Photovoltaïque / devis de fourniture et d’installation : la responsabilité du professionnel (Cass. 1ère civ., 8 mars 2012, n° pourvoi 10-21239)

Aux termes d’un arrêt qui ne manquera pas d’engendrer un changement de pratique dans l’édiction de leurs devis par les vendeurs/installateurs, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a confirmé le principe de la condamnation de la société qui avait émis un devis inexact eu égard au crédit d’impôt susceptible de bénéficier au cocontractant (Cour_de_cassation_Chambre_civile_1_8_mars_2012_10-21 239_Publié_au_bulletin).   LES FAITS En l’espèce, une société avait établi, pour un particulier, un devis de fourniture et d’installation de panneaux photovoltaïques mentionnant le calcul prévisionnel du crédit d’impôt relatif à cette installation. Le cocontractant, ayant in fine bénéficié d’un crédit d’impôt bien moindre que celui indiqué dans le devis accepté (3.750 € de moins par rapport au montant annoncé), a diligenté une procédure en responsabilité contre le vendeur/installateur aux fins d’obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi de ce fait.   LA PROCEDURE La juridiction de proximité de Gap, dans un jugement du 25 mai 2010, lui a donné raison, sanctionnant le professionnel au titre d’un manquement à son devoir de conseil. La société spécialisée en matière de vente et de pose de panneaux solaires s’est, bien évidemment, pourvue en cassation, l’appel n’étant pas possible.   LES MOYENS DU POURVOI Au soutien de son pourvoi, la demanderesse alléguait qu’elle ne pouvait être tenue, sur le fondement de son devoir de conseil, que s’agissant des caractéristiques essentielles du bien, dont les avantages fiscaux éventuels ne font, selon elle, pas partie. Elle précisait également que son devoir de conseil ne serait susceptible de s’appliquer que s’agissant de ses propres compétences, à savoir la vente et l’installation de panneaux photovoltaïques, et non s’agissant des conséquences fiscales de celles-ci. Par ailleurs, la société indiquait que le devoir de conseil ne pouvait porter sur des informations connues ou réputées connues de tous, telles que l’application d’une loi fiscale et devait, au demeurant, s’apprécier par rapport aux connaissances particulières du client qui, au cas d’espèce, avait déjà bénéficié du mécanisme du crédit d’impôt pour une installation de chauffage Enfin et surtout, elle insistait sur le fait qu’elle avait pris la précaution de souligner que la mention du montant prévisionnel du crédit d’impôt n’était qu’indicative et qu’une lettre d’accompagnement du devis avait attiré l’attention du contractant sur la nécessité de se renseigner plus avant aux fins d’être fixer sur ce point, notamment auprès du centre des impôts.   LA DECISION DE LA COUR DE CASSATION Ces arguments n’ont cependant pas emporté la conviction de la Cour de cassation qui a approuvé le principe de la responsabilité du professionnel retenu par la juridiction de proximité. La décision de la Haute Juridiction est notamment motivée par le fait que l’information donnée au consommateur relative au crédit d’impôt avait déterminé le consentement de celui-ci, le crédit d’impôt étant évalué à plus du tiers du montant du devis. Elle ajoute également que la société aurait du, dès lors qu’elle mentionnait une évaluation du crédit d’impôt, recueillir toutes les renseignements nécessaires pour établir un juste calcul du montant de celui-ci. En revanche, les juges du droit cassent la décision de la juridiction de proximité en ce qu’elle a alloué au cocontractant un montant global à titre de dommages et intérêts sans ventiler entre le préjudice réclamé par celui-ci et la demande reconventionnelle de dommages et intérêts et d’intérêts de retard formulé par le vendeur/installateur. En effet, les juges se doivent de se prononcer distinctement sur chacune des demandes indemnitaires formulées avant que de procéder à une éventuelle compensation entre elles.   L’APPRECIATION Une telle solution s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence relative à la protection du consommateur, au sens large du terme, à l’égard du professionnel qui ne peut mentionner des informations déterminantes du consentement de son cocontractant sans pour autant en assumer la responsabilité en se bornant à indiquer le caractère indicatif de celui-ci. A cet égard, il convient de rappeler la recommandation de la Commission des clauses abusives de considérer comme abusive toute clause destinée à rendre inopposables au professionnel les informations et documents publicitaires remis au non-professionnel ou consommateur, dès lors que leur précision est de nature à déterminer son consentement (recommandation  de synthèse n°91-02, BOCCRF 06/09/1991). En conséquence, les vendeurs/installateurs devront prendre le soin de ne mentionner dans leur devis le montant du crédit d’impôt afférent à une installation photovoltaïque que s’ils ont, au préalable, exactement évalué celui-ci en fonction des informations fournies par le client, dont il faudra, au surplus, qu’ils se ménagent une preuve en cas de difficulté éventuelle.

Troubles de voisinage: l’inapplicabilité de l’article 1384, al 1 du Code civil et le pouvoir de requalification du juge

  La Cour de cassation a rappelé, le 14 décembre 2011, la nécessaire distinction entre les troubles anormaux de voisinage et la responsabilité du fait des choses que l’on a sous sa garde.   Les faits: Dans cette espèce, une société civile immobilière avait acquis un appartement dans un immeuble aux fins d’exercice une activité médicale par son gérant. Le propriétaire avait ultérieurement fait réaliser des travaux d’aménagement dans les appartements situés à l’étage du dessus (suppression des moquettes et pose d’un parquet flottant) et revendu ces derniers à des tiers. Le nouveau propriétaire du 1er étage ainsi que le médecin exerçant son activité dans les lieux, se prévalant de nuisances sonores en raison d’une perte d’isolation phonique, ont alors introduit une action en justice, sur le fondement de l’article 1384, al. 1 du Code civil pour solliciter la condamnation in solidum, de l’ancien propriétaire ayant fait effectuer les travaux et des deux nouveaux propriétaires, à réaliser les travaux d’isolement nécessaires à la suppression du trouble ainsi qu’ au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.   La procédure La Cour d’appel de Dijon les a déboutés au motif que leur action consistait à obtenir la réparation d’un trouble de voisinage et que le caractère anormal de ce dernier n’était pas établi. Elle retient que si une augmentation des bruits d’impact est effectivement constatée, en revanche des bruits de pas des occupants sur le parquet flottant ne constituent pas un trouble d’une anormalité telle qu’il doive être réparé sur ce fondement. Les demandeurs au pourvoi ont alors soutenu que la juridiction d’appel avait méconnu les dispositions des articles 1382 et 1384 du Code civil et l’article 12 du Code de Procédure civile. Cependant, la Cour de Cassation approuve les juges du fond d’avoir « retenu que les dispositions législatives et réglementaires invoquées par [les demandeurs] ne pouvaient servir de fondement à une demande de condamnation qu’ils avaient fondée sur des dégradations acoustiques à l’origine d’un trouble anormal de voisinage ».   Dès lors, la cour d’appel était parfaitement fondée à statuer sur un fondement juridique différent de celui invoqué par les parties. En effet, l’article 12 du CPC impose au juge de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et lui donne pouvoir de donner ou de restituer l’exacte qualification aux faits et actes litigieux.   La Cour d’appel n’a ainsi pas dénaturé les demandes des parties dès lors que la modification du fondement juridique d’une prétention n’affecte pas sa finalité, c’est-à-dire l’avantage recherché par l’auteur de la demande.   Cette solution de la Haute Juridiction ne surprend guère dès lors qu’elle avait d’ores et déjà affirmé que la réparation des troubles de voisinage était étrangère aux dispositions de l’article 1384, alinéa 1 du Code civil (Cass. 2ème civ., 20 juin 1990, pourvoi n°89-12874, Bull. civ. II, n0140, p.72). En présence d’un régime de réparation spécifique fondé sur une création jurisprudentielle autonome, tout dommage résultant d’un trouble de voisinage ne peut être réparé que sur le fondement selon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage et ne peut donner lieu, en l’absence d’anormalité du trouble, à l’application de la responsabilité du fait des choses visée à l’article 1384, al 1 du Code civil.  

Energie: vers des lettres de cachet contre les opérateurs photovoltaïques ?

[dropcap]L[/dropcap]a publication au Journal officiel d’hier d’un décret limitant le montant de l’indemnisation due par les gestionnaires de réseau de distribution d’électricité a pu faire croire à une partie de la filière photovoltaïque qu’un nouvel obstacle venait d’être dressé contre la possibilité de faire valoir ses droits (Décret n° 2012-38 du 10 janvier 2012 fixant le barème des indemnités dues en cas de dépassement des délais d’envoi de la convention de raccordement ou de réalisation du raccordement des installations de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable d’une puissance inférieure ou égale à trois kilovoltampères ). Cependant, s’il fait incontestablement penser à une réduction supplémentaire du sentiment d’Etat de droit (1), il faut en relativiser juridiquement la portée (2). 1) Un sentiment d’affaiblissement de l’Etat de droit Indéniablement, les opérateurs photovoltaïques auront été déçus par l’Etat de droit, trompés par le Ministère de l’Ecologie et le Gouvernement et sacrifiés par la perception à court terme que se fait le Conseil d’Etat de l’intérêt général (ordonnance de référé du 28 janvier 2011 et arrêt “ciel et terre” du 18 novembre 2011). Le décret ci-dessous téléchargeable leur donnera probablement le sentiment d’un retour à l’Ancien régime et au règne de l’arbitraire. Ce décret_n°2011-2020_du_29_décembre_2011 établit un barème dérisoire des préjudices causés aux producteurs d’installations photovoltaïques d’une “puissance installée” de 3kVA par l’envoi tardif des conventions de raccordement par les gestionnaires de réseau d’électricité, et par le raccordement pouvant lui-même être tardif. Après avoir malmené le principe de non rétroactivité (dont il avait pourtant été mis en garde par plusieurs parlements: voir les débats parlementaires de la Loi Grenelle II, et notamment les discussion en Commission des Affaires économqiues sur l’article 33 du texte devant l’Assrbmlée Nationale…devenu l’article 88), le Gouvernement et sa Ministre de l’Environnement sacrifient celui de la réparation du sur l’autel des besoins de financement du tout nucléaire. 2) Une portée du barème à relativiser Cependant, à bien lire le décret, qui revient finalement à un décret d’application de l’article 88 V de la Loi Grenelle II codifié à l’article L342-3 du Code de l’énergie, il convient de voir qu’il n’a pour objet – que de garantir légalement une indemnisation minimale – aux producteurs d’une installation de moins de 3kVA. Il serait erroné d’y voir là l’exclusion légale ou réglementaire du régime d’inmnisation de droit commun pour les installations d’une puissance supérieure: cela ne ressort ni directement du texte, ni indirectement des débats parlementaires. Et s’agissant d’un exception, elle s’interprète strictement. En tout état de cause, certains avaient fort heureusement anticipé ce type de manoeuvre et pourront se contenter d’arguer de l’antériorité de leur recours juridictionnel contre le gestionnaire … ils ne seront pas privés du procès en réparation auquel ils pouvaient légitiment prétendre à moins que le Gouvernement entende méconnaître (comme il l’a déjà fait pour le même article 88 de la loi grenelle II, mais en son III° : TC, 13 décembre 2010, “Green Yellow) le droit à un procès équitable garanti par l’article 6,§1 de la CEDH. Rappelons en effet que le gestionnaire a des obligations dont le non respect est d’ores et déjà reconnu (voir les décisions du CoRDIS du cabinet commentées ici) Pour les attentistes, l’exception d’illégalité voire d’inconstitutionnalité du décret, si tant est que le gestionnaire entende l’invoquer au contentieux, sera indispensable avec les aléas que l’on sait. David DEHARBE Avocat au Barreau de Lille Green Law Avocat

Pollution et réticence dolosive : à la recherche de la garantie de l’acquéreur

Dans le cadre d’un litige entre vendeur et acquéreur relatif à la présence en sous-sol de cuves polluées non dénoncées dans le contrat de vente, la Cour d’appel de Douai a rendu un arrêt, le 14 novembre 2011, qui peut en laisser plus d’un perplexe (CA Douai, 14 nov. 2011, n°06/02651) .  En effet, les juges d’appel ont retenu, aux termes de cette décision, une  appréciation plus qu’extensive de la réticence dolosive du vendeur, et plus précisément de l’intention dolosive. Cette solution semble avoir été gouvernée par la volonté de garantir l’acquéreur en présence d’une pollution d’ampleur et de toxicité certaine, à défaut d’autres fondements juridiques envisageables. De surcroît, et alors qu’ils ont très facilement prononcé la condamnation du vendeur, profane en la matière, les juges du fond ont, par ailleurs, limité la garantie due par le notaire en sa qualité de rédacteur de l’acte. Les faits En l’espèce, le vendeur avait vendu à un acquéreur une propriété à usage industriel aux termes d’un acte reçu par notaire le 28 avril 1997. A l’issue de travaux d’excavation pour la mise en place d’un réseau d’assainissement, l’acquéreur a découvert, sous un bâtiment, des citernes enterrées qui, après analyse, se sont avérées contenir des boues toxiques. A la suite d’une expertise judiciaire, l’acquéreur a alors diligenté une procédure au fond à l’encontre du vendeur et du notaire pour solliciter la condamnation de ceux-ci  à lui verser le montant des frais de dépollution. Il a obtenu gain de cause en première instance et un appel a été interjeté. La Cour d’appel de Douai, aux termes de son arrêt rendu le 14 novembre 2011, a condamné in solidum le vendeur et le notaire et opéré un partage de responsabilité entre ces derniers à hauteur des trois quarts pour le vendeur et d’un quart pour le notaire. Si la solution n’apparait pas en soi surprenante dans son principe, la lecture attentive des faits de l’espèce et la motivation des juges de fond suscitent, quant à elles, quelques interrogations. – Une appréciation particulièrement extensive de la réticence dolosive… L’acquéreur avait intenté, à titre principal, son action sur le fondement des articles 1116 et 1382 du Code civil en invoquant la réticence dolosive du vendeur.  La Cour d’appel de Douai se place donc sur ce terrain pour apprécier la responsabilité du vendeur. De l’oubli d’une mention à l’acte de vente à l’intention dolosive Elle relève que l’acte, par lequel le vendeur avait lui-même acquis l’immeuble litigieux, indiquait qu’une activité de vidange avait été exercée sur le site et que la présence de deux citernes dans le sous-sol était mentionnée. Or, si l’acte de vente du 28 avril 1997 rappelait bien les mentions de l’article 8-1 de la loi n°76-663 du 19 juillet 1976 (actuellement article L. 514-20 du Code de l’environnement), il était cependant précisé : « Le vendeur déclare qu’il n’a jamais exploité d’installations soumises à autorisation au sens de la loi précitée sur le terrain objet de la présente vente, hormis celles nécessaires à l’exercice d’une activité de fabrication d’éléments en béton sans danger ou inconvénient au sens de la loi ci-dessus. Il déclare également qu’il n’a jamais été déposé en fouilles, ni utilisé sur le terrain, directement ou dans les appareils ou installations, des déchets ou substances quelconques pouvant entraîner des dangers ou inconvénients pour la santé de l’environnement (tels que, par exemple, amiante, polychlorobiphényles, polychloroterphényles). De même, à sa connaissance, le vendeur déclare qu’il n’a jamais été exercé sur le terrain et les terrains voisins d’activités entraînant des dangers et inconvénients pour la santé, l’environnement et notamment aucune des activités visées par la loi du 19 juillet 1976 ». Et la Cour d’appel de déduire de l’absence de mention, dans l’acte de vente de 1997, de l’exploitation ancienne d’une activité de vidange et de la présence de cuves enterrées la caractérisation d’une réticence dolosive imputable au vendeur. Un raccourci surprenant… Un tel raccourci a de quoi surprendre. En effet, l’élément dommageable était constitué non par la présence de cuves elle-même mais par la pollution qu’elles contenaient, qui elle n’avait jamais été portée à la connaissance du vendeur. Dès lors, l’intention dolosive apparaît objectivement difficilement caractérisable. Cependant, les juges du fond estiment que le vendeur aurait nécessairement du savoir que les cuves avaient servi à usage de vidange et qu’elles étaient ainsi polluées. Cette appréciation des faits de l’espèce ne répond manifestement pas aux conditions requises et contrôlées par la Cour de Cassation pour retenir la réticence dolosive du vendeur. Il convient de rappeler que l’intention dolosive, tout comme la mauvaise foi, ne se présume pas et qu’elle doit être prouvée.  Or, en l’espèce, les juges du fond se fondent uniquement sur une absence de mention à l’acte, non de l’existence de la pollution elle-même, mais de l’activité relativement ancienne de vidange et de la présence de cuves enterrées pour retenir l’existence d’une intention dolosive. Cette position se révèle particulièrement sévère pour le vendeur et, en l’état, injustifiée.  …et contredit par les faits de l’espèce En effet, le vendeur insistait sur les éléments factuels suivants : – son propre vendeur n’avait pas exercé lui-même d’activité de vidanges, contrairement à une mention erronée dans l’acte d’acquisition du 27 décembre 1962, l’exercice d’une telle activité s’avérant en réalité bien antérieure ; – il avait purement et simplement oublié la présence des cuves enterrées, celles-ci ayant été simplement mentionnées au détour d’une phrase dans son propre acte de vente datant de presque 35 ans, et ces cuves étant de surcroît situées sous un bâtiment existant et donc parfaitement invisibles sans travaux d’excavation tels que ceux les ayant mises à jour ; – il ignorait totalement le fait que les citernes contenaient des boues polluées. En dépit de ces éléments, la Cour d’appel de Douai a estimé que le vendeur avait « volontairement dissimulé [à l’acquéreur] des éléments d’information qui l’aurait dissuadée de contracter si elle les avait connus ; que la réticence dolosive est établie et qu’en conséquence elle ne peut s’abriter derrière la clause de…

Sites et sols pollués: l’importance de la rédaction des clauses de dépollution dans les mutations immobilières

Un récent arrêt rendu par la Cour d’Appel de Paris le 1er décembre 2011 illustre une nouvelle fois le contentieux en matière de vente de sites et sols pollués, et plus précisément  s’agissant des clauses de garantie de passif environnemental (CA Paris, 1er décembre 2011, n°10/10938) : Cour_d’appel,_Paris,_Pôle_4,_chambre clause passif environnemental. La problématique En l’espèce, la société L’immobilière groupe Casino vend à une société civile immobilière un ensemble immobilier à usage commercial comprenant notamment des bâtiments et parkings ainsi qu’une station de distribution de carburant. L’acte de vente mentionne expressément une obligation de dépollution du sol à la charge du vendeur portant uniquement sur l’assiette foncière de la station de distribution de carburant selon les techniques qu’il jugera utile, étant précisé que le vendeur s’engage à ce que l’acquéreur puisse exploiter la station de distribution dans un délai de 7 mois avec un minimum de gêne si les travaux de dépollution ne sont pas terminés. Un diagnostic de sols avait préalablement été réalisé par une société spécialisée, laquelle mettait en évidence une contamination par hydrocarbures au droit de la station service et la vulnérabilité du site en raison de la présence à proximité d’habitations ainsi que d’une nappe d’eaux souterraines. Suite à la signature de l’acte de vente, une évaluation détaillée des risques est réalisée qui conclut, quant à elle, que les sols contaminés par les hydrocarbures peuvent constituer une source de pollution dans le cas d’un usage sensible mais que tel n’est pas le cas eu égard à l’affectation du terrain, à savoir un usage commercial. Il convient également de préciser qu’aucune prescription de remise en état n’avait d’ailleurs  été imposée par le préfet, destinataire de ce rapport. Au vu des conclusions du rapport précité, le vendeur n’effectue pas de travaux de dépollution, estimant que l’usage commercial du site n’étant pas compromis, aucune opération de dépollution n’apparaît nécessaire et n’était due. L’acquéreur sollicite alors la désignation d’un expert judiciaire aux fins que celui-ci se prononce sur l’état de la pollution et les mesures et coût nécessaires pour y remédier, ce qui donne lieu au dépôt d’un rapport sur ces différents points. Assigné en paiement d’une quote-part de taxe foncière due au titre de l’acte de vente, l’acquéreur sollicite reconventionnellement  le remboursement des frais de la dépollution qu’il a entreprise, sur les bases du rapport d’expertise judiciaire, ainsi qu’un préjudice immatériel en découlant du fait notamment de la perte de loyer et des retards d’exploitation générés. L’acquéreur se fonde bien évidemment sur le terrain de la responsabilité contractuelle, estimant que le vendeur s’est engagé à prendre en charge la dépollution du terrain. Celui-ci soutenait au contraire que dès lors que la pollution observée ne compromettait pas l’usage commercial du site, son obligation de dépollution ne pouvait trouver à s’appliquer, celle-ci n’ayant eu pour seul but que de permettre l’exploitation par l’acquéreur de la station de distribution du carburant qui n’était pas en l’état compromise. L’analyse de la clause de dépollution par la Cour d’Appel La Cour d’Appel de Paris a donc dû analyser la portée de l’engagement contractuel de dépolluer pris par le vendeur et en tirer toutes les conséquences. Après avoir rappelé, dans un considérant de principe, le contenu des dispositions de l’article 1134, alinéa 3 du Code civil selon lequel « les conventions légalement formées doivent être exécutées de bonne foi », elle étudie les stipulations contractuelles et le cadre dans lequel l’engagement du vendeur a été pris. A ce titre, elle relève notamment que la seule étude à la disposition du vendeur, lors de son engagement contractuel de dépolluer, est constituée par le diagnostic des sols mettant en exergue la pollution aux hydrocarbures présente et la vulnérabilité du site en raison d’une nappe phréatique à faible profondeur et d’habitations voisines. Elle en déduit que « l’engagement du vendeur de dépolluer pris dans l’acte de vente, qui concerne nécessairement les pollutions relevés dans le diagnostic de juillet 2002 au vu duquel l’acte de vente a été signé, a donc pour objet de supprimer les pollutions constatées par ce diagnostic, lesquelles s’inscrivent dans le cadre d’un usage sensible ». Les juges d’appel écartent donc les conclusions de l’évaluation détaillée des risques établie postérieurement à la vente et qui n’a donc pu servir de support à la détermination de l’engagement contractuel du vendeur. La référence à l’obligation pour les parties d’exécuter les conventions de bonne foi se comprend aisément… On relèvera également que la clause stipulant l’obligation particulière de dépollution à la charge du vendeur ne mentionnait nullement une quelconque limitation de la dépollution en raison d’un certain usage du site mais prévoyait simplement une délimitation géographique, à savoir l’assiette foncière de la station de distribution de carburant. De surcroît, et en tout état de cause, le rapport d’expertise judiciaire conclut  à l’existence d’une pollution de la nappe phréatique avec des risques pour la santé humaine pour un usage sensible et précise que la pollution constatée ne permettait pas d’envisager l’exploitation de la station service sans dépollution. En conséquence, la Cour d’Appel de Paris retient la faute contractuelle du vendeur pour non respect  de son obligation contractuelle de dépollution. La limitation de l’indemnisation sollicitée En revanche, et s’agissant des dommages et intérêts accordés sur le fondement des dispositions de l’article 1147 du Code civil, les juges d’appel ne font droit que partiellement aux demandes de l’acquéreur. En effet, ils relèvent notamment la restriction spatiale mentionnée dans la clause relative à l’obligation de dépolluer, qui n’est susceptible de s’appliquer pour les travaux de dépollution portant sur l’assiette de la station service. Ainsi, si en l’absence de précision par les parties, les juges n’acceptent pas de limiter l’engagement contractuel pris, en présence d’une délimitation précise de l’obligation, ces mêmes juges n’hésitent pas à en faire application. S’agissant des préjudices immatériels sollicités, la Cour d’Appel relève que les retards d’exploitation et les pertes de loyers allégués ne sont justifiés que partiellement par les travaux de dépollution mais également par d’autres considérations propres à l’acquéreur (telles que retard de délivrance du permis de…