Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats)
Le Conseil d’Etat a de nouveau censuré un acte administratif réglementaire au nom du principe de non régression (Conseil d’Etat, 9 juillet 2021, req. n° 439195).
Rappelons qu’aux termes du 9° du II de l’article L110-1 du code de l’environnement le principe de non-régression est ainsi défini « la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment ».
Ce n’est pas une première (CE, 9 oct. 2019, n° 420804 : à propos de l’adaptation à la Guyane des règles applicables à l’évaluation environnementale).
Mais l’arrêté de juillet dernier doit retenir l’attention car il est particulièrement pédagogique.
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 février 2020 et 15 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association de Défense de l’Environnement des Riverains de l’aéroport de Beauvais-Tillé, l’association Regroupement des organismes de sauvegarde de l’Oise et l’association contre les nuisances de l’aéroport de Tillé demandaient à la Haute juridiction d’annuler pour excès de pouvoir l’article 1er de l’arrêté du secrétaire d’Etat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports, du 26 décembre 2019 relatif aux restrictions d’exploitation de l’aérodrome de Beauvais-Tillé.
Un arrêté du 25 avril 2002, le ministre de l’équipement, des transports et du logement a instauré des restrictions d’exploitation de l’aérodrome de Beauvais-Tillé avait interdit notamment à tout aéronef d’atterrir ou de décoller entre 0 heure et 5 heures, heures locales de départ ou d’arrivée sur l’aire de stationnement, et aux avions les plus bruyants d’atterrir ou décoller entre 22 heures et 7 heures du matin.
Modifiant ces dispositions, l’arrêté du 26 décembre 2019 a prévu, en son article 1er, que le ministre chargé de l’aviation civile peut, au cas par cas, autoriser des dérogations à cette interdiction d’atterrissage nocturne, dans les conditions qu’il fixe.
Or selon le Conseil d’Etat le principe de non-régression se trouve ainsi doublement méconnu : d’une part, « faute pour l’administration, d’une part, d’avoir encadré le surcroît du trafic aérien nocturne qui pourrait résulter de l’octroi de ces dérogations » et « d’autre part, d’avoir indiqué les motifs d’intérêt général qui pourraient le cas échéant les justifier ».
Ainsi le Conseil d’Etat indique à l’administration que le principe de non-régression n’impose pas à l’administration de renoncer à autoriser des pratiques qu’elle a un temp interdit au nom de la protection de l’environnement. Mais dans une telle hypothèse elle ne peut le faire que pour des motifs d’intérêt général dont elle doit faire état dans sa nouvelle décision. Et sa nouvelle réglementation doit encadrer les conséquences environnementales de ce qui est de nouveau autorisé afin de limiter autant que faire se peut les impacts.
La méthodologie de la non-régression s’affine en démontrant que le principe n’appelle pas une surenchère constante des règles environnementales sur lesquelles on ne pourrait pas revenir, après que le juge administratif ait balisé son champ d’application.
Rappelons que si le principe est opposable aux actes réglementaires il n’est sans doute pas opposable aux titres d’exploitation en tant qu’ils constituent des actes individuels (TA La Réunion, 1ère ch., 14 déc. 2017, n° 1401324).
L’invocation de la méconnaissance du principe de non régression est inopérante lorsque le principe de la « régression » trouve sa source dans des dispositions législatives, dont le pouvoir réglementaire se borne à tirer les conséquences ou à préciser les modalités (CE, 10 juillet 2020, Association France nature environnement, n° 432944 ; CE, 15 février 2021, Association Etangs de France et autres, n° 435026, 435036, 435060, 435182, 438369 ; CE, 15 février 2021, Association One Voice, n° 434933 et 437646).
Dans notre cas la restriction aux vols avait certes une portée locale mais l’acte n’en était pas moins réglementaire ce qui explique que le Conseil d’Etat a accepté de le contrôler.