Le cadre juridique des Certificats d’Economie d’Energie (CEE) évolue !

Par Maître Graziella Dode Mis en place il y a 12 ans, le dispositif des Certificats d’Economie d’Energie (CEE) repose sur une obligation de réalisation d’économies d’énergie imposée par les pouvoirs publics aux vendeurs d’énergie, lesquels doivent promouvoir l’efficacité énergétique auprès des consommateurs d’énergie (ménages, collectivités territoriales ou professionnels). Le 1er janvier 2018, le dispositif est entré dans sa 4ème période d’obligation pour une durée de 3 ans. Rappelons tout d’abord le fonctionnement du dispositif des CEE (I), avant d’évoquer ses récentes évolutions (II). Le fonctionnement du dispositif des CEE  La loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique a créé les Certificatifs d’Economie d’Energie (CEE). Le dispositif, entré en vigueur en janvier 2006, est destiné à inciter à la réalisation d’économies d’énergie, principalement dans les secteurs du bâtiment, de l’industrie, des transports et des réseaux de chaleur. Il est repris dans le Code de l’énergie aux articles L. 221-1 et suivants, et R. 221-1 et suivants. Les personnes soumises à l’obligation d’économies d’énergies, visées par la loi Le principe des certificats repose sur une obligation de réalisation d’économies d’énergie imposée par les pouvoirs publics, sur une période donnée, à certains vendeurs d’énergie appelés “obligés”. L’article L. 221-1 du Code de l’énergie dispose ainsi : « Sont soumises à des obligations d’économies d’énergie : 1° Les personnes morales qui mettent à la consommation des carburants automobiles et dont les ventes annuelles sont supérieures à un seuil défini par décret en Conseil d’Etat. 2° Les personnes qui vendent de l’électricité, du gaz, du fioul domestique, de la chaleur ou du froid aux consommateurs finals et dont les ventes annuelles sont supérieures à un seuil défini par décret en Conseil d’Etat. Les ventes annuelles de fioul domestique des personnes morales exclues par le seuil fixé en application du 2° doivent représenter moins de 5 % du marché. Les obligations des personnes morales dont les ventes annuelles de fioul domestique dépassent le seuil fixé en application du 2° ne portent que sur les ventes supérieures à ce seuil. Les personnes mentionnées aux 1° et 2° peuvent se libérer de ces obligations soit en réalisant, directement ou indirectement, des économies d’énergie, soit en acquérant des certificats d’économies d’énergie. Une part de ces économies d’énergie doit être réalisée au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique. La définition des montants d’économies d’énergie à réaliser prend en compte les certificats d’économies d’énergie obtenus par la contribution à des programmes mentionnés au deuxième alinéa de l’article L. 221-7. » L’article L. 221-2 du même code précise : « A l’issue de la période considérée, les personnes mentionnées à l’article L. 221-1 justifient de l’accomplissement de leurs obligations en produisant des certificats d’économies d’énergie obtenus ou acquis dans les conditions prévues aux articles L. 221-7, L. 221-8 et L. 221-9. Afin de se libérer de leurs obligations, les personnes mentionnées aux 1° et 2° de l’article L. 221-1 sont autorisées à se regrouper dans une structure pour mettre en place des actions collectives visant à la réalisation d’économies d’énergie ou pour acquérir des certificats d’économies d’énergie. » A défaut d’être obtenus par un « obligé », les CEE peuvent être attribués à des personnes dites « éligibles » définies à l’article L. 221-7 du Code de l’énergie : Toute personne visée à l’article L. 221-1 (fournisseurs d’énergies notamment) ; Toute collectivité publique ; L’Agence nationale de l’habitat ; Tout organisme visé à l’article L. 411-2 du Code de la construction et de l’habitation (organismes d’habitation à loyer modéré) ; Toute société d’économie mixte exerçant une activité de construction ou de gestion de logements sociaux. Les personnes soumises à l’obligation d’économies d’énergies du fait de rapports contractuels Toute personne morale non visée par les dispositions précitées ne peut se voir attribuer de CEE, sauf si : Elle en achète aux obligés, aux éligibles ou à une personne morale en ayant acquis auprès d’elles. Les CEE sont en effet juridiquement qualifiés de biens meubles négociables et répondent ainsi à la logique de marché de l’offre de la demande, tel que le rappelle l’article L. 221-8 du Code de l’énergie. Ou si elle conclut un contrat de délégation avec des obligés. L’article R. 221-5 du Code de l’énergie envisage ainsi la possibilité de devenir délégataire de CEE : « Une personne soumise à une obligation d’économies d’énergie en application de l’article R. 221-3 peut, pour l’obligation de chacune des périodes définies à l’article R. 221-4, ainsi que pour celle définie à l’article R. 221-4-1 : 1° Déléguer la totalité de son obligation d’économies d’énergie de la période à un tiers ; 2° Déléguer une partie de son obligation d’économies d’énergie de la période à un ou plusieurs tiers. Dans ce cas, le volume de chaque délégation partielle ne peut pas être inférieur à 1 milliard de kWh cumac. Sous réserve des dispositions de l’article R. 221-7, une personne ayant délégué la totalité de ses obligations individuelles n’est plus considérée comme une personne soumise à une obligation d’économies d’énergie. » Ce dernier alinéa nous invite à souligner le fait qu’« en cas de défaillance du délégataire, les obligations individuelles définies en application des articles R. 221-4 et R. 221-4-1 sont remises à la charge de chaque délégant. Lorsqu’il est mis fin par les parties au contrat de délégation, l’obligation individuelle revient au délégant et le délégataire n’est plus considéré comme une personne soumise à une obligation d’économies d’énergie pour cette obligation individuelle. Le ministre chargé de l’énergie est informé par les parties de la fin du contrat de délégation d’obligation dans un délai d’un mois » (article R. 221-7 du Code de l’énergie). L’article R. 221-5 du Code de l’énergie ajoute que le délégataire doit justifier : Ne pas faire partie des personnes mentionnées au 2° de l’article 45 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ; Pour la période d’obligation concernée, d’un volume d’au moins 150 millions de kWh cumac d’obligations reçues de personnes soumises à une obligation d’économies d’énergie….

Publication de la loi de ratification de l’Ordonnance portant réforme du droit des contrats

Par Me Graziella Dode – Avocat et Franklin Lamouroux, juriste stagiaire Green Law Avocats   Après un an et demi d’attente, la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (que nous avions commenté ici) a enfin été publiée, le 21 avril 2018. Cette loi entrera en vigueur le 1er octobre 2018. Néanmoins, compte tenu du caractère impératif de certaines modifications apportées au Code civil par rapport à la réforme initiale, certaines dispositions entreront en vigueur rétroactivement au 1er octobre 2016 (voir tableau ci-dessous). Il est ici fait exception au principe défini à l’article 2 du Code civil en vertu duquel une loi ne peut pas être rétroactive : en effet, une loi civile de nature interprétative peut rétroagir à la date de la loi qu’elle interprète. La loi publiée répond aux critiques formulées par la doctrine et les praticiens concernant certaines modifications des articles du Code Civil par l’ordonnance du 10 février 2016. Nous aurons l’occasion de revenir de manière plus détaillée sur ces imprécisions dans un prochain article, ainsi que sur les divergences entre l’Assemblée Générale et le Sénat s’agissant des modifications à apporter. *** Tableau récapitulatif des modifications des dispositions du Code civil : Rédaction initiale applicable aux contrats conclus depuis le 1-10-2016 (Issue de l’ordonnance 2016-131 du 10-2-2016)   Rédaction rétroactivement applicable aux contrats conclus depuis le 1-10-2016 (Modifications interprétatives issues de la loi 2018-287)   Rédaction applicable aux seuls contrats conclus à compter du 1-10-2018 (Modifications de fond issues de la loi 2018-287)   SOURCES Art. 1110 Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont librement négociées entre les parties.   IDENTIQUE Art. 1110 Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont négociables entre les parties.      Le contrat d’adhésion est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties.   IDENTIQUE  Le contrat d’adhésion est celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties.     Art. 1112 L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi. En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat non conclu.   Art. 1112 L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi. En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser nila perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d’obtenir ces avantages.   IDENTIQUE   Art. 1117 L’offre est caduque à l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l’issue d’un délai raisonnable. Elle l’est également en cas d’incapacité ou de décès de son auteur.   IDENTIQUE Art. 1117 L’offre est caduque à l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l’issue d’un délai raisonnable. Elle l’est également en cas d’incapacité ou de décès de son auteur, ou de décès de son destinataire.     Art. 1137 Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.   IDENTIQUE Art. 1137 Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie. Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.     Art. 1143 Il y a également violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif.   Art. 1143 Il y a également violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif.   IDENTIQUE   Art. 1145 Toute personne physique peut contracter sauf en cas d’incapacité prévue par la loi. La capacité des personnes morales est limitée aux actes utiles à la réalisation de leur objet tel que défini par leurs statuts et aux actes qui leur sont accessoires, dans le respect des règles applicables à chacune d’entre elles.   IDENTIQUE Art. 1145 Toute personne physique peut contracter sauf en cas d’incapacité prévue par la loi. La capacité des personnes morales est limitée par les règles applicables à chacune d’entre elles.   BRDA 21/17 inf. 24 n° 14.   Art. 1161 Un représentant ne peut agir pour le compte des deux parties au contrat ni contracter pour son propre compte avec le représenté. En ces cas, l’acte accompli est nul à moins que la loi ne l’autorise ou que le représenté ne l’ait autorisé ou ratifié.   IDENTIQUE Art. 1161  En matière de représentation des personnes physiques, un représentant ne peut agir pour le compte de plusieurs parties au contrat en opposition d’intérêts ni contracter pour son propre compte avec le représenté. En ces cas, l’acte accompli est nul à moins que la loi ne l’autorise ou que le représenté ne l’ait autorisé ou ratifié.     Art. 1165 Dans les contrats de prestation de service, à défaut d’accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d’en motiver le montant en cas de contestation. En cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d’une demande en dommages et intérêts.   Art. 1165 Dans les contrats de prestation de service, à…

Mobiliers urbains sur le Domaine Public : quelles conditions pour conclure une Concession de Service sans publicité ni mise en concurrence préalables ? (CE, 5 fév.2018)

Par Me Thomas RICHET- GREEN LAW AVOCATS Par un arrêt n°416581 rendu le 5 février 2018, le Conseil d’Etat rappelle les différentes conditions nécessaires à la conclusion d’une concession de service sans publicité ni mise en concurrence préalables. Ces conditions avaient été fixées récemment par la Haute juridiction (Cf. Conseil d’Etat, 4 avril 2016, Communauté d’agglomération du centre de la Martinique, req. n° 396191 et Conseil d’Etat, 14 février 2017, Société de manutention portuaire d’Aquitaine et Grand Port Maritime de Bordeaux, req. n° 405157, Publié au recueil Lebon). Dans cette affaire, le conseil de Paris avait approuvé par une délibération n° 2017 DFA 86 de novembre 2017 l’attribution, sans publicité ni mise en concurrence préalables, d’un projet de contrat de concession de service provisoire relatif à l’exploitation de mobiliers urbains d’information à caractère général ou local supportant de la publicité avec la société des mobiliers urbains pour la publicité et l’information (ci-après « SOMUPI »). Cette concession de service avait été conclue suite à une première annulation en avril 2017 d’une procédure de passation, cette fois-ci avec publicité et mise en concurrence préalables, d’une concession de service qui portait sur la même prestation (Cf. Tribunal administratif de Paris, 21 avril 2017, n° 1705054 et n° 1704976 ; confirmé par Conseil d’Etat, 18 septembre 2017, n°410336). La concession signée de gré à gré à la suite à la délibération n° 2017 DFA 86 a été rapidement contestée par deux concurrents (les sociétés Exterion Media France et Clear Channel France) et sa procédure de passation annulée par deux ordonnances du juge des référés précontractuels du Tribunal administratif en date du 5 décembre 2017. Un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat a été formé par la ville de Paris et la SOMUPI. Nous reviendrons successivement sur l’appréciation du Conseil d’Etat sur chacune des conditions nécessaires à la conclusion d’une telle concession, puis sur les autres questions tranchées par l’arrêt. Sur les conditions nécessaires au recours à une concession de service sans publicité, ni mise en concurrence préalables Concernant ces conditions, le Conseil d’Etat rappelle : « qu’en cas d’urgence résultant de l’impossibilité dans laquelle se trouve la personne publique, indépendamment de sa volonté, de continuer à faire assurer le service par son cocontractant ou de l’assurer elle-même, elle peut, lorsque l’exige un motif d’intérêt général tenant à la continuité du service public conclure, à titre provisoire, un nouveau contrat de concession de service sans respecter au préalable les règles de publicité prescrites ; que la durée de ce contrat ne saurait excéder celle requise pour mettre en œuvre une procédure de publicité et de mise en concurrence, si la personne publique entend poursuivre l’exécution de la concession de service ou, au cas contraire, lorsqu’elle a la faculté de le faire, pour organiser les conditions de sa reprise en régie ou pour en redéfinir la consistance ».   Trois conditions sont donc examinées par le juge : La présence d’un motif d’intérêt général tenant à la continuité du service public. L’urgence qui résulte de l’impossibilité pour la personne publique d’assurer ou de faire assurer le service. Cette condition doit être appréciée indépendamment de la volonté de la personne publique. Le caractère provisoire de la concession. Concernant le motif d’intérêt général tenant à la continuité du service public, le juge a estimé en l’espèce qu’il n’existait pas de risque de rupture de la continuité du service public d’information municipale en cas d’interruption du service d’exploitation du mobilier urbain d’information. Ce risque doit être écarté du fait des nombreux autres moyens dont dispose la ville de Paris pour assurer la continuité de l’information municipale. A ce titre, le juge cite les « moyens de communication, par voie électronique ou sous la forme d’affichage ou de magazines, dont dispose la ville de Paris ». La ville de Paris avançait également l’argument selon lequel la conclusion d’un tel contrat, à titre provisoire et de gré à gré, permettait de sauvegarder son intérêt financier lié aux redevances qui étaient reversées par les concessionnaires du mobilier urbain. Cependant, le juge administratif rappelle que : « le motif d’intérêt général permettant, à titre dérogatoire, de conclure un contrat provisoire dans les conditions mentionnées au point précédent doit tenir à des impératifs de continuité du service public » (Cf. considérant 5 de l’arrêt commenté). Concernant l’urgence à conclure une concession de service sans publicité, ni mise en concurrence préalables, le Conseil d’Etat a considéré que la situation dans laquelle se trouvait la ville de Paris n’était pas indépendante de sa volonté. Le juge relève à ce titre qu’alors que la procédure de passation initiale avait été annulée en avril 2017, ce n’est qu’en novembre de la même année que la ville de Paris a décidé de recourir à la procédure d’une concession de service sans publicité, ni mise en concurrence préalables.   Concernant le caractère provisoire de la concession de service, on ignore l’analyse de la Haute juridiction sur cette dernière condition. Il n’y était pas tenu puisque les autres conditions n’étaient pas remplies. Cependant, à la lecture des conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public dans cette affaire, on comprend que cette condition faisait également défaut. En effet, la durée qui était fixée à 20 mois paraissait excessive. Sur les autres questions tranchées par l’arrêt Deux autres points abordés par l’arrêt commenté doivent être mentionnés. Tout d’abord, sur la possibilité pour la ville de Paris de recourir au décret du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession qui prévoit la possibilité de recourir à une concession sans publicité ni mise en concurrence préalables. En effet, il convient de relever qu’il existe également au sein des textes instituant le régime juridique des concessions de services une hypothèse permettant aux acheteurs de conclure ce type de concession (Cf. Ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession et Décret n° 2016-86 du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession). Ainsi, l’article 11 du décret précité dispose en effet que : « Les contrats de concession peuvent être conclus sans publicité ni mise en concurrence préalables dans les…

Electricité / TURPE 5 : Annulation a minima, partielle, et reportée dans le temps par le Conseil d’Etat

Par Thomas RICHET – Green Law Avocats Par un arrêt rendu le 9 mars 2018, le Conseil d’Etat a annulé partiellement les délibérations de la Commission de Régulation de l’énergie (CRE) à l’origine du nouveau Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics de distribution d’Electricité (TURPE) dit « TURPE 5 ». (Conseil d’Etat, 9ème et 10ème chambres réunies, 9 mars 2018, n°407516). L’élaboration des TURPE est prévue aux articles L. 341-3 et suivants du code de l’énergie. La CRE a pour mission de fixer la méthode de calcul de ces tarifs qui doivent couvrir les coûts d’exploitation, d’entretien et de développement supportés par les gestionnaires de réseaux publics de distribution d’électricité, en ce compris les coûts liés au capital investi pour permettre le financement du développement des réseaux de distribution (article L. 341-2 du code de l’énergie). C’est dans ce cadre juridique que la CRE a, par deux délibérations en date du 17 novembre 2016 et du 19 janvier 2017, fixé la méthode de calcul du nouveau TURPE 5. La société ENEDIS, la société EDF, la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer et la fédération CFE-CGC ENERGIES ont demandé au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir ces deux délibérations. Les requérants avaient soulevé cinq moyens relatifs : A la régularité de la procédure à l’issue de laquelle les délibérations attaquées ont été adoptées ; A la prise en compte des orientations politique énergétique définies par le gouvernement ;  Au mécanisme de régulation incitative mis en place par la CRE ;  aux coûts pris en compte pour la détermination des tarifs d’utilisation réseau public d’électricité ;  et enfin à la structure du tarif. Le Conseil d’Etat n’a retenu que le seul moyen tenant à l’illégalité de la méthode de calcul permettant de déterminer le coût du capital investi par le gestionnaire de réseau pris en compte dans le calcul du TURPE. En effet, le juge administratif a considéré que : « les requérants sont seulement fondés à demander l’annulation de la délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 17 novembre 2016 qu’ils attaquent en tant qu’elle n’a pas fait application, pour la détermination du coût du capital investi, en plus de la « prime de risque » du taux « sans risque » aux actifs correspondant, d’une part, aux immobilisations ayant été financées par la reprise, au moment du renouvellement effectif des ouvrages, de provisions constituées lors de la période tarifaire couverte par les tarifs dits « TURPE 2 », pour leur fraction non encore amortie, et d’autre part, aux ouvrages remis par les autorités concédantes au gestionnaire de réseau au cours de cette même période tarifaire, pour cette même fraction. Ils sont par suite également fondés à demander l’annulation de la délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 19 janvier 2017 en tant qu’elle a décidé qu’il n’y avait pas lieu de modifier sa première délibération sur ces points » (paragraphe 56 de l’arrêt). Cependant, le Conseil d’Etat a décidé de faire application de sa jurisprudence AC ! (Conseil d’Etat, Assemblée, 11 mai 2014, n°255886, Association AC !, Publié au recueil Lebon) et de moduler dans le temps les effets de sa décision au motif que : « le tarif fixé par la délibération attaquée de la Commission de régulation de l’énergie s’est appliqué à compter du 1er août 2017 et pendant une durée qui, à la date de la présente décision, est inférieure à huit mois. Par ailleurs, l’annulation de cette délibération, telle que définie au point 56 ci-dessus, aurait pour conséquence, s’agissant des effets qu’elle a produits depuis le 1er août 2017, de contraindre le gestionnaire de réseau à adresser à l’ensemble des utilisateurs du réseau public de distribution d’électricité, qui acquittent les tarifs d’utilisation, des factures rectificatives. Ces circonstances justifient que le juge fasse usage de son pouvoir de modulation dans le temps des effets de cette annulation et il y a lieu de prévoir que les effets produits, dans la seule mesure de cette annulation, par la délibération attaquée, seront regardés comme définitifs. Il y a également lieu de ne prononcer cette annulation qu’à compter du 1er août 2018. » (Paragraphe 58 de l’arrêt). En synthèse, le Conseil d’État rejette l’essentiel des critiques dirigées contre ces délibérations mais prononce toutefois une annulation très partielle, s’agissant des modalités de prise en compte, dans le calcul des tarifs, des charges afférentes au capital investi pour permettre le financement du développement de ces réseaux.

Processus d’évaluation environnementale : systématisation de la phase de dialogue entre le porteur du projet et l’autorité environnementale en amont de l’enquête publique (loi n° 2018-148 du 2 mars 2018 ratifiant les ordonnances relatives à l’évaluation environnementale, à l’information et à la participation du public)

Par Me Sébastien BECUE- Green Law Avocats   Le grand public a récemment pu mesurer l’importance cruciale du processus d’évaluation environnementale, propulsé au cœur du ballet médiatique par deux décisions successives des tribunaux administratifs de Paris et de Cergy-Pontoise qui annulent respectivement : la délibération autorisant la piétonnisation des berges de la rive droite de la Seine parisienne, et l’arrêté préfectoral créant la zone d’aménagement concerté du Triangle de Gonesse, au sein de laquelle doivent être réalisés une gare du Grand Paris Express, un centre d’affaires, et le monumental projet de centre commercial « Europacity » du groupe Auchan. Dans les deux cas, les tribunaux rappellent que les insuffisances de l’évaluation environnementale qui fondent l’annulation des deux décisions avaient été pointées de manière précise par l’autorité environnementale. Ces décisions doivent agir comme une piqure de rappel de l’impérativité pour les porteurs de projets de ne pas laisser leur demande d’autorisation partir en enquête publique sans avoir répondu méthodiquement aux critiques de l’autorité environnementale, ou de les avoir satisfaites par la production des compléments sollicités. En effet, après le passage en enquête publique, le dossier est figé dans ses éléments principaux : le principe d’information du public tel qu’interprété par la jurisprudence empêche toute évolution significative ultérieure, sauf à organiser une enquête publique complémentaire. Une telle enquête peut être une solution mais elle implique un retard dans le développement du projet qui peut parfois s’avérer problématique. Une fois l’autorisation délivrée, les opposants au projet piochent au sein les critiques de l’autorité environnementale consignées dans l’avis pour nourrir leur recours. Or, plus la réponse du porteur du projet à l’avis est développée et justifiée techniquement, moins la portée de l’avis de l’AE, au contentieux, se révèle absolue. Pour ces raisons, bon nombre de porteurs de projets habitués des procédures d’autorisation répondent déjà de manière argumentée aux avis des autorités environnementales au moyen d’un mémoire en réponse. Mais cette pratique reste encore trop peu répandue chez certains pétitionnaires, du fait soit qu’ils méconnaissent même cette possibilité, soit qu’ils la jugent trop coûteuse : la production d’un document complémentaire sérieux implique généralement d’avoir à nouveau recours à un bureau d’études. Toutefois, la pratique est désormais systématisée : la loi n° 2018-148 du 2 mars 2018 ratifiant les ordonnances relatives à l’évaluation environnementale, à l’information et à la participation du public, impose désormais : une réponse du maître d’ouvrage à l’avis de l’autorité environnementale, et l’inclusion de cette réponse dans le dossier d’enquête. C’est une véritable opportunité pour les porteurs de projets de sécuriser au mieux leurs dossiers.