Fonction publique : révocation d’un agent pour son manque de rigueur et d’implication

Fonction publique : révocation d’un agent pour son manque de rigueur et d’implication

révocation manquement

Par Frank ZERDOUMI, juriste (Green Law Avocats)

Dans l’exercice de sa fonction, l’agent public est soumis à des obligations.

L’intérêt général, le sens du service public, sont autant de notions qui montrent à quel point sa mission est particulière et l’oblige à respecter des normes contraignantes, par exemple en matière de neutralité.

Afin de contrôler et de sanctionner les manquements du fonctionnaire, des procédures spécifiques ont été mises en place. S’agissant des actes qu’il accomplit dans sa fonction, sa responsabilité, aussi bien civile que pénale, est susceptible d’être engagée alors que les droits et libertés de l’agent public ont fait l’objet de progrès substantiels.

Mais qu’en est-il de sa rigueur et de son implication  ?

Le sieur D était rédacteur territorial principal de 1ère classe.

Au sein de la communauté de communes des Portes de l’Ile-de-France, il exerçait les fonctions de comptable depuis mai 2021.

Le 6 décembre 2022, le Président de la communauté de communes des Portes de l’Ile-de-France a pris un arrêté de révocation à l’encontre de Monsieur D, lui reprochant notamment son manque de rigueur et d’implication.

Le 21 février 2023, l’agent a saisi le Tribunal administratif de Versailles afin d’obtenir l’annulation de cet arrêté.

D’après le requérant, d’abord, l’arrêté contesté était entaché d’un vice de procédure, en méconnaissance de ses droits de la défense, dans la mesure où la sanction prononcée de révocation, relevant du quatrième groupe, était plus sévère que la sanction d’exclusion temporaire d’une durée de deux ans, sanction du troisième groupe initialement envisagée et portée à sa connaissance. Ensuite, il était entaché d’une erreur de droit, dans la mesure où Monsieur D était en congé de maladie ordinaire à la date d’exécution de la révocation.

Enfin, il était entaché d’une erreur d’appréciation.

Le manque de rigueur et d’implication reproché à un agent dans ses fonctions est-il suffisant pour prononcer sa révocation ?

Le Tribunal administratif de Versailles a répondu à cette question par l’affirmative, mettant ainsi en exergue l’importance de l’intérêt général et du sens du service public dans la fonction publique territoriale et dans la fonction publique en général, en fonction du poste occupé et des conséquences d’un manquement à certaines obligations d’un fonctionnaire (décision commentée : TA Versailles, 23 juin 2025, n° 2301494 ).

L’article L. 533-1 du Code général de la fonction publique dispose que :

« Les sanctions disciplinaires pouvant être infligées aux fonctionnaires sont réparties en quatre groupes :

1° Premier groupe :

a) L’avertissement ;
b) Le blâme ;
c) L’exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours.

2° Deuxième groupe :

a) La radiation du tableau d’avancement ;
b) L’abaissement d’échelon à l’échelon immédiatement inférieur à celui détenu par le fonctionnaire ;
c) L’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ;
d) Le déplacement d’office dans la fonction publique de l’État.

3° Troisième groupe :

a) La rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à l’échelon correspondant à un indice égal ou, à défaut, immédiatement inférieur à celui afférent à l’échelon détenu par le fonctionnaire ;
b) L’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans.

4° Quatrième groupe :

a) La mise à la retraite d’office ;
b) La révocation. »

Dans un premier temps, le juge administratif a mis en perspective la contestation de l’agent avec les témoignages de ses collègues :

« M. D conteste le grief selon lequel il aurait manqué de rigueur et d’implication et explique, s’agissant de la facturation des loyers aux personnes résidant au sein de la maison d’accueil pour personnes âgées, que l’agent l’ayant précédé sur son poste n’avait pu lui transmettre la totalité des informations utiles, et qu’un changement de trésorerie opéré avant son arrivée avait causé des rejets de virements. Toutefois, il ressort de témoignages de collègues que le requérant n’avait pas assuré le suivi attendu des paiements, induisant des retards dans la perception des loyers et dans le remboursement des cautions, en dépit de « nombreux rappels » effectués » (décision commentée : TA Versailles, 23 juin 2025, n° 2301494, point 7 ).

Dans un second temps, il a reconnu le manque d’investissement de l’agent :

« Par ailleurs, il résulte de l’instruction que le requérant était peu investi dans l’exercice de ses fonctions, comme l’illustre la différence entre le nombre de mandats émis par sa collègue, pourtant assistante, deux fois plus importants que ceux émis par l’intéressé. Enfin, alors que plusieurs témoignages concordants mentionnent qu’il avait une pratique extensive de la délégation, le requérant lui-même a admis être peu impliqué » (décision commentée : TA Versailles, 23 juin 2025, n° 2301494, point 9 ).

La sanction est donc justifiée :

« Il résulte de tout ce qui précède que le requérant a commis de nombreuses fautes, tant dans l’exercice de ses missions de comptable, que dans ses rapports avec ses collègues et sa hiérarchie. Ces manquements à l’obligation de servir, à l’obligation de discrétion et à l’obligation d’obéissance, qui ont perturbé le bon fonctionnement des services et la qualité de vie au travail de ses collègues, sont établis et constituent des fautes de nature à justifier le prononcé d’une sanction disciplinaire. Il en résulte également que le président de la communauté de communes n’a pas commis d’erreur d’appréciation en prononçant, conformément à la proposition émise par le conseil de discipline, la révocation de M. D » » (décision commentée : TA Versailles, 23 juin 2025, n° 2301494, point 13 ).

Ce jugement est l’occasion pour le juge administratif de préciser que, dans la fonction publique territoriale, le manque de rigueur et d’implication, ainsi que le manque d’investissement et la pratique excessive de la délégation, peuvent avoir des conséquences importantes et préjudiciables aux finances de l’Administration selon le poste occupé. L’obligation de servir, l’obligation de discrétion et l’obligation d’obéissance restent indispensables au bon fonctionnement d’une Administration.

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