Avis critique de l’AE sur deux SRADDET (AURA et Hauts de France)

Par Me Sébastien BECUE – avocat of counsel Deux SRADDET ont donné lieu à des avis intéressants de l’autorité environnementale en région AURA et en Hauts de France. Avis de l’Autorité environnementale (AE) sur le SRADDET de la région Auvergne-Rhône-Alpes : point sur les ENR L’AE salue dans son avis « des objectifs relativement ambitieux de développement des énergies renouvelables » (+54% d’ici 2030) : En ce qui concerne l’éolien et l’hydrogène, il est intéressant de constater que l’Autorité environnementale critique le choix effectué de prévoir des mesures qui vont au-delà de ce que prévoit la règlementation nationale et tendent en réalité à restreindre les possibilités de développement : Pour l’éolien, le SRADDET prévoit que les dossiers de demande soient transmises au Préfet « avec l’avis favorable de toutes les collectivités impactées ». L’application d’un telle règle, outre qu’elle serait hypothétique car illégale (la fixation de telles règles de procédure n’entrant évidemment pas dans la compétence régionale), rendrait quasi-impossible le développement d’un projet éolien. S’agissant de l’hydrogène, le SRADDET prévoit que « afin  de  maintenir  un  équilibre économique pérenne autour d’une station de distribution et/ou de production d’énergie (ou d’une station multi énergies) permettant une mobilité décarbonée efficace sur le territoire d’Auvergne-Rhône-Alpes, les documents de planification et d’urbanisme devront prévoir un zonage permettant de respecter une zone de chalandise dans laquelle il ne sera pas possible d’installer une nouvelle station à énergie décarbonée. Cette zone de chalandise, propre à chaque station, dépendra de la densité de population et d’une distance minimum». Pour l’AE, s’il faut évidemment structurer le maillage des stations de recharge hydrogène, cette règle doit être modifiée a minima « pour n’interdire, dans les zones de chalandise imposées par cette règle, que la création de stations de recharge en hydrogène qui entreraient en concurrence avec celles déjà installées » L’AE critique le traitement commun de la biomasse comme source d’énergie et la méthanisation et critique le fait que la réalisation des objectifs spécifiques à la biomasse nécessiterait l’import de bois de pays étrangers, pratique au coût environnemental élevé… Enfin, en ce qui concerne le développement de l’hydroélectricité, l’AE s’étonne du fait que le rapport d’objectifs ne traite pas de l’enjeu majeur de cette source d’énergie, le respect des exigences de continuité écologique. Avis de l’Autorité environnementale (AE) sur le SRADDET de la région Hauts-de-France : point sur les ENR L’AE note dans son avis que le projet rappelle « que la  région  Hauts-de-France  est parmi  les  plus  énergivores  de  France (consommations d’énergie et émissions de gaz à effet de serre 30 % supérieures à la moyenne nationale), principalement du fait des usages industriels ». Le choix d’un « triple moratoire » concernant   l’éolien, le bois énergie et les biocarburants est très critiqué par l’AE, qui relève sa possible incompatibilité avec la loi de transition énergétique voire même avec le principe de non-régression environnementale. L’AE appuie particulièrement sur le choix fait de prévoir un objectif de stabilisation de l’énergie éolienne, en proposant à la place une adaptation des objectifs de production selon les territoires.

L’INDEPENDANCE DE L’AUTORITE ENVIRONNEMENTALE SE DECRETE

Par David DEHARBE (Green Law Avocats) david.deharbe@green-law-avocat.fr En réponse à l’arrêt du Conseil d’Etat du 6 décembre 2017 (CE, 6 décembre 2017, n° 400559) le Gouvernement a soumis un projet de décret à consultation publique du 6 au 28 juillet 2018 : cf. Projet de décret portant réforme de l’autorité environnementale des projets et apportant diverses modifications aux codes de l’environnement, de la sécurité sociale et de l’urbanisme. En effet, tel qu’évoqué dans un précédent article (L’autorité environnementale est morte, vive l’autorité environnementale !), par cet arrêt le Conseil d’Etat a annulé le décret n° 2016-519 du 28 avril 2016 portant réforme de l’autorité environnementale en tant qu’il désignait, à l’article R. 122-6 du Code de l’environnement, le préfet de région à la fois comme autorité instructrice ou décisionnaire et autorité environnementale pour les projets mentionnés à l’article L. 122-1 du même code. La Haute juridiction a rappelé à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE, 20 octobre aff. C-474/10) qu’« il résulte clairement des dispositions de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011 que, si elles ne font pas obstacle à ce que l’autorité publique compétente pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d’ouvrage soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce qu’une entité administrative, interne à celle-ci, dispose d’une autonomie réelle ». Au regard de ces dispositions le Conseil d’Etat a validé, en matière de plans et programmes, la qualification d’autorité environnementale des Missions Régionales de l’Autorité environnementale (MRAe) en ce qu’elles respectent cette « séparation fonctionnelle » avec l’autorité à l’origine de l’élaboration de ces documents. L’indépendance étant le mot-clé de cette procédure, l’enjeu réside dans l’organisation de l’autorité environnementale des projets qui doit répondre aux exigences européennes. Ainsi, le Gouvernement n’a pas seulement suivi les exigences rappelées par le Conseil d’Etat, mais a tout simplement de nouveau désigné les MRAe comme compétentes en matière d’avis environnementale non plus seulement pour les plans et programmes, mais également pour les projets. Ce projet de décret qui qualifie les MRAe d’autorité environnementale des projets s’explique pour deux raisons selon le Gouvernement. D’une part, le Conseil d’Etat a déjà jugé conforme la qualification de ces dernières comme autorité environnementale en matière de plans et programmes, ce qui permet de répondre à cette exigence d’autonomie. Or pour exercer cette compétence, chaque mission régionale bénéficiera, comme pour les plans et programmes, de l’appui d’agents du service régional chargé de l’environnement placés sous l’autorité fonctionnelle du président de la mission régionale.  D’autre part, la nécessité d’une sécurité juridique car depuis cet arrêt la MARe a validé un certain nombre de projets. Pour autant, cette solution semble loin d’être idéale. Premièrement, les décisions de cas par cas demeurent du ressort du préfet de région (cf. C.env. art. L. 122-1, IV., modifié par le projet de décret), ce qui revient à admettre que ce dernier peut dispenser d’étude d’impact un projet dont il délivrera l’autorisation… Ainsi, l’instauration de l’examen au cas par cas relance le débat sur l’indépendance de l’autorité environnementale vis-à-vis de l’autorité décisionnelle car finalement l’avis de la MRAe ne dépend plus que de la décision du préfet de région pour ces projets. Ensuite la question de la régularisation des avis émis par l’autorité environnementale reste en suspens particulièrement dans le cas où le contentieux est pendant alors que la critique de l’indépendance ne résulte pas d’un arrêté d’évocation qui serait caduc. Le décret n’en confirme pas moins l’indépendance de la Mrae et cela devrait inspirer le juge administrateur… (Les modalités de régularisation du vice de l’information du public bientôt précisées ?). Troisièmement, l’Autorité environnementale (Ae) a émis un avis le 11 juillet 2018 en invoquant les difficultés fonctionnelles et le manque de moyens associés à l’exercice de sa fonction. En effet, l’Ae remet en cause la sécurité juridique tant recherchée par le Gouvernement en désignant les MRAe comme autorité environnementale des projets, car ce projet de décret présenté comme simplificateur des procédures d’autorisation s’avère au contraire « complexe, voire illisible ». Le décret désigne quatre autorités environnementales (le Ministre, l’Ae, les MRAe et le préfet de région) chacune compétente selon le stade d’avancement du dossier déposé par le maître d’ouvrage, et qui selon elle ne fait que complexifier la procédure. L’Ae relève notamment l’absence de garanties sur les ressources nécessaires au bon fonctionnement de cette autorité, car si le projet de décret se veut tirer les conséquences de l’arrêt du Conseil d’Etat du 6 décembre 2017, l’autorité environnementale doit disposer « d’une autonomie réelle, impliquant notamment qu’elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée et de donner un avis objectif sur le projet concerné ». Or, l’Ae relève d’ores et déjà que ce manque de moyens aura un impact considérable sur son fonctionnement. L’insuffisance des ressources nécessaires pose la question de la qualité des avis de l’autorité environnementale notamment pour les projets importants en termes d’impacts sur l’environnement. Ainsi, selon l’Ae le projet de décret présenté en juillet ne permet pas de garantir l’indépendance de l’autorité environnementale des projets. L’indépendance est, a priori, loin d’être décrétée pour l’autorité environnementale à la française qui semble lestée de pesanteurs administratives

Les modalités de régularisation du vice de l’information du public bientôt précisées ?

Par Maître Sébastien BECUE (Green Law Avocats) Nous l’exposions dans un récent article du présent blog, le Conseil d’Etat a décidé, aux termes d’un avis du 22 mars dernier, que le vice de l’information du public est susceptible d’être régularisé devant le juge de plein contentieux de l’autorisation environnementale ; et ce, sans même qu’il soit forcément nécessaire, selon les cas, d’organiser une nouvelle enquête publique. Plus précisément, le Conseil d’Etat exposait que lorsque « le caractère incomplet du dossier d’enquête publique a affecté la légalité de la décision », il est « nécessaire de compléter l’information du public ». Le juge (sous-entendu) du fond « peut alors fixer des modalités de régularisation adaptées permettant l’information du public, qui n’imposent pas nécessairement de reprendre l’ensemble de l’enquête publique ». Pour les spécialistes du contentieux, cet avis, malgré sa richesse impressionnante, a néanmoins semblé ouvrir autant, sinon plus de questions qu’il n’en a résolu… Le Tribunal administratif d’Orléans par un jugement avant dire droit (TA Orléans, 24 avril 2018 n° 1602358 ; téléchargeable ici) s’est chargé de solliciter des éclaircissements au Conseil d’Etat . Après avoir jugé que le moyen tiré du vice de l’information du public résultant de ce que l’avis sur l’étude d’impact du projet aurait été rendu par une autorité environnementale ne disposant pas d’une autonomie réelle au sens de la jurisprudence communautaire (voir notre article sur ce thème) est le seul à être susceptible d’entraîner l’annulation de l’autorisation, le Tribunal se saisit de la demande des défendeurs visant à ce qu’il fasse usage du pouvoir de sursis à statuer dans l’attente d’une régularisation, dont il dispose désormais en vertu du 2° du I de l’article L. 181-18 du code de l’environnement. Le Tribunal rappelle que dans ce cas, le juge doit, dans un jugement avant dire droit : –          préciser les modalités de cette régularisation, –          et indiquer quelle phase doit être regardée comme viciée afin de simplifier la reprise de la procédure administrative. On aurait alors pu imaginer que le Tribunal prescrive directement des modalités de régularisation ou reprenne celles proposées par le défendeur, une solution courageuse mais qui aurait comporté un risque important pour le porteur de projet, potentiellement victime de cette expérimentation procédurale. Mais, sans expliquer plus avant ses doutes, le Tribunal sursoit alors à statuer et pose trois questions au Conseil d’Etat. La première question est relative au caractère régularisable ou non du vice tiré de l’absence d’autonomie réelle de l’autorité environnementale ayant rendu l’avis sur l’étude d’impact. Son raisonnement semble être le suivant. Le droit applicable au moment de la délivrance de l’autorisation imposait que l’avis sur l’étude d’impact soit rendu par une autorité environnementale, la DREAL, qui ne disposait pas d’une autonomie réelle vis-à-vis de l’autorité compétente pour délivrer, le Préfet de région. Or, le Conseil d’Etat a exposé dans son avis que l’autorité compétente doit pour la régularisation faire application des dispositions en vigueur à la date à laquelle l’autorisation a été délivrée. Ainsi, s’il fallait appliquer ces dispositions, la DREAL serait encore saisie de la demande d’avis sur l’étude d’impact et le Préfet de région serait compétent. En cas d’interprétation extensive de l’avis du Conseil d’Etat, la régularisation serait donc impossible En revanche, si l’on tient compte des dispositions applicables au moment de la régularisation pour la définition des mesures de régularisation, la DREAL resterait autorité environnementale mais le Préfet aujourd’hui compétent serait le Préfet de département, du fait de la péremption de l’arrêté d’évocation du Préfet de région ; et il y aurait donc autonomie effective. On constate néanmoins que cette question ne règle du coup pas le cas dans lequel le Préfet de département nouvellement compétent se trouverait également être le Préfet de région, auquel cas il n’y aurait toujours pas autonomie effective entre les deux autorités. Et on a envie d’ajouter : le juge ne pourrait-il pas ordonner une mesure ad hoc, comme par exemple enjoindre à l’administration de saisir la MRAE, autorité environnementale dont l’autonomie est réelle mais qui ne dispose pas encore d’une compétence expresse en matière de projet ? Dans une perspective de sécurité juridique, il apparaît de la responsabilité du gouvernement de créer au plus vite une autorité environnementale indépendante expressément compétente pour donner son avis sur les études d’impact pour les projets, afin justement de permettre cette régularisation. La deuxième question est relative aux modalités de régularisation du vice de l’information du public envisageables par le juge du fond. Autrement dit, quelles sont ces modalités de publicité qui peuvent se substituer à une nouvelle enquête publique ? Enquête publique complémentaire, simple affichage sur le site internet de la Préfecture, mise en ligne sur le site officiel du demandeur… Doivent-elles d’ailleurs avoir une base légale ou peut-il s’agir de modalités ad hoc ? Surtout, doivent-elles permettre simplement l’information du public, ou également sa participation ? Comment doit raisonner le juge du fond ? Sur ce point, on pourrait imaginer que le Conseil d’Etat fournisse quelques pistes au juge du fond en listant les indices qui doivent le guider… La troisième question est relative au degré de précision avec lequel le juge peut formuler l’invitation à régularisation qu’il adresse à l’administration dans son jugement. Cette question est également très intéressante. Indéniablement, avec ce pouvoir, le juge jusque-là principalement cantonné un rôle de censeur malgré les pouvoirs de plein contentieux dont il dispose, se retrouve également prescripteur…

Processus d’évaluation environnementale : systématisation de la phase de dialogue entre le porteur du projet et l’autorité environnementale en amont de l’enquête publique (loi n° 2018-148 du 2 mars 2018 ratifiant les ordonnances relatives à l’évaluation environnementale, à l’information et à la participation du public)

Par Me Sébastien BECUE- Green Law Avocats   Le grand public a récemment pu mesurer l’importance cruciale du processus d’évaluation environnementale, propulsé au cœur du ballet médiatique par deux décisions successives des tribunaux administratifs de Paris et de Cergy-Pontoise qui annulent respectivement : la délibération autorisant la piétonnisation des berges de la rive droite de la Seine parisienne, et l’arrêté préfectoral créant la zone d’aménagement concerté du Triangle de Gonesse, au sein de laquelle doivent être réalisés une gare du Grand Paris Express, un centre d’affaires, et le monumental projet de centre commercial « Europacity » du groupe Auchan. Dans les deux cas, les tribunaux rappellent que les insuffisances de l’évaluation environnementale qui fondent l’annulation des deux décisions avaient été pointées de manière précise par l’autorité environnementale. Ces décisions doivent agir comme une piqure de rappel de l’impérativité pour les porteurs de projets de ne pas laisser leur demande d’autorisation partir en enquête publique sans avoir répondu méthodiquement aux critiques de l’autorité environnementale, ou de les avoir satisfaites par la production des compléments sollicités. En effet, après le passage en enquête publique, le dossier est figé dans ses éléments principaux : le principe d’information du public tel qu’interprété par la jurisprudence empêche toute évolution significative ultérieure, sauf à organiser une enquête publique complémentaire. Une telle enquête peut être une solution mais elle implique un retard dans le développement du projet qui peut parfois s’avérer problématique. Une fois l’autorisation délivrée, les opposants au projet piochent au sein les critiques de l’autorité environnementale consignées dans l’avis pour nourrir leur recours. Or, plus la réponse du porteur du projet à l’avis est développée et justifiée techniquement, moins la portée de l’avis de l’AE, au contentieux, se révèle absolue. Pour ces raisons, bon nombre de porteurs de projets habitués des procédures d’autorisation répondent déjà de manière argumentée aux avis des autorités environnementales au moyen d’un mémoire en réponse. Mais cette pratique reste encore trop peu répandue chez certains pétitionnaires, du fait soit qu’ils méconnaissent même cette possibilité, soit qu’ils la jugent trop coûteuse : la production d’un document complémentaire sérieux implique généralement d’avoir à nouveau recours à un bureau d’études. Toutefois, la pratique est désormais systématisée : la loi n° 2018-148 du 2 mars 2018 ratifiant les ordonnances relatives à l’évaluation environnementale, à l’information et à la participation du public, impose désormais : une réponse du maître d’ouvrage à l’avis de l’autorité environnementale, et l’inclusion de cette réponse dans le dossier d’enquête. C’est une véritable opportunité pour les porteurs de projets de sécuriser au mieux leurs dossiers.  

L’autorité environnementale est morte, vive l’autorité environnementale !

Par David DEHARBE (Green Law Avocats) Par un arrêt France Nature Environnement en date du 6 décembre 2017 qui sera mentionné aux tables du recueil Lebon (CE 6 déc. 2017, n° n° 400559, FNE), le Conseil d’Etat a annulé une disposition du décret n° 2016-519 du 28 avril 2016 portant réforme de l’autorité environnementale. Cette disposition avait désigné le préfet de région en qualité « d’autorité environnementale » pour tout projet situé dans la région concernée et pour lequel l’article R 122-6 du code de l’environnement n’avait désigné, en cette qualité, ni le ministre de l’environnement, ni la formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable (C.G.E.D.D), ni la mission régionale d’autorité environnementale (MRAe) du C.G.E.D.D. La Haute Juridiction a jugé, en application de la théorie de l’acte clair, que cette disposition méconnaît les exigences découlant de l’article 6, paragraphe 1 de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement. Selon le Conseil d’Etat, il résulte clairement de ces dispositions que « si elles ne font pas obstacle à ce que l’autorité publique compétente pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d’ouvrage soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce qu’une entité administrative, interne à celle-ci, dispose d’une autonomie réelle, impliquant notamment qu’elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée et de donner un avis objectif sur le projet concerné » (cf. considérant n° 5). Or selon le Conseil d’Etat, ni le décret n° 2016-519 du 28 avril 2016, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n’avait prévu de dispositif propre à garantir que, dans les cas où le préfet de région est en charge de l’élaboration ou de la conduite d’un projet au niveau local ou encore, dans les cas où l’autorité préfectorale est compétente pour autoriser un projet, la compétence consultative en matière environnementale soit exercée par une entité interne disposant d’une autonomie réelle à son égard (cf. considérant n° 7). En d’autres termes, dans les cas où le préfet de région assure la maîtrise d’ouvrage d’un projet et dans les cas où il est compétent pour autoriser un projet, « notamment lorsqu’il agit en sa qualité de préfet du département où se trouve le chef-lieu de la région », les textes ne garantissent pas que la compétence d’autorité environnementale soit exercée par une entité interne disposant d’une autonomie réelle à son égard. Cette solution découle de l’application par le Conseil d’Etat de l’arrêt que la Cour de justice de l’Union européenne a rendu le 20 octobre 2011 (cf. C-474/10) à propos des garanties d’indépendance des autorités qu’il faut consulter dans le cadre de l’adoption d’un plan ou d’un programme susceptible d’avoir des incidences environnementales, en application de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001. A cet égard, le Conseil d’Etat a jugé qu’il pouvait statuer sans qu’il soit tenu de saisir préalablement la Cour d’une demande de décision préjudicielle aux fins d’interprétation de la directive du 13 décembre 2011. Il a raisonné en considérant que l’application de l’arrêt de la Cour à la disposition en cause s’imposait avec une telle évidence qu’elle ne laissait place à aucun doute raisonnable et ce, alors même que cette disposition concerne la désignation de l’autorité environnementale d’un « projet » et non, d’un « plan ou programme ». Le Conseil d’Etat a ainsi considéré que « la directive du 27 juin 2001 comme celle du 13 décembre 2011 ont pour finalité commune de garantir qu’une autorité compétente et objective en matière d’environnement soit en mesure de rendre un avis sur l’évaluation environnementale des plans et programmes ou sur l’étude d’impact des projets, publics ou privés, susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, avant leur approbation ou leur autorisation, afin de permettre la prise en compte de ces incidences ». Il également insisté sur la « finalité identique des dispositions des deux directives relatives au rôle des autorités susceptibles d’être concernées par le projet, en raisons de leurs responsabilités spécifiques en matière d’environnement » (cf. considérant n° 5). Suivant ce raisonnement, il n’était pas tenu de déférer à son obligation de saisine de la Cour (cf. CJCE 6 octobre 1982, aff. 283/81, Srl CILFIT et a. : Rec. CJCE, p.  3415). Reste que cette solution ne va pas de soi, tout particulièrement en ce qu’elle vise les cas dans lesquels le préfet de région est compétent pour autoriser un projet. En effet, plusieurs juridictions de première instance comme d’appel ont considéré que lorsqu’un projet est porté par une personne privée, rien ne s’oppose à ce qu’une administration d’Etat soit chargée d’évaluer l’impact du projet en cause sur l’environnement (cf. notamment : CAA Nantes,  20 mars 2017, n°16NT03962 ; CAA Nantes 14 novembre 2016, req. n° 17NT02860, 15NT02487 et 15NT02851 ; TA Limoges, 11 avril 2017, n°1401846 et 1401848 ; TA Paris 2 février 2017, req. n° 1518822 ; TA Dijon 1er juillet 2016, req. n° 1403275). Surtout il convient désormais à apprécier la portée du motif de l’annulation prononcée par l’arrêt. Les requérants frappés du syndrome NIMBY seront évidemment tentés de soutenir que la jurisprudence FNE emporte automatiquement annulation des procédures d’autorisation délivrées sur la base d’un avis de l’autorité environnementale signé par le préfet de région qui serait encore signataire de l’arrêté ICPE, d’une autorisation ou d’une autorisation environnementale. Mais se serait se méprendre sur la portée de l’arrêt du Conseil d’Etat : les magistrats du Palais Royal se sont bornés à juger que le préfet de région ne peut être tout à la fois l’autorité décisionnaire d’un projet et l’autorité compétente pour procéder à l’évaluation environnementale de ce projet. En revanche, il serait erroné de déduire de cet arrêt qu’un service du préfet de région ne pourrait pas exercer la mission de consultation environnementale, dès lors que ce service dispose de moyens administratifs et humains qui lui soient propres pour exercer cette mission et qu’il soit ainsi en mesure de remplir la mission et de donner un avis objectif…