Capacités financières et ICPE : pour une prise en compte du modèle économique du secteur d’activité en cause ! (TA Limoges, 14 déc.2017)

Par David DEHARBE- avocat associé GREEN LAW AVOCATS La jurisprudence Hambrégie (CE, 22 fév. 2016, n°384821.) du Conseil d’Etat, parfois interprétée de façon bien trop stricte par certaines juridictions du fond, et relative aux capacités techniques et financières exigibles du demandeur à l’exploitation d’une installation classée pour la protection de l’environnement, n’en finit plus de faire des dégâts… Avec son jugement du 14 décembre 2017, le tribunal administratif de Limoges (TA Limoges 14 décembre 2017, Association Sources et rivières du limousin, n° 1500920) inscrit sa jurisprudence dans la série des annulations de projet pour défaut de la démonstration dans le DDAE de ces capacités et montre que le juge peut néanmoins utiliser ses nouveaux pouvoirs détenus depuis l’ordonnance du 26 janvier 2017. Cette annulation est couplée en l’espèce à un avis d’un commissaire enquêteur jugé irrégulier car ce dernier a osé s’exprimer sur la guérilla contentieuse que mènent certaines associations à la liberté de l’industrie, on se dit que le juge a définitivement perdu de vue la vocation de la police des installations à concilier cette liberté avec les intérêts du voisinage et plus largement de l’environnement … Revenons sur ce qui est finalement reproché au commissaire enquêteur. Aux termes du jugement :« L’intervention de l’association des sources et rivières du Limousin (SRL) n’avait pas d’autre objectif que de décrédibiliser le porteur du projet et les services de l’Etat, juste pour faire du sensationnel et montrer qu’elle existait », qu’« en faisant usage d’affirmations non vérifiées et pouvant avoir des incidences graves, SRL a pris le parti de la facilité et du tout négatif» et en s’interrogeant sur la « légitimité » de l’association à conserver « une habilitation au titre de la représentativité dans les instances régionales », le commissaire enquêteur doit être regardé, par ces remarques dépréciatives portées à l’encontre de l’association requérante, seule à avoir présenté des observations défavorables au projet, exprimé un parti pris initial favorable au projet ; que, dès lors, l’association sources et rivières du Limousin est fondée à soutenir que le commissaire enquêteur a manqué, en l’espèce, à son devoir d’impartialité ». Et au final le Tribunal d’en conclure : « que ce vice n’a pas, en l’espèce, exercé d’influence sur le sens de la décision prise par le préfet de la Creuse, il a privé le public de la garantie qui s’attache à l’expression par le commissaire enquêteur d’une position personnelle, émise de manière objective au vu de l’ensemble du dossier ». A croire que le public est plus bête de l’administration et qu’il faut le protéger. Assurément il faut le protéger des commissaires enquêteurs ….certainement pas en censurant l’autorisation mais en supprimant cette institution dont la médiation est bien inutile. En tout état de cause on ne voit pas en quoi cette « garantie » a porté atteinte au principe de participation … Ce défaut de démonstration d’une telle atteinte est sans doute insupportable pour le pétitionnaire. Ne l’est pas moins sans doute l’analyse faite en l’espèce de la question des capacités financières. D’emblée disons-le nous sommes bien conscients des conditions très particulières de la jurisprudence Hambrégie où était en cause un investissement de 772 millions d’euros nécessaire à l’installation d’une centrale à gaz, financés à 30% sur fonds propres et à 70% par dette bancaire!  Quand est en cause une usine à gaz comme celle en cause dans l’affaire jugée par le Conseil d’Etat, on pourrait à la rigueur  comprendre que le Conseil d’Etat admette que le juge du fond puisse vérifier que les engagements des tiers sont des engagements « fermes ». Mais s’agissant de capacités qui doivent seulement être suffisamment « certaines », on ne saurait absolument pas exiger des établissements bancaires un engagement définitif pour le plus grand nombre des installations classées. Devant le Tribunal administratif de Limoges était mis en cause le fait que le préfet de la Creuse avait autorisé le propriétaire d’une usine de production d’électricité située sur le territoire de la commune de Saint-Hilaire-le-Château, à disposer de l’énergie de la rivière « Le Thaurion » pour l’exploitation d’une modeste production d’énergie hydroélectrique. Mais, une association avait demandé au tribunal administratif de Limoges d’annuler cet arrêté. Or le Tribunal relève « que la notice d’impact produite par M. D. dans le dossier de demande d’autorisation mentionne que ce dernier possède une entreprise de travaux publics basée au Moutier d’Ahun, qu’il réalisera lui-même la partie du projet consacrée au génie civil et qu’il dispose des compétences et des connaissances suffisantes pour assurer ultérieurement le fonctionnement de la centrale avec l’assistance de prestataires spécialisés pour la partie technique ; que, par un courrier du 26 mars 2014 adressé au commissaire enquêteur et joint au dossier d’enquête publique, M. D. a également précisé qu’il «n’avait pas plus de capacités qu’un bon nombre de gestionnaires de ce type d’installation », qu’il était prévu l’assistance de prestataires spécialisés pour la partie électrique et que « pour le reste, [il pensait] pouvoir assumer », étant « responsable d’une petite entreprise de maçonnerie depuis 30 ans après 10 ans de conduite de chantier et qu’à ce jour cette entreprise n’est pas trop en mauvaise posture » ; que, par ce même courrier, s’agissant des capacités financières, l’intéressé s’est borné à exposer qu’un financement était prévu avec un apport personnel de 150 000 euros et que « pour le reste c’est la banque qui jugera de l’opportunité ou non de soutenir ce projet afin de le finaliser » ; que ces seules mentions n’étaient pas suffisantes pour apprécier la capacité technique et financière de l’exploitant à assurer le bon fonctionnement de l’installation en cause ». Et une nouvelle fois le principe de participation vient en creux interdire la régularisation par une simple Danthonysation du moyen : « les insuffisances de ces indications dans le dossier de demande d’autorisation ont eu pour effet de nuire à l’information complète du public et sont susceptibles d’avoir exercé une influence sur la décision du préfet de la Creuse, l’association sources et rivières du Limousin est fondée à soutenir que la notice d’impact est entachée d’insuffisance…

Chantiers de la simplification du droit de l’environnement : régresser ou ne pas régresser, telle est la question… ! (CE, 8 déc.2017- annulation partielle rubrique nomenclature étude d’impact)

Par Me Sébastien BECUE (GREEN LAW AVOCATS) Aux termes d’une décision du 8 décembre 2017 (n°404391) destinée à être mentionnée aux Tables, le Conseil d’Etat supprime, sur le fondement du principe de non-régression du droit de l’environnement, une partie du contenu de la rubrique n°44 « Equipements sportifs, culturels ou de loisirs et aménagements associés » de la nomenclature déterminant les projets soumis à étude d’impact figurant en annexe à l’article R. 122-2 du code de l’environnement. Analyse. Une apparente double régression Une association de protection de l’environnement introduit un recours en annulation à l’encontre des paragraphes (a) et (d) de cette rubrique, dans leur rédaction issue de la dernière révision d’ampleur du régime de l’évaluation environnementale par le décret n°2016-1110 du 11 août 2016.Ces dispositions prévoient la soumission à étude d’impact au cas par cas, c’est-à-dire après avis de l’autorité environnementale statuant sur l’opportunité de la réalisation d’une étude d’impact au regard des caractéristiques d’un projet donné : pour l’aménagement de pistes permanentes de courses et d’essais pour véhicules motorisés d’une emprise supérieure ou égale à 4 hectares (a), et  la construction d’équipements sportifs et de loisirs, ne figurant dans aucune autre rubrique du tableau, susceptibles d’accueillir plus de 5 000 personnes (d). Auparavant : l’ancienne rubrique n°44 disposait qu’étaient soumis à évaluation environnementale systématique les aménagement de terrains pour la pratique de sports ou loisirs motorisés d’une emprise totale supérieure à 4 hectares ; et au cas par cas les aménagement de moins de 4 hectares, et l’ancienne rubrique n°38 prévoyait qu’étaient soumis au régime systématique les équipements culturels, sportifs ou de loisirs susceptibles d’accueillir plus de 5 000 personnes ; et au cas par cas ceux susceptibles d’accueillir plus de 1 000 personnes et moins de 5 000 personnes.  A première vue, et c’était là l’argumentation de l’association, il semble bien que ces « déclassements » puissent être qualifiés de « régression » de la protection de l’environnement, à tout le moins dans le sens courant du terme, à savoir une évolution en sens inverse d’un phénomène qui cesse de progresser. En effet, d’une part, certains projets soumis systématiquement à évaluation environnementale bénéficient désormais du régime plus favorable de l’examen au cas par cas, ce qui peut permettre à certains d’entre eux de ne pas faire l’objet d’une évaluation, en considération de leurs caractéristiques et de leurs impacts supposés sur l’environnement et la santé humaine. D’autre part, certains projets qui faisaient l’objet d’un examen au cas par cas ne sont plus, en aucun cas, soumis à évaluation, sans même d’examen au cas par cas.    L’invocation d’un principe aux contours et à la portée normative encore flous L’association requérante fonde son argumentation sur le principe législatif de non-régression, qui figure à l’article L. 110-1 du code de l’environnement depuis l’intervention de la loi 2016-1087 du 8 août 2016 dite « pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysage ». Ce nouveau principe directeur du droit de l’environnement, « selon lequel la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment ». Lors de son contrôle de la conformité du principe à la Constitution, le Conseil constitutionnel lui a reconnu une portée normative en ce qu’il« s’impose, dans le cadre des dispositions législatives propres à chaque matière, au pouvoir réglementaire » (décision n°2016-737 DC du 4 août 2016). Restait donc à savoir comment le Conseil d’Etat allait contrôler concrètement le respect de cette injonction faite à l’exécutif, légitimement saluée par les associations de protection de l’environnement mais également source de crainte pour les porteurs de projets qui réclament de longue date une véritable simplification du droit de l’environnement. Une application pragmatique du principe de non-régression La décision du Conseil d’Etat ne propose pas directement de guide général de mise en œuvre du principe. Saisi d’une question relative à son application au régime juridique de l’évaluation environnementale, l’appréciation du Conseil d’Etat est bornée à ce domaine du droit de l’environnement. Confronté à deux types possibles de régression, le Conseil d’Etat différencie. Il n’y pas régression quand une règlementation « déclasse » un type de projet de la soumission systématique vers la soumission au cas par cas. En effet, les projets compris dans la catégorie déclassée resteront soumis à évaluation environnementale si l’autorité environnementale estime, après une analyse concrète des caractéristiques de l’espèce, que les risques pour l’environnement méritent d’être étudiés. C’est un témoignage important de confiance dans la capacité des administrations assurant le rôle d’autorité environnementale à déterminer quels sont les projets. Il est clair que cette confiance s’explique notamment par l’exigence dont a récemment fait preuve le Conseil d’Etat vis-à-vis de cette institution, dont il a été confirmé dans la douleur qu’elle doit être fonctionnellement indépendante de l’autorité qui délivre l’autorisation (voir notre article L’autorité environnementale est morte, vive l’autorité environnementale !). Il y a présomption de régression lorsqu’une catégorie de projets ne peut plus faire l’objet d’une évaluation environnementale alors que les projets y étaient soumis auparavant. La forme négative choisie pour la rédaction de la phrase est révélatrice : dans ce cas, il y a bien, dans ce cas, régression « en principe ». Cette présomption est néanmoins réfragable : il est possible de démontrer la légitimité d’une telle soustraction. Pour cela, le type de projet devenu insusceptible d’être évalué doit également être insusceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine. Le Conseil d’Etat liste les indices permettant de justifier ce choix : la nature, les dimensions, la localisation, du type de projet, et rappelle que cette appréciation se fait au regard des connaissances scientifiques, comme le prévoit l’article L. 110-1 précité. En l’espèce, il estime que le bilan est négatif : l’association requérante a démontré, sans être efficacement contredite par l’exécutif, que ces types de projets peuvent avoir des incidences notable sur l’environnement « lorsqu’ils sont localisés dans ou à proximité de lieux où les sols, la faune ou la flore sont particulièrement vulnérables ». Le Conseil d’Etat tranche ainsi in concreto, au regard du dossier qui lui est soumis, constitué en toute logique des argumentations respectives…

Il est toujours autant nécessaire de simplifier le développement de l’éolien !

Par Me Sébastien Bécue (GREEN LAW AVOCATS) Le cabinet est auteur d’un Manuel en droit de l’éolien publié par LE MONITEUR Sébastien LECORNU, secrétaire d’Etat rattaché au ministère de la Transition écologique et solidaire, a présidé fin octobre 2017 la première réunion du nouveau groupe de travail national chargé de simplifier et consolider le cadre administratif de l’éolien terrestre et son financement. Une seconde réunion s’est tenu le 30 novembre durant laquelle les membres du groupe ont présenté une liste de mesures au gouvernement. C’est l’opportunité pour le cabinet de rappeler les enjeux immédiats de la filière. Le poids des contraintes d’implantation Comme l’exposent Yves GRANDIDIER et Gilles LUNEAU dans leur ouvrage paru le 19 octobre dernier « Le Vent nous portera », les contraintes d’implantation des éoliennes terrestres sont actuellement le principal frein de leur développement : au total, et à supposer qu’un récent projet de décret étendant les zones tampons autour des radars militaires soit pris en l’état, cet ensemble de contraintes pourrait fermer à l’éolien près de 86% du territoire ! Le cas des contraintes militaires est particulièrement révélateur. L’armée a un réel droit de veto sur l’implantation des éoliennes près des radars militaires, et prend des décisions non motivées par des considérations d’espèce, notamment car elle ne dispose toujours pas des moyens techniques de démontrer l’impact des éoliennes. Le logiciel « DEMETER », toujours en développement, devrait lui permettre de le faire dans un avenir proche. Reste à savoir si la « Grande muette » acceptera de se montrer plus transparente… Le cas des zones faisant l’objet d’une candidature à l’inscription au Patrimoine mondial de l’UNESCO l’est tout autant, notamment dans les régions des Hauts-de-France et du Grand Est (109 biens sont concernés par la candidature « Sites funéraires et mémoriels de la première guerre mondiale). De plus en plus de décisions préfectorales justifient leur refus d’autorisation d’implantation par la proximité avec ces sites, dans une démarche qui risque de figer dans le passé des territoires souvent économiquement sinistrés. La lenteur du traitement des recours contentieux Avant de mettre à disposition les fonds, les financeurs exigent logiquement la purge des autorisations. Or, avec le double degré de juridiction, et les délais de traitement des recours (deux années en moyenne pour la première instance puis deux autres pour l’appel), la durée moyenne de réalisation des projets est aujourd’hui de 6 à 7 ans ! Le groupe de travail a évoqué l’idée de confier une compétence directe aux cours administratives d’appel pour le traitement des contentieux éoliens terrestres, sur le modèle du contentieux de l’éolien offshore. Une solution plus durable – et qui vaut pour l’ensemble de la justice française – serait que le gouvernement renforce les moyens humains et financiers des juridictions, afin qu’elles soient mieux à même de traiter efficacement les dossiers pour que les contentieux cessent de peser autant sur le développement économique. Le flou sur le cadre applicable au repowering Le repowering désigne la technique consistant à remplacer les modèles d’éoliennes devenus obsolètes par des éoliennes plus performantes. Pour l’heure, le cadre juridique est flou : le Préfet, puis le juge administratif en cas de recours, doivent évaluer si ce remplacement constitue ou non une « modification substantielle » du projet, auquel cas une nouvelle procédure doit être réalisée avec nouvelle étude d’impact et nouvelle enquête publique. Le problème est qu’il n’existe aucune directive claire sur ce que constitue une modification substantielle en matière éolienne, alors même qu’il apparaît évident que le remplacement d’une éolienne dans un paysage et un écosystème devrait être plus simple que l’implantation sur un nouveau site… Le groupe de travail étudie ainsi l’opportunité d’une circulaire ministérielle, solution louable mais qui, dès lors que ce type de texte n’a pas de valeur juridique opposable, laissera toujours au juge le soin de valider au contentieux, et a posteriori, le choix du Préfet au regard de la notion de « modification substantielle ». La création d’un véritable cadre réglementaire apparaîtrait ainsi plus opportun, avec par exemple une procédure simplifiée et accélérée permettant de tenir compte de l’expérience tirée du parc existant. C’est d’ailleurs la solution préconisée par la Commission européenne dans sa proposition dite du « Clean Energy Package », actuellement devant le Parlement européen. Il apparaîtrait opportun que le gouvernement s’approprie cette solution qui apparaît la plus logique au regard de l’enjeu majeur que constitue le renouvellement à venir de l’ensemble du parc existant. Le partage des bénéfices financiers de l’éolien Les études montrent que l’éolien est plus accepté lorsque les riverains bénéficient directement de l’implantation des parcs éoliens. Comme le propose le groupe de travail, il serait intéressant qu’une part de l’imposition forfaitaire pour les entreprises de réseaux (IFER), actuellement versée aux intercommunalités, bénéficie aux communes d’implantation. De même, le groupe de travail propose que l’incitation au financement participatif des parcs, qui permet aux collectivités ou particuliers financeurs, d’être intéressés aux bénéfices de la production électrique, devienne systématique. Si cette incitation permet aujourd’hui de bénéficier d’un bonus, elle n’est pas encore obligatoire alors que l’intérêt des développeurs pour cette solution est indéniable, au-delà de son intérêt financier. Un écosystème financier s’est d’ailleurs créé autour du financement participatif et les outils apparaissent de plus en plus nombreux. Ainsi, si cette obligation s’accompagne d’un assouplissement des contraintes d’implantation, alors elle pourrait profiter à l’ensemble de la filière, en contribuant à une meilleur acceptabilité sociale de l’éolien terrestre. Les obstacles contentieux actuels Du fait de récents revirements de jurisprudence, plusieurs questions de nature procédurale, sans conséquence réelle sur les questions de fond de l’éolien (son impact environnemental et paysage), sont en train de retarder la réalisation d’un grand nombre de parcs (et d’ailleurs des projets de nature industrielle dans leur ensemble). Le gouvernement précédent avait pris soin, dans ses textes créant l’autorisation unique environnementale auxquels sont soumis les nouveaux projets éoliens, de prévoir une possibilité de régularisation a posteriori de ces difficultés procédurales. Mais le retard pris dans leur validation législative pourrait faire obstacle dès lors que le caractère réglementaire de ces textes (décret et ordonnance) risque de se heurter au principe de non-rétroactivité des actes administratifs. Il serait…

Vices cachés: le dernier exploitant d’un garage automobile ne peut ignorer les vices affectant les locaux

Par Me Graziella Dode – Green Law Avocats La Cour de cassation vient de juger que la clause de non-garantie des vices cachés ne peut être invoquée par le vendeur qui, en sa qualité de dernier exploitant d’un garage automobile, ne pouvait ignorer les vices affectant les locaux (Cass. Civ. 3e, 29 juin 2017, n° 16-18.087, FS-P+B+R+I). En l’espèce, le vendeur a vendu le rez-de-chaussée d’un immeuble où avait été exploité un garage automobile. L’acquéreur (une SCI) avait exprimé dans l’acte notarié l’intention d’affecter ce bien à l’habitation. La SCI acquéreuse a fait réaliser une expertise qui a démontré la présente dans le sous-sol d’hydrocarbures et de métaux lourds provenant de cuves enterrées et rendant la dépollution nécessaire. Ainsi, l’acquéreur a assigné les vendeurs, les notaires et l’agent immobilier en garantie des vices cachés et indemnisation de son préjudice. La Cour d’appel de Toulouse avait jugé inopérante la clause de non garantie des vices cachés présente dans le contrat de vente en retenant que le vendeur, en sa qualité de dernier exploitant des lieux du garage précédemment exploité par son père, ne pouvait avoir ignoré les vices affectant les locaux (CA Toulouse, 25 janvier 2016, n° 14/06209). Le vendeur a formé un pourvoi en cassation en soulevant les arguments suivants : L’activité de garagiste impliquait que l’exploitant ait eu connaissance de l’existence des cuves mais nullement d’une pollution des sols, le vendeur niant avoir eu connaissance de ce vice ; La Cour d’appel aurait dû justifier en quoi elle décidait de s’écarter du rapport d’expertise qui, s’il relevait une pollution « avérée », indiquait également que « les différents intervenants au moment de la vente ne pouvaient diagnostiquer cette pollution » ; L’acquéreur connaissant l’affectation des lieux au moment de la signature de l’acte de vente et était par conséquent en mesure d’apprécier le risque de pollution. La Cour de cassation rejette son pourvoi : « ayant retenu à bon droit qu’en sa qualité de dernier exploitant du garage précédemment exploité par son père, M. X… ne pouvait ignorer les vices affectant les locaux et que l’existence des cuves enterrées qui se sont avérées fuyardes n’avait été révélée à l’acquéreur que postérieurement à la vente, la cour d’appel, appréciant souverainement la portée du rapport d’expertise, en a exactement déduit que le vendeur ne pouvait pas se prévaloir de la clause de non-garantie des vices cachés ». En l’espèce, la responsabilité des notaires est écartée car ni le vendeur, ni l’agent immobilier, ne les avaient informés de la présence de cuves enterrées sous le garage. Celle de l’agence immobilière est retenue en revanche puisque celle-ci avait admis avoir eu connaissance de la présence des cuves et n’en n’avait pas informé les notaires. Par conséquent, le vendeur et l’agence immobilière sont condamnés in solidum à payer à l’acquéreur la somme de 155.710 euros. Dans cet arrêt, la Cour de cassation assimile le vendeur à un vendeur professionnel sur lequel pèse en principe une présomption de connaissance du vice caché (Voir par exemple Cass. Civ. 3e, 7 oct. 2014, n° 13-21.957). La Cour de cassation a posé ce principe il y a longtemps : si le vendeur est un professionnel, pèse sur lui une présomption irréfragable de mauvaise foi, même pour des vices indécelables (Com., 15 novembre 1971, pourvoi n° 70-11.036, Bull. 1971, IV, n° 276), et même s’il contracte avec un professionnel. La connaissance du vice doit cependant être prouvée pour les intermédiaires à la vente tels que les agents immobiliers ou les notaires. En l’espèce, la responsabilité de l’agent immobilier est retenue car il avait admis avoir eu connaissance de la présence des cuves. Par ailleurs, en application des principes de la responsabilité civile, l’acheteur peut réclamer réparation de tout préjudice lié au vice (Civ. 1re, 30 janvier 1996, pourvoi n° 94-10.861, Bull. 1996, I, n° 46). Dans l’arrêt du 29 juin 2017, la Haute juridiction apprécie de manière restrictive cette présomption de connaissance du vice caché par le vendeur puisque celui-ci n’avait pas lui-même exercé d’activité dans le garage automobile. C’est le père du vendeur qui avait exploité le bien vendu. Pour autant, le vendeur avait la qualité de dernier exploitant en titre et par conséquent, il ne pouvait ignorer le vice affectant ce bien.

Affichage électoral : le TA de Grenoble rappelle les règles de mise en demeure préalable à un titre exécutoire

Par Fanny ANGEVIN – Green Law Avocats Le Tribunal administratif de Grenoble a récemment eu à traiter de la question de l’affichage sauvage en matière électorale (jugement en date du 4 avril 2017 n°1502189). Une commune avait en effet émis un titre exécutoire à l’encontre de l’association F… sans l’avoir préalablement mis en demeure de procéder à la remise en état des lieux. Le Tribunal administratif de Grenoble considère qu’en ayant omis cette mise en demeure, le titre exécutoire devait être annulé. Ce jugement évoque notamment les règles d’affichage en matière électorale, en cette période d’élections présidentielles. Rappel des règles applicables. Le fait d’apposer ou bien de faire apposer ou encore de maintenir après mise en demeure administrative, une enseigne ou une préenseigne, en l’absence de déclaration du dispositif (articles L. 581-6 et L. 581-26 du code de l’environnement) peut faire l’objet d’une procédure administrative (amende de 1500 euros) (articles L. 581-26 à L. 581-33 du code de l’environnement). Par ailleurs, le fait d’apposer, de faire apposer ou de maintenir après mise en demeure une publicité, une enseigne ou une préenseigne en l’absence d’autorisation de l’autorité administrative, ou pour affichage dans certains lieux ou encore sans avoir observé les dispositions particulières prévues par le règlement local de publicité (article L. 581-34 du code de l’environnement) peut également faire l’objet de sanctions pénales (amende de 7500 euros). L’article L. 581-35 du code de l’environnement, prévoit que : « Est puni des mêmes peines que l’auteur de l’infraction, celui pour le compte duquel la publicité est réalisée, lorsque la publicité ou le dispositif publicitaire ne comporte pas les mentions visées à l’article L. 581-5 ou lorsque celles-ci sont inexactes ou incomplètes.    Dans le cas d’une publicité de caractère électoral, l’autorité administrative compétente met en demeure celui pour le compte duquel cette publicité a été réalisée de la supprimer et de procéder à la remise en état des lieux dans un délai de deux jours francs. Si cette mise en demeure est suivie d’effet, les dispositions de l’alinéa précédent ne sont pas applicables. » Ainsi, en cas d’affichage sauvage de caractère électoral, l’autorité administrative compétente doit mettre en demeure la personne pour le compte duquel la publicité a été réalisée, de supprimer cette publicité et de remettre en état les lieux sous deux jours francs. C’est cette règle de l’obligation de mise en demeure qu’une commune a omis d’effectuer avant de procéder à l’exécution d’office des travaux d’enlèvement des affiches contestées. Une commune avait en effet émis un titre exécutoire à l’encontre de l’association F… national sans l’avoir préalablement mis en demeure de procéder à la remise en état des lieux. Le Tribunal administratif de Grenoble considère donc qu’en ayant omis cette mise en demeure, le titre exécutoire devait être annulé : « Considérant que l’association F…N… soutient que la commune d’E. n’a pas effectué la mise en demeure prévue par les dispositions précitées avant de procéder à l’exécution d’office des travaux d’enlèvement des affiches contestées ; que la commune ne conteste pas cette absence de mise en demeure ; qu’il s’ensuit qu’elle a méconnu les dispositions précitées en émettant un titre exécutoire à l’encontre de l’association Front national sans préalablement la mettre en demeure de procéder à la remise en état des lieux ; que le titre ainsi contesté doit être annulé et ce, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ; » (TA Grenoble, 4 avril 2017, n°1502189). Une attention tout particulière devra donc être maintenue sur la question de l’affichage électoral sauvage et des modalités de mise en demeure, par les communes en cette période d’élections présidentielles, pendant laquelle ces dernières sont évidemment très souvent confrontées à ce type de situation.