La loi…. du vent! Ou vers la validation du décret de classement ICPE des éoliennes ?

Le recours en excès de pouvoir déposé par un opérateur éolien contre le décret n°2011-984 du 23 août 2011 a été appelé, le 2 juillet 2012, devant les 1ère et 6ème sous-section réunies de la section du contentieux du Conseil d’Etat. Monsieur le Rapporteur public Xavier de Lesquen a conclu au rejet de la requête et de source sure nous avons bénéficié d’un compte rendu d’audience. La cause étant étant emblématique pour la filière, il nous semble intéressant de diffuser la teneur de ces conclusions. Après quelques considérations générales relatives à la loi Grenelle II et à l’obligation d’achat par EDF de certaines énergies produites par des opérateurs tiers, Monsieur le Rapporteur public a rappelé l’arrêt du 16 avril 2012 par lequel le Conseil d’Etat a refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité sur l’article L. 553-1 du code de l’environnement soumettant les éoliennes terrestres au régime des installations classées. Sur la légalité externe du Décret, Monsieur le rapporteur public a d’abord conclu rapidement au rejet du premier moyen soulevant le défaut de consultation lors de l’édiction du décret attaqué, considérant que les avis prévus par les dispositions éparses du code de l’environnement n’étaient pas obligatoires. En toute hypothèse, selon lui, la consultation a bien été réalisée par les pouvoirs publics, notamment auprès du Conseil supérieur de l’énergie et du Conseil supérieur des la prévention des risques technologiques, de sorte que le moyen manquerait en fait.   Monsieur de Lesquen a en outre estimé que le moyen tiré du défaut de participation du public devait également être écarté. Estimant certes la question « délicate », et les observations des auteurs du recours particulièrement documentées, le Rapporteur public a cependant élaboré un raisonnement visant d’abord à limiter la portée de la décision du Conseil constitutionnel QPC 183-184, laquelle a considéré en octobre 2011 que le second alinéa de l’article L. 511-2 du code de l’environnement, qui ne prévoit pas la publication du projet de décret de nomenclature pour les installations autorisées ou déclarées, ni la mise en oeuvre du principe de participation du public à l’élaboration des décisions publiques en cause, était inconstitutionnel. Monsieur de Lesquen, a tout d’abord  considéré que le décret attaqué avait été pris en application de la nouvelle loi, après intervention du législateur le 17 mai 2011 (lequel avait en quelque sorte devancé la décision du juge constitutionnel). Il a également rappelé qu’en application du considérant n° 10 de la décision QPC précitée, prévoyant le report dans le temps des effets de l’abrogation du texte sauf pour les procédures en cours, le moyen ne pouvait être accueilli ; étant souligné par lui que la procédure engagée par les sociétés requérantes n’était pas « en cours » lors du prononcé de la décision QPC 183-184, le recours ayant été introduit ultérieurement. En tout état de cause, le rapporteur public a estimé que la participation du public était suffisamment établie en l’espèce, le texte ayant fait l’objet d’une publication sur le site du Ministère du 10 au 29 mai 2011 (soit avant l’édiction de la nouvelle loi imposant la participation du public…), et cinq observations ayant été reçues, notamment de la part d’opérateurs privés, ce qui témoignerait selon lui de l’effectivité de la participation du public. Cette dernière considération de fait justifierait au demeurant, selon Monsieur de Lesquen, le rejet des moyens tirés de la contrariété du décret avec la convention d’Aarhus du 25 juin 1998 et la directive communautaire n°2003/4/CE du 28 janvier 2003, lesquelles prévoient également la participation du public pour l’élaboration des décisions ayant un impact sur l’environnement.   Sur la légalité interne du Décret, Monsieur le rapporteur public a, une nouvelle fois, souligné la qualité de l’argumentation développée par le recours, tout en estimant cependant que les moyens n’étaient pas fondés. Monsieur de Lesquen a ainsi, dans un premier temps, considéré que n’était pas fondé le moyen tiré de ce que le Décret méconnaîtrait la norme qu’il est censé appliquer en prévoyant la soumission des installations comprenant au moins un aérogénérateur dont le mât a une hauteur de plus de 50 mètres à un régime d’autorisation, alors même que le législateur avait exigé de ces installations qu’elles en comprennent au moins cinq, ou encore en prévoyant le classement des aérogénérateurs de 50 m de haut, ou ceux inférieurs à 50 m en considération d’une critère de puissance. Monsieur le rapporteur public a à cet égard considéré que l’article L.553-1 du code de l’environnement n’avait pas eu pour objet ni pour effet de réduire le pouvoir réglementaire que le premier Ministre tire notamment de l’article L.511-2 du code de l’environnement, qui dispose que « Les installations visées à l’article L. 511-1 sont définies dans la nomenclature des installations classées établie par décret en Conseil d’Etat ». A l’appui de son argumentation, il a convoqué les débats parlementaires, pour souligner que le législateur n’avait pas clairement souhaité diminuer le pouvoir réglementaire général du premier Ministre sur cette question. De sorte que l’autorité détentrice du pouvoir réglementaire pouvait légalement ajouter ou modifier les conditions fixées par le législateur pour soumettre un équipement éolien au régime des installations classées pour l’environnement.   On aurait apprécié pour notre part un peu plus d’imagination pour tenter de sauver le décret d’une annulation qui nous semble encore s’imposer sur ce point précis malgré les explications de M. le rapporteur public. Car il est permis de n’être pas pleinement convaincu par l’argument. Si l’autorité réglementaire détient en vertu de l’article L. 511-2 un pouvoir général pour définir les modalités de classement des installations éoliennes, on voit mal pourquoi le législateur a pris la peine d’intervenir pour spécifier les installations devant être classées, et déterminer ce qui paraît bien être des conditions du classement … en particulier l’exigence de 5 machines et de plus de 50 mètres pour que s’applique pas seulement un classement ICPE mais plus précisément encore le régime de l’autorisation . Autrement dit, la loi indique explicitement que les installations éoliennes ne peuvent relever du régime de l’autorisation de l’article L.511-2 du code de l’environnement que pour autant qu’elles regroupent…

Taxe sur les boues d’épuration: la Loi déclarée conforme à la Constitution sous une réserve d’interprétation (Conseil Constitutionnel, 8 juin 2012)

Voici une décision qui intéressera tous les producteurs de boues dont une partie au moins est destinée à être épandue.   Saisi le 26 mars 2012 par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité  (en application de l’ art. 61-1 de la Constitution) posée par une Confédération professionnelle,  et par cinq autres sociétés,  le conseil constitutionnel s’est prononcé sur la constitutionnalité de l’article L. 425-1 du code des assurances (décision n° 2012-251 QPC du 08 juin 2012).   Aux termes de cet article, introduit par l’article 45  de la loi n°2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, « un fonds de garantie des risques liés à l’épandage agricole des boues d’épuration urbaines ou industrielles est chargé d’indemniser les préjudices subis par les exploitants agricoles et les propriétaires des terres agricoles et forestières dans les cas où ces terres, ayant reçu des épandages de boues d’épuration urbaines ou industrielles, deviendraient totalement ou partiellement impropres à la culture en raison de la réalisation d’un risque sanitaire ou de la survenance d’un dommage écologique lié à l’épandage, dès lors que, du fait de l’état des connaissances scientifiques et techniques, ce risque ou ce dommage ne pouvait être connu au moment de l’épandage et dans la mesure où ce risque ou ce dommage n’est pas assurable par les contrats d’assurance de responsabilité civile du maître d’ouvrage des systèmes de traitement collectif des eaux usées domestiques ou, le cas échéant, de son ou ses délégataires, de l’entreprise de vidange, ou du maître d’ouvrage des systèmes de traitement des eaux usées industrielles ».   Ce fonds est financé par une taxe annuelle due par les producteurs de boues et dont l’assiette est la quantité de matière sèche de boue produite sachant que le montant de la taxe est fixé par décret en Conseil d’État dans la limite d’un plafond de 0,5 euros par tonne de matière sèche de boue produite.   Critiquant l’assiette de la taxe portant sur la quantité de boue produite et non sur la quantité de boue épandue, les requérants invoquaient la violation du principe d’égalité devant les charges publiques (art. 13 de la DDHC de 1789).   Le Conseil constitutionnel rejette la partie de la contestation tendant à remettre en cause le choix du législateur de favoriser l’élimination des boues d’épuration au moyen de l’épandage quand bien même ce mode d’élimination des boues n’est peut être pas le plus approprié pour les boues papetières (voir le commentaire  sur le site du CC de la décision n°2012-251 QPC du 8 juin 2012) au motif classique qu’il ne dispose pas d’un pouvoir d’appréciation de même nature que celui du Parlement.   Ensuite, les juges de la rue de Montpensier puisent dans l’exégèse du texte de loi pour vérifier l’absence de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques : selon la jurisprudence constitutionnelle, toute différence de traitement procédant d’une rupture d’égalité doit être en rapport direct avec l’objet de la loi (Décision n°2000-441 DC du 28 décembre 2000, loi de finances rectificative pour 2000). De ce point de vue, l’on peut rappeler que le Conseil constitutionnel procède à un contrôle approfondi de la fiscalité incitative. Or, la lecture des débats parlementaires permet de mesurer l’intention du législateur : l’institution de la taxe  assise sur la quantité de boue produite (et non pas épandue) a eu pour objet d’éviter que la taxe ne dissuade les producteurs de boues de recourir à l’épandage. Le Conseil en déduit que « la différence instituée entre les boues susceptibles d’être épandues que le producteur a l’autorisation d’épandre et les autres déchets qu’il produit et qui ne peuvent être éliminés que par stockage ou par incinération est en rapport direct avec l’objet de la taxe ».   En même temps,  le juge constitutionnel émet une réserve d’interprétation (comme il a déjà pu le faire dans la décision n°2010-57 QPC du 18 octobre 2010, “Taxe générale sur les activités polluantes”)  puisqu’il précise que les boues susceptibles d’être épandues mais  que le producteur n’a pas eu l’autorisation d’épandre ne sauraient être assujetties à la taxe. Concrètement, « le producteur de 20000 tonnes de boues « épandables », mais qui n’a été autorisé par arrêté du préfet à n’en épandre que 10000 ne peut être taxé que sur ces 1000 tonnes ( qu’il soit parvenu, ou non, à trouver les surfaces d’épandage nécessaires » (Commentaire de la décision n° 2012-251 QPC du 8 juin 2012, Taxe sur les boues d’épuration, http://www.conseil-constitutionnel.fr).   Les sociétés pourront dès lors se prévaloir de cette réserve d’interprétation devant les juridictions…..     Patricia Demaye-Simoni Maître de conférences en droit public

Eolien/ Recours contre le décret de classement ICPE: le Conseil d’Etat se prononce sur la QPC ce 5 avril 2012

Plusieurs opérateurs éoliens ont introduit un recours en annulation direct devant le Conseil d’Etat à l’encontre du décret portant classement des éoliennes (décret n°2011-984 du 23 août 2011 modifiant la nomenclature des installations classées, publié le 25 août 2011 au Journal Officiel de la République Française).     Une question prioritaire de constitutionnalité à l’encontre de l’article L. 553-1 du code de l’environnement, dont le décret attaqué est une modalité d’application, avait été présentée à la Haute juridiction.   Le Conseil d’Etat en sa 6ème sous-section statuera le 5 avril 2012 sur la question prioritaire de constitutionnalité, qu’il pourra décider de transmettre ou non au Conseil constitutionnel. Monsieur le Rapporteur public M. de Lesquen proposera ses conclusions à la formation de jugement.    

Radar et éoliennes : les enjeux de sécurité civile sont à apprécier in concreto ! (CAA Bordeaux, 1er mars 2012, n°11BX00737)

[dropcap]L[/dropcap]’on sait que la cohabitation des éoliennes et des radars météorologiques est vue comme problématique, au point que le nouveau régime d’autorisation ICPE soumet les parcs qui en sont  éloignés de moins de 20 kilomètres à une autorisation du Ministre de l’Ecologie (art. 4 des prescriptions ministérielles afférentes à l’autorisation ; art. 2.2 de l’annexe des prescriptions déclaratives). Entre temps, le juge administratif a eu à juger des refus de permis de construire qui se réclameraient de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme et plus ou moins explicitement de la circulaire du 3 mars 2008. A l’initiative d’annulations prononcées par le Tribunal administratif d’Amiens qui a annulé des refus en zone dite de coordination et enjoint (ce qui est exceptionnel) la délivrance des permis en cause, le Conseil d’Etat a été amené à confirmer que : « que la cour administrative d’appel de Douai, après avoir relevé que le parc éolien de Vron devrait se situer à environ 19,4 kilomètres au nord-ouest du radar météorologique d’Abbeville dépendant de l’établissement public Météo France, soit au-delà du périmètre de 1000 mètres correspondant à la servitude d’utilité publique actuellement définie pour ce type d’installation en application du code des postes et des communications électroniques, a considéré qu’eu égard aux données scientifiques disponibles, et compte tenu de la hauteur des machines et de leur position géographique, il ne ressortait pas des pièces du dossier qui lui était soumis que l’implantation de deux éoliennes et d’un poste de livraison sur le territoire de la commune d’Allery, d’une part, et l’implantation de huit éoliennes sur le territoire de la commune de Vron, d’autre part, seraient de nature à nuire à la qualité de la veille météorologique dans le secteur d’Abbeville, notamment du point de vue de la sécurité au sens de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme et que, par suite, le préfet de la Somme avait commis une erreur d’appréciation en refusant les permis de construire litigieux ; que, ce faisant, la cour a porté sur les faits de l’espèce une appréciation souveraine, qui est exempte de dénaturation » (CE 1er décembre 2010, n° 323498 et 323499, Ministre de l’Ecologie / Société InnoVent).   Reste qu’une expertise judiciaire a conduit la Cour administrative d’appel de Douai à juger qu’il y avait une perturbation de la veille météorologique  (CAA, 30 juin 2011, n° 09DA01149). Le Tribunal administratif d’Amiens a décidé pour sa part qu’il fallait encore apprécier concrètement la portée de cette perturbation sur les missions de sécurité civile auxquelles contribue Météo-France et ordonner une nouvelle expertise (TA Amiens, 18 octobre 2011, n°0903355). Celle ci est toujours en cours.   C’est à une telle analyse in concreto que vient de se livrer la Cour administrative d’appel de Bordeaux dans l’arrêt CAA Bordeaux_01_03_2012_11BX00737_Inédit_au_recueil_Lebon[1] et dont la motivation démontre que les enjeux de sécurité civile de la perturbation radar sont abordés in concreto par le juge : « qu’il ressort des pièces du dossier que le radar de Montclar participe au système d’observation mis en place par Météo-France, garantissant la détection et la mesure de précipitations sur les bassins versants sensibles surveillés par le service de prévisions de crues Tarn-Lot ; qu’il permet notamment d’identifier et de suivre le développement des lignes de convergence, souvent générateur de crues rapides et de vents violents pouvant provoquer d’importants dégâts, et de prévoir les phénomènes extrêmes tels que les pluies cévenoles débordant dans l’Aveyron ; que par suite, la dégradation des performances du radar de Montclar résultant de l’implantation des aérogénérateurs projetés par la société à l’intérieur de la zone dite de coordination dans son champ de covisibilité est de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens que Météo-France a pour mission d’assurer » (CAA Bordeaux 1er mars 2012, n° 11BX00737).   Il est bien évident qu’un telle motivation relance le débat sur la légalité des refus de permis éoliens mais aussi des futures prises de position du Ministre dans le cadre ICPE : les bassins versants et les risques d’inondation ne se ressemblent pas sur tout le territoire … affaires à suivre.    

BAIL ET ICPE: quid du niveau de dépollution exigible du preneur-exploitant ? (suite)

[dropcap]I[/dropcap]l  y a quelques mois déjà je mettais penchée, aux termes d’un précédent article, sur la délicate articulation entre l’obligation de remise en état résultant de la législation relative aux installations classées et l’obligation de restitution dans le cadre d’un contrat de bail. Un arrêt récent de la Cour d’appel de Versailles rendu le 3 janvier dernier (CA Versailles, 12ème ch., 3 janvier 2012, n° 10/08104) apporte sur cette question une analyse qui mérite d’être soulignée tant elle semble juridiquement fondée et particulièrement bien motivée.   LES FAITS ET LE JUGEMENT DE PREMIERE INSTANCE Une société immobilière avait conclu avec une entreprise de fabrication d’articles en caoutchouc et élastomères, soumise au régime de la déclaration au titre de la législation ICPE,  un bail commercial portant sur des locaux d’usine et des terrains. Outre un certain nombre de demandes portant sur des réparations locatives liées à l’état de délabrement des locaux, le bailleur avait également assigné le preneur aux fins d’obtenir la dépollution totale des terrains, le tout sous astreinte mensuelle de 10.000 € par jour de retard. Le Tribunal de Grande Instance de Versailles avait, par jugement du 10 septembre 2010, condamné l’exploitant notamment à remettre le site en état pour un usage d’habitation sous astreinte, la restitution des locaux ne pouvait être déclarée recevable qu’avec l’aval de la DRIRE et/ou de la Direction du développement durable de la Préfecture des Yvelines.   LES MOYENS DES PARTIES Le preneur-exploitant a alors fait appel de cette décision rendue en se prévalant notamment de la décision préfectorale postérieure par laquelle le préfet compétente avait in fine retenu un usage industriel du site et retiré de façon rétroactive les décisions antérieures contraires qu’il avait pu prendre. Il soulignait également qu’un locataire ne pouvait se voir imposer, au titre du bail, une obligation de dépollution supérieure à celle mise à sa charge par l’autorité administrative. La société immobilière bailleresse arguait, quant à elle, de l’incompétence de la Cour pour se prononcer sur les demandes du preneur relatif à son obligation administrative de remise en état et se fondait exclusivement sur les stipulations contractuelles, estimant que l’obligation de remise en état résultant de la législation relative aux installations classées ne venait que s’ajouter mais non minorer celle découlant du bail.   LA DECISION DE LA COUR Sur la prise en compte de l’obligation administrative de remise en état A titre liminaire, la Cour d’appel de Versailles se reconnaît compétente pour avoir à connaître de l’argumentaire du preneur-exploitant ayant trait  à l’étendue et à la satisfaction de sa remise en état administrative au titre de la police des ICPE. En effet, les juges d’appel retiennent à juste titre que «la cour doit juger quelles sont les obligations incombant à l’appelante en vertu de l’engagement contractuel souscrit lequel se réfère expressément aux dispositions prévues par les lois et règlements en matière de pollution, sans avoir néanmoins à se prononcer sur la validité des actes règlementaires ». De surcroît, et ainsi que le relèvent les juges du 2nd degré, les écritures du preneur-exploitant ne tendaient qu’à obtenir le débouter des demandes du bailleur et non à soutenir une quelconque demande sur le fondement d’un acte administratif. Le moyen d’incompétence est ainsi écarté et la cour se penche alors sur le fond de l’affaire. Il est donc parfaitement acquis que la question de l’obligation de remise en état au titre de la police des ICPE ne peut être évincée du débat relatif à la restitution des lieux en matière de bail.   Sur le caractère décisif de l’existence d’une clause contractuelle relative à la dépollution Ainsi que susmentionné, le preneur-exploitant soutenait, au moyen de son appel, qu’une obligation de restitution en bon état de réparations locatives correspondrait à la remise en état des lieux conformément à l’obligation de remise en état administrative au titre de la législation des ICPE. Un tel raisonnement aurait assurément pu être suivi, du moins c’est là ma conviction, si le contrat de bail ne comportait pas une clause particulière afférente à la dépollution. En l’espèce, tel était bien le cas et ladite clause était rédigée de la manière suivante : « Le preneur fera son affaire personnelle de toutes les charges et contraintes liées au problème de pollution et d’environnement, de telle sorte que le bailleur ne puisse en aucun cas être recherché et notamment prendra toutes les dispositions prévues par les lois et règlements en matière de dépollution, et ceci pendant toute la durée du bail qu’à l’expiration de celui-ci, de telle sorte que les biens objets du bail soit restituées exempts de toute pollution provenant de leur exploitation industrielle ». Les juges d’appel, faisant alors une exacte application de ces stipulations contractuelles, ont condamné le preneur-exploitant à procéder à la dépollution du site, le tout sous astreinte de 5.000 € par jour de retard, et de justifier de celle-ci par la production d’un rapport remis par une société spécialisée.     L’APPROBATION DE LA DECISION D’APPEL Cette décision ne peut qu’être approuvée. En effet, il est manifeste qu’en présence d’une clause de dépollution des lieux, celle-ci doit nécessairement être appliquée par les juges sous peine de procéder à une dénaturation des termes du contrat qui pourrait alors, aux termes d’une jurisprudence constante, entrainer la censure de la Cour de cassation. En conséquence, le preneur ne pourra se soustraire à son obligation contractuelle de dépollution en invoquant la destination industrielle des lieux ou encore le parfait respect de son obligation administrative de remise en état. De tels moyens seront vains en présence d’un engagement contractuel exprès et précis de restitution des lieux exempts de toute pollution. Précisons que la Cour d’appel de Versailles a strictement appliqué, et ce jusqu’au bout de sa décision, les termes du contrat puisqu’elle a pris le soin de distinguer, au sein des pollutions relevées, celles résultant de l’activité exploitée par le preneur des autres présentes sur le site. De la même manière, s’agissant des chefs de préjudice sollicités par le bailleur, les juges d’appel ont pris le même soin à analyser…