Par Maître Ségolène REYNAL, avocate collaboratrice chez Green Law Avocats
Le droit pénal de l’environnement prends de l’ampleur : dix-huit mois après l’entrée en vigueur de la loi du 24 décembre 2020 créant le mécanisme des Conventions Judiciaires d’Intérêt Public pour les délits prévus par le code de l’environnement, il est temps de dresser un premier bilan.
Ce mécanisme avait déjà fait l’objet d’une note de blog lors de son entrée en vigueur.
Pour rappel la CJIP fait partie des procédures alternatives aux poursuites (articles 41-1-2 et 41-1-3 du Code de procédure pénale) qui s’inscrit dans l’objectif de la politique pénale environnementale d’incitation à la remise en état et à la réparation auprès des victimes, plus que le caractère punitif et dissuasif de la sanction pénale.
A ce jour, seules trois CJIP ont été signées et homologuées, et ce par le Tribunal judiciaire de Puy-en-Velay (43).
Si l’on peut se réjouir que le Procureur de la République de Puy-en-Velay se soit saisi de ce nouvel outil, on ne peut que regretter que son champ d’application soit pour l’instant limité à la pollution des eaux :
– Déversement de substances nuisibles dans les eaux souterraines, superficielles ou de la mer (article L216-6 du Code de l’environnement)
– Rejet en eau douce ou en pisciculture d’une substance nuisible au poisson ou à sa valeur nutritionnelle (articles L432-2 et -3 du Code de l’environnement).
En effet, la CJIP peut s’appliquer à l’ensemble des délits prévus par le Code de l’environnement (à l’exclusion des crimes et délits contre les personnes prévues par le Code pénal) et a donc vocation à être utilisée pour de nombreux autres aspects du droit de l’environnement, tel que notamment le délit d’abandon de déchets (article L.541-46 I 4° du Code de l’environnement).
Par ailleurs, on ne peut que constater le quantum très limité des amendes d’intérêt public (respectivement 5.000, 3.000 et 1.000 euros) qui peut en principe aller jusqu’à 30 % du chiffre d’affaires moyen annuel calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date du constat des manquements.
En ce qui concerne la réparation des victimes, si les trois CJIP prévoient quasiment le quantum des demandes de réparations des victimes, il n’empêche que la garantie des droits des victimes n’est pas pleinement assurée. En effet, dès lors que c’est le Procureur qui fixe le délai dans lequel la victime peut lui transmettre les éléments de nature à établir la réalité et l’étendue de son préjudice (article R15-33-60-1 du code de procédure pénale), il peut arriver des situations où les victimes ne seraient pas en mesure de présenter dans les temps leurs préjudices faute de délai imparti suffisant.
Enfin, seule la première CJIP mentionne explicitement le contenu de l’obligation de régularisation de la situation de la personne morale – la pose d’un portillon d’accès à la vanne du bassin de décantation permettant l’intervention à toutes heures des services de secours-, les deux autres CJIP mentionnent simplement l’obligation de « régulariser sa situation au regard de la loi ou des règlements dans le cadre d’un programme de mise en conformité d’une durée de 30 mois, sous le contrôle des services compétents du ministère chargé de l’environnement » ; Or ledit programme de mise en conformité ne fait, à notre connaissance, l’objet d’aucune publicité, on ne peut alors connaitre son contenu et donc légitimement se pose la question de l’effectivité du contrôle de son exécution.
Sur ce point les textes sont silencieux, seule la pratique nous permettra de dire si la CJPJ est réellement efficace.
En cas de constat de l’échec de la CJIP, le Procureur pourra engager les poursuites pénales, encore faut-il qu’il y ait un suivi effectif de la régularisation mis à la charge des personnes morales.
En attendant que le ministère public des Tribunaux judiciaires se saisissent pleinement de ce nouvel outil et l’applique à de nouveaux pans du droit de l’environnement il conviendra de suivre de près l’exécution des trois premières CJIP.
Rappelons que si le Procureur a le libre exercice de l’action publique, rien n’empêche aux conseils des personnes morales mises en cause ou des victimes souhaitant déposer plainte de mentionner l’existence de cette mesure alternative aux poursuites.