Plan de prévention des risques technologiques : une nouvelle application de la jurisprudence Commune de Saint-Bon-Tarentaise (CE, 6 déc.2017)

  Par Me Fanny Angevin- Green Law Avocats   Par une décision en date du 6 décembre 2017 (CE, n°400735, Mentionné aux Tables), le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la question de savoir si la jurisprudence du Conseil d’Etat Commune de Saint-Bon-Tarentaise du 5 mai 2017 n°388902 pouvait s’appliquer à la concertation organisée pour l’élaboration d’un plan de prévention des risques technologiques. La décision Commune de Saint-Bon-Tarentaise avait mis fin à la jurisprudence Commune de Sainte-Lunaire, en considérant que l’illégalité de la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision d’un plan local d’urbanisme ne pouvait être utilement invoquée contre la délibération approuvant le plan local d’urbanisme. C’est donc une décision intéressante pour les PPRT. Les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) sont encadrés par les articles L. 515-15 et suivants du code de l’environnement. Ces plans visent à réguler l’urbanisation autour de certaines installations dangereuses et à ces fins, peuvent prévoir des interdictions et des prescriptions particulières pour les constructions ou ouvrages environnants. La procédure d’élaboration d’un plan de prévention des risques technologiques est encadrée par l’article L. 515-22 du code de l’environnement. Cet article prévoit classiquement trois étapes à la procédure d’élaboration du plan : la concertation, la consultation des personnes associées et l’enquête publique. Par ailleurs, l’article L. 515-22 du code de l’environnement, en ce qui concerne la concertation, opère un renvoi vers les dispositions du code de l’urbanisme (ancien article L. 300-2 du code de l’urbanisme aujourd’hui aux articles L. 103-2 et suivants du code de l’urbanisme). C’est donc avec la même logique de concertation d’un document d’urbanisme que la procédure de concertation d’un plan de prévention des risques technologiques est en principe élaborée. Dans l’affaire présentée devant le Conseil d’Etat, les préfets d’Indre-et-Loire et du Loir-et-Cher avaient prescrit l’élaboration du plan de prévention des risques technologiques visant à délimiter un périmètre de sécurité autour du site naturel de stockage souterrain de gaz au lieu-dit « Les Gerbaults » (Commune de Céré-la-Ronde). Par un arrêté commun en date des 19 et 24 décembre 2013, le plan a été approuvé. Une association de riverains et un particulier ont ensuite attaqué cet arrêté devant le Tribunal administratif d’Orléans, qui a l’a annulé par un jugement en date du 10 février 2015 au regard de l’insuffisante précision des modalités de concertation dans la délibération initiale. La Cour administrative d’appel de Nantes, par une décision en date du 15 avril 2016 n°15NT01185, a confirmé l’annulation du Tribunal administratif d’Orléans par adoption des motifs. Le Ministre s’est donc pourvu en cassation, soutenant que le moyen tiré de l’insuffisance des modalités de concertation qui sont définies initialement dans la délibération prescrivant l’élaboration du plan de prévention des risques technologiques, était inopérant à l’encontre de la délibération ayant ultérieurement approuvé le même plan. Le Conseil d’Etat avait donc à examiner la question relative à l’application de sa récente jurisprudence Commune de Saint-Bon-Tarentaise du 5 mai 2017 (relative à un PLU) à l’élaboration d’un plan de prévention des risques technologiques. Pour plus de clarté, il convient de revenir sur l’apport de la jurisprudence précitée. En effet, l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme dans sa version applicable au litige (aujourd’hui codifié aux articles L. 103-2 et suivants du même code) indiquait que : « Les objectifs poursuivis et les modalités de la concertation sont fixés par […] le préfet […]. ». Or, depuis 2010, le Conseil d’Etat considérait de manière constante que la délibération prévoyant les modalités de concertation avec les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées ainsi que les objectifs poursuivis par la commune en projetant d’élaborer ou de réviser un document d’urbanisme, constituait dans ces deux volets, une formalité substantielle dont la méconnaissance entachait d’illégalité le document d’urbanisme approuvé (CE, 10 février 2010, Commune de Sainte-Lunaire, n°327149). Il convient d’ailleurs de noter que le document d’urbanisme approuvé était entaché d’illégalité et ce alors même que la concertation aurait respecté les modalités définies par le conseil municipal (arrêt précité du10 février 2010, n°327149). Cette jurisprudence avait entraîné l’annulation de nombreuses délibérations adoptant un plan local d’urbanisme qui emportaient ainsi l’annulation du document d’urbanisme (voir notamment à ce titre : CAA Douai, 27 novembre 2014, n°13DA01104 ; CAA Marseille, 13 avril 2016, n°15MA02002 ; CAA Nancy, 2 juillet 2015, n°14NC01767 ; CAA Versailles, 11 mai 2015, n°13VE00583 ; CAA Douai, 30 avril, 2015, n°14DA01249), ce qui pouvait avoir de lourds impacts pour les finances communales. Il convient néanmoins de noter que l’article L. 300-2 indiquait en son 5e alinéa que « Les documents d’urbanisme et les opérations mentionnées aux I et II ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d’entacher la concertation, dès lors que les modalités définies par la décision ou la délibération prévue au II ont été respectées. ». Le Conseil d’Etat a progressivement donné plus d’importance à cette disposition, afin d’éviter qu’une irrégularité qui s’est déroulée en début de procédure conduise à l’annulation du document d’urbanisme (voir notamment CE, 8 octobre 2012, n°338760). Ainsi, dans la décision précitée Commune de Saint-Bon-Tarentaise, le Conseil d’Etat a mis fin à la jurisprudence Commune de Sainte-Lunaire, en considérant que l’illégalité de la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision d’un plan local d’urbanisme ne pouvait être utilement invoquée contre la délibération approuvant le plan local d’urbanisme. En effet, la Haute juridiction a estimé dans cette décision que : « si cette délibération est susceptible de recours devant le juge de l’excès de pouvoir, son illégalité ne peut, en revanche, eu égard à son objet et à sa portée, être utilement invoquée contre la délibération approuvant le plan local d’urbanisme » (CE, 5 mai 2017, n°388902). Le Rapporteur public dans cette affaire avait d’ailleurs précisé qu’il s’agissait « d’estimer, du fait des particularités de cette procédure, que cette irrégularité du tout premier acte est structurellement sans influence sur le dernier. » (Conclusions M. Louis DUTHEILLET de LAMOTHE sur CE, 5 mai 2017, n°388902). Le revirement de jurisprudence du Conseil d’Etat visait donc à instaurer le fait que la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision d’un document d’urbanisme est attaquable dans les délais de recours normaux, mais que…

Parcs naturels régionaux: analyse d’une directive “Crédit foncier de France” du 04 mai 2012

Suite à la publication du décret n° 2012-83 du 24 janvier 2012 relatifs aux parcs naturels régionaux (cf. notre brève sur ce blog en date du 8 février 2012 : Parcs naturels régionaux: modification du régime par le décret n° 2012-83 du 24 janvier 2012), le ministre de l’écologie a adressé aux services de l’Etat intéressés (soit aux services régionaux)  une circulaire  du 4 mai 2012– dont l’élaboration a été concertée avec la Fédération des parcs naturels régionaux de France et l’Association des régions de France- , relative au classement et au renouvellement de classement des parcs naturels régionaux et à la mise en œuvre de leurs chartes qui, en réalité, n’est autre qu’une directive  de type « Crédit foncier de France ».    L’appellation du texte en tant que “circulaire” ne doit pas induire en erreur sur la nature juridique du texte : le brouillage des catégories juridiques n’est cependant pas réel puisque qu’il est précisé, dans la présentation même  de ce texte, qu’il s’agit d’une  « directive adressée par le ministre aux services chargés de leur application, sous réserve, le cas échéant de l’examen particulier des situations individuelles ». Cette directive, d’application immédiate, abroge la circulaire n°NOR DEVN11377C du 15 juillet 2008 relative au classement et au renouvellement de classement des parcs naturels régionaux et à la mise en œuvre de leurs chartes. En même temps, elle détaille sur quarante pages la nouvelle procédure de classement et de renouvellement des parcs naturels régionaux. Après avoir rappelé l’existence de 48 parcs naturels régionaux recouvrant 14 % du territoire national  constitutifs de « l’une des premières infrastructures écologiques françaises », le ministre rappelle  l’importance du rôle des services de l’Etat en tant que garants de la régularité de la procédure comme du fonctionnement et de l’aménagement des parcs. Les nouvelles priorités des parcs naturels régionaux déclinées avec les lois Grenelle (telles que la préservation de la biodiversité avec la participation aux schémas régionaux de cohérence écologique ou encore la  lutte contre le changement climatique avec une participation à l’élaboration des schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie -SRCAE) sont réaffirmées. Au titre du SRCAE, la charte peut « promouvoir les objectifs et les orientations du schéma régional, sans pour autant fixer directement les orientations en matière d’économie d’énergie et d’efficacité énergétique ou des objectifs quantitatifs et qualitatifs en matière de choix de production énergétique. Dans ces divers domaines, les parcs naturels régionaux sont plus que jamais attendus dans leur rôle d’expérimentateur au profit de l’innovation et du transfert ».   Trois priorités sont portées par la directive : Le rappel de l’implication des services de l’Etat dans l’élaboration ou la révision des chartes de parcs naturels régionaux (PNR) ; La nécessité d’adapter le contenu des chartes aux enjeux écologiques actuels ; Les procédures de classement et de renouvellement de parc naturel régional.   Comme souvent,  le partenariat avec l’Etat dans l’élaboration de la charte est rappelé : l’Etat accompagne les collectivités territoriales et les intercommunalités (plus précisément, le conseil régional et le syndicat mixte ou l’organisme préfigurateur) tout au long de la définition du projet de territoire. Le préfet de région sera le garant  de la tenue des engagements de l’Etat  tout comme il assurera un bilan quadriennal des réalisations et difficultés rencontrées par l’Etat dans la mise en œuvre de ses engagements. Les critères du classement sont rappelés, à savoir la qualité et la  fragilité du territoire ; la pertinence et la cohérence du territoire ;  la réalité du projet de développement sur 12 ans ; l’engagement suffisant des CTI (collectivités territoriales et intercommunalités), soit la mise en œuvre d’une gouvernance réelle ; la capacité du syndicat mixte à conduire de manière cohérente le projet. En même temps, les interférences entre les lois Grenelle (I et II) et la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 sont soulignées. Tant il est vrai que le partage des compétences entre les communes et les intercommunalités à fiscalité propre peut s’avérer complexe !  La distinction entre les compétences intercommunales et communales est soulignée pour l’adhésion au syndicat mixte du parc, de même que les conséquences issues de la transformation  d’un EPCI (établissement public de coopération intercommunale) ou de la fusion d’EPCI (qui reprennent les engagements pris par les précédentes intercommunalités). La dynamique de la gouvernance est mise en avant  tant pour l’engagement des signataires  (Etat, collectivités territoriales et EPCI à fiscalité propre), que pour l’organisation du rapport  ou l’évaluation et le suivi de la mise en œuvre de la charte. Là encore, les conséquences du classement sont énoncées : suite à l’approbation de la charte par les communes, les EPCI à fiscalité propre, les départements et les régions, les CTI sont liés par leurs engagements  ( un non-renouvellement du classement à échéance de 12 ans, voire un déclassement sera alors envisageable). Bien évidemment, pour faciliter le travail des services  de l’Etat, notamment, le contenu des délibérations est présenté comme celui  de l’avis délivré par le préfet de région sur l’opportunité du projet.   Patricia Demaye-Simoni Maître de conférences en droit public