Fonction publique : accident de service et entretien de recadrage
Par Frank ZERDOUMI, juriste (Green Law Avocats)
À l’occasion de l’occupation de son emploi, mais aussi de son ancienneté et de l’appréciation de la valeur professionnelle par ses supérieurs, la progression de l’agent public peut varier. Dans la fonction publique territoriale, c’est l’Autorité territoriale qui a le pouvoir de fixer les notes et appréciations générales exprimant la valeur professionnelle des fonctionnaires.
Cette valeur fait l’objet d’une appréciation qui se fonde sur une évaluation individuelle donnant lieu à un compte rendu qui leur est communiqué, conformément aux dispositions de l’article L. 521-1 du Code général de la fonction publique.
Cela étant, lorsqu’un agent ne remplit pas correctement ses missions, il peut être convoqué à un entretien dit de recadrage.
La dame A est Auxiliaire de puériculture titulaire employée par le Centre communal d’action sociale de Vesoul en qualité d’Assistante éducative petite enfance.
Le 6 juillet 2023, elle a été convoquée à un entretien de recadrage qui a eu lieu le jour même, à 17 heures 45, avec la directrice du Centre communal d’action sociale, en présence de la directrice des ressources humaines, dont elle n’a pas été informée de la présence.
Au cours de cet entretien, la directrice du Centre communal d’action sociale a rapporté des plaintes de collègues de Madame A, a formulé des reproches sur son comportement, qu’elle lui a demandé de modifier, au risque de devoir quitter le service.
D’après la requérante, ces propos ont été la cause de troubles dépressifs.
Le 21 juillet 2023, la directrice du Centre communal d’action sociale a adressé un courrier à Madame A dans lequel elle a précisé que, lors de l’entretien du 6 juillet 2023, il lui a été rappelé la nature de ses missions, il lui a été indiqué qu’elle n’avait pas à exercer une autorité sur ses collègues, et il lui a été demandé d’adopter un comportement positif au sein de la structure et d’assurer normalement les missions prévues par sa fiche de poste, sans que soit évoquée une altercation qui serait intervenue durant les échanges.
Le 31 juillet 2023, l’agente a déclaré un accident de service survenu le 6 juillet 2023 : elle a alors demandé au Président du Centre communal d’action sociale de reconnaître l’imputabilité au service de cet accident.
Le 21 octobre 2023, l’expertise médicale de l’agente a évoqué un état dépressif aigu suite à une altercation au travail.
Le 30 janvier 2024, le Président du Centre communal d’action sociale de Vesoul a pris un arrêté par lequel il a refusé de reconnaître l’imputabilité au service de l’accident survenu le 6 juillet 2023 et des congés maladie subséquents.
Le 18 mars 2024, l’agente a fait une demande de recours gracieux à l’encontre de cette décision.
Le 30 avril 2024, le Président du Centre communal d’action sociale a rejeté cette demande.
Le 1er juillet 2024, Madame A saisit le Tribunal administratif de Besançon, afin d’obtenir l’annulation de la décision du 30 janvier 2024, ainsi que l’annulation de la décision de rejet de son recours gracieux du 18 mars 2024.
Elle a également demandé au Tribunal d’enjoindre au Président du Centre communal d’action sociale de la placer en congé pour accident de service du 20 juillet 2023 au 12 février 2024.
Un entretien de recadrage peut-il être considéré comme un événement soudain et violent susceptible d’être qualifié d’accident de service ?
Le Tribunal administratif de Besançon a répondu à cette question par la négative, précisant ainsi qu’un tel entretien s’inscrit dans l’exercice normal du pouvoir hiérarchique (décision commentée : TA Besançon, 17 juin 2025, n° 2401246 ).
L’article L. 822-18 du Code général de la fonction publique dispose que :
« Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu’en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal, en l’absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l’accident du service. ».
Afin de justifier sa décision, le Tribunal a mis en perspective les circonstances de l’entretien avec le comportement des personnes présentes :
« (…) il n’est pas établi par les pièces produites que, lors de cet entretien, il aurait été demandé à la requérante de quitter le service à défaut de changer de comportement. Ainsi, rien ne permet d’établir que cet entretien de recadrage aurait donné lieu de la part de la directrice et de la directrice des ressources humaines du centre communal d’action sociale à un comportement ou à des propos excédant l’exercice normal du pouvoir hiérarchique, la circonstance que l’entretien ait été conduit par la directrice du centre communal d’action sociale, sans que soit présente la supérieure hiérarchique directe de Mme A est quant à elle sans incidence sur l’appréciation portée sur l’événement en litige. Dans ces conditions et quels que soient les effets qu’il a pu produire sur Mme A, cet entretien ne peut être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d’être qualifié d’accident de service, et le moyen tiré de l’erreur d’appréciation doit être écarté » (décision commentée : TA Besançon, 17 juin 2025, n° 2401246, point 7 ).
Dans la mesure où cet entretien de recadrage n’a eu d’autre ambition que de rappeler à la requérante ses obligations, la décision de refus du Président du Centre communal d’action sociale est donc justifiée.
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