Fonction publique : la chasse au fonctionnaire en congé maladie
Par Frank ZERDOUMI, juriste (Green Law Avocats)
L’agent public en activité a droit à différents congés légaux, notamment à un congé pour raison de santé, dit de maladie ordinaire, dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs, en cas de maladie dûment constatée mettant l’agent dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions (articles L. 822-1 et L. 822-2 du code général de la fonction publique ).
Jusqu’au 28 février 2025, en cas de congé de maladie, il conservait l’intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois, puis ce traitement était réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Mais depuis le 1er mars 2025, l’agent public en congé de maladie perçoit désormais, pendant les trois premiers mois de son congé, 90 % de son traitement au lieu de son intégralité.
Le 13 mai 2025, le syndicat Action et Démocratie a saisi le juge des référés du Conseil d’État d’une demande de référé suspension afin que celui-ci ordonne la suspension de l’exécution du décret n° 2025-197 du 27 février 2025 relatif aux règles de rémunération de certains agents publics placés en congé de maladie ordinaire ou en congé de maladie et du décret n° 2025-198 du 27 février 2025 relatif à la rémunération maintenue en congé de maladie pour certains agents publics.
Surtout, il a demandé au juge des référés de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité, posant ainsi la question de la conformité de l’article 189 de la loi du 14 février 2025 de finances pour 2025 modifiant l’article L. 822-3 du Code général de la fonction publique avec les droits et libertés garantis par la Constitution.
D’après le syndicat requérant, les dispositions critiquées étaient contraires au principe d’égalité, notamment faute de prévoir la possibilité du versement d’une indemnité complémentaire pour les agents publics permettant, comme c’est possible pour les salariés du privé, de maintenir la rémunération durant le congé de maladie.
En ce sens, l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose que :
« La loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. ».
Pour mémoire, le syndicat requérant se prévalait également du principe de non-discrimination.
L’article 189 de la loi de finances pour 2025 est-il conforme à la Constitution ?
Le juge des référés du Conseil d’État a répondu à cette question par l’affirmative, en se basant sur une idée fort simple, malheureusement pour le syndicat, à savoir que les agents publics ne sont pas des salariés du privé :
« (…) les fonctionnaires sont dans une situation différente de celle des salariés du secteur privé et, en particulier, se voient appliquer des règles différentes en matière de droits sociaux et de congés de maladie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi et du principe de non-discrimination doit être écarté » (décision commentée : CE, 26 mai 2025, n° 504298, point 7 ).
D’une part, l’article L. 521-1 du Code de justice administrative dispose que :
« Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.
Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu’il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision. ».
D’autre part, l’article L. 822-3 du Code général de la fonction publique modifié par l’article 189 de la loi de finances pour 2025 dispose désormais que :
« Au cours de la période définie à l’article L. 822-2, le fonctionnaire en congé de maladie perçoit :
1° Pendant trois mois, 90 % de son traitement ;
2° Pendant les neuf autres mois, la moitié de son traitement.
Dans les situations mentionnées aux 1° et 2°, le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l’indemnité de résidence. ».
D’autre part, l’article L. 822-3 du Code général de la fonction publique modifié par l’article 189 de la loi de finances pour 2025 dispose désormais que :
« Les autres moyens présentés par le syndicat requérant, analysés dans les visas de la présente décision, ne sont pas propres à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée » (décision commentée : CE, 26 mai 2025, n° 504298, point 9 ).
La condition d’urgence ne sera donc pas examinée par le juge des référés :
« Il résulte de ce qui précède que sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la condition d’urgence, la requête du syndicat Action et Démocratie doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du même code, selon la procédure prévue par l’article L. 522-3 du code de justice administrative » (décision commentée : CE, 26 mai 2025, n° 504298, point 10 ).
Dans la fonction publique plus que dans le secteur privé, mieux vaut désormais être en bonne santé pour ne pas perdre une partie de sa rémunération.
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