Préjudice écologique : Affaire du siècle, suite et suites

Préjudice écologique : Affaire du siècle, suite et suites

Par Frank ZERDOUMI, juriste (Green Law Avocats)

Le 22 décembre 2023, le Tribunal administratif de Paris a statué sur ces demandes et a rejeté ces demandes d’exécution : il a refusé de prononcer une astreinte à l’encontre de l’État en vue d’obtenir l’exécution complète de son jugement du 14 octobre 2021, dans lequel il avait notamment enjoint au Gouvernement de prendre avant fin 2022 les mesures nécessaires pour réparer le préjudice écologique.

Le 22 février 2024, les associations se sont pourvues en cassation devant le Conseil d’État et lui ont demandé d’annuler le jugement du 22 décembre 2023 et de faire droit à leurs demandes tendant à l’exécution du jugement du 14 octobre 2021.

Les associations requérantes invoquaient l’article L. 911-4 du Code de justice administrative : d’après elles, le Tribunal aurait dû assurer l’exécution de la décision antérieure.

Le jugement du 14 octobre 2021 constituait-il une décision susceptible de cassation ?

Le Conseil d’État a répondu à cette question par la négative : le jugement contesté est en réalité un appel, et non une décision susceptible de cassation (décision commentée : CE, 13 décembre 2024, n° 492030).

L’Etat condamné du fait du dépassement des seuils de pollution

L’Etat condamné du fait du dépassement des seuils de pollution

Par David DEHARBE, avocat gérant (Green Law Avocats)

Dans un jugement n° 2019924 du 16 juin 2023, le Tribunal administratif de Paris reconnaît la responsabilité de l’État dans un litige individuel en raison des pics de pollution en région parisienne.

Climat : le TA de Paris ordonne au Gouvernement de réparer et prévenir le préjudice écologique

Par Clémence AUQUE, Juriste doctorante (Green Law Avocats) Par un jugement du 14 octobre 2021 (TA Paris, 4ème section, 1ère ch., 14 oct. 2021, n°1904967, 1904968, 1904972, 1904975/4-1), le Tribunal administratif de Paris ordonne à l’Etat « de prendre toutes les mesures utiles de nature à réparer le préjudice écologique et prévenir l’aggravation des dommages à hauteur de la part non compensée d’émissions de gaz à effet de serre au titre du premier budget carbone, soit 15 Mt CO²eq […] ». En mars 2019, plusieurs associations avaient introduit un recours indemnitaire devant le Tribunal administratif de Paris afin d’obtenir la condamnation de l’Etat à prendre les mesures nécessaires à la cessation et à la réparation du préjudice écologique aggravé par son inertie. Par un jugement avant-dire droit du 3 février 2021 (cf. notre commentaire), le Tribunal admettait déjà le préjudice écologique au nombre des préjudices réparables par le juge administratif sur le fondement des articles 1246, 1247 et 1249 du Code civil. Ainsi, le Tribunal jugeait l’Etat responsable du préjudice écologique causé par le non-respect des objectifs fixés par la France en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et ordonnait un supplément d’instruction pour « déterminer avec précision les mesures qui doivent être ordonnées à l’Etat » afin de réparer le préjudice écologique. Par son jugement du 14 octobre 2021, s’il constate que le préjudice écologique perdure à hauteur de 15 Mt CO²eq, le juge réitère sa précédente décision et ordonne « simplement » au Gouvernement, dans toute la latitude de son appréciation, de prendre les mesures nécessaires à la cessation rapide du préjudice écologique avant le 31 décembre 2022. Ce faisant, le Tribunal se garde encore de porter une quelconque appréciation sur la pertinence des mesures prises par l’Etat pour respecter les objectifs en matière d’émissions de gaz à effet de serre, lesquelles « expriment […] des choix relevant de la libre appréciation du Gouvernement » et suit en substance l’obligation faite au Gouvernement par le Conseil d’Etat dans son arrêt « Les amis de la Terre » de respecter les engagements environnementaux auxquels il souscrit (CE, 10 juil. 2017, « Association les Amis de la Terre France et autres », n°394254). Le Gouvernement dispose donc d’une nouvelle chance de respecter ses obligations, sans la menace d’une astreinte cette fois-ci. Si les modalités de réparation du préjudice écologique multifactoriel et diffus tiennent dans l’injonction faite aux pouvoirs publics de donner toute leur effectivité aux engagements environnementaux et au principe de prévention, la question des modalités d’évaluation et de réparation du préjudice écologique ponctuel, local et in fine explicable par une causalité plus circonscrite, reste en suspens (voir sur cette thématique AUQUE Clémence, « Responsabilité administrative et préjudice écologique », Mémoire de fin de cycle (mention droit public de l’environnement et de l’urbanisme), dir. MEUNIER Patrick., Lille, Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales, sept. 2020).