Solaire / liquidation des installateurs photovoltaïques : tout n’est pas perdu en cas de conclusion de contrat de crédit affecté ! (acte II)

Par un jugement en date du 14 février 2014 (Tribunal d’instance QUIMPER, 14 février 2014, RG n°11-13-000438), le Tribunal d’instance de QUIMPER confirme la résolution du contrat de crédit signé par les particuliers pour financer leur installation photovoltaïque dès lors que la résolution du contrat principal est encourue et prononcée judiciairement. Ce jugement confirme donc un courant jurisprudentiel dont nous nous étions fait l’écho dans un précédent article (Article du 14 avril 2014, C. d’appel de LIMOGES, 24 janvier 2014, RG n°12/01358), En l’espèce, des particuliers avaient contracté auprès d’une société spécialisée dans la fourniture et la pose d’un système solaire photovoltaïque. Très rapidement, ils ont reproché à la société de ne pas avoir effectué les travaux dans les règles de l’art et les opérations de branchement alors que cela avait été contractuellement prévu au contrat. Comme souvent, les particuliers avaient contracté un contrat de crédit accessoire auprès d’une banque afin de financer ledit projet. Il est par ailleurs à noter que la société installatrice était entrée, dans l’intervalle, en procédure collective. Sur le plan juridique, les particuliers sollicitaient de la juridiction que les irrégularités du bon de commande soient constatées au visa des dispositions du code de la consommation. C’est exactement ce que la juridiction de QUIMPER constate en jugeant :  « Le contrat dénommé : « demande de candidature au programme Maison Verte » signé le 23 avril 2012, à leur domicile, entre M. et Mme … et le représentant de la SARL …., après un démarchage téléphonique est affecté de nombreuses irrégularités au regard des articles L 121-23 du code de la consommation et suivants du Code civil. Notamment, la nature et les caractéristiques précises des biens et prestations offerts, la mention de la faculté de renonciation et les conditions d’exercice de celle-ci, la mention intégrale des articles L121-23 à L121-26 du code de la consommation ne sont pas indiquées. De plus, le formulaire utilisé est dépourvu de bordereau de rétractation conforme aux dispositions du code de la consommation (…) La nullité du contrat est évidente ». Ce type de contrat est malheureusement monnaie courante et un flux jurisprudentiel en est attendu puisqu’à la nullité du contrat s’ajoute fréquemment des malfaçons on non exécution de contrat, puis la liquidation judiciaire de la société ayant usé de pratiques trompeuses. Le Tribunal d’instance de QUIMPER tire ensuite les conséquences de cette nullité sur le contrat de crédit affecté en jugeant qu’:  « Elle entraîne en application des dispositions de l’article L 311-32 du code de la consommation celle du contrat de crédit ». Ce jugement est intéressant puisqu’il rappelle l’interdépendance du contrat principal et du contrat de crédit affecté et les conséquences découlant de la résolution du contrat principal sur le second. A noter que la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 a réformé plusieurs dispositions du code de la consommation intéressant les opérations de démarchage. On retiendra que le nouvel article L111-1 I du code de la consommation impose des obligations plus étendues à la charge du professionnel puisque ce dernier doit informer le consommateur les informations suivantes : Les caractéristiques essentielles du bien ou du service. Il est précisé que cette information doit être faite en fonction du support de communication utilisé : on ne donne pas autant de détail sur les caractéristiques du bien si celui-ci est exposé en vitrine ou si la commande se fait par téléphone ; Le prix du bien ou du service selon les modalités de l’article L. 113-3 qui n’a pas été modifié ; La date ou le délai dans lequel le professionnel livrera le bien ou exécutera le service ; L’identification du professionnel, un décret en Conseil d’État fixera les éléments de cette identification. Un autre décret, prévu à l’article L. 111-2-1 nouveau, précisera les informations à donner lorsque le contrat porte sur la fourniture de services et ne donne pas lieu à un écrit. Surtout, aux termes de l’article L212-21 du Code de la consommation le consommateur dispose dorénavant d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu à distance, à la suite d’un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision. Rappelons que ces nouvelles dispositions ne s’appliquent aux contrats conclus après le 13 juin 2014. Nul doute que les dispositions protectrices, rappelées dans ce jugement par le Tribunal d’instance de QUIMPER, resteront plus que jamais d’actualités malgré la réforme récente du code de la consommation. Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat

Les sites pollués auront enfin une autre « ALUR » … si les décrets sortent des tuyaux !

La loi ALUR (L. n°2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové) est entrée en vigueur le 27 mars 2014. Cette loi, visant à favoriser l’accès au logement, vient réformer le droit des sites et sols pollués afin d’encourager la reconversion des friches industrielles. Cette réforme est le volet le moins médiatique de la loi mais d’une importance majeure. Rappelons tout d’abord que le gouvernement avait hésité à insérer dans le projet de loi ALUR initial, présenté en première lecture à l’Assemblée nationale, ces dispositions sur les sols pollués. Finalement, ces dispositions sont réapparues dans le texte grâce à l’amendement du sénateur M. Vanderendonck qui insère un article 84 bis au sein du projet de texte. L’article 173 de cette loi présente donc un certains nombres d’innovations destinées à clarifier le devenir des friches industrielles. Une localisation précise des sols pollués Le législateur, afin d’améliorer l’information des citoyens en matière environnementale, qui depuis l’adoption de la charte de l’environnement en 2005 est une obligation constitutionnelle, impose à l’Etat de délimiter précisément la localisation des sites pollués. A cette fin, sont créés des secteurs d’information sur les sols « qui comprennent les terrains où la connaissance de la pollution justifie (…) la réalisation d’études des sols et de mesures de gestion de la pollution ». La vocation de ces secteurs est donc de permettre la localisation des terrains sur lesquels une étude sol et l’adoption de mesures de gestion de la pollution sont requises. Ils sont arrêtés par le représentant de l’Etat dans le département après avoir recueilli l’avis des maires des communes ou des présidents des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ayant compétence en matière d’urbanisme, sur le territoire desquels sont situés les projets de secteur. Les propriétaires des terrains sont informés des projets. Concrètement, ces secteurs se matérialisent par des documents graphiques annexés aux documents d’urbanisme (PLU, carte communale…). Au-delà de cette obligation, l’Etat doit cartographier les anciens « sites industriels et activités de services ». Dans le cadre de la délivrance d’un certificat d’urbanisme, celui-ci doit mentionner si le terrain est répertorié sur ces cartes. Cette localisation des sols pollués donne lieu à une extension de l’obligation d’information précontractuelle. Il est logique, voir même normal, de voir cette obligation, bien connue en matière de vente, étendue à la cession des sites pollués afin d’avertir l’acquéreur de certains dangers découlant des pollutions. Lors d’une vente ou de la mise en location d’un terrain se situant au sein d’un secteur d’information, le vendeur ou le bailleur est tenu d’informer par écrit l’acquéreur ou le locataire de cette localisation. C’est l’acte de vente ou de location qui atteste de l’accomplissement de cette formalité. Le législateur transpose le régime de droit commun de l’obligation précontractuelle pesant sur le vendeur à la cession des sites pollués puisque si cette formalité n’a pas été accomplie et qu’une pollution est constatée rendant le terrain impropre à la destination précisée dans le contrat, l’acquéreur ou le locataire peut, dans un délai de 2 ans à compter de la découverte de la pollution demander, soit la résolution du contrat, soit la restitution d’une partie du prix, soit la réduction du loyer. L’acquéreur peut aussi demander la réhabilitation du terrain aux frais du vendeur si le coût n’est pas disproportionné au prix de vente ! La même obligation d’information pèse sur le vendeur en matière d’installation classée pour la protection de l’environnement (Cf. la nouvelle rédaction du dernier alinéa de l’article 514-20 Code de l’environnement). Consécration du tiers payeur ? La loi ALUR rompt avec l’interprétation stricte du principe du pollueur payeur. Ce principe, à l’origine économique (issu de la théorie des externalités de l’économiste Arthur Cecil Pigou), consiste en la prise en charge du dommage écologique par le pollueur. Or, cette loi insère un nouvel article L 512-21 du code de l’environnement qui permet à un tiers intéressé de se substituer à l’exploitant pour réaliser les travaux de réhabilitation du terrain lors de la cessation d’activité d’une ICPE. Jusqu’à cette réforme, l’exploitant propriétaire pouvait céder son terrain à un tiers acceptant de prendre à sa charge les frais de dépollution. Or, cette convention n’était pas opposable à l’administration. Cette disposition rend opposable à l’administration le contrat conclu entre le l’exploitant et le tiers intéressé puisque celui-ci est placé sous le contrôle de l’administration. Le représentant de l’Etat dans le département doit donner son accord pour que le tiers puisse se substituer à l’exploitant. Le tiers doit définir l’usage envisagé sur le terrain et présenter un mémoire de réhabilitation afin d’assurer la compatibilité entre l’usage futur envisagé et l’état des sols. L’Etat se prononce sur l’usage et peut prescrire des mesures. La loi impose que le tiers doit disposer de capacités techniques et de garanties financières suffisantes pour réaliser les travaux. Cependant, en cas de défaillance du tiers, l’exploitant reste débiteur de l’obligation de remise en état du site. L’avènement d’un véritable droit des sites et sols pollués Le nouvel article L 556-3 du Code de l’environnement vient clarifier l’articulation entre la police des ICPE et la police des sites et sols pollués en instaurant une hiérarchie des responsables de la réhabilitation d’un site pollué. Pour les sols dont la pollution a pour origine une activité mentionnée à l’article L 165-2 du code de l’environnement, une ICPE ou une installation nucléaire de base, les débiteurs de premier rang de la réhabilitation du site sont : le dernier exploitant ou, le tiers intéressé ou le maître d’ouvrage. En revanche, pour les sols pollués par une autre origine que celles citées précédemment, c’est le producteur des déchets qui est le débiteur de premier rang de l’obligation de réhabilitation du site. En l’absence du débiteur de premier rang, c’est le propriétaire du terrain qui est responsable de la réhabilitation à condition que celui-ci ait fait preuve de négligence ou qu’il n’est pas étranger à cette pollution. Le législateur étend ici à tous les sites pollués la jurisprudence du Conseil d’état en matière de déchets[1]. Cette solution rompt avec la jurisprudence traditionnelle…

Solaire/ liquidation des sociétés spécialisées en photovoltaïque : l’irrégularité du contrat de crédit comme sortie de secours ? (Cass, 30 avr.2014)

Par un arrêt en date du 30 avril 2014 (C.cass, 30 avril 2014, n°13-15581), la Cour de Cassation rappelle que le contrat de crédit destiné à financer la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques constituant des travaux de construction relève des opérations énumérées à l’article L 312-2 du Code la consommation, ce qui entraîne un certain formalisme qui peut être favorable aux producteurs d’électricité. En l’espèce, un couple de particuliers avait souscrit auprès d’un organisme de crédit la somme de 28 600 euros destiné à financer la vente et l’installation sur leur immeuble d’équipements de production d’électricité par panneaux photovoltaïques. Il semblerait que l’installation produisait de l’électricité destinée à être vendue mais aussi à être consommée. Devant une installation mal exécutée et où il avait d’ailleurs pu être constaté que la sécurité des lieux était compromise, les particuliers avaient assigné la société installatrice des panneaux solaires, son mandataire judiciaire (puisque cette dernière était placée en liquidation judiciaire) et la société de crédit au titre de l’article L312-2 du Code de la consommation. Il est important de relever que les particuliers,, de manière habile, soutenaient que le contrat de crédit qu’ils avaient souscrit était soumis aux dispositions de l’article L312-12 du Code de la consommation et qu’en tout état de cause le contrat de prêt et le contrat principal étaient interdépendants de telle sorte que la résolution du contrat principal emportait de plein droit la résolution du contrat de prêt. Notons que la banque soutenait que le contrat de crédit en l’espèce n’entrait pas dans le champ d’application protecteur de l’article L312-12 du Code de la consommation lequel dispose : « Les dispositions du présent chapitre s’appliquent aux prêts qui, quelle que soit leur qualification ou leur technique, sont consentis de manière habituelle par toute personne physique ou morale en vue de financer les opérations suivantes : 1° Pour les immeubles à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation : a) Leur acquisition en propriété ou la souscription ou l’achat de parts ou actions de sociétés donnant vocation à leur attribution en propriété, y compris lorsque ces opérations visent également à permettre la réalisation de travaux de réparation, d’amélioration ou d’entretien de l’immeuble ainsi acquis ; b) Leur acquisition en jouissance ou la souscription ou l’achat de parts ou actions de sociétés donnant vocation à leur attribution en jouissance, y compris lorsque ces opérations visent également à permettre la réalisation de travaux de réparation, d’amélioration ou d’entretien de l’immeuble ainsi acquis ; c) Les dépenses relatives à leur réparation, leur amélioration ou leur entretien lorsque le montant du crédit est supérieur à 75 000 € ; d) Les dépenses relatives à leur construction ; 2° L’achat de terrains destinés à la construction des immeubles mentionnés au 1° ci-dessus ». Les conséquences de cette soumission de certains contrats de prêt à l’article L312-12 du Code de la consommation sont nombreuses puisqu’un formalisme doit être respecté. L’article L312-10 du Code la consommation prévoit ainsi un délai de réflexion de dix jours au bénéfice de l’emprunteur:  « L’envoi de l’offre oblige le prêteur à maintenir les conditions qu’elle indique pendant une durée minimale de trente jours à compter de sa réception par l’emprunteur. L’offre est soumise à l’acceptation de l’emprunteur et des cautions, personnes physiques, déclarées. L’emprunteur et les cautions ne peuvent accepter l’offre que dix jours après qu’ils l’ont reçue. L’acceptation doit être donnée par lettre, le cachet de la poste faisant foi ». En l’espèce, la Cour de cassation rejette l’argumentation de la banque et confirme le raisonnement suivi par la Cour d’appel en rappelant : « Mais attendu qu’ayant constaté que le prêt contracté était d’un montant supérieur à 21 500 euros et qu’il était destiné à financer la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques constituant des travaux de construction et permettant aux propriétaires d’un immeuble à usage d’habitation non seulement de vendre l’électricité produite à un fournisseur d’énergie, mais également d’en bénéficier pour leur usage personnel, la cour d’appel en a exactement déduit que ce prêt relevait des opérations énumérées à l’article L. 312-2 du code de la consommation dans sa rédaction applicable en la cause ».   Plus encore et pour justifier le versement de dommages et intérêts la Cour de cassation précise :  « Mais attendu qu’ayant retenu, par motifs adoptés, que l’absence d’émission d’une offre de prêt immobilier avait fait obstacle aux dispositions plus protectrices des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation, notamment celles relatives à la formation du contrat et au délai de réflexion de dix jours prévu à l’article L. 312-10, la cour d’appel a caractérisé le préjudice subi par les emprunteurs ».   La Haute juridiction se focalise donc dans le litige qui lui est soumis sur l’irrégularité du contrat de crédit pour justifier la réparation des particuliers, sans se positionner sur les motifs qui auraient pu justifier en l’espèce la résolution du contrat principal (chantier de l’installation laissé à l’abandon). D’un point de vue pratique, cet arrêt de la Cour de cassation est particulièrement intéressant puisqu’il permet de rappeler aux particuliers qui ont contracté des prêts en vue de financer leurs projets d’installations photovoltaïques qu’une action en résolution du contrat principal et du contrat de prêt peut être exercée, indépendamment du placement en liquidation judiciaire de la société spécialisées dans l’installation photovoltaïque. Face à la multiplication du placement en liquidation ou redressement judiciaire de nombreuses sociétés spécialisées dans la vente et l’installation de centrales photovoltaïques, l’action en résolution du contrat de prêt devient donc une arme juridique redoutable comme en témoigne le présent arrêt. Ainsi et concrètement les particuliers en obtenant la résolution de leur contrat de prêt pourront atténuer sensiblement leur préjudice en n’ayant plus à subir le remboursement des échéances de prêts pour une installation hors service ou mal posée. Me Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat

La prescription de l’action publique en cas d’infractions aux règles d’urbanisme : un régime juridique subtil !

Par un arrêt en date du 27 mai 2014 (C.cass, 27 mai 2014, n°13-80.574), la Cour de cassation rappelle que les infractions d’exécution de travaux sans déclaration préalable et en méconnaissance du plan local d’urbanisme (PLU) s’accomplissent pendant la durée des travaux jusqu’à leur achèvement. La Haute juridiction précise à cet égard que la prescription de l’action publique ne court qu’à compter du jour où les installations sont en état d’être affectées à l’usage auquel elles sont destinées. En l’espèce, un particulier avait fait installer en 2005 des constructions modulaires sans autorisation et en méconnaissance du Plan local d’urbanisme. Ce dernier avait été condamné en première instance à une amende et une remise en état des lieux.  Estimant que le régime de la prescription devait trouver à s’appliquer, la Cour d’appel de Versailles saisie du litige avait rejeté l’argument au motif que « les faits qui lui sont reprochés constituent des délits continus dont les effets se prolongent par la volonté réaffirmée de la prévenue de ne pas respecter les dispositions réglementaires applicables ». Rappelons que les infractions au code de l’urbanisme constituent des délits. Leur prescription est donc, conformément à l’article 8 du code de procédure pénale, de 3 ans. Il faut souligner que le délai de prescription des infractions au code de l’urbanisme ne commence à courir qu’à compter de l’achèvement des travaux (C.cass, crim, 17 juin 1964 ; C.cass, crim., 10 déc. 1985, n° 84-92.105 ; C.cass, crim, 20 mai 1992, n° 90-87.350), ce qui justifie que l’on parle d’infraction continue. Ce que la Cour de cassation précise dans l’arrêt commenté est que les travaux ne sont “achevés” qu’à compter du moment où l’immeuble est en état d’être affecté à l’usage auquel il est destiné. Ainsi, la jurisprudence considère que la prescription n’est pas acquise tant que des travaux, même non soumis à permis de construire (revêtement extérieur en pierre et travaux intérieurs tels que le carrelage et la peinture) restent à exécuter (C.cass crim, 18 mai 1994, n° 93-84.557). En l’espèce, la Cour de cassation casse partiellement le raisonnement suivi par la Cour d’appel et rappelle :  « Attendu que les infractions d’exécution de travaux sans déclaration préalable et en méconnaissance du Plan Local d’Urbanisme s’accomplissent pendant tout le temps où les travaux sont exécutés et jusqu’à leur achèvement ; que la prescription de l’action publique ne court qu’à compter du jour où les installations sont en état d’être affectées à l’usage auquel elles sont destinées ; Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure qu’un procès-verbal, dressé le 9 octobre 2008, a constaté que Mme X… avait posé des constructions modulaires d’une surface d’environ 20 m2 ainsi qu’une toiture deux pans et un auvent sans autorisation et en méconnaissance du PLU de la commune de …, sur une parcelle lui appartenant ; Attendu que, pour rejeter l’exception de prescription soulevée par Mme X… qui soutenait qu’en 2005 elle a acheté une construction modulaire qu’elle a posée sur sa parcelle et que l’auvent a été créé au moment où ladite construction a été installée, l’arrêt attaqué retient que les faits qui lui sont reprochés constituent des délits continus dont les effets se prolongent par la volonté réaffirmée de la prévenue de ne pas respecter les dispositions réglementaires applicables ; Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si, à la date du premier acte interruptif de prescription, l’ouvrage, portant sur les constructions modulaires et l’auvent, était  depuis trois années, en état d’être affecté à l’usage auquel il était destiné, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ; D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ». L’arrêt rendu par la Cour de cassation confirme sa jurisprudence abondante rendu sur le sujet et sanctionne la liberté de raisonnement de la Cour d’appel de Versailles. Cet arrêt est intéressant puisqu’il permet de rappeler que le régime de la prescription de l’action publique pour les infractions commises en méconnaissance des règles d’urbanisme est soumis à un régime d’appréciation au cas par cas, qui conduira le juge à vérifier à partir de quand la prescription a commencé à courir. Aussi, les personnes souhaitant faire jouer la prescription devront apporter la preuve par le biais de photographies, factures ou constat d’huissier …. que les travaux exécutés étaient bien terminés à une date déterminée et donc permettaient à la construction d’être affectée à l’usage auquel elle est destinée. Rappelons donc que la prescription au sens du droit de l’urbanisme ne jouera qu’à compter du jour de l’achèvement complet des travaux et du jour où l’installation est en état d’être affectée à l’usage auquel on la destine. En l’absence de travaux achevé ou ne permettant pas un usage auquel la construction est destinée, aucun délai ne court et les poursuites pénales sont alors susceptibles d’être engagées. Me Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat  

Eoliennes: le permis de construire n’a pas à être précédé d’une autorisation d’occupation du domaine public pour le passage des câbles (CE, 4 juin 2014)

Le Conseil d’Etat vient de trancher récemment (Conseil d’Etat, 4 juin 2014, n°357176) la question de savoir si la délivrance du permis de construire pour un parc éolien est subordonnée à l’obtention préalable d’une autorisation d’occupation du domaine public pour le passage des câbles électriques nécessaires au raccordement au réseau des éoliennes. Cette question était d’importance car les règles auparavant applicables prévoyaient que le demandeur au permis devait disposer d’un “titre l’habilitant à construire”, ce qui pouvait être de nature à rendre nécessaire une AOT ou une COT lorsque le domaine public était concerné par la construction. Toute la question demeurait de savoir si le réseau de câbles était inclus dans la construction, ce d’autant qu’en l’espèce, ce n’était même pas le réseau privé (éoliennes-poste de livraison) mais le réseau géré par le gestionnaire (poste de livraison/poste source) qui était en cause. La réponse pourrait apparaître comme frappée du bon sens (la construction ne porte que sur le parc éolien) mais pourtant, cette question restait en suspend, tant que deux jurisprudences s’opposaient: l’arrêt rendu en appel dans l’affaire finalement tranchée par le Conseil d’Etat (CAA Douai, 23 déc. 2011, n°10DA00973) et un jugement du Tribunal administratif de Lille (TA Lille, 4 oct. 2012, n° 0907032). En l’espèce, une association cherchait à obtenir l’annulation d’un permis de construire accordé à un opérateur pour la construction d’un parc éolien. Au soutien de sa demande, l’association soutenait que l’enfouissement des câbles électriques reliant le poste de livraison du parc éolien au poste source du réseau de distribution d’électricité nécessitait une occupation des ouvrages du réseau public de distribution implantés sur le domaine public. Elle estimait que le pétitionnaire devait joindre à sa demande de permis de construire la preuve de la délivrance d’une autorisation d’occupation du domaine public. Lors de l’audience, les conclusions du Rapporteur public avaient été accueillies avec une grande surprise et la formation de jugement de la Cour administrative d’appel de Douai avait estimé que le parc éolien et les câbles formaient un tout : « L’enfouissement des câbles électriques reliant le poste de livraison aux postes sources nécessite une occupation des ouvrages du réseau public de distribution d’électricité implantés sur le domaine public ; que le pétitionnaire du permis litigieux ne justifie pas de la délivrance, par la commune ou par le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, d’une autorisation d’occupation du domaine public à cette fin ; que dans ces conditions [le pétitionnaire] ne peut être regardée comme disposant d’un titre l’habilitant à construire ». L’année suivante, le Tribunal administratif de Lille (TA Lille, 4 oct. 2012, n° 0907032) avait rendu un jugement contradictoire. Le Conseil d’Etat clarifie donc cette question en considérant : « qu’il résulte toutefois des articles 14 et 18, alors applicables, de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité que le raccordement des ouvrages de production d’électricité au réseau public de transport d’électricité ainsi qu’aux réseaux publics de distribution d’électricité incombe aux gestionnaires de ces réseaux ; qu’ainsi, le raccordement, à partir de son poste de livraison, d’une installation de production d’électricité au réseau électrique se rattache à une opération distincte de la construction de cette installation et est sans rapport avec la procédure de délivrance du permis de construire l’autorisant ; que la délivrance de ce permis n’est donc pas subordonnée, hors l’hypothèse où l’installation serait elle-même implantée, en tout ou en partie, sur le domaine public, à l’obtention préalable d’une autorisation d’occupation du domaine public ». La construction de l’installation éolienne et son raccordement au réseau électrique sont deux opérations distinctes. La délivrance du permis de construire n’est donc pas subordonnée à l’obtention préalable d’une autorisation du domaine public. Rappelons que cet arrêt est rendu sous le régime antérieur relatif au titre habilitant à construire. Aujourd’hui, l’article R431-13 du code de l’urbanisme règle cette question, puisqu’il prévoit « Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l’accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public ». Il ne sera donc désormais nécessaire de joindre au dossier de permis de construire éolien une pièce attestant de l’accord du gestionnaire du domaine public pour engager la procédure d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public que pour autant que le parc lui même est lui même implanté sur une telle parcelle (dans cette hypothèse, ce n’est pas l’autorisation d’occupation du domaine public qui est requise, mais uniquement l’accord du gestionnaire pour engager la procédure d’autorisation). Si le parc n’est pas implanté sur du domaine public, la construction ne sera pas assujettie à la production de l’accord du gestionnaire, même si le parc nécessite bien évidemment un raccordement au RPD. Camille Colas Green Law Avocat