L’élection d’un maire à l’insu de son plein gré

L’élection d’un maire à l’insu de son plein gré

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Par Frank ZERDOUMI, juriste (Green Law Avocats)

À l’exception de certaines délibérations relatives à la voirie et à la gestion courante de la fonction publique territoriale, toutes les délibérations des Assemblées locales sont obligatoirement transmises au représentant de l’État, c’est-à-dire au Préfet. Ce dernier ne peut désormais que saisir le Tribunal administratif, uniquement pour des raisons liées à la légalité de l’acte, dans le cadre du déféré préfectoral. C’est ce qu’a fait le Préfet de la Vendée, avant que le Conseil d’État confirme qu’un conseiller municipal pouvait être élu maire sans s’être porté candidat.

Le 21 décembre 2023 ont eu lieu des opérations électorales à Rives-de-l’Yon afin de permettre l’élection du maire délégué de la commune déléguée de Saint-Florent-des-Bois.

À l’occasion de ces opérations électorales, un seul conseiller municipal, M. C, s’est porté candidat.

Lors des premier et deuxième tour de scrutin, quatorze suffrages se sont exprimés sur son nom et quatorze en faveur de M.D, conseiller municipal et maire de la commune nouvelle. Lors du troisième tour de scrutin, quatorze suffrages se sont exprimés en faveur de M. D, qui avait déclaré ne pas être candidat, et treize en faveur de M. C.

Le 22 décembre 2023, le bureau de vote a exclu du décompte l’ensemble des suffrages exprimés en faveur de M. D, et le conseil municipal a proclamé M. C élu maire délégué de Saint-Florent-des-Bois.

Le 18 Avril 2024, suite à la demande du maire sortant et du maire déchu, le Tribunal administratif de Nantes a refusé de transmettre au Conseil d’État une question prioritaire de constitutionnalité mettant en perspective les droits et libertés garantis par la Constitution avec l’article L.2122-7 du Code général des collectivités territoriales.

De plus, sur déféré du Préfet de la Vendée, il a annulé l’élection de Monsieur C comme maire délégué de Saint-Florent-des-Bois et a proclamé M. D élu en qualité de maire délégué.

Le 7 mai 2024, M. C a interjeté appel devant le Conseil d’État, auquel il a demandé d’annuler le jugement du Tribunal administratif de Nantes et de rejeter le déféré du Préfet de la Vendée.

Un conseiller municipal peut-il être élu maire sans s’être porté candidat ?

Le Conseil d’État a répondu à cette question par l’affirmative et a refusé de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel (décision commentée : CE, 18 novembre 2024, n°494128).

« Le maire est élu au scrutin secret et à la majorité absolue.

Si, après deux tours de scrutin, aucun candidat n’a obtenu la majorité absolue, il est procédé à un troisième tour de scrutin et l’élection a lieu à la majorité relative.

En cas d’égalité de suffrages, le plus âgé est déclaré élu. ».

Dans un premier temps, le Conseil d’État a précisé son interprétation de cet article :

« Ni ces dispositions, ni aucun autre texte ou principe n’imposent à un conseiller municipal de faire acte de candidature pour être élu maire ou maire délégué, ce dont il découle que des suffrages peuvent à chacun des tours de l’élection valablement se porter sur tout membre d’un conseil municipal sans qu’ait d’incidence la circonstance que celui-ci n’a pas déclaré son souhait d’être élu ou, même, a manifesté celui de ne pas l’être. » (décision commentée : CE, 18 novembre 2024, n°494128, point 3).

Dans un second temps, la Haute Juridiction a mis en exergue l’intention du législateur :

« En n’imposant pas la présentation de candidatures pour l’élection du maire au sein du conseil municipal, le législateur a dans l’usage de son pouvoir d’appréciation, entendu donner la plus large latitude au vote des conseillers municipaux afin de faciliter la désignation des exécutifs communaux. (…) ce choix ne méconnaît ni les droits et libertés garantis en matière électorale par l’article 3 de la Constitution et l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ni le principe de libre administration des collectivités territoriales garanti par l’article 72 de la Constitution. Il suit de là que la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article L. 2122-7 du code général des collectivités territoriales, qui n’est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. M. C n’est, par suite, pas fondé à demander l’annulation du jugement attaqué, qui est suffisamment motivé sur ce point, en tant qu’il refuse de transmettre cette question au Conseil d’État. » (décision commentée : CE, 18 novembre 2024, n° 494128, point 5).

Les juges du Palais-Royal ont donc estimé que c’est à bon droit que le Tribunal administratif de Nantes a jugé que les bulletins exprimés en faveur des conseillers municipaux qui ne s’étaient pas déclarés candidats devaient être décomptés dans le résultat.

Cette élection a bien été remportée par M. D, qui a obtenu la majorité relative des suffrages lors du troisième tour de scrutin.

À moins de céder sous l’amicale pression de ses électeurs, ce dernier doit refuser d’exercer son mandat ou démissionner, conformément aux dispositions de l’article L. 2122-15 du Code général des collectivités territoriales.

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