Par David DEHARBE (Green Law Avocats)
Dans un arrêt du 30 octobre 2017 n° 16NT00528, la Cour administrative d’appel de Nantes a précisé la notion d’intérêt à agir lors de la contestation d’une procédure de mise en concurrence relative à un appel d’offres « énergie » (procédure prévue aux articles L311-10 et suivants du code de l’énergie).
Par une décision conjointe du Ministre de l’écologie et du développement durable et du Ministre de l’industrie et de l’énergie en date du 6 avril 2012, la société Ailes Marines SAS est devenue attributaire du lot n°4 d’un appel d’offres énergétique portant sur l’implantation d’un parc éolien sur le domaine public maritime au large de la commune de Saint-Brieuc. Par une décision du 18 avril 2012, la société a été autorisée à exploiter un parc éolien sur ce territoire d’une capacité totale de production de 500 MW.
La société Eolienne Maritime France, candidate à l’appel d’offres, a été informée que son offre avait été rejetée par une décision du 19 avril 2012. Le partenaire de cette société, le bureau d’études Nass & Wind Offshore, décide de contester devant le tribunal administratif de Rennes les décisions des 18 et 19 avril 2012 en sollicitant une indemnisation au titre des préjudices qu’elle estime avoir subis du fait de ces décisions. Le tribunal ayant rejeté ses demandes, le requérant interjette appel.
Les juges de la Cour administrative d’Appel de Nantes vont juger, dans un raisonnement en deux temps, que l’appelant n’avait pas intérêt à agir pour contester ces deux décisions :
Dans un premier temps, l’appelant soutenait que son intérêt à agir était suffisamment direct dans la mesure où le bureau d’études intégrait un consortium représenté par la société Eolien Maritime France lors de la consultation d’appel d’offres. Or, en l’espèce, la Cour relève que la note de présentation élaborée par la société candidate évincée à l’appel d’offres ne désignait le bureau d’études que comme son « cocontractant » dans le cadre du développement du projet. Dans ces conditions, le juge d’appel relève que la qualité de cocontractant du candidat évincé n’est pas de nature à conférer au bureau d’études un intérêt à agir en vue de contester les décisions attaquées :
« Considérant, en premier lieu, que la société Nass § Wind Offshore n’était pas elle- même candidate, ni même en situation de se porter candidate, à l’appel d’offres organisé par l’Etat pour l’attribution, sur le fondement des dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de l’énergie, de l’autorisation d’exploiter un parc éolien en mer au large de Saint-Brieuc, formant le lot n°4 de cette consultation ; que si la société requérante se prévaut de sa qualité de partenaire au sein du consortium représenté par la société Eolien Maritime France, laquelle a déposé une offre pour l’attribution du lot n°4, la note de présentation de la structure organisationnelle produite par Eolien Maritime France la désigne seulement comme cocontractante de cette société dans le cadre du développement du projet ; qu’une telle qualité n’est de nature à conférer à la requérante un intérêt pour agir ni en vue de contester l’autorisation délivrée à l’issue de l’appel d’offres sur le fondement de l’article L.311-1 du code de l’énergie, ni en vue de demander l’annulation de la décision rejetant l’offre du candidat avec lequel la société requérante avait contracté ; «
Dans un second temps, le bureau d’études se prévalait de la signature d’une « convention d’achat d’actions et de collaboration » par laquelle il avait cédé 100% du capital de la société qui développait le projet de parc éolien à la société Eolien Maritime France. Cette convention prévoyait également la possibilité pour le bureau d’études, d’effectuer des prestations de services complémentaires pour le compte de la société Eolien Maritime France dans l’hypothèse où celle-ci remportait le marché, moyennant le versement d’un prix au bénéfice du bureau d’études. Néanmoins, le juge considère que cette convention n’est pas susceptible de caractériser un intérêt personnel et direct suffisant pour lui donner qualité à agir à l’encontre des décisions attaquées.
« Considérant, en second lieu, que la société Nass § Wind Offshore se prévaut également de la signature d’une « convention d’achat d’actions et de collaboration » par laquelle elle a cédé à Éolien Maritime France 100% du capital de la société qui développait le projet de parc éolien sur le site de Saint-Brieuc ; que cette convention prévoyait le versement à la requérante de compléments de prix liés à la possibilité pour Éolien Maritime France de développer le projet au large de Saint-Brieuc, tout en prévoyant la signature d’un contrat de prestation de service au cas où la société Eolien Maritime France serait attributaire de l’autorisation ; que, cependant, les clauses que comporte une telle convention, librement souscrite et à laquelle l’Etat n’était pas partie, sont insusceptibles de caractériser, de la part du cocontractant du candidat évincé, un intérêt personnel et direct suffisant pour lui donner qualité pour agir, tant à l’encontre de la décision de rejet de l’offre de son cocontractant qu’à l’encontre de la décision d’attribution à un autre concurrent ou en indemnisation des éventuels préjudices commerciaux consécutifs à de telles décisions «
L’appel est donc rejeté pour défaut d’intérêt à agir.
L’intérêt à agir du bureau d’études aurait pu être admis si la candidature à l’appel d’offres avait été déposée par un groupement d’opérateurs économiques, constitué du bureau d’études requérant et de la société Eolien Maritime France. En effet, il est de jurisprudence constante que les membres d’un groupement, candidat à un marché public, peuvent contester les décisions d’attribution desdits contrats (Cf. Conseil d’Etat, 23 octobre 1992, req. n°107107). Or, cette solution nous paraît être transposable aux appels d’offres énergétiques.