Espèces protégées versus remise en état du domaine public maritime

Le tribunal administratif de Bastia a refusé de liquider une astreinte provisoire infligée à Mme B. qui n’a pas remis en état une parcelle du domaine public maritime.
Cependant, la Cour administrative d’appel de Marseille a annulé son jugement en raison de l’inopérance d’un moyen : l’impossibilité de remettre en état le domaine public à cause de la présence d’une espèce protégée.
Saisi du pourvoi, le Conseil d’État a précisé si le juge de l’exécution peut refuser la liquidation d’une astreinte provisoire du fait de la présence d’une espèce protégée.
En réponse, la Haute juridiction estime que le juge de l’exécution doit étudier la menace pesant sur une espèce protégée avant de liquider l’astreinte (décision commentée : CE, 19 décembre 2024, n°491592).
Avant de relever que la présence d’une espèce protégée est une source potentielle de difficulté pour la remise en état du domaine public maritime (I), la Haute juridiction énonce les conditions de modulation de l’astreinte provisoire en la matière (II).
Cependant, la Cour administrative d’appel de Marseille a annulé son jugement en raison de l’inopérance d’un moyen : l’impossibilité de remettre en état le domaine public à cause de la présence d’une espèce protégée.
Saisi d’un pourvoi, le Conseil d’État a précisé si le juge de l’exécution peut refuser la liquidation d’une astreinte provisoire du fait que la présence d’une espèce protégée rend difficile la remise état du domaine public maritime.
En réponse, la Haute juridiction estime que le juge de l’exécution doit étudier la menace pesant sur une espèce avant de liquider l’astreinte (décision commentée : CE, 19 décembre 2024, n°491592).
Avant de relever que la présence d’une espèce protégée est une source potentielle de difficulté pour la remise en état du domaine public maritime (I), la Haute juridiction énonce les conditions de modulation de l’astreinte provisoire en la matière (II).
I. La modulation de l'astreinte provisoire en cas de difficulté de remise en état du domaine public maritime
Le code de justice administrative (CJA) prévoit que le juge de l’exécution doit liquider l’astreinte provisoire en cas d’inexécution totale ou partielle voire d’exécution tardive de l’injonction (CJA, article L.911-7).
La Haute juridiction applique ce principe de liquidation de l’astreinte aux injonction de remise en état du domaine public maritime :
« Lorsqu’il a assorti l’injonction de remettre en état le domaine public maritime d’une astreinte dont il a fixé le point de départ, le juge administratif doit procéder à sa liquidation en cas d’inexécution totale ou partielle ou d’exécution tardive de l’injonction » (décision commentée : CE, 19 décembre 2024, n°491592, point 2).
Toutefois, le code de justice administrative dispose que la juridiction peut modérer ou supprimer l’astreinte provisoire (CJA, article L.911-7).
Sur ce point, le Conseil d’État précise l’étendue de cette prérogative en indiquant que le juge de l’exécution doit tenir compte des difficultés rencontrées par les parties dans l’exécution ou de leurs diligences :
« Il peut toutefois modérer ou supprimer l’astreinte provisoire, même en cas d’inexécution de la décision juridictionnelle, compte tenu notamment des difficultés rencontrées dans l’exécution de la chose jugée par les parties tenues de procéder à cette exécution, des diligences déjà accomplies par elles et de celles qui sont encore susceptibles de l’être » (décision commentée : CE, 19 décembre 2024, n°491592, point 2).
Si le juge administratif dispose d’une telle faculté, encore faut-il qu’il s’en saisisse lorsque la remise en état du domaine public maritime s’avère difficile en présence d’une espèce protégée.
II. La présence d'une espèce protégée, une source potentielle de difficultés d'exécution
Pour s’opposer à la liquidation de l’astreinte provisoire, Mme B soutient que la difficulté d’exécution de la remise en état découle de la présence d’une espèce protégée, une colonie de dattes de mer (Litophaga lithophaga) dans l’emprise de la zone des travaux (a annexe IV, directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 ; arrêté du 20 décembre 2004, NOR : DEVN0540000A).
Alors que la Cour a jugé ce moyen inopérant, la Haute juridiction estime qu’en statuant de la sorte elle a commis une erreur de droit.
En ce sens, elle aurait dû apprécier la réalité de la difficulté d’exécution en vérifiant si l’autorité administrative peut délivrer une dérogation « espèces protégées » à Mme B. :
« En regardant comme inopérant, dans le cadre du litige portant sur la liquidation de l’astreinte dont elle était saisie, le moyen tiré de ce que l’exécution du jugement du 14 avril 2016 serait susceptible de menacer la datte de mer, espèce protégée, alors qu’il lui revenait d’apprécier la réalité de la difficulté d’exécution ainsi invoquée et, le cas échéant, de préciser les conditions d’exécution de la démolition ordonnée et les diligences pouvant être accomplies à cette fin par les parties, en évaluant la possibilité éventuelle pour l’autorité administrative d’accorder une dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées sur le fondement de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit. » (décision commentée : CE, 19 décembre 2024, n°491592, point 3).
Au travers de cette décision, le Conseil d’État invite le juge de l’exécution à mettre en balance les régimes de protection des espèces et de la domanialité publique.
En somme, la présence d’une espèce protégée peut constituer une réelle difficulté d’exécution, si l’autorité administrative ne peut octroyer une dérogation.
Besoin d’un avocat sur le sujet, contactez :
Laissez un commentaire