Illégalité de la modification du périmètre d’un PPR après enquête publique

Par Maître David DEHARBE (Green Law avocats) Un jugement récemment rendu en matière de risques naturels par le du tribunal administratif de Lyon doit retenir l’attention (TA Lyon, 4 juillet 2019, n°1800153). Par un arrêté du 8 novembre 2017, les Préfets de la Loire et du Rhône ont approuvé le plan de prévention des risques naturels prévisibles d’inondation (PPRi). Cet arrêté a été contesté par une association des riverains du Giers qui a obtenu l’annulation de l’arrêté par le Tribunal. En vertu de l’article L. 562-1 du code de l’environnement « l’Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels de prévisibles tels que les inondations… » A ce titre, l’État peut engager sa responsabilité en n’élaborant pas et en ne mettant pas en œuvre dans une zone exposée aux risques naturels, un plan de prévention des risques naturels. (CE, 21 mars 2003, n° 248911). Pour ce faire, en application de l’article R. 562-2 du même code, « l’arrêté prescrivant l’établissement d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles détermine le périmètre mis à l’étude et la nature des risques pris en compte » En l’espèce, l’association requérante considérait comme illégale l’exclusion de 11 communes du plan de prévention initialement prévues par le projet alors que ces dernières n’étaient pas couvertes par un autre plan de prévention des risques d’inondation. La préfecture se défendait sur ce point en affirmant que ces communes ont été exclues du plan objet du recours, en application du principe de subsidiarité dans la mesure où ces dernières étaient elles-mêmes protégées par un autre plan de prévention de gestion des eaux pluviales de la communauté d’agglomération Saint-Etienne métropole en cours d’adoption. Le tribunal annule l’arrêté d’approbation du PPRi en retenant une erreur de droit, au motif que l’arrêté initial datant de 2009 prescrivant l’élaboration du plan de prévention comprenait certaines communes qui n’apparaissaient pas dans le plan de prévention soumis à enquête publique. L’exclusion des communes du plan de prévention est illégale, quand bien même un plan de gestion des eaux pluviales d’un communauté urbaine compétente en application du principe de subsidiarité était en cours d’élaboration à la date de la décision attaquée. Certes le principe de subsidiarité implique que « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon. » (alinéa 2 de l’article 72 de la Constitution). Mais l’invocation de ce principe constitutionnel n’apparaît pas suffisante pour justifier en l’espèce l’exclusion des communes du périmètre du plan de prévention et ceci pour au moins deux raisons. D’une part, le PPRi est adopté par le préfet et le principe de subsidiarité ne joue ici que très indirectement dans les rapports entre l’EPCI et les communes. D’autre part, manifestement le plan de gestion des eaux pluviales n’a pas vu son articulation juridique organisée avec le PPRi et au demeurant il n’était pas adopté en l’espèce. Le tribunal, après avoir conclu à l’illégalité du plan de prévention uniquement au regard de l’exclusion des communes, procède à une illégalité dite « en tant que ne pas » : « et sans préjudice de l’appréciation que l’administration, pour l’exécution du présent jugement, portera sur l’ampleur des risques auxquels pourraient être exposées ces communes et la nécessité, le cas échant, de les maintenir dans le périmètre de ce plan, il y a lieu d’annuler l’arrêté du 8 novembre 2017  dans la mesure, seulement, où ces communes ne figurent pas de le périmètre du plan » (point 18). On comprend donc que le PPRI en 2017 qui avait fait l’objet d’une modification de périmètre devra faire l’objet d’une nouvelle enquête publique et les Préfets devront s’assurer que toutes les communes de leur ressort sont effectivement protégées pour le risque d’inondation par l’éventuel plan de gestion des eaux pluviales. Cette position se justifie parfaitement au vu de l’importances des objectifs d’un tel plan de prévention. Parmi eux, se trouve la délimitation des zones directement exposées aux risques. D’ailleurs, la jurisprudence considère que le plan de prévention des risques doit répondre à une logique de précaution et de prévention (TA Nice, 27 juin 2000, n° 99762). La même décision rejette encore toute une série de moyens bien plus classiques. En particulier, la juridiction rappelle qu’en vertu de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme, les PPRI sont des documents d’urbanisme (CE 30 déc. 2011, Cne de Neuilly-sur-Seine, req. n° 324310, Lebon  ; AJDA 2012. 6) dont on ne peut exciper l’illégalité après l’expiration d’un délai de six mois à compter de leur prise d’effet ; « l’association requérante n’est ainsi pas recevable à exciper, par la voie de l’exception, de l’illégalité des modalités de concertation prévues par l’arrêté du 9 septembre 2009 prescrivant l’élaboration du plan de prévention en litige, ni de ses conditions de publication ».

Illégalité pour vice de procédure d’une délibération prescrivant l’élaboration d’un plan local d’urbanisme (PLU) : précisions sur l’application de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme (CE, 23 déc.2014)

Par Maître Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat)  En novembre 2014, le Conseil d’Etat avait admis que l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme ne faisait pas obstacle à ce que l’irrégularité d’un document d’urbanisme soit invoquée au-delà d’un délai de six mois après son adoption lorsqu’il n’est pas encore devenu définitif (voir notre analyse ici). Aux termes d’une décision du 23 décembre 2014, le Conseil d’Etat affine son interprétation des dispositions de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme en examinant une nouvelle situation et en adoptant alors une lecture assez restrictive de cet article (Conseil d’État, 1ère / 6ème SSR, 23 décembre 2014, n°368098, mentionné dans les tables du recueil Lebon). Il s’agit de la décision présentement commentée. En l’espèce, les requérants ont demandé l’annulation d’une délibération approuvant un plan local d’urbanisme. Le Tribunal administratif de Grenoble a fait droit à leur demande par un jugement du 21 juin 2012. Par un arrêt du 5 mars 2013, la Cour administrative d’appel de Lyon a confirmé ce jugement en estimant que le contenu de la convocation des conseillers municipaux à la séance du conseil municipal du 21 octobre 2005, au cours de laquelle avait été adoptée la délibération prescrivant l’élaboration du plan local d’urbanisme, ne satisfaisait pas aux exigences de l’article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales. La commune s’est pourvue en cassation contre cet arrêt. Le Conseil d’Etat a alors censuré l’arrêt de la cour administrative d’appel. Tout d’abord, il a rappelé les dispositions des deux premiers aliénas de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme aux termes desquelles : « L’illégalité pour vice de forme ou de procédure (…) d’un plan local d’urbanisme (…) ne peut être invoquée par voie d’exception, après l’expiration d’un délai de six mois à compter de la date de la prise d’effet du document en cause. / Les dispositions de l’alinéa précédent sont également applicables à l’acte prescrivant l’élaboration ou la révision d’un document d’urbanisme ou créant une zone d’aménagement concerté ». Il a ensuite déduit de ces dispositions « qu’un vice de procédure entachant la délibération prescrivant l’élaboration d’un plan local d’urbanisme ne peut être invoqué par voie d’exception que dans un délai de six mois suivant la date de prise d’effet de cette délibération ». Il a considéré qu’il était constant qu’en l’espèce, « la délibération du 21 octobre 2005 prescrivant l’élaboration du plan local d’urbanisme était entrée en vigueur depuis plus de six mois à la date à laquelle les requérants ont invoqué, à l’appui de leur demande présentée devant le tribunal administratif de Grenoble, l’irrégularité de la convocation des conseillers municipaux à la séance du conseil municipal au cours de laquelle cette délibération avait été adoptée ». Il en a donc conclu « qu’il appartenait à la cour de relever d’office l’irrecevabilité de ce moyen ; qu’en s’abstenant de le faire, elle a commis une erreur de droit ». Cette décision est intéressante en ce qu’elle considère qu’en vertu de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme, un vice de forme ou de procédure entachant la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision d’un PLU ne peut être invoqué par voie d’exception que dans un délai de six mois suivant la date de prise d’effet de cette délibération et que cette règle vaut y compris à l’appui d’un recours dirigé directement contre la délibération approuvant ce plan local d’urbanisme. Elle contribue à sécuriser encore plus la procédure d’élaboration des plans locaux d’urbanisme. En effet, le Conseil d’Etat affirme ainsi que l’irrégularité de la délibération initiale de la procédure d’élaboration d’un PLU ne peut être invoquée plus de six mois plus tard lors de la contestation de la délibération finale approuvant le PLU lorsqu’elle a été correctement publiée (date de prise d’effet). Plus encore, le Conseil d’Etat souligne l’erreur de droit commise par la Cour et prétend qu’elle aurait dû relever d’office l’irrecevabilité du moyen. Notons que cette position du Conseil d’Etat était prévisible au regard des dispositions de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme et ce d’autant plus qu’elle se situe dans la tendance actuelle de limiter le contentieux de l’urbanisme en apportant plus de sécurité juridique aux auteurs des documents d’urbanisme (et, par suite, aux bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme). Au regard de cette décision, nul doute qu’un certain nombre de juridictions vont mettre un terme à plusieurs contentieux en cours sur ce sujet en relevant d’office ce moyen…