L’acquéreur d’un immeuble a qualité pour agir contre le constructeur au sujet des vices même nés antérieurement à la vente (Cass, 9 juill.2014)

Par un arrêt en date du 9 juillet 2014 (C.cass, civ, 3ème, 9 juillet 2014, n°13-15.923), la Cour de cassation précise que l’acquéreur d’un immeuble dispose de la qualité pour agir en réparation contre le constructeur des désordres même nés antérieurement à la vente sur le fondement de la responsabilité de droit commun. En l’espèce, une société avait acheté des lots de terrains en cours de construction et une société intermédiaire avait dans l’intervalle conclu des contrats avec un certain nombre d’entrepreneurs. Compte-tenu de désordres sur les constructions, l’acquéreur avait engagé des actions en responsabilité contre les diverses sociétés et leurs assureurs. Les sociétés mises en cause dans le litige soutenaient que l’acquéreur n’avait pas la qualité pour agir eu égard à l’absence de qualité de « partie » aux contrats de construction. La Cour d’appel avait accueilli favorablement cet argument. La Cour de cassation, saisie de l’affaire, censure partiellement la Cour d’appel : « Vu l’article 1147 du code civil, ensemble l’article 31 du code de procédure civile ; Attendu que pour déclarer la société X irrecevable en ses demandes formulées à l’encontre de la société Y et de son assureur, la société Z, l’arrêt retient, par motifs adoptés, que le contrat de la société Y ayant été signé avec la société A, bénéficiaire d’une promesse de vente du terrain, préalablement à la vente du même terrain à la société X, intervenue le 5 décembre 2006, la société X ne justifiait pas de sa qualité à agir à l’encontre de la société Y ni, par voie de conséquence, à l’encontre de son assureur, pour mettre en cause sur le fondement des articles 1134 et 1147 du code civil la mauvaise exécution d’un contrat auquel elle n’avait pas été partie ; Qu’en statuant ainsi, alors que, sauf clause contraire, l’acquéreur d’un immeuble a qualité à agir contre les constructeurs, même pour les dommages nés antérieurement à la vente, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun qui accompagne l’immeuble en tant qu’accessoire, la cour d’appel a violé les textes susvisés ». Cet arrêt est intéressant puisqu’il rappelle que si l’acquéreur d’un immeuble suite à une vente a la possibilité d’agir contre le constructeur au titre de l’assurance dommage-ouvrage et de la garantie décennale pour les désordres nés postérieurement à la vente, la solution est différente en cas de désordres nés antérieurement à une vente. Dans cette hypothèse, la Cour de cassation indique que l’acquéreur doit alors fonder son action sur la responsabilité contractuelle de droit commun. Cette position de la Cour de cassation met un terme à un débat évolutif sur la question de la transmission à l’acquéreur des droits et actions attachés à l’immeuble vendu et confirme une position prise dans un arrêt très remarqué du 10 juillet 2013 (Cass., 3e civ., 10 juillet. 2013, n° 12-21.910, Syndicat des Copropriétaires Résidence Brise Marine 82 rue de Londres Le Touquet c/ SCI le Colbert). La solution retenue par la Cour de cassation est logique : l’acquéreur d’un immeuble vicié par des désordres doit inévitablement pouvoir agir afin de faire valoir la responsabilité des constructeurs. La vente d’un immeuble ne saurait empêcher l’action en responsabilité contre le constructeur ayant commis des fautes et/ou malfaçons dans les opérations de construction. Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat

Solaire/ liquidation des sociétés spécialisées en photovoltaïque : l’irrégularité du contrat de crédit comme sortie de secours ? (Cass, 30 avr.2014)

Par un arrêt en date du 30 avril 2014 (C.cass, 30 avril 2014, n°13-15581), la Cour de Cassation rappelle que le contrat de crédit destiné à financer la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques constituant des travaux de construction relève des opérations énumérées à l’article L 312-2 du Code la consommation, ce qui entraîne un certain formalisme qui peut être favorable aux producteurs d’électricité. En l’espèce, un couple de particuliers avait souscrit auprès d’un organisme de crédit la somme de 28 600 euros destiné à financer la vente et l’installation sur leur immeuble d’équipements de production d’électricité par panneaux photovoltaïques. Il semblerait que l’installation produisait de l’électricité destinée à être vendue mais aussi à être consommée. Devant une installation mal exécutée et où il avait d’ailleurs pu être constaté que la sécurité des lieux était compromise, les particuliers avaient assigné la société installatrice des panneaux solaires, son mandataire judiciaire (puisque cette dernière était placée en liquidation judiciaire) et la société de crédit au titre de l’article L312-2 du Code de la consommation. Il est important de relever que les particuliers,, de manière habile, soutenaient que le contrat de crédit qu’ils avaient souscrit était soumis aux dispositions de l’article L312-12 du Code de la consommation et qu’en tout état de cause le contrat de prêt et le contrat principal étaient interdépendants de telle sorte que la résolution du contrat principal emportait de plein droit la résolution du contrat de prêt. Notons que la banque soutenait que le contrat de crédit en l’espèce n’entrait pas dans le champ d’application protecteur de l’article L312-12 du Code de la consommation lequel dispose : « Les dispositions du présent chapitre s’appliquent aux prêts qui, quelle que soit leur qualification ou leur technique, sont consentis de manière habituelle par toute personne physique ou morale en vue de financer les opérations suivantes : 1° Pour les immeubles à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation : a) Leur acquisition en propriété ou la souscription ou l’achat de parts ou actions de sociétés donnant vocation à leur attribution en propriété, y compris lorsque ces opérations visent également à permettre la réalisation de travaux de réparation, d’amélioration ou d’entretien de l’immeuble ainsi acquis ; b) Leur acquisition en jouissance ou la souscription ou l’achat de parts ou actions de sociétés donnant vocation à leur attribution en jouissance, y compris lorsque ces opérations visent également à permettre la réalisation de travaux de réparation, d’amélioration ou d’entretien de l’immeuble ainsi acquis ; c) Les dépenses relatives à leur réparation, leur amélioration ou leur entretien lorsque le montant du crédit est supérieur à 75 000 € ; d) Les dépenses relatives à leur construction ; 2° L’achat de terrains destinés à la construction des immeubles mentionnés au 1° ci-dessus ». Les conséquences de cette soumission de certains contrats de prêt à l’article L312-12 du Code de la consommation sont nombreuses puisqu’un formalisme doit être respecté. L’article L312-10 du Code la consommation prévoit ainsi un délai de réflexion de dix jours au bénéfice de l’emprunteur:  « L’envoi de l’offre oblige le prêteur à maintenir les conditions qu’elle indique pendant une durée minimale de trente jours à compter de sa réception par l’emprunteur. L’offre est soumise à l’acceptation de l’emprunteur et des cautions, personnes physiques, déclarées. L’emprunteur et les cautions ne peuvent accepter l’offre que dix jours après qu’ils l’ont reçue. L’acceptation doit être donnée par lettre, le cachet de la poste faisant foi ». En l’espèce, la Cour de cassation rejette l’argumentation de la banque et confirme le raisonnement suivi par la Cour d’appel en rappelant : « Mais attendu qu’ayant constaté que le prêt contracté était d’un montant supérieur à 21 500 euros et qu’il était destiné à financer la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques constituant des travaux de construction et permettant aux propriétaires d’un immeuble à usage d’habitation non seulement de vendre l’électricité produite à un fournisseur d’énergie, mais également d’en bénéficier pour leur usage personnel, la cour d’appel en a exactement déduit que ce prêt relevait des opérations énumérées à l’article L. 312-2 du code de la consommation dans sa rédaction applicable en la cause ».   Plus encore et pour justifier le versement de dommages et intérêts la Cour de cassation précise :  « Mais attendu qu’ayant retenu, par motifs adoptés, que l’absence d’émission d’une offre de prêt immobilier avait fait obstacle aux dispositions plus protectrices des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation, notamment celles relatives à la formation du contrat et au délai de réflexion de dix jours prévu à l’article L. 312-10, la cour d’appel a caractérisé le préjudice subi par les emprunteurs ».   La Haute juridiction se focalise donc dans le litige qui lui est soumis sur l’irrégularité du contrat de crédit pour justifier la réparation des particuliers, sans se positionner sur les motifs qui auraient pu justifier en l’espèce la résolution du contrat principal (chantier de l’installation laissé à l’abandon). D’un point de vue pratique, cet arrêt de la Cour de cassation est particulièrement intéressant puisqu’il permet de rappeler aux particuliers qui ont contracté des prêts en vue de financer leurs projets d’installations photovoltaïques qu’une action en résolution du contrat principal et du contrat de prêt peut être exercée, indépendamment du placement en liquidation judiciaire de la société spécialisées dans l’installation photovoltaïque. Face à la multiplication du placement en liquidation ou redressement judiciaire de nombreuses sociétés spécialisées dans la vente et l’installation de centrales photovoltaïques, l’action en résolution du contrat de prêt devient donc une arme juridique redoutable comme en témoigne le présent arrêt. Ainsi et concrètement les particuliers en obtenant la résolution de leur contrat de prêt pourront atténuer sensiblement leur préjudice en n’ayant plus à subir le remboursement des échéances de prêts pour une installation hors service ou mal posée. Me Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat

Eoliennes: le permis de construire n’a pas à être précédé d’une autorisation d’occupation du domaine public pour le passage des câbles (CE, 4 juin 2014)

Le Conseil d’Etat vient de trancher récemment (Conseil d’Etat, 4 juin 2014, n°357176) la question de savoir si la délivrance du permis de construire pour un parc éolien est subordonnée à l’obtention préalable d’une autorisation d’occupation du domaine public pour le passage des câbles électriques nécessaires au raccordement au réseau des éoliennes. Cette question était d’importance car les règles auparavant applicables prévoyaient que le demandeur au permis devait disposer d’un “titre l’habilitant à construire”, ce qui pouvait être de nature à rendre nécessaire une AOT ou une COT lorsque le domaine public était concerné par la construction. Toute la question demeurait de savoir si le réseau de câbles était inclus dans la construction, ce d’autant qu’en l’espèce, ce n’était même pas le réseau privé (éoliennes-poste de livraison) mais le réseau géré par le gestionnaire (poste de livraison/poste source) qui était en cause. La réponse pourrait apparaître comme frappée du bon sens (la construction ne porte que sur le parc éolien) mais pourtant, cette question restait en suspend, tant que deux jurisprudences s’opposaient: l’arrêt rendu en appel dans l’affaire finalement tranchée par le Conseil d’Etat (CAA Douai, 23 déc. 2011, n°10DA00973) et un jugement du Tribunal administratif de Lille (TA Lille, 4 oct. 2012, n° 0907032). En l’espèce, une association cherchait à obtenir l’annulation d’un permis de construire accordé à un opérateur pour la construction d’un parc éolien. Au soutien de sa demande, l’association soutenait que l’enfouissement des câbles électriques reliant le poste de livraison du parc éolien au poste source du réseau de distribution d’électricité nécessitait une occupation des ouvrages du réseau public de distribution implantés sur le domaine public. Elle estimait que le pétitionnaire devait joindre à sa demande de permis de construire la preuve de la délivrance d’une autorisation d’occupation du domaine public. Lors de l’audience, les conclusions du Rapporteur public avaient été accueillies avec une grande surprise et la formation de jugement de la Cour administrative d’appel de Douai avait estimé que le parc éolien et les câbles formaient un tout : « L’enfouissement des câbles électriques reliant le poste de livraison aux postes sources nécessite une occupation des ouvrages du réseau public de distribution d’électricité implantés sur le domaine public ; que le pétitionnaire du permis litigieux ne justifie pas de la délivrance, par la commune ou par le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, d’une autorisation d’occupation du domaine public à cette fin ; que dans ces conditions [le pétitionnaire] ne peut être regardée comme disposant d’un titre l’habilitant à construire ». L’année suivante, le Tribunal administratif de Lille (TA Lille, 4 oct. 2012, n° 0907032) avait rendu un jugement contradictoire. Le Conseil d’Etat clarifie donc cette question en considérant : « qu’il résulte toutefois des articles 14 et 18, alors applicables, de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité que le raccordement des ouvrages de production d’électricité au réseau public de transport d’électricité ainsi qu’aux réseaux publics de distribution d’électricité incombe aux gestionnaires de ces réseaux ; qu’ainsi, le raccordement, à partir de son poste de livraison, d’une installation de production d’électricité au réseau électrique se rattache à une opération distincte de la construction de cette installation et est sans rapport avec la procédure de délivrance du permis de construire l’autorisant ; que la délivrance de ce permis n’est donc pas subordonnée, hors l’hypothèse où l’installation serait elle-même implantée, en tout ou en partie, sur le domaine public, à l’obtention préalable d’une autorisation d’occupation du domaine public ». La construction de l’installation éolienne et son raccordement au réseau électrique sont deux opérations distinctes. La délivrance du permis de construire n’est donc pas subordonnée à l’obtention préalable d’une autorisation du domaine public. Rappelons que cet arrêt est rendu sous le régime antérieur relatif au titre habilitant à construire. Aujourd’hui, l’article R431-13 du code de l’urbanisme règle cette question, puisqu’il prévoit « Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l’accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public ». Il ne sera donc désormais nécessaire de joindre au dossier de permis de construire éolien une pièce attestant de l’accord du gestionnaire du domaine public pour engager la procédure d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public que pour autant que le parc lui même est lui même implanté sur une telle parcelle (dans cette hypothèse, ce n’est pas l’autorisation d’occupation du domaine public qui est requise, mais uniquement l’accord du gestionnaire pour engager la procédure d’autorisation). Si le parc n’est pas implanté sur du domaine public, la construction ne sera pas assujettie à la production de l’accord du gestionnaire, même si le parc nécessite bien évidemment un raccordement au RPD. Camille Colas Green Law Avocat  

Diagnostic amiante : pas de service minimum ! (Cass, 21 mai 2014, n°13-14.891)

Par un arrêt en date du 21 mai 2014 (C.cass., 3ème civ., n°13-14.891) la Cour de cassation rappelle que le contrôle amiante du diagnostiqueur dans le cadre de la vente d’un immeuble n’est pas purement visuel mais qu’au contraire il lui appartient d’effectuer toutes les vérifications n’impliquant pas des travaux destructifs. En l’espèce, l’acquéreur d’une maison avait découvert la présence d’amiante dans l’habitation qu’il venait d’acheter. S’estimant lésé, il avait assigné le vendeur de l’habitation et la société de diagnostic technique en responsabilité et solliciter en réparation de son préjudice le paiement des travaux de désamiantage. Dans le cadre du litige soumis à la Cour de cassation, le diagnostiqueur reprochait à la Cour d’appel d’avoir reconnu sa responsabilité alors que la réglementation ne lui imposait que de procéder à un examen visuel des lieux. Saisie du litige, la Cour de cassation confirme toutefois l’appréciation portée par la Cour d’appel et rappelle : « […] d’une part, qu’ayant exactement retenu que le contrôle auquel devait procéder le diagnostiqueur n’était pas purement visuel, mais qu’il lui appartenait d’effectuer les vérifications n’impliquant pas de travaux destructifs et constaté que la société … n’avait pas testé la résistance des plaques, ni accédé au comble par la trappe en verre située dans le couloir, la cour d’appel a pu en déduire que cette société avait commis une faute dans l’accomplissement de sa mission ; Attendu, d’autre part, qu’ayant retenu, par motifs adoptés, que du fait de la présence d’amiante dans les murs et le plafond de la pièce principale de l’immeuble, il n’était pas possible de procéder à des travaux sans prendre des mesures particulières très contraignantes et onéreuses, tant pour un simple bricolage que pour des travaux de grande envergure et qu’il fallait veiller à l’état de conservation de l’immeuble, afin d’éviter tout risque de dispersion de l’amiante dans l’air, la cour d’appel, qui a caractérisé la certitude du préjudice résultant de la présence d’amiante, a pu en déduire que le préjudice de Mme Y… correspondait au coût des travaux de désamiantage ; D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ». Rappelons que le législateur contemporain a multiplié les diagnostics obligatoires avant toute vente immobilière, qui donnent donc lieu à des diagnostics effectués par des organismes agréés devant figurer en annexe de la promesse de vente ou, à défaut de promesse, dans l’acte authentique. La plupart de ces annexes sont contenues dans le dossier de diagnostic technique prévu par l’ordonnance n° 2005-655 du 8 juin 2005 (art. L. 271-4-I du Code de la construction et de l’habitation et D. n° 2006-1114, 5 sept. 2006). Les modalités d’établissement du diagnostic amiante prévu notamment par l’arrêté du 22 août 2002 et aujourd’hui par le décret du 12 décembre 2012 prévoit que « l’opérateur de repérage recherche les matériaux et produits de la liste A de l’annexe 13-9 du Code de la santé publique accessibles sans travaux destructifs ». L’arrêt rendu par la Cour de cassation confirme le courant jurisprudentiel de ces dernières années qui souligne qu’en matière de vente d’immeubles l’obligation du contrôleur technique est une obligation de résultat (Cass. 3e civ., 27 sept. 2006, n° 05-15.924 : Bull. civ. 2006, III, n° 194). Selon la Haute juridiction, l’organisme en charge dudit diagnostic doit s’enquérir par lui-même des caractéristiques complètes de l’immeuble concernant la présence éventuelle d’amiante et il n’est pas en droit de limiter son intervention à un simple contrôle visuel, ni à certaines parties de l’immeuble, dès lors qu’il a reçu une mission complète de diagnostic (Cass. 3e civ., 3 janv. 2006, n° 05-14.380). Cet arrêt est intéressant puisqu’il souligne l’importance du contenu des diagnostics techniques transmis à l’acheteur lors d’une vente. Plus particulièrement en cas de défaillance du rapport et en l’absence de réserves émises par le diagnostiqueur, l’acheteur aura tout intérêt à engager la responsabilité de ce dernier pour obtenir réparation de son préjudice, soit le paiement du coût du désamiantage, plutôt que de rechercher à titre principal celle du vendeur à l’égard dont la faute sera difficile à démontrer (le plus souvent la preuve de l’existence de vices cachés au titre de l’article 1641 du code civil). Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat

Vente d’immeuble en zone humide : vigilance quant aux restrictions à la constructibilité ! (CA Riom, 13 janv.2014)

Par un arrêt en date du 13 janvier 2014(CA, 13 janvier 2014, n°12/02917: arrêt CA RIOM 13 janvier 2014),  la Cour d’appel de RIOM rend une décision intéressant tous les propriétaires de biens situés en “zone humide”. En effet, la Cour d’appel censure le jugement du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand ayant débouté des particuliers de leur demande d’annulation de la vente d’un terrain acquis en vue de la construction d’une maison d’habitation au titre de l’erreur sur la substance de la chose vendue.  En l’espèce, des particuliers avaient acheté un terrain en vue de faire construire une maison d’habitation. Sur le plan de l’urbanisme, le terrain était classé en zone constructible. Néanmoins la classification du tréfonds du terrain en “zone humide” le rendait difficilement constructible puisque la législation découlant de la Loi sur l’eau soumet à autorisation préfectorale tous travaux ayant notamment pour effet de supprimer, assécher ou imperméabiliser une zone humide. Ainsi, le coût de la réalisation d’une éventuelle construction se révélait deux fois supérieur au devis initial en raison de la nécessité de drainage et d’enrochement du ruisseau. Les particuliers estimant que la condition déterminante de l’acquisition de ce terrain était l’édification de leur future maison d’habitation ont assigné le vendeur au visa de l’article 1110 du code civil au titre de l’erreur sur la qualité substantielle de la chose vendue. Rappelons que l’article 1110 du Code civil énonce : « L’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet. Elle n’est point une cause de nullité lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention ». Notons qu’en première instance, les juges avaient débouté l’action des demandeurs au motif que ces derniers étaient parfaitement informés de la qualification de la zone en zone humide et que des précautions devaient être prises pour une construction immobilière. Saisie du litige en appel, la Cour d’appel de RIOM censure le raisonnement suivi par la juridiction de première instance en estimant:  « […] qu’il résulte de l’article 1110 du code civil que l’erreur est cause de nullité d’une convention que lorsqu’elle affecte la substance même de la chose qui en est l’objet ; Attendu, en l’espèce, qu’il n’est pas contesté que la constructibilité du terrain vendu était bien une condition substantielle du consentement donné par les acquéreurs qui avaient effectivement reçu, avant la signature de l’acte authentique, une information quant au caractère humide du terrain et que des précautions devaient être prises, mais la seule mention était qu’une étude de sol préalable à la mise en œuvre d une construction soit faite (…) ; Attendu en conséquence, qu’au jour de la vente authentique, M. M. et Mme M. n’étaient informés que de la présence du ruisseau très humide , ce qui est d ailleurs un pléonasme et de la nécessité de faire un étude de sol, ce qui ne laissait pas présager de grosses difficultés quant à la constructibilité réelle du terrain compte tenu de spécifications également limitées à cette seule étude de sol indiquées au permis de construire; Mais attendu que c’est ensuite, lors de l’étude géotechnique, effectuée le 12 novembre 2010 par A…BTP, que les réels problèmes sont apparus après vérification, tant au niveau technique qu’au niveau réglementaire, que les solutions de fondation pouvaient être envisagées; Qu’en effet, il est démontré qu’une étude hydrologique était nécessaire pour vérifier la possibilité de réaliser une construction ; que l’étude concluait que ce n’était qu’ après avoir envisagé les solutions de fondation et de dallage qu’il pouvait être déterminé si le site était réellement constructible ou non ; que A…BTP mentionne de nombreuses venues d’eau à certaines profondeurs, et qu’en raison de la nature des sols superficiels, une possibilité de présence épisodique de nappes superficielles d’imbibition était envisagée au vu de la présence du ruisseau ; que l’étude hydrologique a été régulièrement versée aux débats et que la discussion qui s’ensuivit entre les parties est parfaitement contradictoire ; Attendu en conséquence que si la présence de ce ruisseau était évident lors de la passation de l’acte authentique de vente, les conclusions géotechniques et hydrogéologiques faisaient pour la première fois apparaître des dispositions très particulières de conception et d’exécution des fondations, et ce après drainage ; que c’est d’ailleurs pour cette raison que la société A….BTP concluait qu’elle ne pouvait fournir aucune solution avant l’étude hydrologique ; ( …) Attendu en conséquence que c’est à bon droit que M. M. et Mme M., évoquant l’erreur qu’ils avaient commise sur la qualité substantielle du terrain, ont sollicité que soit prononcée la nullité de la vente de la parcelle ZA numéro …….lieu dit «…………….» passée par devant Maître J………., notaire à C…………..le 22 ………..2009, ainsi que la restitution de la somme de 44.267,15 € correspondant au prix de vente et frais notariés d’enregistrement; Attendu que l’arrêt étant déclaratif de droit il convient de considérer que, conformément à l’article 1153 – 1 du code civil, les intérêts au taux légal courront compter de son prononcé ». Cet arrêt est utile car en l’espèce la parcelle de terrain qui a été achetée par les particuliers n’était pas inconstructible. Toutefois le caractère humide de la zone rendait le coût de la construction plus important que celui prévu initialement par les acheteurs. Surtout, les études de sol qui ont été diligentées révélaient la difficulté de mener un projet de construction à des conditions économiquement acceptables. Ce n’est donc pas une faute que les vendeurs auraient commises qui ont conduit à l’annulation de la vente, mais bien une erreur sur les qualités intrinsèques de la chose vendue.  Rappelons qu’une jurisprudence abondante admet que l’erreur puisse porter sur l’aptitude de la chose à remplir l’usage auquel on la destine.  En matière de vente d’immeubles, la jurisprudence reconnaît l’erreur lorsque : Le terrain est déclaré, à la suite d’une vente, inconstructible (Cass. 1re civ., 2 mars 1964 : Bull. civ. 1964, I, CA Bourges, 16 avr. 1985 ; CA Toulouse,…