toutes clauses contractuelles contraires, être raccordés définitivement aux réseaux d’électricité, d’eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n’a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu de ces dispositions. ». Cette disposition institue ainsi une police spéciale de l’urbanisme, parfois encore méconnue, destinée à assurer le respect des règles d’utilisation des sols. Elle permet d’opposer un refus de raccordement aux réseaux d’électricité, d’eau, de gaz ou de téléphone (à l’exclusion des réseaux d’assainissement, cf. Rép. min. n° 12735, JO Sénat 5 août 2010, p. 2034) d’une construction soumise à autorisation (permis de construire, d’aménager, de démolir ou encore déclaration préalable), qui ne serait pas en possession de ladite autorisation ou ne respecterait pas celle-ci. Le refus de raccordement peut être prononcé alors même que l’infraction pénale constituée par la construction sans autorisation est prescrite (CE, 7 oct. 1998, L’Hermite, n° 140759; CE 23 mars 2016, M. Liegeois, n° 392638), ou encore cette infraction n’est pas constituée (CAA Bordeaux, 4 mars 2010, n°09BX00990). Sa mise en œuvre : la nécessité d’une décision de refus de raccordement émanant du maire au titre de ses pouvoirs de police spéciale De manière classique, il est admis que le titulaire du pouvoir de police spéciale établi par l’article L.111-12 du code de l’urbanisme est le maire (bien que le conseil municipal ai aussi pu être jugé compétent, cf. CE, 23 juill. 1993, n° 125331). La décision prise par le maire de s’opposer au raccordement définitif d’un bâtiment en application de ses pouvoirs peut être notifiée tant à l’intéressé lui-même qu’au gestionnaire du réseau à l’occasion de l’avis que celui-ci sollicite dans le cadre de la procédure d’extension du réseau d’électricité. Le refus de la commune opposé dans ce dernier cas ne constitue alors pas un simple avis mais une décision susceptible d’un recours pour excès de pouvoir (CE, 24 mars 2014, n° 359554). Dans l’affaire commentée, la question se posait de savoir si un concessionnaire de distribution d’électricité pouvait de lui-même opposer un refus de raccordement, pour une construction ayant fait l’objet d’arrêtés interruptifs de travaux. Sur cette question, la Cour de Cassation estime que : « pour rejeter la demande de raccordement de la SCI P…, l’arrêt retient que l’immeuble a fait l’objet de deux arrêtés municipaux ordonnant l’arrêt des travaux qui n’étaient pas conformes au permis de construire, que l’adjudication de la maison au profit de la SCI P…ne lui rendait pas inopposables ces arrêtés et qu’aucune demande de régularisation n’a été faite ; Qu’en statuant ainsi, sans constater l’existence d’une décision de refus de raccordement prise par l’autorité administrative compétente, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision » Ainsi, si aucune décision de refus de raccordement n’a été prise par le maire, et quand bien même il est établi que la construction serait irrégulière, il n’est pas possible pour un concessionnaire de distribution d’électricité d’opposer, de lui-même, un refus de raccordement. A l’inverse, une décision de refus de raccordement prise par le maire s’impose au concessionnaire, qui ne peut alors procéder au raccordement de la construction.