L’ENA est morte, vive l’ENA !

L’ENA est morte, vive l’ENA !

Par Frank ZERDOUMI,  Juriste et Docteur en droit public (Green Law Avocats)

Le 30 août 2022, la directrice de l’école a arrêté le classement de sortie de la promotion 2021-2022 «Germaine Tillion».

Le 30 octobre 2022, le Comité de défense des derniers et dernières élèves de l’ENA a déposé un recours devant le Conseil d’État, lui demandant d’annuler la décision du 30 août.

Le classement de sortie de la promotion 2022 de l’Institut national du service public, assimilable à un concours, a-t-il ou non respecté le principe de l’égalité de traitement des candidats ?

Le Conseil d’État a répondu à cette question par la négative, et a donc annulé ce classement, sans pour autant remettre en cause l’affectation des élèves, leurs nominations étant déjà devenues définitives : il a cependant considéré que l’examen de fin de scolarité ne respectait pas le principe d’égalité de traitement des candidats.

Supprimer l’appel sans violer le principe de non régression environnementale ?

Supprimer l’appel sans violer le principe de non régression environnementale ?

Par David DEHARBE, avocat gérant (Green Law Avocats)

Par un arrêt du 14 juin 2023, le Conseil d’État a jugé que le principe de non-régression en matière environnementale ne peut être utilement invoqué pour contester une réglementation qui aménage en manière contentieuse la règle de l’appel (req. n°466933).

Le nouvel article L600-1-1 du code de l’urbanisme est constitutionnel

Par Maître David DEHARBE, avocat gérant (GREEN LAW AVOCATS) Aux termes de l’article L. 600-1-1 du code de l’urbanisme, modifié par loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dite loi ELAN), une association n’est recevable à agir contre une décision relative à l’occupation ou l’utilisation des sols que si le dépôt de ses statuts en préfecture est intervenu au moins un an avant l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. La rédaction initiale de l’article inséré dans le code de l’urbanisme par la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, dite « loi ENL » exigeait l’antériorité de l’association mais sans imposer ce délai d’un an. Et le Conseil constitutionnel avait déjà été saisi le 7 avril 2011 par le Conseil d’État (décision n° 345980), d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par une association, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article L. 600-1-1 du code de l’urbanisme, en vertu duquel le droit d’agir contre une décision relative à l’occupation ou à l’utilisation des sols n’est ouvert aux associations que si le dépôt de leurs statuts en préfecture est intervenu avant l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. A l’époque par une décision par sa décision n° 2011-138 QPC du 17 juin 2011, le Conseil constitutionnel avait déjà déclaré cet article conforme à la Constitution en jugeant que cette restriction ne portait atteinte ni au droit à un recours juridictionnel effectif ni à la liberté d’association, pas plus qu’au principe d’égalité. L’aggravation de l’ancienneté d’un an exigée par la loi ELAN a conduit le Conseil d’Etat, saisi à cette fin en cassation par une association d’un rejet de transmission d’une QPC par un juge des référés, à renvoyer cette question renouvelée au Conseil constitutionnel (CE 31 janvier 2022 n° 455122). Par une décision du 1er avril 2022 (Décision n° 2022-986 QPC du 1er avril 2022, Association La Sphinx), le Conseil constitutionnel valide la constitutionnalité de la nouvelle rédaction de l’article L. 600-1-1 du code de l’urbanisme. Le Conseil constitutionnel, suivant sa précédente jurisprudence considère tout d’abord qu’en adoptant cette disposition, « le législateur a souhaité que les associations qui se créent aux seules fins de s’opposer à une décision individuelle d’occupation ou d’utilisation des sols ne puissent la contester. Il a ainsi entendu limiter les risques particuliers d’incertitude juridique qui pèsent sur ces décisions d’urbanisme et prévenir les recours abusifs et dilatoires” ». le juge constitutionnel relève ensuite que « les dispositions contestées restreignent le droit au recours des seules associations dont les statuts sont déposés moins d’un an avant l’affichage de la demande du pétitionnaire », ce qui sous-entend que laisse les autres associations ont encore accès au prétoire. Enfin, les sages relèvent que la restriction est cantonnée aux « décisions individuelles relatives à l’occupation ou à l’utilisation des sols ». Les griefs se réclamant de la liberté d’association et le principe d’égalité devant la loi sont également rejetés sans plus d’explication.

La circulaire Castaner suspendue par le Conseil d’Etat !

Par Maître Lucas DERMENGHEM (Green Law Avocats) Par une ordonnance en date du 31 janvier 2020 (n°437675), le juge des référés du Conseil d’État a prononcé la suspension de l’exécution de la circulaire du 10 décembre 2019 du Ministre de l’Intérieur, dite « circulaire Castaner », relative à l’attribution des nuances politiques aux candidats aux élections municipales et communautaires des 15 et 22 mars prochains (n°INTA1931378J). Cette décision, largement relayée par la presse, rappelle d’une manière bienvenue les impératifs d’égalité de traitement entre les partis politiques, mais également d’exactitude de l’information délivrée aux pouvoirs publics et aux citoyens afin que ces derniers puissent suivre les tendances politiques locales et nationales lors d’opérations électorales. Tout d’abord, rappelons que cette circulaire du Ministre de l’Intérieur avait pour objet d’établir une « grille des nuances politiques » destinée à placer les candidats, élus ou listes, sur une grille des courants politiques afin de présenter les résultats électoraux de la manière la plus précise possible et d’offrir une représentation des tendances politiques locales et nationales. Pour ce faire, la circulaire prévoyait l’attribution d’une nuance pour les candidats et listes des seules communes d’au moins 9 000 habitants ainsi que dans les chefs-lieux d’arrondissement. En annexe de cette circulaire figurait une grille de 24 nuances politiques pour les candidats, contre 22 pour les listes, recoupées en six blocs de clivages afin d’agréger plus lisiblement les résultats (extrême gauche, gauche, autre, centre, droite, extrême droite). C’est précisément ce seuil de communes d’au moins 9 000 habitants ainsi que certaines conditions d’attribution de ces nuances qui se voyaient particulièrement contestés au titre des cinq référés-suspension et du référé-liberté introduits devant le Conseil d’État par plusieurs élus et partis politiques : A titre liminaire, précisons qu’en principe, une circulaire étant un acte interne à l’administration, tout recours juridictionnel introduit à son encontre est irrecevable, cette dernière n’étant pas un acte faisant grief. Toutefois, par exception, les circulaires dites « impératives », c’est-à-dire imposant un comportement déterminé à leurs destinataires sont susceptibles de recours juridictionnel (CE, 18 décembre 2002, Mme Duvignères, n°233618). En outre, pour qu’une circulaire soit opposable ou invocable, l’article L. 312-2 du CRPA impose que cette dernière ait fait l’objet d’une publication, permettant alors à toute personne de s’en prévaloir pour son application à une situation n’affectant pas des tiers (art. L. 312-3 CRPA). Les supports et la périodicité de publication dépendent de la qualité de l’auteur de la circulaire et sont précisés aux articles R. 312-3-1 à R. 312-6 du CRPA. Ainsi a contrario, en l’absence de publication sur l’un des supports prévus, la circulaire n’est ni opposable ni invocable et sera réputée abrogée à l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de sa signature (art. R. 312-7 CRPA). Dans cette décision, c’est précisément le caractère très prochainement opposable de la circulaire que relève le Conseil d’État pour juger satisfaite la première condition d’admission d’un référé-suspension, à savoir l’urgence de la suspension demandée (cf. considérant n°7 de l’ordonnance). A cet égard, d’une part, la Haute-Juridiction relève que la circulaire est « de nature règlementaire », autrement dit qu’elle ajoute de nouvelles dispositions par rapport au texte dont elle explicite l’application, soit le décret n° 2014-1479 du 9 décembre 2014. D’autre part,  le Conseil d’État retient qu’à l’examen des indications délivrées par les représentants du Ministre de l’Intérieur, cette circulaire fera très prochainement l’objet d’une publication afin de permettre son application lors de l’enregistrement des candidatures aux élections municipales qui, à la date de la décision, devait débuter quelques plus tard. « Eu égard à cette échéance immédiate », le juge des référés a donc considéré que la condition d’urgence de l’article L. 521-1 du code de justice administrative était remplie. Par suite, le juge des référés examine la requête à l’aune de la seconde condition, à savoir l’existence d’un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’acte dont la suspension est demandée. Sur ce point, l’ordonnance retient trois moyens :   – En premier lieu, la circulaire retient un seuil d’attribution d’une nuance politique aux candidats et listes limité aux communes d’au moins 9 000 habitants et aux chefs-lieux d’arrondissement. Le Conseil d’État relève que le choix de ce seuil a pour effet ne pas attribuer de nuance politique dans plus de 95% des communes, excluant par conséquent de la présentation nationale des résultats des élections municipales les suffrages exprimés par près de la moitié des électeurs. Le juge des référés relève en outre que le seuil de 9 000 habitants retenu par la circulaire a pour effet potentiel de ne pas prendre en considération l’expression politique manifestée par plus de 40% du corps électoral. Ce faisant, le seuil retenu compromet l’objet même de la circulaire, en ce qu’il ne permet pas de délivrer l’information la plus complète et précise possible aux pouvoirs publics ainsi qu’aux citoyens, tout en risquant de sous-estimer les principaux courants politiques du scrutin. C’est donc logiquement que le Conseil d’État considère que le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation dont serait entachée cette circulaire en tant qu’elle retient un tel seuil est propre à créer un doute sérieux sur la légalité de cet acte. – En deuxième lieu, à l’examen de la circulaire, en principe, l’investiture par un parti politique constituait une condition sine qua non d’attribution d’une nuance politique à une liste. Cependant, le texte ménageait une exception, permettant l’attribution de la nuance « divers centres » aux listes simplement « soutenues » par certains partis – dont LREM – ou par la « majorité présidentielle », instaurant dès lors une différence de traitement caractérisée. De façon prévisible, le moyen tiré de l’atteinte par ces dispositions au principe d’égalité est considéré par le juge des référés comme propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la circulaire en cause. – Enfin, en troisième et dernier lieu, le texte contesté classait la nuance « Liste Debout la France » dans le bloc de clivage « extrême-droite ». Or, cette classification déjà opérée pour les élections législatives de 2017 se fondait principalement sur des déclarations du Président du parti durant les élections présidentielles de 2017 en…

Modulation dans le temps des annulations et « intérêt public de la promotion des ENR »

La guérilla contentieuse n’a pas toujours les effets escomptés.  Le contentieux des énergies renouvelables voit ainsi de plus en plus souvent le juge moduler dans le temps ses annulations contentieuses touchant leurs actes réglementaires. L’on sait que le Conseil d’Etat s’est vu proposer la semaine dernière la modulation dans le temps de l’annulation de certaines dispositions de l’arrêté tarifaire liée à l’obligation d’achat de l’électricité photovoltaïque, pour sauver les contrats en cours d’une baisse de rémunération du fait d’un risque d’annulation sèche pour rupture d’égalité. On attend avec impatience l’arrêt en la matière mais l’on sait déjà que la modulation qu’il comportera n’interviendra vraisemblablement pas au nom de la contribution des ENR à l’intérêt général… Le Rapporteur public considère que la validation législative est justifiée par un impérieux motif d’intérêt général. L’on sait que dans la même veine le Conseil d’Etat (CE, Juge des référés, 28 janv. 2011, 344973, Inédit au recueil Lebon) a refusé d’accueillir le référé contre le décret de suspension de l’obligation d’achat au nom d’un bilan des urgences plombé par le coût prétendument insupportable pour la CSPE d’une bulle spéculative créée par le gouvernement lui-même.  Au fond le même décret sera validé avec une lecture qui purge l’article 6 de la Charte de l’environnement de toute portée écologique (CE, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 16 nov. 2011, n° 344972). Les membres du Palais ne sont manifestement sensibles qu’à l’intérêt économique immédiat de l’Etat et du consommateur et demeurent délibérément ignorants des coûts écologiques induits des différents modes de production de l’électricité  … La faute est assurément politique, tant il est vrai que l’on ne cesse pas d’en faire sous prétexte que l’on rend la justice administrative, bien au contraire. Nous avons eu l’occasion de le souligner au colloque qui s’est déroulé vendredi dernier à la Faculté de droit de Bordeaux et fort opportunément organisé par le CERDARE (dont nous joignons ici le power point de notre intervention dans l’attente d’un commentaire de l’arrêt attendu dans un prochain numéro de Droit de l’environnement: GREEN LAW AVOCAT- Bordeaux, 23 mars 2012 CERDARE). Une autre voie a pourtant été initiée en particulier par certaines juridictions du fond, peut-être il est vrai plus sensibilisées à la protection de l’environnement que ne le sont les 9ème et 10ème sous-sections du Conseil d’Etat. En particulier nous relevons ce jugement remarquable du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qui a jugé : « Considérant que la société SAS SFE parc éolien de l’Orme-en-Champagne fait valoir, sans être contredite, que l’annulation de l’arrêté attaqué aurait pour conséquence de lui faire perdre son droit à l’obligation d’achat de l’électricité produite par les parcs éoliens qu’elle envisage d’implanter dans le périmètre de la zone de développement de l’éolien litigieuse ; que la péremption des permis de construire et la caducité du certificat d’obligation d’achat qui lui ont été délivrés lui causerait un préjudice qu’elle estime à 3 millions d’euros ; qu’ainsi, compte tenu de l’intérêt public de la promotion des énergies renouvelables poursuivi par les zones de développement de l’éolien, de l’intérêt privé, notamment économique, de ladite société et de la circonstance que l’unique moyen d’annulation est un vice de procédure, la rétroactivité de l’annulation de l’arrêté attaqué aurait des conséquences manifestement excessives ; que, dans ces conditions, il y a lieu de limiter dans le temps les effets de l’annulation en ne donnant effet à cette dernière qu’au 1er juillet 2012 » (TA Chalon en Champagne, 26 mai 2011, n° 0900403). Mais attention tout semble être question d’espèce. Ainsi un arrêté de ZDE se voit certes annulé et pourtant la modulation se trouve refusée en ces termes : « Considérant que la Compagnie du Vent demande que soient limités dans le temps les effets de l’annulation prononcée par le présent arrêt, aux motifs que, selon elle, l’annulation aura des conséquences considérables pour l’intérêt public de la promotion des énergies renouvelables et que la rentabilité de l’exploitation du parc d’éoliennes repose sur l’obligation d’achat à laquelle est soumise Electricité de France ; que, toutefois, il n’apparaît pas, alors que les permis de construire des éoliennes ont été délivrés près d’un an avant l’arrêté en litige que, dans les circonstances de l’espèce, les effets du présent arrêt entraîneraient des conséquences manifestement excessives justifiant qu’il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l’effet rétroactif des annulations contentieuses ; que par suite, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de la Compagnie du Vent » (CAA Marseille, 7ème chambre – formation à 3, 20 déc. 2011, n° 09MA00361, Inédit au recueil Lebon). La motivation n’est guère explicite les raisons qui fondent le refus de moduler, même s’il est vrai que dans cet arrêt la Cour relève que c’est l’administration elle-même qui a été induite en erreur par certaines omissions du dossier de ZDE. David DEHARBE Avocat associé