L’INSCRIPTION DE LA PRESERVATION DE L’ENVIRONNEMENT, DE LA BIODIVERSITE ET DU CLIMAT A L’ARTICLE 1ER DE LA CONSTITUTION

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats)   En mai dernier, le Gouvernement a présenté un projet de loi constitutionnelle « pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace ». L’article 2 de ce projet de loi avait prévu d’inscrire « l’action contre les changements climatiques » au quinzième alinéa de l’article 34 de la Constitution (cf. L’inscription de l’action contre les changements climatiques à l’article 34 de la Constitution : simple révolution de papier ?).   Néanmoins, au cours des débats parlementaires, les députés ont fait évoluer le texte en faveur de l’inscription de la préservation de l’environnement, de la biodiversité et du climat à l’alinéa 1er du premier article de la Constitution. Dans sa version actuelle, cet alinéa dispose que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée ».   C’est ainsi qu’au début du mois de juin, la Commission du Développement Durable et de l’aménagement du territoire a adopté deux amendements identiques visant à inscrire la « préservation de l’environnement » à l’article 1er de la Constitution (cf. amendements n°CD38 et CD47) afin d’ériger cet objectif au rang de principe fondateur de notre République (cf. avis de la Commission du Développement Durable du 13 juin 2018, consultable ici). Par la suite, la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République a adopté deux amendements (n°CL852 et CL1506) visant à étendre la portée de l’inscription à l’action de la France en faveur de « de la diversité biologique et contre le changement climatique » (cf. rapport du 4 juillet 2018, consultable ici). La Commission a adopté deux sous-amendements (n°CL1528 et CL1530) visant à modifier la formule « contre le changement climatique » au profit d’une formule au pluriel, afin de se conformer à la rédaction retenue par les textes de portée internationale qui écrivent en anglais « climate change », traduit en français par « changements climatiques », au pluriel. Dans le sillage de cette Commission, les députés ont adopté un amendement, au cours de la séance publique du 13 juillet 2018 (consultable ici), qui insère après la troisième phrase du premier alinéa de l’article 1er de la Constitution, la phrase ainsi rédigée : « Elle [La France] agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre les changements climatiques » (cf. l’amendement n°328).   Il est permis de s’interroger sur la portée de cette inscription, dans l’hypothèse où elle serait retranscrite en l’état dans la loi qui sera adoptée. En effet, la détermination des principes fondamentaux de la préservation de l’environnement relève de la loi en vertu de l’article 34 de la Constitution (cf. décision n° 2008-211 L du 18 septembre 2008). A cet égard, il convient de rappeler que l’alinéa 1er du premier article de la Constitution énonce les grands principes sur lesquels la République française est fondée. De ce point de vue, l’inscription à cet alinéa de « la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre les changements climatiques » aurait bien évidemment une portée symbolique, mais aussi, juridique.   En particulier, étant donné que cette inscription aurait pour effet de conférer une valeur constitutionnelle à la lutte contre les changements climatiques, le Conseil Constitutionnel aurait vocation à vérifier le respect de cet objectif par les dispositions qu’il serait appelé à contrôler, dans le cadre de son contrôle a priori, mais aussi, a posteriori. A cet égard, il convient de rappeler que les principes qui sont mentionnés à l’alinéa 1er du premier article de la Constitution sont repris dans la jurisprudence du Conseil Constitutionnel, y compris dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) (par exemple le principe de laïcité dans la décision n° 2012-297 QPC du 21 février 2013,qui le place au parmi les droits et libertés garantis par la Constitution).   Rappelons que lors de la séance des débats à l’Assemblée Nationale du 22 juillet 2018 (consultable ici), le Gouvernement a décidé de suspendre l’examen du texte jusqu’à nouvel ordre.   Affaire à suivre, donc.      

Certificats d’économies d’énergie (CEE) : de nouvelles modalités concernant le fioul domestique (décret n°2018-401 du 29 mai 2018)

Par Maître Graziella DODE, Avocat – GREEN LAW AVOCATS (graziella.dode@green-law-avocat.fr) Créé par la Loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique (dite « Loi POPE »), le dispositif CEE poursuit son insertion dans le paysage juridique français. Pour rappel, ce dispositif repose sur une obligation de réalisation d’économies d’énergie imposée par les pouvoirs publics aux fournisseurs d’énergie dont les ventes annuelles sont supérieures à certains seuils. Après deux premières périodes d’obligations marquées par un grand succès – dépassement des objectifs fixés – et une troisième période en demi-teinte, en raison d’une hausse sensible du nombre de fraudes aux CEE et des enquêtes révélant la mauvaise connaissance du dispositif par les consommateurs, la quatrième période d’obligations du dispositif CEE est en vigueur depuis le 1er janvier 2018 (voir notre article sur ce sujet ici). Elle couvrira les années 2018 à 2020. Afin de préparer cette nouvelle période, un important travail de concertation avec les acteurs du secteur énergétique a été mené de septembre 2016 à mi-2017. Récemment, un décret est venu préciser les modalités de remontée de l’obligation d’économies d’énergie des vendeurs aux metteurs à la consommation de fioul domestique. Il s’agit en effet de l’une des mesures phares de cette quatrième période, qui répond à une volonté d’une partie importante de la filière fioul. Le Décret n° 2018-401 du 29 mai 2018 relatif aux certificats d’économies d’énergie et aux obligations d’économies d’énergie auxquelles sont soumises les personnes mettant à la consommation du fioul domestique, pris en application de la Loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement, précise ainsi que : Le transfert d’obligation d’économies d’énergie des vendeurs aux metteurs sur le marché de fioul domestique prend effet à compter du 1er janvier 2019 ; Les délégataires de sociétés relevées de leurs obligations d’économies d’énergie perdront leur statut de délégataire à compter de cette même date ; Pour les vendeurs de fioul qui ne seront plus obligés CEE à compter du 1er janvier 2019 et pour leurs délégataires, il demeure possible de déposer des dossiers de demande de CEE jusqu’au 31 décembre 2018. Un arrêté sera pris avant le 1er juin 2019 pour fixer, pour l’année 2018, le volume des obligations d’économies d’énergie pour les vendeurs de fioul domestique et leurs délégataires ; À compter de 2019, le seuil de franchise servant au calcul de l’obligation d’économies d’énergie pour le fioul domestique et celui pour les carburants autres que le gaz de pétrole liquéfié seront alignés à 1.000 mètres cubes ; L’obligation d’économies d’énergie est diminuée pour le fioul domestique et les carburants autres que le gaz de pétrole liquéfié ; Par ailleurs, le décret prévoit l’introduction, à partir du 1er juillet 2018, du gazole B10 – indice d’identification 22 bis – dans la liste des carburants pour automobiles pris en compte pour la fixation des obligations d’économies d’énergie. Voici donc une évolution supplémentaire du cadre juridique des CEE, dont le cabinet assure une veille serrée.

Publication de la loi de ratification de l’Ordonnance portant réforme du droit des contrats

Par Me Graziella Dode – Avocat et Franklin Lamouroux, juriste stagiaire Green Law Avocats   Après un an et demi d’attente, la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (que nous avions commenté ici) a enfin été publiée, le 21 avril 2018. Cette loi entrera en vigueur le 1er octobre 2018. Néanmoins, compte tenu du caractère impératif de certaines modifications apportées au Code civil par rapport à la réforme initiale, certaines dispositions entreront en vigueur rétroactivement au 1er octobre 2016 (voir tableau ci-dessous). Il est ici fait exception au principe défini à l’article 2 du Code civil en vertu duquel une loi ne peut pas être rétroactive : en effet, une loi civile de nature interprétative peut rétroagir à la date de la loi qu’elle interprète. La loi publiée répond aux critiques formulées par la doctrine et les praticiens concernant certaines modifications des articles du Code Civil par l’ordonnance du 10 février 2016. Nous aurons l’occasion de revenir de manière plus détaillée sur ces imprécisions dans un prochain article, ainsi que sur les divergences entre l’Assemblée Générale et le Sénat s’agissant des modifications à apporter. *** Tableau récapitulatif des modifications des dispositions du Code civil : Rédaction initiale applicable aux contrats conclus depuis le 1-10-2016 (Issue de l’ordonnance 2016-131 du 10-2-2016)   Rédaction rétroactivement applicable aux contrats conclus depuis le 1-10-2016 (Modifications interprétatives issues de la loi 2018-287)   Rédaction applicable aux seuls contrats conclus à compter du 1-10-2018 (Modifications de fond issues de la loi 2018-287)   SOURCES Art. 1110 Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont librement négociées entre les parties.   IDENTIQUE Art. 1110 Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont négociables entre les parties.      Le contrat d’adhésion est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties.   IDENTIQUE  Le contrat d’adhésion est celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties.     Art. 1112 L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi. En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat non conclu.   Art. 1112 L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi. En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser nila perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d’obtenir ces avantages.   IDENTIQUE   Art. 1117 L’offre est caduque à l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l’issue d’un délai raisonnable. Elle l’est également en cas d’incapacité ou de décès de son auteur.   IDENTIQUE Art. 1117 L’offre est caduque à l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l’issue d’un délai raisonnable. Elle l’est également en cas d’incapacité ou de décès de son auteur, ou de décès de son destinataire.     Art. 1137 Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.   IDENTIQUE Art. 1137 Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie. Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.     Art. 1143 Il y a également violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif.   Art. 1143 Il y a également violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif.   IDENTIQUE   Art. 1145 Toute personne physique peut contracter sauf en cas d’incapacité prévue par la loi. La capacité des personnes morales est limitée aux actes utiles à la réalisation de leur objet tel que défini par leurs statuts et aux actes qui leur sont accessoires, dans le respect des règles applicables à chacune d’entre elles.   IDENTIQUE Art. 1145 Toute personne physique peut contracter sauf en cas d’incapacité prévue par la loi. La capacité des personnes morales est limitée par les règles applicables à chacune d’entre elles.   BRDA 21/17 inf. 24 n° 14.   Art. 1161 Un représentant ne peut agir pour le compte des deux parties au contrat ni contracter pour son propre compte avec le représenté. En ces cas, l’acte accompli est nul à moins que la loi ne l’autorise ou que le représenté ne l’ait autorisé ou ratifié.   IDENTIQUE Art. 1161  En matière de représentation des personnes physiques, un représentant ne peut agir pour le compte de plusieurs parties au contrat en opposition d’intérêts ni contracter pour son propre compte avec le représenté. En ces cas, l’acte accompli est nul à moins que la loi ne l’autorise ou que le représenté ne l’ait autorisé ou ratifié.     Art. 1165 Dans les contrats de prestation de service, à défaut d’accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d’en motiver le montant en cas de contestation. En cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d’une demande en dommages et intérêts.   Art. 1165 Dans les contrats de prestation de service, à…

Eolien : Développez avant de taxer !

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Le 20 septembre 2017, la Cour de Justice de l’Union européenne(C.J.U.E., 20 septembre 2017, C-215/16, C-216/16, C-220/16, C-221/16 consultable ici) a rendu un arrêt qui peut faire réfléchir sur les rasions d’être du développement éolien, même à l’heure où la lutte contre le réchauffement climatique semble s’être imposé comme un objet de l’Union européenne Suite à plusieurs questions préjudicielles posées par le Tribunal Superior de Justicia de Castilla-La Mancha en Espagne (Cour supérieure de justice de Castille-La Manche), la CJUE a en effet jugé que le droit européen ne s’opposait pas à ce qu’une réglementation nationale prévoie la perception d’une redevance frappant les aérogénérateurs destinés à la production d’énergie électrique. En l’occurrence la loi espagnole en cause du 21 mars 2011 prévoyait le paiement d’une telle redevance, le fait générateur de la redevance étant constitué par « les atteintes et les incidences négatives sur l’environnement et sur le territoire causé par l’installation ». Les requérants, assujettis à cette redevance, l’ont jugée inconstitutionnelle et incompatible avec le droit de l’Union : le litige a ainsi été porté devant la Cour supérieure de justice de Castille-La Manche. La juridiction a alors posé plusieurs questions préjudicielles à la CJUE :  « 1) Puisque les “régimes d’aide” définis à l’article 2, sous k), de la directive [2009/28], et parmi eux les incitations fiscales telles que les réductions fiscales, les exonérations et les remboursements d’impôt, sont conçus comme des instruments visant à atteindre les objectifs de consommation d’énergies renouvelables prévus dans cette directive, doit-on considérer que les incitations ou les mesures citées ont un caractère obligatoire et sont contraignantes pour les États membres, avec un effet direct, en ce qu’elles peuvent être invoquées et opposées par les particuliers affectés devant tout type d’instances publiques, judiciaires et administratives ? 2) L’expression “mais sans s’y limiter” figurant dans l’énumération, parmi les “régimes d’aide” visés à la question précédente, de mesures d’incitation fiscale consistant dans des réductions fiscales, des exonérations et des remboursements d’impôt signifie-t-elle qu’il convient de considérer que la non-imposition compte au nombre de ces incitations, c’est-à-dire l’interdiction de tout type de prélèvement spécifique et particulier, s’ajoutant aux impôts généraux grevant l’activité économique et la production d’électricité, qui taxerait l’énergie produite à partir de sources renouvelables ? De même, convient-il de considérer que l’interdiction générale précitée inclut l’interdiction de double imposition, de cumul ou de chevauchement de plusieurs impôts généraux ou spécifiques qui grèvent différentes phases de l’activité de production d’énergies renouvelables et ont une incidence sur le même fait générateur grevé par la redevance éolienne en cause ? 3) En cas de réponse négative à la question précédente et si l’imposition de l’énergie produite à partir de sources renouvelables est acceptée, aux fins de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive [2008/118], la notion de “finalité spécifique” doit-elle être interprétée en ce sens que l’objectif visé doit être exclusif et que, en outre, l’impôt grevant les énergies renouvelables doit avoir, du point de vue de sa structure, une nature véritablement extrafiscale et non simplement budgétaire ou de perception de recettes ? 4) Conformément à l’article 4 de la directive [2003/96], qui, lorsqu’il mentionne les niveaux de taxation que les États membres doivent appliquer aux produits énergétiques et à l’électricité, prend pour référence les niveaux minima prévus par [cette] directive, entendus comme la somme de l’ensemble des impôts directs et indirects appliqués sur ces produits au moment de leur mise à la consommation, doit-on considérer que cette somme doit conduire à exclure du niveau de taxation exigé par la[dite] directive les impôts nationaux n’ayant pas une nature véritablement extrafiscale au regard de leur structure et de leur finalité spécifique, telle qu’interprétée selon la réponse donnée à la précédente question ? 5) Le terme “frais” utilisé à l’article 13, paragraphe 1, sous e), de la directive [2009/28] est-il une notion autonome du droit [de l’Union] devant être interprétée dans un sens plus large, comme incluant et étant synonyme de la notion d’impôt en général ? 6) En cas de réponse affirmative à la question précédente, les frais à acquitter par les consommateurs visés à l’article 13, paragraphe 1, sous e), de la directive [2009/28] ne peuvent-ils inclure que les impositions ou prélèvements fiscaux qui visent à compenser, le cas échéant, les dommages causés par l’incidence [des installations éoliennes] sur l’environnement et qui tentent de réparer, avec le montant perçu, les dommages liés à une telle atteinte ou incidence négative, à l’exclusion des impôts ou des prestations qui, en ce qu’ils grèvent les énergies non polluantes, ont une finalité essentiellement budgétaire ou de perception de recettes ? » La CJUE répond aux première, deuxième, cinquième et sixième questions en relevant que la directive 2009/28 (relative à la promotion de l’énergie produite à partir de sources renouvelables) oblige les Etats membres à avoir une certaine part d’énergie produite à partir de sources renouvelables dans leur consommation finale d’énergie en 2020. Pour cela ils sont tenus de mettre en place des mesures conçues de manière efficace et notamment peuvent mettre en place des « régimes d’aides ». Néanmoins la Cour relève que « les Etats membres disposent d’une marge d’appréciation quant aux mesures qu’ils estiment appropriés pour atteindre les objectifs contraignants nationaux globaux », et rien ne leur interdit d’imposer une redevance, comme rien ne les oblige à mettre en place des régimes d’aides. La Cour poursuit : « Or, il ne peut être exclu qu’une redevance, telle que celle en cause au principal, puisse rendre moins attrayante la production et l’utilisation de l’énergie éolienne ainsi que compromettre son développement. Toutefois, même s’il était admis que cette redevance, nonobstant sa portée régionale et le fait qu’elle concerne une seule source d’énergie renouvelable, est susceptible de conduire l’État membre concerné à ne pas respecter l’objectif contraignant national global fixé à l’annexe I, partie A, de la directive 2009/28, il en résulterait, tout au plus, une violation, par cet État membre, de ses obligations au titre de cette directive, sans que l’instauration d’une telle redevance puisse, pour autant, être considérée, en elle‑même, comme contraire…

Chantiers de la simplification du droit de l’environnement : régresser ou ne pas régresser, telle est la question… ! (CE, 8 déc.2017- annulation partielle rubrique nomenclature étude d’impact)

Par Me Sébastien BECUE (GREEN LAW AVOCATS) Aux termes d’une décision du 8 décembre 2017 (n°404391) destinée à être mentionnée aux Tables, le Conseil d’Etat supprime, sur le fondement du principe de non-régression du droit de l’environnement, une partie du contenu de la rubrique n°44 « Equipements sportifs, culturels ou de loisirs et aménagements associés » de la nomenclature déterminant les projets soumis à étude d’impact figurant en annexe à l’article R. 122-2 du code de l’environnement. Analyse. Une apparente double régression Une association de protection de l’environnement introduit un recours en annulation à l’encontre des paragraphes (a) et (d) de cette rubrique, dans leur rédaction issue de la dernière révision d’ampleur du régime de l’évaluation environnementale par le décret n°2016-1110 du 11 août 2016.Ces dispositions prévoient la soumission à étude d’impact au cas par cas, c’est-à-dire après avis de l’autorité environnementale statuant sur l’opportunité de la réalisation d’une étude d’impact au regard des caractéristiques d’un projet donné : pour l’aménagement de pistes permanentes de courses et d’essais pour véhicules motorisés d’une emprise supérieure ou égale à 4 hectares (a), et  la construction d’équipements sportifs et de loisirs, ne figurant dans aucune autre rubrique du tableau, susceptibles d’accueillir plus de 5 000 personnes (d). Auparavant : l’ancienne rubrique n°44 disposait qu’étaient soumis à évaluation environnementale systématique les aménagement de terrains pour la pratique de sports ou loisirs motorisés d’une emprise totale supérieure à 4 hectares ; et au cas par cas les aménagement de moins de 4 hectares, et l’ancienne rubrique n°38 prévoyait qu’étaient soumis au régime systématique les équipements culturels, sportifs ou de loisirs susceptibles d’accueillir plus de 5 000 personnes ; et au cas par cas ceux susceptibles d’accueillir plus de 1 000 personnes et moins de 5 000 personnes.  A première vue, et c’était là l’argumentation de l’association, il semble bien que ces « déclassements » puissent être qualifiés de « régression » de la protection de l’environnement, à tout le moins dans le sens courant du terme, à savoir une évolution en sens inverse d’un phénomène qui cesse de progresser. En effet, d’une part, certains projets soumis systématiquement à évaluation environnementale bénéficient désormais du régime plus favorable de l’examen au cas par cas, ce qui peut permettre à certains d’entre eux de ne pas faire l’objet d’une évaluation, en considération de leurs caractéristiques et de leurs impacts supposés sur l’environnement et la santé humaine. D’autre part, certains projets qui faisaient l’objet d’un examen au cas par cas ne sont plus, en aucun cas, soumis à évaluation, sans même d’examen au cas par cas.    L’invocation d’un principe aux contours et à la portée normative encore flous L’association requérante fonde son argumentation sur le principe législatif de non-régression, qui figure à l’article L. 110-1 du code de l’environnement depuis l’intervention de la loi 2016-1087 du 8 août 2016 dite « pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysage ». Ce nouveau principe directeur du droit de l’environnement, « selon lequel la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment ». Lors de son contrôle de la conformité du principe à la Constitution, le Conseil constitutionnel lui a reconnu une portée normative en ce qu’il« s’impose, dans le cadre des dispositions législatives propres à chaque matière, au pouvoir réglementaire » (décision n°2016-737 DC du 4 août 2016). Restait donc à savoir comment le Conseil d’Etat allait contrôler concrètement le respect de cette injonction faite à l’exécutif, légitimement saluée par les associations de protection de l’environnement mais également source de crainte pour les porteurs de projets qui réclament de longue date une véritable simplification du droit de l’environnement. Une application pragmatique du principe de non-régression La décision du Conseil d’Etat ne propose pas directement de guide général de mise en œuvre du principe. Saisi d’une question relative à son application au régime juridique de l’évaluation environnementale, l’appréciation du Conseil d’Etat est bornée à ce domaine du droit de l’environnement. Confronté à deux types possibles de régression, le Conseil d’Etat différencie. Il n’y pas régression quand une règlementation « déclasse » un type de projet de la soumission systématique vers la soumission au cas par cas. En effet, les projets compris dans la catégorie déclassée resteront soumis à évaluation environnementale si l’autorité environnementale estime, après une analyse concrète des caractéristiques de l’espèce, que les risques pour l’environnement méritent d’être étudiés. C’est un témoignage important de confiance dans la capacité des administrations assurant le rôle d’autorité environnementale à déterminer quels sont les projets. Il est clair que cette confiance s’explique notamment par l’exigence dont a récemment fait preuve le Conseil d’Etat vis-à-vis de cette institution, dont il a été confirmé dans la douleur qu’elle doit être fonctionnellement indépendante de l’autorité qui délivre l’autorisation (voir notre article L’autorité environnementale est morte, vive l’autorité environnementale !). Il y a présomption de régression lorsqu’une catégorie de projets ne peut plus faire l’objet d’une évaluation environnementale alors que les projets y étaient soumis auparavant. La forme négative choisie pour la rédaction de la phrase est révélatrice : dans ce cas, il y a bien, dans ce cas, régression « en principe ». Cette présomption est néanmoins réfragable : il est possible de démontrer la légitimité d’une telle soustraction. Pour cela, le type de projet devenu insusceptible d’être évalué doit également être insusceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine. Le Conseil d’Etat liste les indices permettant de justifier ce choix : la nature, les dimensions, la localisation, du type de projet, et rappelle que cette appréciation se fait au regard des connaissances scientifiques, comme le prévoit l’article L. 110-1 précité. En l’espèce, il estime que le bilan est négatif : l’association requérante a démontré, sans être efficacement contredite par l’exécutif, que ces types de projets peuvent avoir des incidences notable sur l’environnement « lorsqu’ils sont localisés dans ou à proximité de lieux où les sols, la faune ou la flore sont particulièrement vulnérables ». Le Conseil d’Etat tranche ainsi in concreto, au regard du dossier qui lui est soumis, constitué en toute logique des argumentations respectives…