“Hameau rural” : le classement en zone agricole ne va pas de soi…

Par Marie KERDILES (Green Law Avocats) Par une décision en date du 24 novembre 2021, le Conseil d’Etat a jugé, en application des articles L.151-5, L.151-9, R.151-22 et R.151-23 du code de l’urbanisme, que le maintien du caractère rural d’un hameau en plaine agricole ne justifie pas le classement de ces parcelles en zone A du PLU. En l’espèce, une commune rurale avait modifié son PLU et classé un hameau, d’une trentaine d’habitations et situé à environ 1km du centre-bourg, en zone A (agricole). Les auteurs du PLU entendaient ainsi balancer développement résidentiel et maintien du caractère rural du hameau. La Haute juridiction n’est pas de cet avis, et considère qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que le classement en zone A permet d’assurer la préservation du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres. Cette jurisprudence s’inscrit dans la ligne de définition nuancée du caractère agricole d’une parcelle. Synthèse. Le caractère agricole d’une parcelle La préservation des terres (agricoles ou naturelles) est un enjeu de taille, qui commande aux élus d’opérer un découpage fin des communes, permettant un développement économique et résidentiel, tout en préservant les terres non-urbanisées. Deux possibilités s’ouvrent alors : classer en zone Naturelle, ou classer en zone Agricole. L’article R.151-22 dispose que « peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ». Récemment, le Conseil d’Etat (CE, 03 juin 2020, n°429515, téléchargeable sur Doctrine) avait rappelé que la vocation agricole du secteur bordant la parcelle était de nature à fonder le classement de cette parcelle en zone A : ” (…) la cour a pu, sans erreur de droit, ne pas rechercher si les parcelles en cause présentaient elles-mêmes un caractère de terres agricoles, mais se fonder sur la vocation du secteur en bordure duquel ces parcelles se situent, dont le caractère agricole est avéré, sur le parti d’urbanisme de la commune, consistant à ne pas permettre l’étalement de la zone urbaine contiguë à ce secteur sur le territoire de la commune voisine de Saint-Avé, et sur la circonstance que les parcelles en cause ne supportent que des constructions légères et des aménagements d’ampleur limitée, pour apprécier la légalité du classement des parcelles en zone A. Elle n’a pas fait peser sur les sociétés requérantes la charge de la preuve de l’absence de tout potentiel agronomique, biologique ou économique du secteur en cause.” Trois critères doivent donc être pris en compte pour apprécier la légalité du classement d’une parcelle en zone A : La vocation agricole du secteur bordant la parcelle, L’objectif de la commune de ne lutter contre l’étalement urbain, La nature des constructions existantes. L’application stricte de ces principes Dans la décision commentée, le Conseil d’Etat opère une application stricte de ces principes : « 4. Si, pour apprécier la légalité du classement d’une parcelle en zone A, le juge n’a pas à vérifier que la parcelle en cause présente, par elle-même, le caractère d’une terre agricole et peut se fonder sur la vocation du secteur auquel cette parcelle peut être rattachée, en tenant compte du parti urbanistique retenu ainsi que, le cas échéant, de la nature et de l’ampleur des aménagements ou constructions qu’elle supporte, ce classement doit cependant être justifié par la préservation du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles de la collectivité concernée, à plus forte raison lorsque les parcelles en cause comportent des habitations voire présentent un caractère urbanisé.5. Pour juger que le classement en zone A de l’ensemble du secteur du hameau du Bois-Vieux, situé à environ un kilomètre du centre-bourg, dont il ressort de l’arrêt attaqué qu’il comporte notamment une trentaine d’habitations et présente un caractère urbanisé, n’était pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation, la cour, en relevant que les auteurs du PLU avaient entendu préserver les ressources agricoles de la commune et rechercher un équilibre entre le développement résidentiel et le maintien du ” caractère rural ” du hameau, situé au cœur d’une vaste plaine agricole de bonne valeur agronomique et facilement exploitable, alors qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que ce classement permet d’assurer la préservation du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles de cette commune, a dénaturé les pièces du dossier et les faits de l’espèce. » Si la vocation agricole du secteur bordant les parcelles semblait non-équivoque (grande plaine agricole) et que la commune avait clairement affiché son objectif de lutte contre l’étalement urbain, le caractère urbanisé du hameau a ainsi été l’élément déterminant. Le Conseil d’Etat rappelle ainsi qu’il y a non trois mais quatre critères d’intégration d’une parcelle en zone agricole : le classement doit permettre d’assurer la préservation du potentiel agronomique, biologique ou économique de la parcelle. Ainsi, si le classement de parcelles en zone agricole doit pouvoir permettre la non-urbanisation des terres, il faut toutefois s’assurer de l’effectivité de la préservation du potentiel agronomique. Classer un hameau en zone A reviendrait alors, au sens de la jurisprudence, à reconnaitre l’intérêt agronomique et biologique de terrains habités, ce qui est contraire aux disposition précitées du code de l’urbanisme. Finalement, cette jurisprudence stricte ne semble qu’appliquer des principes déjà dégagés par la Haute juridiction, et appelle les élus à une appréciation fine de la nature de chaque parcelle… quitte à les forcer à abuser des sous-secteurs ?

La possible indemnisation du propriétaire d’une parcelle déclassée en raison de la création d’un périmètre de protection rapprochée d’un plan d’eau

Dans un arrêt en date du 09 octobre 2013 (Civ. 3e, 9 oct. 2013, FS-P+B, n° 12-13.694), la Cour de cassation souligne le droit à indemnisation d’un propriétaire de parcelles déclassées à la suite de la modification du zonage d’un plan d’occupation des sols (POS), conséquence de la création d’un périmètre de protection rapprochée d’un prélèvement d’eau. En l’espèce les faits soumis à la Cour de cassation étaient classiques en la matière : Le préfet avait déclaré d’utilité publique la dérivation des eaux d’une rivière et avait instauré, en application de l’article L. 1321-2 du code de la santé publique, un périmètre de protection rapprochée d’une prise d’eau située sur la commune d’Itteville. L’arrêté qui avait été pris précisé que les zones de ce périmètre devaient être classées en zones agricoles. Il s’en était suivi une modification par la commune de son plan d’occupation des sols. Le propriétaire de plusieurs parcelles avait été indemnisé par le juge de l’expropriation au titre de l’article L 1321-3 du Code de santé publique. Le syndicat intercommunal au profit duquel le prélèvement d’eau avait été déclaré d’utilité publique contestait la décision des juges du fonds d’accorder au propriétaire une indemnisation liée au déclassement des parcelles. Confirmant la décision de Cour d’appel, la Cour de cassation rejette les arguments du syndicat intercommunal et rappelle le bien fondé des éléments de fait appréciés par les juges du fond qui ont permis de conclure à l’indemnisation du propriétaire terrien: « Mais attendu qu’ayant exactement retenu que le classement en zone NC ou ND de parcelles classées à la date de l’arrêté préfectoral du 21 février 2003 en zone d’urbanisme NAUI et NAUL ainsi que l’interdiction de certaines activités et les restrictions apportées à d’autres, caractérisaient une restriction au droit de jouissance du bien et que la diminution importante de leur usage subie par les parcelles était consécutive non pas à leur classement en zone non constructible mais à leur inclusion dans un périmètre de protection, leur classement n’étant que la technique utilisée par l’administration pour faire respecter le périmètre de protection, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes et qui a déduit à bon droit de ces seuls motifs, sans excéder ses pouvoirs, que cette diminution d’usage devait être indemnisée, a légalement justifié sa décision » ; Cette décision de la Cour de cassation a le mérite de mettre en lumière l’indemnisation de propriétaires terriens qui subissent un déclassement de leur parcelles dans le cadre de la création d’un périmètre de protection rapprochée d’un plan d’eau prise au titre de l’article L 1321-2 du Code de santé publique. Surtout, on ne pourra que constater qu’en se plaçant sur le terrain de la restriction d’usage  pour justifier l’indemnisation du propriétaire, la Cour de cassation répond par ailleurs à l’argumentation du syndicat qui contestait l’appréciation qui avait été faite de l’indemnisation allouée, puisqu’elle précise que les juges du fond n’était tenu, ni de fixer une date de référence, ni de rechercher l’usage effectif des parcelles à cette date ni de préciser à quelle date il se plaçait pour évaluer cette dépréciation. Une telle liberté d’appréciation est pour le moins détonante eu égard aux règles très strictes édictées notamment en matière d’expropriation. Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat

Urbanisme: les documents d’urbanisme réformés par le décret du 29 février 2012

Il faut noter la parution du décret n° 2012-290 du 29 février 2012 relatif aux documents d’urbanisme et pris pour l’application de l’article 51 de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche Ce décret met en conformité la partie réglementaire du code de l’urbanisme relative aux documents d’urbanisme avec les dispositions de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement et celles de la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche.   Il précise : –          le contenu des schémas de cohérence territoriale (SCOT) et des plans locaux d’urbanisme (PLU), –          le nature des constructions autorisées en zone agricole du PLU, –          les conditions de classement des terrains en zone naturelle et forestière du PLU, –          la manière dont les PLU prennent en compte les trames vertes et bleues, –          Enfin, le décret majore d’un mois le délai d’instruction des autorisations de construire soumises à la consultation de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles (CDCEA)     Contenu du plan local d’urbanisme S’il est élaboré par un EPCI, le PLU doit contenir les orientations d’aménagement et de programmation dont le contenu est désormais défini à l’article : « 1° En ce qui concerne l’habitat, les objectifs et les principes mentionnés au 2° de l’article L. 123-1-4. Elles comprennent, notamment, les objectifs mentionnés aux d, e et g de l’article R. 302-1-2 du code de la construction et de l’habitation ainsi que le programme d’actions défini à l’article R. 302-1-3 du même code ; 2° Le cas échéant, en ce qui concerne les transports et les déplacements, l’organisation des transports de personnes et de marchandises, de la circulation et le stationnement. Elles déterminent les mesures arrêtées pour permettre d’assurer la réalisation des objectifs mentionnés à l’article L. 1214-2 du code des transports. Ces orientations d’aménagement et de programmation peuvent, en outre, comprendre tout élément d’information nécessaire à la mise en œuvre des politiques du logement et du transport et des déplacements.»   Contenu du rapport de présentation du PLU Le contenu du rapport de présentation du PLU a été étoffé (article R. 123-3 code de l’urb.) ; le rapport devra désormais contenir : –          Les plans de secteur prévus à l’article L. 123-1-1-1 du code de l’urbanisme (article R. 123-1 du code de l’urbanisme). Ces plans constituent des outils pratiques et facultatifs du PLU couvrant « l’intégralité du territoire d’une ou plusieurs communes membres de l’établissement public de coopération intercommunale et qui  précisent les orientations d’aménagement et de programmation ainsi que le règlement spécifiques à ce secteur » (article L. 123-1-1-1 code de l’urbanisme). –          Un état initial de l’environnement plus élaboré comprenant « une analyse de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers et une justification des objectifs de modération de cette consommation et de lutte contre l’étalement urbain arrêtés dans le projet d’aménagement et de développement durables au regard, notamment, des objectifs fixés, le cas échéant, par le schéma de cohérence territoriale, et des dynamiques économiques et démographiques ». Si le PLU est soumis à une évaluation environnementale, « les indicateurs qui devront être élaborés pour l’évaluation des résultats de l’application du plan prévue à l’article L. 123-13-1. » ;  Rappelons que l’article L. 123-13-1 du code de l’urbanisme (crée par la loi du 12 juillet 2012) prévoit désormais qu’un plan local d’urbanisme soumis à une évaluation environnementale, doit faire l’objet, au plus tard à l’expiration d’un délai de dix ans à compter de son approbation ou de sa dernière révision, d’une analyse des résultats de son application, notamment du point de vue de l’environnement. –          Si le PLU est élaboré par un EPCI, « le diagnostic sur le fonctionnement du marché local du logement et sur les conditions d’habitat définies par l’article R. 302-1-1 du code de la construction et de l’habitation » (article R. 123-2-1 du code de l’urbanisme) –          Si le PLU est élaboré par un EPCI qui est autorité organisatrice des transports urbains, « les dispositions retenues en matière de transports et de déplacements dans le projet d’aménagement et de développement durables et dans les orientations d’aménagement et de programmation », (article R. 123-2-1 du code de l’urbanisme)   Contenu du règlement du PLU (article R. 123-9 du code de l’urbansime) –          Les documents graphiques du règlement du PLU doivent désormais faire apparaître : « i) Les espaces et secteurs contribuant aux continuités écologiques et à la trame verte et bleue ; j) Les zones qui sont ou peuvent être aménagées en vue de la pratique du ski et les secteurs réservés aux remontées mécaniques en indiquant, le cas échéant, les équipements et aménagements susceptibles d’y être prévus. » ; – Le règlement peut mentionner: « Les obligations imposées aux constructions, travaux, installations et aménagements, en matière de performances énergétiques et environnementales ; 16° Les obligations imposées aux constructions, travaux, installations et aménagements, en matière d’infrastructures et réseaux de communications électroniques » –          Lorsque le PLU est élaboré par un EPCI qui est autorité organisatrice des transports urbains, le règlement « délimite des périmètres à l’intérieur desquels les conditions de desserte par les transports publics réguliers permettent de réduire ou de supprimer les obligations imposées en matière de réalisation d’aires de stationnement, notamment lors de la construction d’immeubles de bureaux. » –          Lorsque le PLU n’est pas élaboré par un EPCI qui est autorité organisatrice des transports urbains, le règlement « respecte les limitations fixées, le cas échéant, par le schéma de cohérence territoriale et le plan de déplacements urbains dans les cas suivants : a) Si le plan de déplacements urbains a délimité, en application de l’article L. 1214-4 du code des transports, des périmètres à l’intérieur desquels les conditions de desserte par les transports publics réguliers permettent de réduire ou de supprimer les obligations imposées par les plans locaux d’urbanisme et les plans de sauvegarde et de mise en valeur en matière de réalisation d’aires de stationnement, notamment lors de la construction d’immeubles de bureaux ; b) Si le schéma de cohérence territoriale précise, en application de l’article L. 122-1-8, des…