Du gel au dégel des délais … attention !

Par David DEHARBE (Green Law Avocats) Le JO du jour nous réserve une belle surprise, certes prévisible mais qui en dit long sur la conception que se fait le pouvoir de son exercice dès qu’il est libéré de toute contrainte législative … Rappelons en effet que l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période est venue modifier certains délais applicables, afin de s’adapter à cette situation inédite, cela conformément à l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 (cf. nos commentaires de ces deux textes : D. Deharbe, ” Les procédures d’urbanisme et environnementales à l’épreuve du covid-19 ” –  ” La loi relative à l’état d’urgence sanitaire promulguée “). Or aux termes de l’article l’article 9 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, il était prévu que : ” Par dérogation aux dispositions des articles 7 et 8, un décret détermine les catégories d’actes, de procédures et d’obligations pour lesquels, pour des motifs de protection des intérêts fondamentaux de la Nation, de sécurité, de protection de la santé, de la salubrité publique, de préservation de l’environnement et de protection de l’enfance et de la jeunesse, le cours des délais reprend. Pour les mêmes motifs, un décret peut, pour un acte, une procédure ou une obligation, fixer une date de reprise du délai, à condition d’en informer les personnes concernées. Nous avons pu voir que la plupart des patients de http://www.culture-action.org/de/ respectent les instructions de prise de leur médicament, mais certains patients doublent leur dose lorsqu’ils n’ont pas pris leur médicament assez rapidement. En plus de ne pas obligatoirement permettre au médicament d’agir plus vite, une double dose peut provoquer de graves effets secondaires indésirables. Les décrets mentionnés aux premier et deuxième alinéas du présent article peuvent, le cas échéant, déroger aux règles fixées à l’article 4 sur le cours des astreintes “. Ainsi la dérogation au principe prévue dans l’Ordonnance prévoyait déjà le retour à ce dernier par décret, comme pour rendre un peu plus compliqué la lisibilité du droit et rendre son pouvoir aux grands directions administratives qui dans les faits nous gouvernent et font le temps administratif même en situation d’urgence. Or publié au JO du 2 avril 2020 le Décret n° 2020-383 du 1er avril 2020 porte dérogation au principe de suspension des délais pendant la période d’urgence sanitaire liée à l’épidémie de covid-19. Ce n’est donc pas un poisson d’avril : ce décret procède pour des motifs tenant à la sécurité, à la protection de la santé et de la salubrité publique et à la préservation de l’environnement, au dégel du cours des délais de réalisation des prescriptions qui, expirant au cours de la période fixée au I de l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 (état d’urgence sanitaire + un mois), ou dont le point de départ devait commencer à courir pendant cette période, s’est trouvé suspendu par l’effet de l’article 8 de cette ordonnance. Sont notamment concernés : 1° Les délais applicables aux mesures, contrôles, analyses et surveillances ayant pour objet la sécurité, la protection de la santé et de la salubrité publique et la préservation de l’environnement prescrits par les arrêtés et décisions pris en application : a) Des articles L. 171-7, L. 171-8, L. 512-5, L. 512-7, L. 512-7-3, L. 512-9, L. 512-10, L. 512-12, L. 512-20, L. 521-17, L. 521-18, L. 541-3, L. 541-21-3 à L. 541-21-5, L. 541-41, L. 541-42, L. 551-3, L. 554-9, R. 214-125, R. 554-44, R. 557-8-3, R. 557-14-3 et R. 557-14-5 du code de l’environnement, ainsi que des articles L. 181-12 et L. 181-14 du même code en tant qu’ils s’appliquent aux installations relevant du titre Ier de son livre V, des articles R. 181-43 et R. 181-45 du même code en tant qu’ils portent sur la sécurité ou la sûreté des ouvrages hydrauliques, et de l’article R. 557-14-4 du même code en tant qu’il s’applique aux équipements et appareils au sein des installations mentionnées au 2° de son article L. 181-1. Sont ainsi listés  : les mises en demeure administratives de se conformer aux arrêtés de prescriptions ICPE, les arrêtés de prescriptions ICPE ministériels et préfectoraux en eux-mêmes pour l’ensemble des ICPE soumises aux régimes A, E, D, ainsi également que les EDD. Les délais de réalisation de certaines prescriptions applicables en matière de déchets et d’ouvrages hydrauliques sont également dégelés. Par exemple, pour l’arrêté du 26 août 2011 relatif aux éoliennes, et sous réserve des prescriptions fixés dans les arrêtés préfectoraux pour chaque installation, on pensera au contrôle périodique de l’article 18. 2° Les délais de réalisation des travaux, des prélèvements, des vidanges de plans d’eau, des actions d’entretien de cours d’eau, des dragages et des mesures d’évitement, de réduction et de compensation fixés dans : – les autorisations environnementales relevant du 1° de l’article L. 181-1 du code de l’environnement ; – les arrêtés de prescriptions spécifiques aux opérations soumises à déclaration pris en application de l’article R. 214-35 du code de l’environnement ; – et les dérogations à l’interdiction de destruction d’espèces protégées et de leurs habitats prises en application de l’article L. 411-2 du code de l’environnement ; Ici ce sont en particulier les délais de réalisation des mesures ERC fixés dans les dérogations espèces protégées qui ne se trouvent pas gelés. Sur la lecture de ce droit dérogatoire complexe et subtil, les avocats de Green Law sont en veille et vous pouvez les contacter sur une adresse spécialement dédiée sur cette question pendant la période de confinement : covid19@green-law-avocat.fr

Les procédures d’urbanisme et environnementales à l’épreuve du covid-19

Par David DEHARBE (Green Law Avocats) La situation exceptionnelle qui nous touche en ce moment n’épargne ni le droit de l’urbanisme  ni le droit de l’environnement. En effet l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période (ci-après appelée « l’ordonnance ») est venue modifier certains délais applicables, afin de s’adapter à cette situation inédite, cela conformément à l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 (ci-après appelée « la loi »). L’ordonnance se présente en trois parties : le titre Ier relatif aux dispositions générales relatives à la prorogation des délais ; le titre II relatif aux autres dispositions particulières aux délais et procédures en matière administrative ; le titre III relatif aux dispositions diverses et finales. Sur la prorogation des délais En premier lieu apportons des précisions sur la période concernée. Le I de l’article 1er de l’ordonnance énonce : « Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 22 mars 2020 susvisée ». L’article 4 de la loi indique que « l’état d’urgence sanitaire est déclaré pour une durée de deux mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi ». A première vue, la fin de l’état d’urgence sanitaire serait donc le 24 mai 2020, la loi susmentionnée étant entrée en vigueur le 24 mars 2020. Ainsi les délais qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020 (1 mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire) pourront bénéficier de la prorogation (ci-après appelée « la période »). Notons néanmoins que la prorogation de l’état d’urgence sanitaire au delà de la durée prévue est possible (article L.3131-13 du code de la santé publique). De même il peut y être mis fin avant l’expiration du délai fixé (article L.3131-14 du code de la santé publique). S’agissant des mesures prorogées en particulier, l’article 3 énonce : « Les mesures administratives ou juridictionnelles suivantes et dont le terme vient à échéance au cours de la période définie au I de l’article 1er sont prorogées de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la fin de cette période : 1° Mesures conservatoires, d’enquête, d’instruction, de conciliation ou de médiation ; 2° Mesures d’interdiction ou de suspension qui n’ont pas été prononcées à titre de sanction ; 3° Autorisations, permis et agréments ; 4° Mesures d’aide, d’accompagnement ou de soutien aux personnes en difficulté sociale ; 5° Les mesures d’aide à la gestion du budget familial. Toutefois, le juge ou l’autorité compétente peut modifier ces mesures, ou y mettre fin, lorsqu’elles ont été prononcées avant le 12 mars 2020 ». Le 3° vise donc, pour le droit de l’urbanisme et de l‘environnement, les permis de construire, d’aménager, de démolir, les déclarations préalables mais aussi les autorisations d’exploiter au titre de la réglementation des ICPE et les autorisations environnementales qui arrivent à échéance durant cette période ; qui sont donc prorogés jusqu’au 24 août a priori. Il s’agit ici des autorisations déjà délivrées et qui devaient expirer pendant la période. Notons que la prorogation ne constitue ni une suspension, ni une interruption des délais mais un report du terme extinctif initialement prévu, à la date limite prévue, en l’occurrence le 24 août. Il convient de d’indiquer que l’article 2 de l’ordonnance énonce que : « Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.». En matière d’urbanisme, est notamment ici concernée la formalité imposée par l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme qui consiste en la notification dans un délai de 15 jours de son recours à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation, à peine d’irrecevabilité.   2. Sur les délais d’instruction L’article 7 énonce : « Sous réserve des obligations qui découlent d’un engagement international ou du droit de l’Union européenne, les délais à l’issue desquels une décision, un accord ou un avis de l’un des organismes ou personnes mentionnés à l’article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu’à la fin de la période mentionnée au I de l’article 1er. Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l’article 1er est reporté jusqu’à l’achèvement de celle-ci. Les mêmes règles s’appliquent aux délais impartis aux mêmes organismes ou personnes pour vérifier le caractère complet d’un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l’instruction d’une demande ainsi qu’aux délais prévus pour la consultation ou la participation du public ». Précisions étant faite que les organismes ou personnes visées à l’article 6 sont entendus largement : il s’agit des administrations de l’Etat, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics administratifs ainsi que des organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d’une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale. Ainsi, les délais d’instruction qui ont commencé à courir avant le 12 mars 2020 et qui n’avaient pas expiré avant cette date, sont suspendus jusqu’au 24 juin 2020. De même les délais d’instruction qui auraient dû commencer à courir pendant la période concernée sont reportés : ils commenceront à courir le 25 juin 2020 a priori….

L’ordonnance n° 2020-305 adaptant les règles applicables devant le juge administratif

Par maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Il est un constat sans appel : l’épidémie sévissant actuellement dans le monde est une situation bardée d’inconnues économiques, politiques, sociales et produisant des effets juridiques inédits. Alors qu’à ce jour près de la moitié de la population du globe est confinée, les pouvoirs publics français ont multiplié les mesures sans précédents, mais bien destinées à organiser la poursuite des activités autant que faire se peut. Les juristes ne doivent pas pour autant se transformer en caisses enregistreuses des régimes dérogatoires qui se multiplient. Ils doivent exercer leur regard critique et surtout veiller à ce que les circonstances exceptionnelles ne sacrifient pas sur l’autel de la continuité de l’Etat quelques principes fondamentaux : Le droit au procès équitable déjà si déséquilibré dès que l’administration est en cause ; Les principes du service public ; Les principes de la police administrative. Gageons qu’il nous faudra commenter avec plus de recul les dispositifs dérogatoires adoptés et surtout regarder de très près si l’exécutif n’est pas tenté de pérenniser certaines de ces règles qui transpirent quand même le risque de la justice expéditive… Élevés sur les bancs de l’Université où l’on prend encore le temps de penser, on gardera à « l’esprit » ce mot fameux de Montesquieu : « tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ». De longues dates nous sommes gouvernés par “ordonnance” pour codifier le droit mais celles dont il est question avec la loi d’habilitation sur l’état d’ urgence sanitaire (LOI n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19) sont bien d’une autre nature : elles modifient les règles du procès et avec les conditions dans lesquelles la Justice est rendue. Juristes de tous bords, soyez vigilants ! L’activité des juridictions administratives comptant nécessairement aux rangs des ajustements exigés par la crise sanitaire, c’est en tout cas officiellement cette fin qu’a été prise l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020, portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif. Texte intervenu sur le fondement d’une habilitation consentie au gouvernement aux termes de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, ce dernier s’organise en deux titres : – Un titre premier traitant de l’adaptation de l’organisation et du fonctionnement des juridictions administratives, – Un titre second, se focalisant sur les délais de procédure et de jugement. Notons immédiatement que l’article 1er du texte précise que cette ordonnance est applicable à l’ensemble des juridictions de l’ordre administratif, sauf lorsqu’elle en dispose autrement. Par conséquent, sont concernées : – Les juridictions administratives de Droit commun : Tribunaux administratifs, Cours administratives d’appel, Conseil d’État, – Les juridictions administratives spécialisées. I – Une adaptation des règles d’organisation et de fonctionnement des juridictions administratives A titre liminaire, le texte précise que la période concernée par ces dérogations aux règles d’organisation et de fonctionnement des juridictions administratives s’étendra du 12 mars 2020 à la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (article 2). Durant cette période, les formations de jugement des TA et CAA pourront se compléter en cas de vacance ou d’empêchement de leurs membres par l’adjonction de magistrats en activité au sein de l’une de ces juridictions. Ces adaptations s’effectueront par désignation du Président de la juridiction complétée, et sur proposition du président de la juridiction d’origine. Autrement dit, des « navettes » entre les juridictions pourront être observées. Des magistrats honoraires peuvent également être désignés (article 3). En outre, le texte assouplit les conditions de désignation par un Président de juridiction d’un magistrat juge unique pour statuer par voie d’ordonnance : seul le grade de conseiller et une ancienneté minimale de deux ans seront nécessaires (article 4). Élément central appelant une vigilance toute particulière puisque touchant au respect du contradictoire : la communication des pièces, actes et avis aux parties pourra désormais être effectuée par tout moyen (article 5). La tenue des audiences fait également l’objet d’adaptations, matérialisées par une série de possibilités offertes au juge, et dont certaines interrogent lourdement la préservation d’une garantie pérenne du droit au procès équitable  : – Le Président de la formation de jugement peut limiter le nombre de personnes admises à l’audience voire exclure la présence du public (article 6), – Possibilité est donnée à ce même Président de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, d’exposer publiquement ses conclusions à l’audience (article 8), Notons qu’il est regrettable que le texte n’anticipe pas les effets d’une telle dérogation, en ne traitant pas des moyens susceptibles d’être mis en œuvre afin de permettre tout de même un accès à ces conclusions lorsqu’elles ne seront pas exposées publiquement. – L’article 7 de l’ordonnance précise encore que les audiences pourront se tenir à distance en utilisant un moyen de télécommunication audiovisuelle. En cas d’impossibilité technique ou matérielle, le juge pourra décider d’entendre les parties par tout moyen de communication électronique y compris téléphonique, étant précisé que la décision du juge de recourir à un tel moyen est insusceptible de recours. En tout état de cause, l’usage de tels moyens doit garantir une vérification de l’identité des parties, une bonne transmission et une confidentialité des échanges. Ces dispositions réaffirment enfin le rôle du juge en dépit de la tenue d’une audience à distance : il lui appartient toujours d’organiser et de conduire la procédure, de s’assurer du bon déroulement des échanges et de veiller au respect des droits de la défense ainsi qu’au caractère contradictoire des débats. – La procédure de référé fait également l’objet d’adaptations à nouveau préoccupantes. Généralisant la possibilité donnée par l’article L. 522-3 du CJA, l’article 9 de l’ordonnance permet au juge des référés, durant cette période, de statuer sans audience et par une ordonnance motivée sur l’ensemble des requêtes présentées en référé. Ce dernier doit toutefois informer les parties de l’absence d’audience et doit par conséquent fixer une date de clôture de l’instruction. Il est fort à parier que les juridictions useront probablement beaucoup de cette possibilité offerte, en dépit de l’importance cruciale accordée à l’oralité dans ces procédures, et dont certaines ont un rôle fondamental de préservation des libertés…

LE COVID-19 AFFECTE AUSSI LE DROIT DE LA COMMANDE PUBLIQUE

    Par Maître Thomas RICHET (Green Law Avocats) La pandémie de coronavirus qui affecte aujourd’hui le territoire national et plus globalement notre planète dans sa totalité, aura nécessairement des répercussions sur les systèmes juridiques des pays touchés : le droit de la commande publique ne font pas exception. L’on sait d’ailleurs que le principe de mutabilité des contrats publics témoigne d’emblée de la prégnance de l’intérêt public sur ceux du co-contractant privé : “l’administration peut modifier unilatéralement les conditions d’exécution de ses contrats en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs” (CE 2 février 1983 Union des transports publics urbains et régionaux: RDP 1984 p. 212 – CE 11 mars 1910, COMPAGNIE GENERALE FRANCAISE DES TRAMWAYS, Lebon 216, concl. Blum D. 1912.3.49, concl. Blum ; S. 1911.3.1, concl. Blum, note Hauriou ; RD publ. 1910.270, note Jèze). C’est d’ailleurs un pouvoir auquel l’administration ne saurait renoncer (CE 6 mai 1985 Association Eurolat : AJDA 1985 p. 620). De même les règles de passation peuvent être tout simplement écartées au nom de « circonstances impérieuses » (article R2322-4 du code de la commande publique). L’urgence impérieuse est circonscrite aux phénomènes extérieurs, imprévisibles et irrésistibles pour l’acheteur, comme, par exemple,  une catastrophe naturelle (tempête, inonda tions ou séismes), la nécessité d’engager la recherche de victimes d’une catastrophe aérienne ou menaçant la sécurité des personnes (CAA Marseille,12 mars 2007, Commune de Bollène, n° 04MA00643) ou la survenance d’actes terroristes16.Ces situations peuvent justifier une action immédiate. Mais le covid-19 ne semble pas souffrir le droit commun même si la commande publique prévoit intègre pourtant son adaptabilité aux circonstances exceptionnelles ! Le besoin de montrer que le gouvernement « fait » dans une société où les confinés ont d’autant plus le temps de prendre connaissance d’une production normatives démonstrative et bavarde  aura une fois de plus pris le dessus … plus que jamais, le droit c’est « quand dire c’est faire » … c’est là aussi que la force du droit (Bourdieu) réside Certes l’épidémie de « covid-19 » affectera, et a déjà commencé à affecter, la passation et l’exécution des contrats publics. Songeons notamment aux procédures de passation en cours où les opérateurs économiques sont dans l’impossibilité d’apporter des réponses faute de moyens humain et matériel disponibles ; songeons également à l’exécution des chantiers qui ont été suspendus par peur de répandre le virus ; songeons encore à l’impossibilité d’exécuter certains contrats faute d’approvisionnement. Les règles régissant les contrats publics ont donc été adaptées pour faire face à cette crise sanitaire mondiale et c’est l’objectif affiché par le Président de la République et le Gouvernement en adoptant l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adaptation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n’en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19. Décryptage… Sur le champ d’application de l’ordonnance (art. 1er de l’ordonnance) : Le champ d’application de l’ordonnance commentée est très large, tant d’un point de vue matériel que temporel. Tout d’abord, et d’un point de vue matériel, l’ordonnance ne s’applique pas qu’aux contrats soumis au Code de la Commande Publique (CCP) (exemples : marchés, concessions, délégation de service public, etc.) mais vise également, de manière plus générale, les contrats publics qui ne sont pas soumis à ce code. Elle s’applique donc également, par exemple, aux contrats portant occupation du domaine public. Ensuite, et d’un point de vue temporel, l’ordonnance s’applique aux contrats publics précités qui ont été et seront conclus durant la période allant du 12 mars 2020 au 24 juillet 2020 (date à laquelle, en principe, l’état d’urgence sanitaire proclamé par la loi du 23 mars 2020 (voir notre article sur la promulgation de cette loi) prendra fin, augmentée d’une durée de deux mois). Mais l’ordonnance s’applique également aux contrats publics qui sont en cours d’exécution durant cette période. Enfin, il est important de relever que l’ordonnance prend le soin de préciser que ses dispositions « ne sont mises en œuvre que dans la mesure où elles sont nécessaires pour faire face aux conséquences, dans la passation et l’exécution de ces contrats, de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation. ». Cette limite à l’application des règles dérogatoires instaurées par l’ordonnance fera sans aucun doute l’objet de vifs débats entre les cocontractants mais également devant le juge. Sur l’impact de l’ordonnance s’agissant de la passation des contrats publics soumis au code de la commande publique (articles 2 et 3 de l’ordonnance) : S’agissant des procédures de passation des contrats soumis au code de la commande publique, l’ordonnance impacte les délais de remises des candidatures et des offres (cf. Article 2 de l’ordonnance). A ce titre, le texte fixe le principe d’une prolongation des délais de réception des candidatures et des offres dans les procédures de passation en cours pour une « durée suffisante », et ce, en vue de permettre aux opérateurs économiques de répondre. L’ordonnance semble ici mettre une obligation à la charge des acheteurs. Pour le dire autrement, il ne s’agit pas, à notre sens, d’une simple possibilité. Cependant, dans l’hypothèse où le besoin ne peut souffrir d’aucun retard, le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice ne sont pas tenus d’appliquer ce principe. Il conviendra de justifier le recours à cette exception de manière rigoureuse sans quoi la procédure de passation pourrait faire l’objet d’une annulation dans le cadre, par exemple, d’un référé précontractuel. Sur ce point, dès lors que l’ordonnance ne vise ici que les contrats soumis au code de la commande publique, les délais de remise des offres s’agissant des procédures de sélection préalable en matière d’occupation du domaine public ne seront, a priori, pas affectés. Le texte impacte également les modalités de mise en concurrence qui pourront être aménagées par les acheteurs dans l’hypothèse où celles-ci ne peuvent pas être respectées. L’acheteur devra ici veiller à respecter le sacro-saint principe d’égalité de traitement des candidats en publiant, par exemple, un avis rectificatif modifiant le règlement de la consultation. On pense ici plus particulièrement aux visites sur site ou…

La suspension des loyers commerciaux en plein confinement

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) A la suite du confinement annoncé le 16 mars dernier, de nombreuses entreprises ont dû fermer leurs portes. Les conséquences économiques et financières seront à la mesure de la durée du confinement. La loi d’urgence contre le coronavirus a été adopté. Son article 11 relatif à la suspension des loyers commerciaux permet au Gouvernement de prendre des mesures afin « de reporter intégralement ou d’étaler le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux et de renoncer aux pénalités financières et aux suspensions, interruptions ou réductions de fournitures susceptibles d’être appliquées en cas de non-paiement de ces factures, au bénéfice des microentreprises, au sens du décret no 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique et économique, dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie ». L’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19 est parue au Journal officiel de ce jour (JORF n°0074 du 26 mars 2020 – texte n° 37). Aux termes de l’article 4 de l’ordonnance suspendent en ces termes les obligations de paiement de certains loyers et chargés afférentes à ces contrats :  «  Les personnes mentionnées à l’article 1er ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 et L. 641-12 du code de commerce. Les dispositions ci-dessus s’appliquent aux loyers et charges locatives dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée ». Si le mécanisme est étendu aux charges locatives (art. 4 de l’ordonnance n°2020-317), on doit encore souligner que le dispositif ne semble pas couvrir expressément les redevances d‘occupation dues en vertu de conventions d’occupation du domaine public Le texte se contente par ailleurs d’indiquer que le non-paiement des échéances de loyers commerciaux, par les personnes éligibles au fonds de solidarité, durant l’état d’urgence sanitaire et jusqu’à deux mois après le terme de celui-ci, n’est pas susceptible de sanction financière. Mais une incertitude demeure : les échéances sont-elles annulées ou reportées et dans ce cas ? A tout le moins on peut considérer que le règlement des échéances est suspendu dès lors que l’obligation de paiement n’est plus juridiquement sanctionnée. En revanche si les entreprises ne sont sans doute pas dispensées du paiement de leurs loyers, elles sont assurément protégées des effets d’une clause résolutoire et/ou de pénalités courus durant la période de confinement : “Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l’article 1er. Ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets à compter de l’expiration d’un délai d’un mois après la fin de cette période si le débiteur n’a pas exécuté son obligation avant ce terme. Le cours des astreintes et l’application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendus pendant la période définie au I de l’article 1er” (art. 4 ord. n° 2020-306 du 25 mars 2020). C’est l’article 1er de la même ordonnance qui fixe son champ d’application personae :  « Peuvent bénéficier des dispositions des articles 2 à 4 les personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique qui sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité mentionné à l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 susvisée. Celles qui poursuivent leur activité dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire peuvent également bénéficier de ces dispositions au vu de la communication d’une attestation de l’un des mandataires de justice désignés par le jugement qui a ouvert cette procédure. Les critères d’éligibilité aux dispositions mentionnées ci-dessus sont précisés par décret, lequel détermine notamment les seuils d’effectifs et de chiffre d’affaires des personnes concernées ainsi que le seuil de perte de chiffre d’affaires constatée du fait de la crise sanitaire ». Le champ d’application nécessite un décret d’application, finalement intervenu : c’est le décret du 31 mars 2020 dont il convient de faire une lecture combinée avec celui qui fixe les conditions d’éligibilité des entreprises, à savoir le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation. Finalement aux termes des décrets des 30 et 31 mars 2020, sont éligibles au fonds de solidarité créé par l’ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020, toutes les petites entreprises, en ce compris les indépendants et les professions libérales qui remplissent les conditions cumulatives suivantes : -Ont moins de 10 salariés, -Réalisent un chiffre d’affaire inférieur à un million d’euros et présente un bénéfice imposable inférieur à 60.000 euros -Subissent une fermeture administrative ou qui auront connu une perte de chiffre d’affaires de plus de 70% au mois de mars 2020 par rapport au mois de mars 2019. Plus clairement que pour les loyers et les charges l’article 3 de l’ordonnance 2020-316 du 25 mars 2020, statuant sur l’exigibilité des factures d’eau, de gaz et d’électricité durant la même période, prévoit expressément que : « Le paiement des créances dues à ces échéances ainsi reportées est réparti de manière égale sur les échéances…