Fonction publique : point de départ d’un accident de trajet et immeuble collectif

Par Frank ZERDOUMI, juriste (Green Law Avocats)
En cas d’accident de service ou d’accident de trajet, le fonctionnaire bénéficie d’une protection sociale. L’accident de trajet est un accident qui a lieu, normalement, lors du trajet direct entre le domicile et le lieu de travail. Sur cette interprétation, le juge administratif et le juge judiciaire ont des jurisprudences assez semblables.
Ainsi, dans une décision du 17 janvier 2014, Ministre du Budget, des comptes publics et de la réforme de l’État (n° 352710 ), le Conseil d’État a qualifié d’accident de trajet un accident d’un agent malgré son départ anticipé du lieu de travail. La notion retenue par le juge est celle de trajet habituel, mais des détours sont acceptables et tolérés (CE, 29 janvier 2010, Mme Oculi, n° 314148 ).
Le sieur B est Professeur au lycée René Caillé de Marseille.
Le 22 novembre 2018, en quittant son domicile, situé dans un immeuble d’habitation collectif, pour se rendre sur son lieu de travail, il a été heurté par la fermeture soudaine de la porte automatique basculante du garage collectif de l’immeuble où il stationnait sa moto et s’est fracturé le pied droit : il a donc été en arrêt de travail du 22 novembre 2018 au 11 janvier 2019.
D’après la victime, cet accident ayant conduit à son placement en congé de maladie s’est produit alors qu’il se rendait à son lieu de travail. Monsieur B a donc demandé au recteur de l’Académie d’Aix-Marseille la reconnaissance de son imputabilité au service.
Le 24 janvier 2019, le recteur a refusé de reconnaître l’imputabilité au service de cet accident. Monsieur B a formé un recours gracieux contre cette décision de refus.
Le 15 mars 2019, le recteur d’académie a rejeté ce recours.
Monsieur B a donc déposé un recours pour excès de pouvoir devant le Tribunal administratif de Marseille afin d’obtenir l’annulation de la décision du 24 janvier 2019 et de la décision du 15 mars 2019.
Le 2 décembre 2021, le Tribunal administratif a rejeté sa demande. Le requérant a donc interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Marseille.
Le 4 mars 2024, la Cour administrative d’appel de Marseille a annulé le jugement du 2 décembre 2021 ainsi que les décisions des 24 janvier et 15 mars 2019 et enjoint au recteur de prendre, dans un délai d’un mois, une décision admettant l’imputabilité de l’accident au service et de procéder, dans un délai de deux mois, à la reconstitution de ses droits sociaux.
Le 6 mai 2024, la ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’État.
Quelle est la nature juridique d’un accident survenu à un agent à l’intérieur du garage collectif de l’immeuble où il réside, alors qu’il se rendait sur son lieu de travail ?
Le Conseil d’État a qualifié ce fait d’accident de trajet, dans la mesure où ledit garage constituait le point de départ dudit accident (décision commentée : CE, 27 juin 2025, n° 494081 ).
L’article L. 822-19 du Code général de la fonction publique dispose que :
« Est reconnu imputable au service, lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit en apportent la preuve ou lorsque l’enquête permet à l’autorité administrative de disposer des éléments suffisants, l’accident de trajet dont est victime le fonctionnaire qui se produit sur le parcours habituel entre le lieu où s’accomplit son service et sa résidence ou son lieu de restauration et pendant la durée normale pour l’effectuer, sauf si un fait personnel du fonctionnaire ou toute autre circonstance particulière étrangère notamment aux nécessités de la vie courante est de nature à détacher l’accident du service. ».
Dans cette décision, la Haute Assemblée a mis en exergue le raisonnement de la Cour avant de confirmer son arrêt :
« Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la cour administrative d’appel a relevé que l’accident dont M. B a été victime s’est produit alors que l’agent avait quitté son appartement situé dans un immeuble d’habitation collectif pour se rendre à son lieu de travail. En jugeant que, dans ces conditions, M. B devait être regardé comme ayant commencé le trajet le conduisant vers son lieu de travail et que l’accident subi par cet agent public revêtait ainsi le caractère d’un accident de trajet, sans qu’y fasse obstacle la circonstance que cet accident s’est produit à l’intérieur d’un garage collectif situé dans l’enceinte de l’ensemble résidentiel dans lequel se trouvait son appartement, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit » (décision commentée : CE, 27 juin 2025, n° 494081, point 3 ).
En conséquence, dans la mesure où la victime se rendait sur son lieu de travail, le point de départ de l’accident de trajet est bien l’intérieur du garage collectif situé dans l’enceinte de l’immeuble.
Autrement dit, le Conseil d’État a suivi le rapporteur public qui a indiqué que ce trajet commence au sein des espaces communs :
« Le trajet qu’il entreprend « hors de sa résidence » commence donc dès qu’il sort de son logement et qu’il circule dans les espaces communs de l’immeuble collectif d’habitation » (conclusions du rapporteur public, page 5 ).
Pour mémoire, ce sont des espaces dans lesquels notamment les propriétaires ou exploitants s’assurent que les force de l’ordre et les services de secours peuvent y intervenir (article L. 272-1 du code de la sécurité intérieure ; conclusions du rapporteur public, page 5 ).
Néanmoins, le trajet de travail de l’agent ne peut être considéré comme effectué sur des parties communes à usage exclusif, telles certaines terrasses ou cour (conclusions du rapporteur public, page 5 ).
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