Modification d’un PLU demandée par le préfet : nouvelle enquête publique nécessaire

Modification d’un PLU demandée par le préfet : nouvelle enquête publique nécessaire

Par Mathieu DEHARBE, Juriste (Green Law Avocats)

Dans son arrêt du 13 juin 2024 n° 473684 (téléchargeable ici), le Conseil d’État a jugé que l’adoption d’un nouveau plan local d’urbanisme (PLU), modifié à la demande du préfet sur le fondement de l’article L.153-25 du Code de l’urbanisme, nécessitait une nouvelle enquête publique lorsque lesdites modifications portent atteinte à l’économie générale du plan.

En effet, ces dispositions admettent sur certains motifs que, dans le mois suivant la transmission de la délibération approuvant un PLU portant sur un territoire n’étant pas soumis à un schéma de cohérence territoriale (SCoT), le préfet peut demander à ses auteurs d’apporter les modifications qu’il estime nécessaires pour devenir exécutoire.

L’intérêt pour agir, les circonstances particulières et le Code de l’urbanisme

L’intérêt pour agir, les circonstances particulières et le Code de l’urbanisme

Par Frank ZERDOUMI, Juriste et docteur en droit public (Green Law Avocats)

Au sens de l’article L. 600-1-2 du Code de l’urbanisme, le Tribunal administratif de Marseille a considéré, fort logiquement, que les requérants, voisins immédiats du projet, justifiaient d’un intérêt pour agir. Restait à traiter le problème des renseignements erronés donnés par la commune.

L’article L. 600-1-3 du Code de l’urbanisme prévoit que : «Sauf pour le requérant à justifier de circonstances particulières, l’intérêt pour agir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager s’apprécie à la date d’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire.»

Fort de cet article, le Tribunal administratif qualifie alors ces renseignements de circonstances particulières, ce qui lui permet d’échapper à la cristallisation de l’intérêt pour agir à la date de l’affichage de la demande.

Le R. 424-1 ne laisse pas le choix dans la date !

Le R. 424-1 ne laisse pas le choix dans la date !

Par Frank ZERDOUMI, juriste et docteur en droit public (Green Law Avocats)

La commune établissait la remise du pli comportant la notification de la décision de sursis à statuer à La Poste le mardi 15 janvier 2019 à 15 heures, pour être notifiée au plus tard le 17 janvier, donc avant l’expiration du délai d’instruction de trois mois de la demande de permis d’aménager. Sauf que la première présentation a eu lieu le 19 janvier.

Quelle était donc la date de référence ?

Pour le Conseil d’État, c’est la date de la première présentation du courrier au demandeur.

Le R111-2 pour gérer durablement la ressource en eau !

Le R111-2 pour gérer durablement la ressource en eau !

Par David DEHARBE, avocat gérant (Green Law Avocats)

En janvier 2023, neuf maires de la communauté de communes des Pays de Fayence ont pris la décision de refuser tout permis de construire portant sur de nouvelles habitations, et ce pendant une période de 5 ans.

Si ce type de délibération n’est pas en soi opposable aux demandes de permis de construire et d’occupation des sols, en tant qu’elles exigent un examen au cas par cas et neutre de la part l’autorité de police, la question se pose immanquablement de la prise en compte par les autorisations d’urbanisme de la ressource en eau à l’ère du dérèglement climatique.

C’est justement ce que juge de façon très intéressante le Tribunal administratif de Toulon dans un jugement du 23 février 2024, n° 2302433, (téléchargeable sur Doctrine).

Contentieux indemnitaire du PV urbanistique : compétence judiciaire

Par Maître Marie-Coline Giorno (Green Law Avocats) Aux termes d’une décision du 11 octobre 2021, le Tribunal des Conflits a décidé qu’un litige relatif à l’indemnisation du préjudice né de l’établissement ou de la transmission d’un procès-verbal d’infraction dressé en application de l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme à l’autorité judiciaire relevait de la juridiction judiciaire, sans qu’il soit besoin de déterminer si le dommage trouve son origine dans une faute de service ou dans une faute personnelle détachable (TC, 11 octobre 2021, n° C4220, mentionnée aux tables du recueil Lebon, consultable ici).  Cette décision vient fort logiquement compléter la jurisprudence relative à la répartition des compétences sur les préjudices nés d’actes de police judiciaire. Rappel des faits Dans cette affaire, un agent de la direction départementale des territoires (DDT) avait établi un procès-verbal d’infraction constatant, sur une parcelle de terrain, la construction d’un chalet en bois destiné à l’habitat d’une surface totale d’environ 40 m², ayant fait l’objet d’un refus de permis de construire le 31 mars 2008. A la suite de la transmission de ce procès-verbal à l’autorité judiciaire, le propriétaire du terrain a été poursuivi pour avoir exécuté des travaux non autorisés par un permis de construire mais a été relaxé par le tribunal correctionnel. Le 10 janvier 2019, le propriétaire du terrain a assigné l’agent de la DDT devant le tribunal de grande instance sur le fondement de l’article 1241 du code civil en lui reprochant d’avoir établi et transmis un procès-verbal mensonger. Par une ordonnance du 13 juin 2019, le juge de la mise en état de ce tribunal, saisi d’une exception d’incompétence, a dit que le litige relevait de la juridiction judiciaire. Par un arrêt du 27 février 2020, la cour d’appel a infirmé l’ordonnance au motif que la faute reprochée à l’agent de la DDT dans l’exercice de ses fonctions d’agent public n’était pas détachable du service et a décliné la compétence de la juridiction judiciaire. Le propriétaire du terrain a alors saisi le tribunal administratif d’une demande indemnitaire dirigée contre l’Etat qui a, par une ordonnance du 11 septembre 2020, rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître. Par un arrêt du 27 avril 2021, la cour administrative d’appel a considéré que le litige relevait de la compétence des juridictions judiciaires et a renvoyé, en conséquence, la question de compétence au Tribunal des Conflits, en application de l’article 32 du décret du 27 février 2015. Question de droit Le Tribunal des Conflits devait donc déterminer si un litige relatif à l’indemnisation du préjudice né de l’établissement ou de la transmission d’un procès-verbal d’infraction dressé en application de l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme à l’autorité judiciaire relevait de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif. Réponse du Tribunal des Conflits Le Tribunal des Conflits a jugé que l’action indemnitaire à la suite de la transmission au procureur de la République du procès-verbal constatant une infraction aux règles d’urbanisme relevait de la compétence de la juridiction judiciaire après avoir posé le principe suivant : « 5. Le procès-verbal d’infraction dressé en application de l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme ayant le caractère d’un acte de police judiciaire, le litige relatif à l’indemnisation du préjudice né de son établissement ou de sa transmission à l’autorité judiciaire relève de la juridiction judiciaire, sans qu’il soit besoin de déterminer si le dommage trouve son origine dans une faute de service ou dans une faute personnelle détachable. »  Analyse Cette attribution du litige à la juridiction judiciaire s’inscrit de façon très cohérente avec la jurisprudence existante. Certes, il existe un principe de répartition des compétences concernant les fautes causées par un agent public selon lequel : « la réparation de dommages causés par un agent public peut être demandée au juge judiciaire lorsqu’ils trouvent leur origine dans une faute personnelle de cet agent, au juge administratif lorsqu’ils trouvent leur origine dans une faute non détachable du service ou encore à l’un et l’autre des deux ordres de juridiction lorsqu’ils trouvent leur origine dans une faute qui, bien que personnelle, n’est pas dépourvue de tout lien avec le service ; qu’il en va ainsi indépendamment de la personne contre laquelle l’action est engagée ; » (TC, 15 juin 2015, n° C4007, Publié au recueil Lebon). Néanmoins, ce principe doit s’articuler avec celui selon lequel :  « les actes intervenus au cours d’une procédure judiciaire ou se rattachant directement à celle-ci ne peuvent être appréciés, soit en eux-mêmes, soit dans leurs conséquences, que par l’autorité judiciaire » (TC, 2 juillet 1979, n° 02134 ; voir également en ce sens, à propos spécifiquement d’un procès-verbal dressé en application de l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme, CE, 6 février 2004, n°256719, publié au recueil Lebon). De la combinaison de ces principes, le Tribunal des Conflits a déjà pu déduire que :  « sauf dispositions législatives contraires, la responsabilité qui peut incomber à l’Etat ou aux autres personnes morales de droit public en raison des dommages imputés à leurs services publics administratifs est soumise à un régime de droit public et relève en conséquence de la juridiction administrative ; qu’en revanche, celle-ci ne saurait connaître de demandes tendant à la réparation d’éventuelles conséquences dommageables de l’acte par lequel une autorité administrative, un officier public ou un fonctionnaire avise, en application des dispositions précitées de l’article 40 du code de procédure pénale, le procureur de la République, dès lors que l’appréciation de cet avis n’est pas dissociable de celle que peut porter l’autorité judiciaire sur l’acte de poursuite ultérieur » (TC, 8 décembre 2014, n° C3974, Publié au recueil Lebon) Il paraissait dès lors logique qu’une action en réparation fondée sur un manquement qu’aurait commis un agent public en dressant un procès-verbal en matière d’infraction d’urbanisme relève de la juridiction judiciaire, cette action se rattachant directement à une procédure judiciaire. Une solution similaire avait d’ailleurs déjà été adoptée concernant qu’une action en réparation fondée sur un manquement qu’aurait commis un agent public de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) en dressant des…