La reconstitution de quatre points pour le titulaire d’un permis de conduire

permis de conduire

Par  Frank ZERDOUMI, Juriste et Docteur en droit public (Green Law Avocats)

Le contentieux du permis à points a donné lieu à une abondante jurisprudence aussi intéressante que spécifique : le retrait de points est un dispositif singulier parmi les différentes sanctions administratives.

À titre de rappel, la sanction administrative doit être distinguée des mesures de police administrative, en ce qu’elle vise à punir une personne qui a enfreint une réglementation préexistante et non à prévenir des troubles à l’ordre public. Elle doit aussi être distinguée des décisions juridictionnelles, puisque la sanction est prononcée non pas par une juridiction mais bien par l’Administration.

Les 20 et 21 août 2021, Monsieur David D. a participé à un stage de sensibilisation à la sécurité routière lui permettant de récupérer quatre points sur son permis de conduire : ce stage a été effectué auprès du Centre de Sensibilisation à la Sécurité Routière JAP Montparnasse formation.

Pourtant, le 8 septembre 2021, le ministre de l’Intérieur a informé Monsieur David D. de la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul, par décision référencée 48SI : la lettre 48SI est un courrier recommandé qui invalide le permis de conduire lorsque le conducteur n’a plus de points.

Monsieur David D. a donc demandé au Tribunal administratif de Paris d’annuler cette décision et d’enjoindre au ministre de réaffecter son permis d’un minimum de quatre points.

Devant le Tribunal administratif, le ministre de l’Intérieur a produit un document attestant de ce que l’Administration avait refusé d’enregistrer le stage au motif que les intervenants n’avaient pas été déclarés au préalable et que le psychologue n’avait pas signé la feuille d’émargement du second jour, en méconnaissance de l’arrêté du 26 juin 2012 qui fixe les conditions d’exploitation des établissements chargés d’organiser les stages de sensibilisation à la sécurité routière.

Le ministre avait donc refusé de valider le stage de Monsieur David D. au motif que les intervenants à la formation n’avaient pas été déclarés en Préfecture et que l’intervenant psychologue n’avait pas signé la feuille d’émargement.

Le 2 août 2022, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 8 septembre 2021 qui actait la perte de validité du permis de conduire de Monsieur David D., et a ordonné au ministre de l’Intérieur d’augmenter son capital de quatre points dans un délai de trois mois.

Le ministre a donc saisi le Conseil d’État, en mettant en exergue que, depuis la fin de l’année 2020, s’est développée une fraude massive sur les attestations de stage de sensibilisation.

Quelles sont les conditions de la réattribution des points consécutive au suivi d’un stage de sensibilisation à la sécurité routière ? La décision d’invalider le permis de conduire de Monsieur David D. était-elle légale ?

Le Conseil d’État a répondu à cette question par la négative, quand bien même la procédure ne serait pas irréprochable (CE, 25 juin 2024, n°467984, téléchargeable ici).

police permis invalide

« Le titulaire du permis de conduire qui a commis une infraction ayant donné lieu à retrait de points peut obtenir une récupération de points s’il suit un stage de sensibilisation à la sécurité routière qui peut être effectué dans la limite d’une fois par an. Lorsque le titulaire du permis de conduire a commis une infraction ayant donné lieu à un retrait de points égal ou supérieur au quart du nombre maximal de points et qu’il se trouve dans la période du délai probatoire défini à l’article L. 223-1, il doit se soumettre à cette formation spécifique qui se substitue à l’amende sanctionnant l’infraction. »

Dans un premier temps, le Conseil d’État rappelle les conditions de restitution des quatre points et précise la nature des irrégularités affectant la validité d’un stage de récupération de points de permis de conduire :

« Le bénéfice, pour le titulaire d’un permis de conduire, de la reconstitution de quatre points prévue par les dispositions du II de l’article R. 223-8 du code de la route est subordonné au respect, par l’exploitant d’un établissement organisant des stages de sensibilisation à la sécurité routière et les personnes animant de tels stages, des dispositions citées au point 5 relatives à l’obligation de détention de l’autorisation prévue par l’article L. 212-1 du code de la route ou des agréments prévus par l’article L. 213-1, à la durée du stage et à son contenu » (CE, 25 juin 2024, n°467984, point 6, téléchargeable ici).

Dans un second temps, la Haute Juridiction nuance les conséquences de ces irrégularités :

« En revanche, la méconnaissance par l’exploitant de l’établissement organisant des stages de sensibilisation des obligations procédurales qui lui incombent à l’égard de l’administration, notamment des obligations déclaratives fixées par les articles 15 et 16 de l’arrêté du 26 juin 2012 cités au point précédent, n’est pas de nature à faire obstacle, à elle seule, au bénéfice de ces dispositions lorsqu’elle est restée sans incidence sur la réalité, la durée ou le contenu du stage en cause » (CE, 25 juin 2024, n°467984, point 6, téléchargeable ici).

La décision du 8 septembre 2021 est donc illégale :

« Il résulte de ce qui précède que M. D est fondé à soutenir que sa participation au stage organisé les 20 et 21 août 2021 lui ouvrait droit à la récupération de quatre points, et, par voie de conséquence, que la décision 48 SI en litige, en tant qu’elle constate la perte de validité de son permis de conduire, repose sur un décompte erroné de son solde de points. Il est par suite fondé à en demander pour ce motif l’annulation dans cette mesure, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa demande » (CE, 25 juin 2024, n°467984, point 8, téléchargeable ici).

La pratique du contentieux administratif du permis à points aboutit heureusement parfois à la restitution desdits points.

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