Le manquement du notaire à son obligation de conseil : l’indemnisation de la victime n’est pas un mythe !

Par un arrêt en date du 2 juillet 2014 (C.cass, civ.1ère, 2 juillet 2014, n° de pourvoi 12-28615) la Cour de cassation rappelle l’obligation d’indemnisation du notaire lors de la constatation d’un manquement à son devoir de conseil. En l’espèce, des particuliers avaient acheté au moyen d’un prêt un appartement en l’état de futur achèvement (VEFA) dans un immeuble en copropriété. L’immeuble n’ayant pas été livré dans les délais prévus semble t-il à cause d’un recours contre l’autorisation d’urbanisme, les particuliers avaient assigné la société et la banque en résolution du contrat de vente ainsi que du contrat de prêt et avaient recherché la responsabilité du notaire lui reprochant de na pas les avoir informés de l’existence de recours contre le permis de construire. La Cour d’appel avait condamné le notaire à indemniser l’ensemble des préjudices liés à la résolution de la vente. Estimant que la juridiction d’appel avait commis une erreur de droit aux termes de l’article 1382 du code civil, un pourvoi avait été formé à l’appui duquel il était soutenu que le lien de causalité n’était pas établi. Il était plus précisément soutenu que rien ne permettrait de s’assurer que mieux informés, les acheteurs auraient renoncé à conclure la vente. Saisie du litige la Haute juridiction balaye cet argument en relevant : “Attendu, ensuite, qu’ayant relevé que le notaire, tenu d’éclairer les parties et de s’assurer de la validité et de l’efficacité des actes rédigés par ses soins, avait omis d’informer les acquéreurs des recours exercés contre le permis de construire et de l’engagement d’une procédure de référé, alors qu’il en avait connaissance, et d’indiquer dans l’acte que la société ne détenait que des droits indivis sur la parcelle n° B 2794, destinée à assurer la desserte des immeubles à construire, autant de circonstances ayant conduit, en l’état d’une ordonnance de référé du 1er mars 2007 ordonnant la suspension des travaux et d’une action engagée par un coindivisaire dénonçant les conditions d’usage de la parcelle n° B 2794, au non-respect des délais de livraison, la cour d’appel a pu retenir que les fautes relevées à l’encontre du notaire avaient exposé les acquéreurs au risque, qui s’est réalisé, de subir les conséquences de l’annulation de la vente, caractérisant ainsi l’existence d’un lien de causalité entre ces manquements et les préjudices invoqués». La Cour tire ensuite les conséquences de cette appréciation pour justifier le raisonnement suivi par la cour d’appel quant à l’indemnisation solidaire du notaire : « Attendu que M. X…et la SCP notariale font grief à l’arrêt de les condamner, in solidum avec la société, à payer aux acquéreurs une somme au titre de la clause pénale contenue dans l’acte de vente et à réparer un préjudice locatif, alors, selon le moyen, que seul le préjudice causé par la faute invoquée peut faire l’objet d’une indemnisation ; qu’en condamnant le notaire à verser aux époux Z… le montant de la clause pénale prévue à l’acte résolu, et les loyers qu’ils auraient perçus s’ils avaient loué l’immeuble, bien que s’il devait être admis que sans la faute imputée à l’officier ministériel, les demandeurs à l’action n’auraient pas réalisé cette opération, ils n’auraient pas bénéficié ni de cette clause, ni des loyers, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil ; Mais attendu qu’ayant relevé que les manquements retenus à l’encontre du notaire avaient directement contribué à l’absence d’efficacité de son acte et au prononcé de la résolution de la vente, la cour d’appel a pu le condamner à dédommager les acquéreurs de la perte des loyers et à leur payer l’indemnité forfaitaire convenue ; que le moyen n’est pas fondé » Cet arrêt est intéressant puisqu’il rappelle l’étendue de l’obligation de conseil que doit le notaire envers ses clients: cette obligation s’étend à l’hypothèse où il a connaissance (preuve qui peut s’établir par tout moyen) d’un recours contre l’autorisation d’urbanisme nécessaire à un immeuble en VEFA. Il est utile de rappeler que ce devoir de conseil revêt un caractère impératif: le devoir de conseil est un devoir professionnel obligatoire auquel le notaire ne peut se soustraire sous aucun prétexte et quelle que soit la nature de son intervention (C.cass, 3ème civ. 18 octobre 2005, juris-data n°2005-030336). Plus encore, l’obligation de conseil du notaire porte donc tant sur la validité de l’acte que sur les risques juridiques et économiques encourus. Ainsi, il est acquis par la jurisprudence que le notaire a l’obligation d’informer l’acquéreur des risques qu’il prend à la signature de l’acte authentique (C.cass, 1ère civ., 9 décembre 2010, n°09-70816). Dans le même sens, il lui appartient de se renseigner sur la possibilité de construire sur le terrain au regard du POS en vigueur et mettre en garde les acheteurs contre les conséquences d’un refus d’autorisation de construire (C.cass 1ère civ., 21 février 1995). En l’espèce, c’est exactement dans cette lignée jurisprudentielle que la Cour de cassation se positionne. La Cour de cassation marque néanmoins une certaine audace s’agissant de la question de l’indemnisation due par le notaire : non seulement le dédommagement du au titre de la clause pénale doit être couvert mais plus encore, les loyers escomptés de la location du bien. La Cour écarte délibérément la notion de perte de chance pour retenir l’exposition du client à un risque résultant de la mauvaise information fournie par le notaire afin d’indemniser pleinement le préjudice subi par les particuliers Cet arrêt rappelle donc aux particuliers la possibilité de se retourner contre leur notaire en cas de violation de ses obligations de conseil et d’obtenir indemnisation parallèlement au recours qui pourrait être intenté contre les constructeurs. Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat

La promesse de vente sous condition suspensive : l’application de la clause pénale n’est pas automatique!

Par un arrêt en date du 6 mai 2014 (C.cass, viv. 3ème, 6 mai 2014 n° 13-12619), la Cour de cassation précise que les vendeurs qui ont remis en vente un immeuble ayant fait l’objet d’une promesse de vente sous condition suspensive ne peuvent demander le bénéfice de la clause pénale en cas de refus de l’acquéreur de réitérer la vente. En l’espèce, des particuliers avaient conclu une promesse de vente concernant un terrain avec la condition suspensive que l’acquéreur obtienne un permis de construire. Le permis de construire fut obtenu et les vendeurs sollicitaient la régularisation de la vente. Tel ne fut pas le cas puisque l’acquéreur resta silencieux. Les acquéreurs ont alors sollicité l’application de la clause pénale à leur profit étant précisé qu’ils avaient entre-temps publié une annonce de remise en vente de l’immeuble. Saisie du litige, la Haute juridiction analyse dans un premier temps la condition suspensive dont était assortie la promesse de vente en jugeant : « Qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que la promesse de vente du 24 janvier 2008 était notamment consentie à l’acquéreur sous condition suspensive du dépôt d’une demande de permis de construire dans les 10 jours de la signature de la promesse et que si l’acquéreur ne recevait pas de réponse de l’administration avant le 15 avril 2008, la condition serait réputée défaillante, la régularisation de la vente étant prévue au plus tard au 30 avril 2008 ; que la cour d’appel a également constaté que l’acquéreur n’avait déposé sa demande de permis de construire que le 18 février 2008 et que, sur demande de l’administration, il avait complété son dossier le 29 avril 2008, démontrant sa volonté de poursuivre la vente, de sorte qu’à la date du 29 avril 2008, le délai de réalisation de la condition suspensive avait été tacitement prorogé par les deux parties (…) » Puis la Cour de cassation censure partiellement la Cour d’appel quant aux conséquences découlant de la publication par les acquéreurs d’une annonce de vente : « Qu’il résulte en l’espèce des constatations de la cour d’appel, qu’à aucun moment les consorts X… n’ont signifié à Monsieur Y… qu’ils publiaient le 7 juin 2008 une annonce pour proposer le bien à la vente, ou encore, au moment de passer cette annonce, qu’ils ne souhaitaient plus le lui proposer, pas plus qu’ils ne lui ont adressé la moindre mise en demeure visant le dépassement des délais, les consorts X… faisant en effet à cet égard valoir dans leurs conclusions d’appel (p. 7) qu’ils entendaient exclusivement, au moyen, de cette annonce, s’octroyer une sorte de garantie en recherchant un éventuel nouvel acquéreur, pour le cas où il s’avèrerait finalement impossible de conclure une quelconque transaction avec Monsieur Y…, de sorte qu’au regard des constatations de la cour d’appel selon lesquelles les parties étaient convenues, au 29 avril 2008, de proroger les délais de réalisation de la condition d’obtention du permis de construire, en l’absence de toute manifestation inverse de la volonté des consorts X…, Monsieur Y… était fondé, une fois le permis de construire obtenu, à demander la réitération de la vente, que l’annonce ait, ou non, été passée, et que de ce fait, en pratique, dans les relations entre les consorts X… et Monsieur Y…, le bien objet de la vente était toujours « immobilisé » ; que dès lors en affirmant qu’en mettant le bien en vente, sans en aviser antérieurement Monsieur Y…, ni l’avoir mis en demeure d’une quelconque façon, les consorts X… lui avaient signifié sans équivoque que leur bien n’était plus immobilisé et qu’ils s’estimaient déliés de leur engagement, la cour d’appel n’a pas tiré de ses constatations les conséquences légales, et a derechef violé l’article 1134 du code civil. PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi » Cet arrêt est intéressant puisqu’il rappelle qu’en principe la promesse de vente sous condition suspensive produit ses effets selon la volonté des parties lorsque les conditions suspensives se réalisent et que les termes arrivent à échéance; a contrario, si la volonté affichée des parties n’est pas de mener la vente à son terme, l’application de la clause pénale peut être neutralisée par le juge. Concrètement, en cas de violation de la promesse, les sanctions sont celles du droit commun. La victime de l’inexécution peut : Demander la résolution et/ou des dommages et intérêts (Cass. civ., 26 mars 1884 : DP 1884, 1, p. 403 ; S. 1886, 1, p. 341 : vendeur demandant la résolution. – Cass. 3e civ., 28 avr. 1981, n° 80-10.002, préc. n° 88 : idem. – P.-H. Antonmattei et J. Raynard, op. cit., n° 67. – J. Huet, op. cit., n° 11520. – Ph. Malaurie, L. Aynès et P.-Y. Gautier, op. cit., n° 137). Demander le paiement de l’indemnité prévue par la clause pénale (CA Poitiers, 1re ch., 26 nov. 2008 : JurisData n° 2008-379706. – CA Bourges, ch. civ., 16 nov. 2004, n° 03/01740 : JurisData n° 2004-261859). En l’espèce il s’agissait de cette seconde hypothèse dans le litige soumis à la Cour de cassation. Toutefois, la Cour de cassation de manière assez logique en l’espèce refuse de faire droit à l’application automatique de la clause pénale au regard du comportement des vendeurs lesquels ont publié une annonce de vente de l’immeuble démontrant qu’ils considéraient ne plus être liés par la promesse de vente litigieuse. C’est donc une recherche de la volonté des parties au sens de l’article 1134 du code civil qui est menée par la juridiction d’appel reprise par la Cour de cassation. Ce refus de la Cour de cassation d’appliquer automatiquement le jeu de la clause pénale prévue dans une promesse de vente doit conduire les bénéficiaires de promesse à demeurer vigilants et à émettre expressément leur volonté de réitérer la vente… car s’ils sont trop prudents (notamment en remettant le bien en vente… ce qui somme toute n’apparaît pas déraisonnable au vu du silence de l’acquéreur), leur comportement risque d’être interprété contre eux. Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat

Vente d’immeuble en zone humide : vigilance quant aux restrictions à la constructibilité ! (CA Riom, 13 janv.2014)

Par un arrêt en date du 13 janvier 2014(CA, 13 janvier 2014, n°12/02917: arrêt CA RIOM 13 janvier 2014),  la Cour d’appel de RIOM rend une décision intéressant tous les propriétaires de biens situés en “zone humide”. En effet, la Cour d’appel censure le jugement du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand ayant débouté des particuliers de leur demande d’annulation de la vente d’un terrain acquis en vue de la construction d’une maison d’habitation au titre de l’erreur sur la substance de la chose vendue.  En l’espèce, des particuliers avaient acheté un terrain en vue de faire construire une maison d’habitation. Sur le plan de l’urbanisme, le terrain était classé en zone constructible. Néanmoins la classification du tréfonds du terrain en “zone humide” le rendait difficilement constructible puisque la législation découlant de la Loi sur l’eau soumet à autorisation préfectorale tous travaux ayant notamment pour effet de supprimer, assécher ou imperméabiliser une zone humide. Ainsi, le coût de la réalisation d’une éventuelle construction se révélait deux fois supérieur au devis initial en raison de la nécessité de drainage et d’enrochement du ruisseau. Les particuliers estimant que la condition déterminante de l’acquisition de ce terrain était l’édification de leur future maison d’habitation ont assigné le vendeur au visa de l’article 1110 du code civil au titre de l’erreur sur la qualité substantielle de la chose vendue. Rappelons que l’article 1110 du Code civil énonce : « L’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet. Elle n’est point une cause de nullité lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention ». Notons qu’en première instance, les juges avaient débouté l’action des demandeurs au motif que ces derniers étaient parfaitement informés de la qualification de la zone en zone humide et que des précautions devaient être prises pour une construction immobilière. Saisie du litige en appel, la Cour d’appel de RIOM censure le raisonnement suivi par la juridiction de première instance en estimant:  « […] qu’il résulte de l’article 1110 du code civil que l’erreur est cause de nullité d’une convention que lorsqu’elle affecte la substance même de la chose qui en est l’objet ; Attendu, en l’espèce, qu’il n’est pas contesté que la constructibilité du terrain vendu était bien une condition substantielle du consentement donné par les acquéreurs qui avaient effectivement reçu, avant la signature de l’acte authentique, une information quant au caractère humide du terrain et que des précautions devaient être prises, mais la seule mention était qu’une étude de sol préalable à la mise en œuvre d une construction soit faite (…) ; Attendu en conséquence, qu’au jour de la vente authentique, M. M. et Mme M. n’étaient informés que de la présence du ruisseau très humide , ce qui est d ailleurs un pléonasme et de la nécessité de faire un étude de sol, ce qui ne laissait pas présager de grosses difficultés quant à la constructibilité réelle du terrain compte tenu de spécifications également limitées à cette seule étude de sol indiquées au permis de construire; Mais attendu que c’est ensuite, lors de l’étude géotechnique, effectuée le 12 novembre 2010 par A…BTP, que les réels problèmes sont apparus après vérification, tant au niveau technique qu’au niveau réglementaire, que les solutions de fondation pouvaient être envisagées; Qu’en effet, il est démontré qu’une étude hydrologique était nécessaire pour vérifier la possibilité de réaliser une construction ; que l’étude concluait que ce n’était qu’ après avoir envisagé les solutions de fondation et de dallage qu’il pouvait être déterminé si le site était réellement constructible ou non ; que A…BTP mentionne de nombreuses venues d’eau à certaines profondeurs, et qu’en raison de la nature des sols superficiels, une possibilité de présence épisodique de nappes superficielles d’imbibition était envisagée au vu de la présence du ruisseau ; que l’étude hydrologique a été régulièrement versée aux débats et que la discussion qui s’ensuivit entre les parties est parfaitement contradictoire ; Attendu en conséquence que si la présence de ce ruisseau était évident lors de la passation de l’acte authentique de vente, les conclusions géotechniques et hydrogéologiques faisaient pour la première fois apparaître des dispositions très particulières de conception et d’exécution des fondations, et ce après drainage ; que c’est d’ailleurs pour cette raison que la société A….BTP concluait qu’elle ne pouvait fournir aucune solution avant l’étude hydrologique ; ( …) Attendu en conséquence que c’est à bon droit que M. M. et Mme M., évoquant l’erreur qu’ils avaient commise sur la qualité substantielle du terrain, ont sollicité que soit prononcée la nullité de la vente de la parcelle ZA numéro …….lieu dit «…………….» passée par devant Maître J………., notaire à C…………..le 22 ………..2009, ainsi que la restitution de la somme de 44.267,15 € correspondant au prix de vente et frais notariés d’enregistrement; Attendu que l’arrêt étant déclaratif de droit il convient de considérer que, conformément à l’article 1153 – 1 du code civil, les intérêts au taux légal courront compter de son prononcé ». Cet arrêt est utile car en l’espèce la parcelle de terrain qui a été achetée par les particuliers n’était pas inconstructible. Toutefois le caractère humide de la zone rendait le coût de la construction plus important que celui prévu initialement par les acheteurs. Surtout, les études de sol qui ont été diligentées révélaient la difficulté de mener un projet de construction à des conditions économiquement acceptables. Ce n’est donc pas une faute que les vendeurs auraient commises qui ont conduit à l’annulation de la vente, mais bien une erreur sur les qualités intrinsèques de la chose vendue.  Rappelons qu’une jurisprudence abondante admet que l’erreur puisse porter sur l’aptitude de la chose à remplir l’usage auquel on la destine.  En matière de vente d’immeubles, la jurisprudence reconnaît l’erreur lorsque : Le terrain est déclaré, à la suite d’une vente, inconstructible (Cass. 1re civ., 2 mars 1964 : Bull. civ. 1964, I, CA Bourges, 16 avr. 1985 ; CA Toulouse,…

Vente de terrain: le notaire ne peut se dispenser de conseiller même en cas de certificat d’urbanisme positif ! (Cass, 20 mars 2014)

Par un arrêt en date du 20 mars 2014 (C cass, 20 mars 2014, n° de pourvoi 13-14121) la Cour de cassation rappelle que le notaire est tenu à un devoir de conseil dans le cadre d’une vente avant l’obtention d’un permis de construire. Les faits et la procédure En l’espèce, un notaire avait rédigé un acte authentique de vente d’une parcelle de terrain sur la base d’un certificat d’urbanisme indiquant que le terrain pouvait être utilisé pour la réalisation d’un projet de construction situé en zone littoral. Cependant, le certificat était assorti d’une série d’observations sur les réglementations applicables à la zone Par la suite, le juge administratif avait annulé le permis de construire délivré par le maire au motif de la violation de la loi littoral précisément. L’acquéreur du terrain ayant vu son permis annulé et estimant que le notaire avait manqué à son obligation de conseil, a recherché sa responsabilité devant les juridictions civiles.  La Cour d’appel rejeta l’argumentation de l’acquéreur au motif que l’acte authentique se fondait sur un certificat d’urbanisme positif révélant la possibilité de mener sur la parcelle un projet de construction. Toutefois, dans son arrêt en date du 20 mars 2014, la Cour de cassation censure l’arrêt de la Cour d’appel et rappelle : « […] que pour rejeter les demandes de M. Z…, l’arrêt énonce que M. X…a reçu l’acte authentique de vente sur la base d’un certificat d’urbanisme positif indiquant que le terrain pouvait être utilisé pour la réalisation du projet de construction, cette mention étant précédée d’observations selon lesquelles le terrain était situé ” en partie en zone UB destinée à l’habitation et en partie zone NC protégée en raison de sa valeur agricole ” et ” concerné par les dispositions de la loi du 3 janvier 1986 dite loi littoral en plus de celles du document d’urbanisme applicable de la commune (POS/ PLU) “, que si le permis de construire obtenu le 14 mars 2006 a ensuite été annulé pour violation des dispositions de l’article L. 146-4-1 du code de l’urbanisme en ce que la construction projetée ne s’inscrivait ni en continuité avec les agglomérations et villages existants, ni dans un hameau nouveau intégré à l’environnement, cette circonstance n’induit pas pour autant un manquement de M. X…à son obligation de conseil, dès lors que présumé légal, le certificat d’urbanisme délivré était réputé prendre en compte les restrictions au droit de construire imposées par la loi littoral à laquelle ce document faisait expressément référence ; Qu’en statuant ainsi, alors qu’un certificat d’urbanisme, document purement informatif, n’ayant pas pour objet d’autoriser une construction ou la réalisation d’une opération immobilière, le notaire, informé d’un projet de construction concerné par la loi du 3 janvier 1986 dite loi littoral, se devait d’attirer l’attention de l’acquéreur sur les risques qu’il encourait en s’engageant avant que le permis de construire requis n’ait acquis un caractère définitif, et de l’informer de la possibilité d’insérer une condition résolutoire dans l’acte de vente, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; » La Cour de cassation rappelle les obligations du notaire en cas de vente d’un terrain, fut il l’objet d’un CU positif En tant que professionnel, le notaire aurait donc du en l’espèce attirer l’attention de l’acquéreur sur la situation de la parcelle et la soumission de cette dernière au régime restrictif de la loi Littoral. L’arrêt de la Cour de cassation est intéressant à double titre puisqu’il rappelle :  Que le certificat d’urbanisme est un acte administratif qui n’autorise ni n’interdit rien. A cet égard, la jurisprudence de la Cour de cassation est constante puisque de nombreux arrêts ont déjà pu souligner qu’un certificat d’urbanisme même positif s’analyse comme un acte d’information qui n’a pas pour objet d’autoriser une construction ou la réalisation d’une opération immobilière (en ce sens C.cass, 1ère civ. 9 juin 2010, n°09-12.995). Que le devoir de conseil est un devoir professionnel obligatoire auquel le notaire ne peut se soustraire sous aucun prétexte et quelle que soit la nature de son intervention (C.cass, 3ème civ. 18 octobre 2005, juris-data n°2005-030336). Le devoir de conseil du notaire est donc un devoir absolu. En vertu de ce devoir de conseil, le notaire doit  s’assurer de la validité, de l’utilité, l’efficacité de son acte, éclairer les parties, attirer leur attention sur les conséquences et les risques des actes qu’il authentifie (C.cass, 1ère civ, 26 novembre 1996, bull. civ 2001, 3ème partie n°20). A noter que l’arrêt de Cour de cassation en date du 20 mars 2014 confirme un courant jurisprudentiel selon lequel il appartient au notaire de se renseigner sur la possibilité de construire sur le terrain au regard du POS ou du PLU en vigueur et mettre en garde les acheteurs contre les conséquences d’un refus d’autorisation de construire (C.cass 1ère civ., 21 février 1995). La Cour de cassation va même encore plus loin en estimant que le notaire « se devait d’attirer l’attention de l’acquéreur sur les risques qu’il encourait en s’engageant avant que le permis de construire requis n’ait acquis un caractère définitif, et de l’informer de la possibilité d’insérer une condition résolutoire dans l’acte de vente ». A noter qu’une vigilance particulière doit donc être portée par ces derniers sur la rédaction de l’ensemble des clauses de l’acte authentique puisque seules les carences matérielles de l’acte pourront être sanctionnées par les juridictions judicaires. Les acquéreurs qui sont confrontés à des difficultés en cas de vente avant l’obtention d’un permis de construire ont donc la possibilité de se retourner contre le notaire qui n’aurait pas été suffisamment précis dans l’acte authentique sur les risques entourant l’obtention du permis de construire. Me Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat

Ventes immobilières: le notaire commet une négligence fautive en ne s’assurant pas de la capacité du vendeur (Cass, 2 oct.2013)

Dans un arrêt en date du 02 octobre 2013 (cass, 1ère civile, 2 octobre 2013, n°12-25.862), la Cour de cassation rappelle l’étendue des obligations du notaire et les responsabilité de ce dernier dans le contrôle devant être opéré à propos d’une acte de vente passé devant lui lorsque l’une des parties est représentée par un mandataire. Dans l’espèce qui lui était soumise, la Cour de cassation n’hésite pas à rappeler que le notaire a l’obligation d’appréhender, sous peine de se voir reprocher une faute de « négligence », l’ensemble des indices permettant de douter des facultés mentales de sa cliente et ce, notamment lorsque les parties ne sont pas présentes mais se font représenter lors de la signature de l’acte. La Cour de cassation rappelle en effet : « Mais attendu que l’arrêt relève que Mme A…était représentée à l’acte litigieux par Mme D…, chez laquelle elle résidait, tandis que ni son activité professionnelle déclarée ni l’éloignement de son domicile ne justifiaient le recours à une procuration, signée en présence d’une secrétaire de l’étude devant laquelle elle s’était présentée à l’improviste, circonstances qui étaient de nature à permettre au notaire de douter des facultés mentales de la mandante qu’il n’avait pu rencontrer ; que de ces constatations et appréciations, la cour d’appel a exactement déduit que le notaire avait fait preuve de légèreté et de négligences fautives en omettant de s’assurer personnellement de la capacité à disposer de sa cliente, obligation dont il ne pouvait être dispensé par l’intervention d’un autre professionnel de l’immobilier lors de la signature de la promesse de vente ; que le moyen n’est pas fondé ». Cet arrêt de la Cour de cassation souligne la responsabilité accrue du notaire. En l’espèce, ce dernier faisait valoir que qu’il n’était pas tenu de vérifier les capacités intellectuelles d’une partie qui a consenti, hors sa présence, un mandat en vue de la conclusion de l’acte authentique de vente. Pourtant, une telle responsabilité des notaires sécurise et protège de manière certaine les actes impliquant des particuliers, lesquels peuvent être fragilisés par l’âge notamment. Du côté des notaires, cette décision laisse la porte ouverte à une responsabilité élargie de ces derniers, ce qui n’est sans doute pas sans poser des difficultés en termes de conclusions et couverture de leurs contrats d’assurances responsabilité professionnelle. Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat