Dimensionnement des besoins en eau pour la défense extérieure contre l’incendie : 2 nouveaux guides

Le Centre national de prévention et de protection (CNPP) vient de publier de nouvelles versions de deux guides relatifs aux besoins en eau pour la défense extérieure contre l’incendie

Lubrizol : refus du TA de Rouen d’ordonner la communication de l’étude de dangers !

Par David Deharbe (Green Law Avocats) Mais comment diable les auteurs de l’étude de dangers du site de Lubrizol ont-t-il pu conclure à la fréquence de risque d’un seul incendie tous les 10.000 ans alors que l’usine, située en plein cœur de Rouen, en a connu deux en 6 ans avec les conséquences que l’on connaît ? Cette étude, manifestement « insuffisante » fonde pourtant toujours la politique de maîtrise des risques du site. Or, à ce jour, on ignore toujours qui a réalisé cette étude de dangers ou si ce document a été tiers-expertisé, comme le permet pourtant la réglementation. Aucune information, non plus, sur la manière dont l’Inspection des Installations classées l’a appréhendée … Force est aujourd’hui de constater que cette étude de dangers demeure inaccessible au public et que les grands discours de transparence du gouvernement dès les premières heures de l’incendie d’octobre 2019 n’ont jamais conduit l’Etat à mettre cette étude dans le domaine public ! De surcroît, après deux incendies ayant eu des impacts incontestables en dehors du site, cette installation Seveso seuil haut, qui semble fonctionner en vertu de droits acquis, aurait rendu nécessaire  que l’on vérifie la conformité de sa situation au regard de l’étude d’impact. Un couple de riverains résidant dans les 500 mètres de l’usine Lubrizol a donc fort légitimement sollicité du Tribunal administratif de Rouen, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, qu’il enjoigne au préfet de la Seine-Maritime de leur communiquer : – sous 48 heures à compter de la notification de l’ordonnance à intervenir, la dernière version de l’étude de danger de l’installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) exploitée par la société Lubrizol sur le territoire de la commune de Rouen, « l’éventuelle tierce-expertise » réalisée à propos de cette étude et les rapports relatifs à cette étude et à « son éventuelle tierce-expertise » ; – sous 15 jours à compter de la notification de l’ordonnance à intervenir, « les éventuelles versions antérieures » de l’étude de dangers de cette même ICPE, « l’éventuelle étude d’impact relative à l’ICPE », les rapports administratifs relatifs à ces études, l’entier dossier relatif aux installations classées pour la protection de l’environnement exploitées par les sociétés Lubrizol et NL Logistique sur le territoire de la commune de Rouen ; – d’assortir cette injonction d’une astreinte de 1 000 euros par jour de retard en application de l’article L. 911-3 du code de justice administrative, à compter de l’expiration des délais impartis ; Cette demande est intervenue certes près d’un an après la catastrophe de Lubrizol mais surtout après que le Sénat, l’Assemblée nationale et le CGEDD ont plusieurs mois et tour à tour stigmatisé l’insuffisance de l’étude de dangers, à laquelle leurs rapporteurs semblent avoir eu accès. Et l’instruction pénale ouverte dans ce dossier contre l’exploitant mis en examen pour non-respect des prescriptions techniques n’a pas plus vocation à faire le jour sur les carences de fautives que sur le contrôle d’une étude de danger insuffisante.   C’est pourtant en ces termes que le même magistrat, qui a d’ailleurs jusqu’à présent invariablement rejeté toutes les demandes des victimes dans le dossier Lubrizol, fait à nouveau échec à ce référé mesures utiles : « Pour établir l’urgence à communiquer, parmi les nombreux documents demandés relatifs à l’activité de l’usine Lubrizol de Rouen, l’étude de dangers établie dans le cadre de la procédure de délivrance d’une autorisation de type « installation classée » pour l’exploitation du site de Rouen, M. Coconnier et Mme Dubuc se bornent à annoncer un recours indemnitaire contre l’Etat, des suites d’un évènement survenu il y a plus d’un an à la date de la présente ordonnance. Au soutien de leur demande, ils produisent deux certificats médicaux datés du 22 octobre 2019 prescrivant à l’un de leurs deux enfants mineurs ainsi qu’à Mme Dubuc des médicaments courants. Ils produisent également copie d’un dépôt de plainte auprès du Procureur de la République du 26 octobre 2019 pour « mise en danger d’autrui, risque immédiat de mort ou d’infirmité par violation manifestement délibérée d’une obligation réglementaire de sécurité et de prudence », sans autres précisions sur l’état d’avancement de la procédure. Ils opposent le risque pour la sécurité publique que fait peser l’étude de dangers qu’ils estiment comporter de graves lacunes et sur laquelle sont fondés de nombreux instruments juridiques et techniques permettant d’autoriser le fonctionnement de l’usine Lubrizol, comme en attesterait le rapport des ministères de l’industrie et de l’écologie de février 2020 qu’ils produisent ainsi que les déclarations de Mme Lepage devant la commission du sénat le 4 décembre 2029. Toutefois, M. Coconnier et Mme Dubuc se prévalent au soutien de leur action en responsabilité contre l’Etat d’un fondement juridique imprécis et de préjudices non définis, fondés sur des prescriptions médicales anciennes de plus de 11 mois, qui ne font état au demeurant d’aucune pathologie. Par ailleurs, s’ils mettent en cause « la carence fautive de l’Etat », ils ne donnent aucune autre information que des articles de presse ou rapports sans lien direct avec leur supposé préjudice, le rapport des ministères déjà évoqué concluant quant à lui que « les difficultés ou fragilités que la mission a pu constater ne lui paraissent pas spécifique à la région concernée ou aux sites impliqués. Elles nécessitent en revanche une action nationale forte pour améliorer la prévention de ce type d’évènement et en limiter les conséquences, sur l’ensemble de notre territoire ». Si les requérants mettent en cause le redémarrage total des activités de l’usine Lubizol au 1er octobre 2020 pour justifier encore de l’urgence, ils n’établissent ni même n’allèguent avoir contesté les autorisations qui ont précédé cette remise en activité de l’usine. Enfin, ils ne font pas davantage valoir qu’ils auraient, en vain, tenté d’obtenir les documents dont ils incriminent l’insuffisance auprès des services de l’Etat compétents, ni même, par des « captures d’écrans » du site de la préfecture de la Seine-Maritime, qu’ils auraient fait quelque recherche que ce soit pour consulter les documents,…

Implants mammaires PIP : carence fautive de l’Etat.

Par David DEHARBE (Green Law Avocats) La responsabilité de l’Etat peut être engagée à raison de la faute commise par les autorités agissant en son nom dans l’exercice de leurs pouvoirs de police sanitaire relative aux dispositifs médicaux, pour autant qu’il en soit résulté un préjudice direct et certain (cf. par ex. CE,  Assemblée,  3  mars  2004,  Ministre de l’emploi et de la solidarité c/Consorts X. et autres, n° 241150 à 2411153 – Confirmant CAA Marseille, 1re chambre, 18 octobre 2001, n°00MA01665, Ministre de l’Emploi et de la Solidarité c/ Thomas : la Cour a retenu la “carence fautive” des pouvoirs publics qui n’avaient pas joué leur rôle préventif en matière de réglementation de l’exposition des travailleurs au risque amiante). Une nouvelle illustration de ce chef de responsabilité qui intéresse les risques sanitaires mais aussi technologiques. Par un jugement du 29 janvier 2019 n°1800068, le tribunal administratif de Montreuil reconnait l’Etat responsable, pour carence fautive, dans l’exercice de sa mission de contrôle de police sanitaire, des activités de la société PIP (Poly Implant Prothèse). Mme L. s’est fait implanter le 29 avril 2005, à des fins esthétiques, des implants mammaires de la marque Poly Implant Prothèse (PIP). Une inspection inopinée, menée par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits des santé (AFSSAPS) le 17 mars 2010, a révélé que la société PIP utilisait frauduleusement un gel de silicone différent de celui pour lequel elle avait obtenu un certificat de conformité pour la fabrication d’implants mammaires, qui constituent des dispositifs médicaux au sens des dispositions de la directive 93/42/CEE du 14 juin 1993, alors en vigueur, et de l’article L. 5211-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable. Le directeur général de l’AFSSAPS a pris le 29 mars 2010 une décision de suspension de la mise sur le marché, de distribution, d’exportation et d’utilisation. Mme L., qui s’est fait enlever ses prothèses PIP le 29 avril 2010, avait saisi le Tribunal administratif de Montreuil car elle estimait  que la décision est intervenue tardivement au regard des informations et des pouvoirs d’investigation dont l’AFSSAPS disposait. Elle soutenait devant le juge administratif que l’agence, à laquelle s’est ultérieurement substituée l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat et demande l’indemnisation de ses préjudices consécutifs à l’explantation de ses prothèses le 29 avril 2010. Certes, à la suite d’un signalement par les autorités américaines en 1996, une mesure générale de suspension de la mise sur le marché de toutes les prothèses mammaires internes dont le produit de remplissage était autre que du sérum physiologique a été prise pour une durée de douze mois via un arrêté du 28 mai 1997 ; suspension reconduite à plusieurs reprises dans l’attente d’études complémentaires. En ce qui concerne la société PIP, qui fabriquait et distribuait des prothèses mammaires depuis 1991 et avait choisi comme organisme habilité pour la délivrance des certificats de conformité l’organisme TUV Rheinland, sa suspension a été levée le 18 avril 2001, après des échanges contradictoires nourris avec l’Afssaps, un rapport d’expertise sur les tests biologiques menés sur les matières premières, enveloppes et gel de silicone utilisés par ce fabricant, qui ont été jugés satisfaisants, et une inspection de contrôle en juin 2001, qui a conclu à la conformité des prothèses, sans que l’instruction ne permette de retenir une faute de l’Afssaps. Or selon le jugement, « Il ne résulte pas de l’instruction que l’Afssaps pouvait, à la date d’implantation des deux prothèses mammaires de Mme L., le 29 avril 2005, soupçonner que le gel de silicone utilisé par la société PIP dans les implants commercialisés était différent de celui ayant fait l’objet des contrôles, compte tenu notamment de la fraude organisée par cette société pour dissimuler aux organes de contrôle la substitution de composants à des fins de rentabilité économique. Par ailleurs, pour accompagner la remise sur le marché des prothèses en silicone l’Afssaps a mis en 2002 à la disposition des déclarants une fiche de signalement spécifiques aux implants mammaires, et, en 2005, a mis en place un système de matériovigilance se traduisant par un traitement spécifique des déclarations d’incidents relatives aux prothèses mammaires et faites plus particulièrement par les professionnels de santé et les fabricants. Il ne résulte pas de l’instruction, et notamment de l’examen des données de vigilance, que le nombre et la cause des incidents relatifs à des implants en silicone PIP signalés à l’Afssaps entre 2001 et 2007 ne seraient pas conformes aux risques inhérents aux implants mammaires et que ces incidents suffisaient à faire apparaître une dangerosité accrue des produits PIP par rapport aux autres fabricants pour cette période. Dans ces conditions, au regard des informations dont elle disposait et alors même que la société PIP avait fait l’objet en 2001 d’une mesure de suspension, l’instruction ne permet pas d’établir, entre 2001 et la fin de l’année 2008, l’existence d’une faute qui serait liée au retard à déceler la dangerosité des implants PIP et la fraude commise et suspendre leur commercialisation ou encore à l’absence d’investigations complémentaires à celles réalisées par l’organisme notifié, la société TUV, qui n’avait pas fait de remontées particulières, pour s’assurer du respect des obligations et conditions imposées au fabriquant. Elle ne permet pas plus d’établir, en tout état de cause, une atteinte à un « principe de précaution ». Les fautes alléguées dans les missions de vigilance et de surveillance doivent dès lors être écartées ». En revanche, selon le Tribunal « il résulte de l’instruction que les données de vigilance pour l’année 2008 ont été reçues en avril 2009 par l’Afssaps, et l’instruction ne permet pas d’établir qu’un tel délai ne serait pas raisonnable. Elles pouvaient dans ces conditions être traitées utilement à compter du mois d’avril 2009, contrairement aux allégations de cette Agence. Ces données ont fait apparaître une augmentation significative des incidents et notamment des cas de rupture des membranes, et les documents produits en défense font état de la réception d’une délation le 26 novembre 2009 sur les…

Affaire AZF : carences fautives de l’inspection ICPE et perte de chance

Par deux arrêts (Cour administrative d’appel de Bordeaux, 24 janvier 2012, n°10BX02880 et n°10BX02881), le juge administratif a reconnu la responsabilité de l’Etat dans l’explosion de l’usine AZF le 21 septembre 2001 du fait des carences fautives de ses services dans la surveillance de cette installation classée.   Perte de chance Si cette reconnaissance de responsabilité est un évènement, on ne peut s’empêcher de remarquer que les montants – 1250 euros dans la première affaire et 2500 euros dans la seconde – des indemnités que l’Etat a été condamné à verser aux requérants sont bien dérisoires à côté des préjudices subis par ces habitants.   Même si le juge administratif a pour réputation –  justifiée ou non –  de n’accorder des dommages et intérêts que très limités en comparaison de ceux qu’octroie  le juge judiciaire, la faiblesse de ces montants dans ces deux affaires peut se justifier pour plusieurs raisons.   D’abord l’objet même de la demande était ici limité par les requérants respectivement à 10000 et 20 000 euros en réparation d’un préjudice moral et de trouble dans les conditions d’existence, tenant en particulier au fait que l’explosion a été à plusieurs titres une source d’angoisse (leur maison a été dévastée  et ils sont restés plusieurs heures sans nouvelle de leur enfant). En effet, les préjudices matériels avaient déjà été indemnisés par les compagnies d’assurances.   Ensuite, il ressort très clairement des deux arrêts que la caractérisation du lien de causalité entre les carences de l’Etat et l’explosion de l’usine AZF était malaisée et a obligé le juge administratif à recourir à la théorie de la perte de chance, théorie apparue en 1928 en droit administratif (CE, 03 août 1928, Bacon) et très utilisée dans le contentieux administratif de la responsabilité hospitalière.   C’est pourquoi, le juge relève à propos du bâtiment 221 que : « s’il n’est pas certain qu’aucune explosion ne se serait produite en l’absence de faute commise dans la surveillance de ce dernier entrepôt, il est établi que la mise en contact du mélange explosif avec des produits qui auraient été stockés dans des conditions régulières, et dont la réactivité aurait été ainsi très inférieure, n’aurait pas eu les mêmes conséquences ; que, dans ces conditions, la carence de l’État dans la surveillance de cette installation classée doit être regardée comme ayant fait perdre à M. B…une chance sérieuse d’échapper au risque d’explosion tel qu’il s’est réalisé et d’éviter tout ou partie des dommages qu’il a personnellement subis du fait de cette explosion » (affaire n°10BX02880).   Ainsi, au sens du juge administratif le seul lien de causalité établi est celui entre la faute de l’Etat et la perte de chance pour les requérants d’échapper au risque d’explosion de l’usine et d’éviter les dommages en découlant.   On comprend alors que les requérants ne pourront se voir indemniser non le préjudice « final » qu’ils ont subi (maison dévastée, angoisse d’avoir perdu un proche) mais seulement le préjudice « initial » que constitue la perte de chance d’échapper au risque d’explosion et d’éviter les dommages en découlant.   Ce préjudice « initial » correspond à une fraction du « préjudice final » qui est déterminée par le juge administratif en fonction du degré de certitude de la perte de chance. Et ici l’appréciation souveraine de la chance perdue conduit à imputer d’emblé  de moitié l’indemnité sollicitée.     C’est pourquoi, le juge administratif décide dans les deux affaires « qu’eu égard à l’importante probabilité de survenance d’une explosion du seul fait du croisement de produits hautement incompatibles entre eux, il y a lieu d’évaluer l’ampleur de cette perte de chance à 25 % et de mettre à la charge de l’Etat la réparation de cette fraction des dommages qu’a subis le requérant et qui sont restés non indemnisés ».     Le juge évaluant les préjudices « finaux » à 5000 euros pour la première affaire, et à 10 000 euros pour la seconde, il accorde en indemnisation du préjudice « initial », seul préjudice indemnisable, les sommes de 1250 et 2500 euros aux requérants.   Cette  reconnaissance de la responsabilité de l’Etat dans l’explosion de l’usine AZF à Toulouse par la juridiction administrative sera sans doute tenue pour  symbolique. Mais il n’est pas totalement déraisonnable de penser que les requérants recherchaient d’abord ici la reconnaissance de principe de la responsabilité de l’Etat pour ses carences fautives dans le contrôle des installations classées en cause. Il ne faut jamais perdre de vue les fonctions multiples de la responsabilité administrative (D. Lochak, « réflexions sur les fonctions sociales de la responsabilité administrative, In Le droit administratif en mutation, PUF, 1993, p. 275) ;  ce serait finalement l’insupportable impunité pénale de l’Etat personne morale qui  se trouve palliée par le pis allé d’une responsabilité administrative déclaratoire et « sanctionnatrice ».     Carences fautives Concernant la reconnaissance des carences fautives des services de l’Etat et tout particulièrement de celles du service de l’inspection des installations classées, le cheminement du juge bordelais est limpide et peut difficilement souffrir de contestation.   Celui-ci relève tout d’abord « qu’il ressort de l’arrêt précité de la cour d’appel de Toulouse du 24 septembre 2012, lequel est revêtu de l’autorité de la chose jugée quant aux faits constatés par le juge pénal (…) que l’explosion qui s’est produite le 21 septembre 2001, initiée dans le bâtiment 221 de l’usine AZF, a pour origine la réaction chimique accidentelle née du mélange de nitrates d’ammonium et de produits chlorés dans un environnement et des conditions d’entreposage qui ont favorisé cette réaction ».   Remarquant que « la procédure pénale a mis en évidence le non-respect des prescriptions réglementaires quant aux modes de stockage des nitrates d’ammonium déclassés », le juge administratif considère que « l’existence même de ces modes irréguliers de stockage de produits dangereux dans le bâtiment 221, pour des quantités importantes et sur une longue durée (…) révèle une carence des services de l’Etat dans son contrôle de cette installation classée ».   Au surplus, il s’avère que l’étude de danger relative aux ammonitrates et autres engrais réalisée par la société était « ancienne et partielle ». C’est pourquoi, un arrêté du…