Spécialisation de la justice pénale environnementale : enfin !

Par Maître Ségolène REYNAL (Green Law Avocats) Noël 2020 aura été prospère pour le contentieux du droit de l’environnement avec la loi n°2020-1672 du 24 décembre 2020 qui se saisit des difficultés rencontrées par les juridictions pour appréhender la complexité et la spécificité des enjeux environnementaux. L’objectif annoncé est triple : apporter une réponse pénale plus rapide, adaptée aux spécificités des infractions environnementales et mieux réparer les dommages environnementaux. La loi prévoit d’une part une amélioration dans le traitement judiciaire des dossiers environnementaux en créant un pôle régional spécialisé en matière d’atteintes à l’environnement et d’autre part créé un nouvel outil juridique : la convention judiciaire d’intérêt public environnemental (CJIP). S’il doit être fait un constat c’est que la formation généraliste des juges et l’organisation judiciaire actuelle peinent à répondre aux particularités à la complexité des dossiers environnementaux. C’est pourquoi, la loi du 24 décembre 2020 prévoit que dans le ressort de chaque Cour d’appel, un tribunal judiciaire se verra attribuer une compétence en matière d’atteinte à l’environnement – un décret doit être indiquer la liste des tribunaux judiciaire concernés. Ce pôle sera en charge de traiter les contentieux de grande ampleur qui relèvent des délits prévus par le code de l’environnement, le code minier et le code rural et de la pêche maritime (article 706-2-3 du code de procédure pénale) et verra par conséquent sa compétence territoriale étendue pour l’enquête, la poursuite (le Parquet), l’instruction et le jugement. Les magistrats recevront pour cela une formation spécifique. Cette spécialisation vient s’ajouter aux deux pôles interrégionaux à Paris et Marseille qui ont compétence pour les questions de santé publique (création par la loi n°2002-303 du mars 2002) et accidents collectifs (Création par la loi n°2011-1862 du 13 décembre 2011), s’agissant de pollutions d’ampleur et catastrophes environnementales ou industrielles. En revanche, les délits environnementaux considérés comme mineurs relèveront toujours du Tribunal judiciaire de droit commun, ce qui est regrettable. La loi prévoit également que ces pôles auront une compétence civile, le tribunal judiciaire spécialement désigné connaitra (article L.211-10 code de l’organisation judiciaire) : Sur le modèle de la CJIP en matière d’atteinte à la probité en matière fiscale (créée par la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 dite « Loi Sapin II »), la loi du 24 décembre 2020 instaure une convention judiciaire d’intérêt public en matière environnementale. Le principe est simple et empreint de pragmatisme : tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, le Procureur de la République peut proposer à une personne morale (mais pas à une personne physique) mise en cause pour certains délits environnementaux de bénéficier d’une convention qui éteindra l’action publique à son égard à condition qu’elle s’acquitte de certaines obligations telles que : Cette mesure alternative aux puristes pénales a pour objectif de réparer le préjudice plus rapidement que ce n’est le cas actuellement via l’action en responsabilité environnementale devant le juge civil. Enfin, assez original pour être souligné, la loi prévoit que la convention devra faire l’objet d’une publication sur les sites internet du ministère de la Justice, de l’Environnement et de la commune sur le territoire duquel a été commise l’infraction. Si cette loi marque une avancée dans la prise en compte des enjeux spécifiques des dossiers environnementaux il conviendra de rester vigilant et de veiller à la bonne application de ces nouveaux outils.

Vers une politique pénale environnementale

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Le 22 novembre 2020, le garde des Sceaux, Eric Dupont Moretti et la ministre de la transition écologique, Barbara Pompili, ont annoncé la création de deux délits : le délit général de pollution et le délit de mise en danger de l’environnement. Ainsi les ministres de la Transition écologique et de la Justice préfèrent-ils à un crime d’écocide – comme l’avait prôné la convention citoyenne pour le climat – deux délits en la matière. Le délit d’écocide (selon l’expression désormais consacrée) permettra de sanctionner les atteintes effectives et graves à l’environnement. Les peines encourues, modulées en fonction de l’intentionnalité de l’auteur, iront de trois à dix ans d’emprisonnement selon qu’il s’agit d’une infraction d’imprudence ou d’une infraction intentionnelle. Les amendes, quant à elles, seront pour le moins dissuasives afin que le contrevenant soit assuré de ne pas pouvoir tirer bénéficier de son délit : de 375 000 € à 4,5 millions d’euros. Parallèlement, un autre délit devrait être créé : le délit de mise en danger de l’environnement. Ceci afin de sanctionner les pollutions qui, bien que non réalisées, seraient rendues possibles du fait de la violation délibérée d’une obligation. La peine encourue serait alors d’un an de prison et de 100 000 euros d’amende. Enfin, pour assurer la poursuite de ces nouveaux délits, seront mis en place, dans le ressort de chaque cour d’appel, des juridictions spécialisées de l’environnement. On le voit les bases d’une politique pénale sont ainsi posées avec des incriminations générales et des juges pour les sanctionner… Mais attention à la démagogie ambiante du tout répressif et à la création de monstres juridiques dont on ne perçoit pas bien les effets… le maquis des polices environnementales recèle une réglementation foisonnante de plus en plus complexe et incohérente, là où la sanction pénale exige un comportement délictueux sinon évident du moins facile à prouver. Pour avoir expérimenté pendant une vingtaine d’années l’arbitraire des sanctions administratives en matière d’installations classées (dont le modèle a servi finalement de matrice à tout le code de l’environnement) et bataillé contre elle sans relâche devant le juge administratif, nous sommes il est vrai quelque peu effrayés par la pénalisation qui se prépare… Se pose inévitablement la question des moyens. Il ne suffira de doter la magistrature de juges verts, il leur faudra encore et surtout maîtriser le droit public de l’environnement et accepter de penser leur office pour l’articuler avec les sanctions administratives, qui constituent aujourd’hui la vraie pierre angulaire du droit environnemental répressif. Et surtout, il faudra qu’une expertise judiciaire environnementale digne de ce nom vienne épauler nos juges si on ne veut pas que la machine pénale sombre dans l’arbitraire scientifique. Ne manque plus que la volonté de poursuivre. Mais là encore il faudra raison gardée…. A trop poursuivre ceux qui font et entreprennent mais prennent le risque de polluer, on s’expose aux sirènes d’un retour à la nature vierge … Il suffit d’avoir été auditionné par la très jeune police de l’OFB pour comprendre combien par exemple cette Inspection de l’environnement instruit pour imposer de nouvelles pratiques, quitte à nier l’activité économique. Nous sommes à l’aube de la grande simplification du droit de l’environnement qui exige que l’homme soit symboliquement puni. La nouvelle politique pénale devra trouver sur sa route des avocats qui ne peuvent pas se contenter de l’applaudir des deux mains en prenant le risque de se déconnecter de toute réalité sociale. Il nous appartiendra aussi de raisonner le verdissement des poursuites, pour rappeler les liens ontologiques existants entre l’homme et la nature. L’environnement est une notion complexe, objet de luttes de définition … la politique pénale veut y contribuer ; certes, mais accordons une vraie défense pénale à ceux qui vont bientôt être sommés d’expier leurs emprunte écologique.

ICPE défaillante : vers une présomption du préjudice écologique ?

Par Maître Sébastien BECUE, Avocat of Counsel (Green Law Avocats) Par une ordonnance statuant sur l’action civile en date du 22 juin 2020, publiée par Actu-environnement, le Tribunal judiciaire de Pau a condamné la société SOBEGI, qui traite les gaz résiduaires rejetés par les exploitants des plateformes du bassin de Lacq, à verser à l’association SEPANSO PYRENEES ATLANTIQUES : 10.000 euros de dommages et intérêt en réparation du préjudice écologique et 5.000 euros en réparation du préjudice environnemental collectif La SOBEGI avait été condamnée le 24 février 2020 à une amende de 20.000 euros, par le même Tribunal, pour non-satisfaction, pendant presqu’une année et demi, d’une mise en demeure de respecter le seuil d’émission de poussière prescrit dans son arrêté préfectoral d’exploitation de son installation classée pour la protection de l’environnement (I.C.P.E.). Comme toutes les décisions en la matière, finalement assez rares, la lecture du jugement ouvre des questions passionnantes. Sur la réparation du préjudice écologique, préjudice matériel, objectif, résultant de l’atteinte à l’environnement Pour mémoire, l’article 1247 du code civil, sur lequel se fonde notamment le Tribunal, prévoit que, pour être qualifié de préjudice écologique et être réparable, l’atteinte à l’environnement doit constituer : une atteinte non négligeable ; aux éléments et aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement. Si la qualification juridique opérée par le Tribunal n’est pas très explicite, il n’en reste pas moins qu’on trouve dans les développements une caractérisation de ces exigences. Le Tribunal commence par rappeler que les enquêtes de la DREAL et de la gendarmerie n’ont pas permis d’établir un lien de causalité entre les nuisances ayant justifié la plainte de l’association et les émissions. Il aurait pu en conclure que la condition relative à l’existence d’une atteinte n’est pas remplie, précisément parce que la preuve de l’existence d’un atteinte sur l’environnement ou la santé humaine n’a pas été rapportée. Mais ce n’est pas le cas : à l’inverse, le Tribunal caractérise l’existence d’un préjudice écologique, et donc d’une atteinte sur l’environnement ou la santé humaine : d’une part, du fait du non-respect, avéré, du seuil d’émission de poussières, seuil dont il rappelle qu’il a « bien été fixé pour protéger l’environnement et la santé humaine ». Ce non-respect a donc, par lui-même, et « de toute évidence, des conséquences sur l’environnement » ; et, d’autre part, du fait de l’ampleur de du dépassement du seuil : jusqu’à 60 fois le seuil d’émission autorisé ! Notons que cette prise en compte l’ampleur du dépassement permet aussi de s’assurer du caractère non-négligeable de l’atteinte. Doit-on s’étonner que le Tribunal condamne sans avoir vérifié l’existence d’un lien de causalité prouvé entre le dépassement du seuil et une atteinte particulière à l’environnement ou à la santé humaine ? A notre sens, non, le Tribunal condamne l’exploitant pour une pollution de l’environnement objectivement démontrée : une introduction extrêmement importante de poussières dans l’atmosphère. Peu importe de savoir, et c’est là tout l’intérêt de la notion du préjudice écologique, si cette introduction a eu un impact objectivable sur l’homme ou sur toute autre composante de l’environnement. Que penser de l’évaluation à  au doigt mouillé, à 10.000 euros du préjudice écologique résultant de l’émission de poussières dans l’atmosphère ? Rappelons que le Tribunal était tenu, dès lors qu’il avait reconnu l’existence d’un préjudice écologique, de le chiffrer. C’est en effet qu’a jugé la Cour de cassation dans le cadre d’un arrêt censurant la Cour d’appel de Rennes qui avait décidé de ne pas indemniser l’association partie civile au motif que cette dernière n’avait pas rapporté de chiffrage convaincant d’évaluation du préjudice, alors « qu’il lui incombait de chiffrer, en recourant, si nécessaire, à une expertise, le préjudice écologique dont elle avait reconnu l’existence, et consistant en l’altération notable de l’avifaune et de son habitat, pendant une période de deux ans, du fait de la pollution de l’estuaire de la Loire » (Crim., 22 mars 2016, n°13-87.650). Cette évaluation à 10.000 euros du préjudice est non justifiée méthodologiquement. Mais c’est parfaitement logique, dès lors qu’il n’existe pas encore de proposition méthodologique précise d’évaluation de ce type de préjudice, contrairement à la mortalité piscicole par exemple. Est-ce qu’une expertise aurait été utile ? Difficile à dire… Précisons encore qu’en l’espèce la violation d’une prescription de l’arrêté d’autorisation après mise en demeure permet d’escamoter le débat sur l’autonomie de la responsabilité pour dommage écologique : selon les exigences du droit commun, la faute se déduit naturellement du non respect de la prescription de police et surtout de la mise en demeure. Mais l’ordonnance aurait gagné à être plus explicite sur ce point car l’on sait que certains considèrent l’article 1246 du code civil (“Toute personne responsable d’un préjudice écologique est tenue de le réparer”) créé par l’article de la la loi sur la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, comme ayant institué un nouveau régime de responsabilité sans faute, du seul fait d’une atteinte à l’environnement. Sur la réparation du préjudice environnemental collectif, préjudice moral, résultant de l’atteinte à l’environnement Le Tribunal reprend directement dans le jugement la définition du préjudice environnemental collectif issue de la nomenclature du professeur NEYRET, à savoir : « les atteintes portées à des intérêts humains dépassant la somme des intérêts individuels et qui nuisent à la défense de l’environnement sous ses différents aspects ». Puis le Tribunal, pour répondre à l’argumentation en défense : rappelle que l’association a bien fourni des efforts destinés à lutter contre la pollution résultant du dépassement de seuil d’émission de poussières, en participant aux instances de surveillance du bassin de Lacq et en ayant porté plainte à l’encontre de l’exploitant ; et qu’en conséquence l’exploitante doit verser à l’association une somme de 5.000 euros en réparation du « préjudice environnemental collectif ». Il nous semble que le Tribunal commet une erreur en s’intéressant à l’action de l’association pour caractériser l’existence d’un « préjudice environnemental collectif », dès lors que, comme le rappelle le professeur NEYRET, celui-ci concerne l’atteinte portée aux intérêts humains, au-delà des intérêts individuels – et donc en l’espèce au-delà de l’intérêt de l’association. Si ce préjudice…

La commune peut se constituer partie civile pour protéger son environnement

Par David DEHARBE (Green Law Avocats) Les collectivités locales sont de plus en plus tentées et d’ailleurs incitées par le droit positif à se constituer parties civiles en cas d’atteinte à leur environnement et plus généralement au cadre de vie de leurs résidents. L’affaire de l’Erika a ainsi vu les collectivités obtenir en appel la recevabilité de leur action civile tendant à la réparation du préjudice écologique (CA Paris, 30 mars 2010, 08/02278 Clemente et a. c/ Conseil Général de la Vendée et a.). Et depuis que la loi sur la protection de la biodiversité a inscrit dans le code civil le principe selon lequel « Toute personne responsable d’un préjudice écologique est tenue de le réparer » (art. 1246), il est désormais acquis que « les collectivités territoriales et leurs groupements dont le territoire est concerné » (art. 1248) ont vocation à déclencher les actions judiciaires permettant la réparation de ce nouveau chef de préjudice. Un arrêt récent de la Cour de cassation (Cass. crim., 2 mai 2018, n° 17-82.854.) signalé par Thierry Fossier (Droit de l’environnement, n°271, oct. 2018, p. 329), doit retenir l’attention car il systématise finalement cette solution, aux atteintes à l’environnement constitutives d’une infraction pénale  trouvant leur base légale dans une règle du code de l’environnement et méconnue sur le territoire communal. La Cour d’appel de Chambéry avait déclaré une société et son gérant coupables de construction ou aménagement de terrain sur la commune de Veyrier- du-Lac dans une zone interdite par un plan de prévention des risques naturels (PPRN) et les a respectivement condamnées au paiement d’une amende de 5 000 euros dont 2 000 euros avec sursis, et de 10 000 euros, dont 5 000 euros avec sursis. Ce faisant la Cour avait aggravé les sanctions infligées par les premiers juges. Mais la Cour de cassation relève que cette aggravation de la peine est intervenue sans prendre en compte les ressources et les charges des prévenus, pour considérer que la cour d’appel n’a pas justifié sa décision. En effet « en matière correctionnelle, le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision au regard des circonstances de l’infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges ». Mais pour l’environnementaliste cette censure doit sans doute moins retenir l’attention que le rejet en ces termes du 3ème moyen du pourvoi : « Attendu que, pour confirmer le jugement ayant condamné les prévenus à verser un euro de dommages-intérêts à la commune de Veyrier- du-Lac, l’arrêt retient que celle-ci justifie d’un préjudice en relation directe et certaine avec les faits objet de leur condamnation ; Attendu qu’en prononçant ainsi, et dès lors que la méconnaissance des règles du code de l’environnement cause nécessairement un préjudice à la commune, la cour d’appel a justifié sa décision ». Si une commune est effectivement recevable à se constituer partie civile contre la personne qui réalise des travaux sur son territoire en méconnaissance d’une règle d’urbanisme (Cass crim 4 avril 2018, n°17-81083), c’est la première fois que la Haute juridiction décline cette solution à propos d’une règle qu’elle qualifie expressément « d’environnementale ». Reste que les dispositions d’un PPRN pour trouver leur cadre juridique dans le code de l’environnement constituent des servitudes à annexer au Plans Locaux d’Urbanisme et se trouvent sanctionner au titre du code de l’urbanisme (cf. L 480-4 CU et L562-5 code de l’environnement). En tout état de cause, cette reconnaissance large de la compétence de la commune pour sanctionner civilement les atteintes à l’environnement sur son territoire lève l’obstacle de la démonstration de l’exercice d’une compétence administrative. Comme l’avait d’ailleurs relevé la Cour d’appel de Paris dans l’affaire de l’Erika lorsqu’elle avait consacré le préjudice écologique :  « Il n’est donc pas nécessaire, comme l’ont énoncé les premiers juges, que les collectivités territoriales disposent d’une compétence spéciale en matière d’environnement leur conférant une responsabilité particulière pour la protection, la gestion et la conservation d’un territoire pour demander réparation des atteintes à l’environnement causées sur ce territoire par l’infraction, condition nécessaire pour leur reconnaître un préjudice direct » (CA Paris, 30 mars 2010, 08/02278 Clemente et a. c/ Conseil Général de la Vendée et a.).  

Le droit répressif des ICPE en pratique : le bilan critique du CGEDD

Par Maître Ségolène REYNAL (Green Law Avocats) Le Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable (CGEDD) a commis un rapport sur l’utilisation des sanctions introduites par l’ordonnance n°2012-34 du 11 janvier 2012 réformant la police de l’environnement, dont le texte est entré en application le 1er juillet 2013. Le Conseil fait trois constatations. I/ L’ordonnance 2012-34 a fait évoluer le régime juridique de façon majeure Avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance il existait 27 polices spéciales de l’environnement. Cette multiplicité de dispositions illustrait un manque de cohérence. C’est pourquoi l’ordonnance n°2012-34 a procédé à l’harmonisation de ces législations en renforçant les outils visant à réprimer des situations irrégulières qui conduisent à des atteintes à l’environnement et/ou faussent la concurrence entre les entreprises. Son objectif est de simplifier, réformer et unifier les dispositions de police administrative et judiciaire du Code de l’environnement. L’ordonnance a introduit de nouvelles sanctions : au plan administratif l’amende et l’astreinte administrative, et au plan pénal la transaction pénale et l’audition pénale (introduite par l‘article L.172-8 du Code de l’environnement, lui-même visé par l’ordonnance). La circulaire de la DGPR du 19 juillet 2013 en fixe les conditions d’application. Que ce soit par sa nature ou par sa taille, chaque ICPE appelle des pratiques et des choix de sanctions appropriés. En élargissant la palette des sanctions possibles, l’ordonnance marque une avancée dans la capacité d’adaptation de l’action publique. Rappelons que le contrôle des ICPE est opéré soit de manière planifiée soit sur plainte. Les visites conduisent à des constats qui sont classables en trois catégories : les infractions délictuelles, les non conformités aux prescriptions et le manque de renseignements. Les inspecteurs de l’environnement disposent désormais de cinq modalités de sanctions administratives : la consignation ; les travaux d’office ; la suspension du fonctionnement de l’installation ; l’amende et l’astreinte. Les deux dernières sanctions ont été prévues par l’ordonnance n°2012-34. L’amende administrative est la seule sanction pécuniaire, tandis que l’astreinte est une mesure de coercition visant à obtenir la satisfaction des motifs de la mise en demeure. La transaction pénale permet d’accélérer le traitement des infractions modérées et non intentionnelles. Elle est plus souple et plus rapide que les poursuites pénales. Elle s’inscrit dans une logique de proportionnalité de la réponse pénale. L’audition pénale par les inspecteurs ICPE doit permettre de consolider les enquêtes préalables aux poursuites. La circulaire CRIM/2017/G3 du 20 mars 2017 encadre cette possibilité. Néanmoins l’audition pénale est peu plébiscitée par l’inspection des installations classées. La réglementation des installations classées intègre parfaitement la notion de « droit à l’erreur » à travers l’exercice du contradictoire et la possibilité de prendre en compte les observations de l’exploitant, suite à une mise en demeure. Par ailleurs, les inspecteurs de l’environnement équilibrent bien les fonctions de conseil et le contrôle. A ce jour aucun contentieux spécifique aux nouvelles sanctions n’a été porté à la connaissance de la mission. Les préfets ont « compétence liée » en matière de mise en demeure et de sanctions administratives. Au pénal, le procureur a autorité sur les inspecteurs de l’environnement. II/ Une disparité frappante dans l’application des mesures : une harmonisation inachevée Il ressort du bilan réalisé par le CGEDD que les nouvelles sanctions prévues par l’ordonnance n°2012-34 répondent aux principes d’efficacité, d’équité d’exemplarité auxquels les services sont tenus. Néanmoins un certain nombre de difficultés dans la mise en place de ces mesures apparait. Le Conseil constate d’abord une application localisée dans certaines régions. En 2016, seules 5 régions dépassent plus de 10 procédures – amendes et astreintes- quand, dans six régions, aucun des départements n’en a mis en œuvre. Peu de service ont mis en œuvre la transaction pénale. Dans les régions où les mesures ont été éprouvées, seule la mise en œuvre des amendes et astreintes administratives a augmenté. Sur l’année 2015/2016, les amendes ont augmenté de 100% et les astreintes administratives de 65%. D’une manière générale, les procédures de mise en demeure permettent d’aboutir aux mises en conformité requises. Les difficultés évoquées ont plusieurs causes :  L’incohérence perçue de certains textes relatifs aux polices de l’environnement (montant des amendes, différences sur leur maximum et sur leur « proportionnalité ») Le défaut de références (absence de barème d’amende et d’astreinte) Les freins à la recherche d’efficacité dans la conduite des procédures (mise en œuvre de l’autorisation environnementale qui limite les capacités de projection des services vers d’autres procédures et la complexité de la chaîne de recouvrement des amendes et astreintes) La difficulté d’apprentissage et de maitrise d’une nouvelle procédure (identification du destinataire de la sanction, imputation des amendes, justification des montants) La relation avec les parquets est contrastée. Les consignes qu’ils donnent sont favorables aux alternatives aux poursuites quand les atteintes à l’environnement sont faibles et quand il peut y être remédié efficacement. En revanche les infractions seraient poursuivies dans les autres cas. En sens inverse, les services des ICPE craignent que leur mise en action de procédures pénales ne soit pas suivies d’effet. Cela peut conduire à ne pas mettre en œuvre les poursuites pénales alors que le contexte le justifierait. De telles situations sont inconfortables et malvenues au regard du principe d’équité. Elles renvoient au besoin de disposer de lignes directrices claires de la part de chaque parquet au travers du protocole que prévoit la circulaire CRIM/2015-9/G4 du 21 avril 2015 du ministre de la justice. A titre d’exemple les services des ICPE de Bretagne ont signé un protocole avec chaque procureur de la région concernant les procédures pénales en matières d’ICPE agricoles. Il faut bien garder en tête que les ICPE regroupent des réalités très diverses qu’il faut prendre en compte. Les stratégies et les pratiques doivent s’adapter à chaque ICPE en distinguant un effet « taille » de l’installation, un effet « chiffre d’affaires » et un effet « type d’activité ». Il est recommandé d’adapter sa façon de dialoguer avec les exploitants, sa manière de fonder les mises en demeure puis de prononcer les sanctions en tenant compte de la singularité de chaque ICPE. En conclusion, il semble selon le rapport que peu de services aient replacé et exploité les apports de l’ordonnance de 2012…