Engrillagement transparent d’espaces naturels : l’administration n’a pas à en attester

Engrillagement transparent d’espaces naturels : l’administration n’a pas à en attester

engrillagement espace naturel

Par Frank ZERDOUMI, juriste (Green Law Avocats)

Pour qu’un recours pour excès de pouvoir soit recevable à l’encontre d’un acte administratif, il faut que celui-ci présente le caractère d’une décision exécutoire : c’est ce que la jurisprudence a appelé l’acte faisant grief.

Par exemple, ce recours est irrecevable contre les mesures simplement préparatoires d’une décision (CE, 13 février 1991, Société « Ile-de-France Média » et autres, n° 98809 ), il est également irrecevable à l’encontre de simples avis et également des circulaires, à moins que, sous le nom de circulaire, l’auteur ait édicté une véritable mesure réglementaire qui introduit un élément nouveau dans l’ordonnancement juridique (CE, Ass., 29 janvier 1954, Institution Notre Dame du Kreisker, rec. 64 ).

Cette problématique liée à l’identification d’un acte faisant grief s’est posée en matière d’engrillagement d’espaces naturelles.

En l’occurrence, le sieur B est propriétaire d’un enclos de 7 hectares, dénommé « Enclos de La petite Rablette », ainsi que d’un parc d’environ 40 hectares, dénommé « Parc de La petite Rablette ».

L’enclos et le parc sont situés au lieudit « La petite Rablette », sur les territoires des communes de Nazelles-Négron et de Montreuil-en-Touraine, deux communes du Département d’Indre-et-Loire.

Le 30 juin 2022, le plan local d’urbanisme intercommunal d’Amboise a été approuvé.

Le 28 février 2024, Monsieur B a demandé par courrier au Préfet d’Indre-et-Loire de constater que les clôtures existantes entourant l’Enclos de La petite Rablette, dont les parcelles sont situées en zone agricole dudit plan local d’urbanisme intercommunal, n’étaient pas concernées par les dispositions de l’article L. 372-1 du Code de l’environnement.

Il a formulé la même demande à propos de celles du Parc de La petite Rablette, classées en grande partie en zone agricole et accueillant des entraînements de chasse.

Ainsi, Monsieur B voulait avoir la certitude que ses clôtures étaient conformes aux exigences de l’article L. 372-1 du Code de l’environnement créé par l’article 1er de la loi n° 2023-54 du 2 février 2023 visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée.

Le 12 novembre 2024, le Préfet d’Indre-et-Loire a refusé de faire droit à la demande de Monsieur B, donc de constater la conformité de ces clôtures.

Le 10 janvier 2025, Monsieur B a déposé un recours pour excès de pouvoir devant le Tribunal administratif d’Orléans, afin que celui-ci annule la décision de refus du Préfet, et constate la régularité de ses clôtures.

Quelle est la nature juridique d’un refus de délivrance d’une attestation de conformité aux propriétaires de terrains clôturés ?

Est-ce un acte faisant grief ?

Le Tribunal administratif d’Orléans a répondu à cette question par la négative : dans la mesure où le Préfet n’est pas tenu de délivrer un certificat ou une attestation de conformité aux propriétaires de terrains clôturés, quand bien même il a été saisi d’une demande, sa décision de refus ne fait pas grief (décision commentée : TA Orléans, 5 mai 2025, n° 2500168, point 3 ).

Elle ne peut donc pas être contestée par la voie du recours pour excès de pouvoir.

À propos de cet article, le Tribunal a d’abord relevé que :

« (…) ces dispositions qui imposent que les clôtures respectent une distance de trente centimètres au-dessus du sol et une hauteur limitée à un mètre vingt ne font pas obstacle à l’édification d’une clôture continue et constante autour d’un bien foncier afin de matérialiser physiquement le caractère privé des lieux pour en interdire l’accès aux tiers » (décision commentée : TA Orléans, 5 mai 2025, n° 2500168, point 3 ).

Il a ensuite mis en exergue la date mentionnée dans l’article :

« (…) les propriétaires ont jusqu’au 1er janvier 2027 pour mettre en conformité leurs clôtures existantes afin de matérialiser physiquement leur propriété pour en interdire l’accès aux tiers, à la condition qu’elles respectent les caractéristiques qu’elles prévoient » (décision commentée : TA Orléans, 5 mai 2025, n° 2500168, point 4 ).

Enfin, il a rappelé un autre élément qui figure également dans l’article :

 « (…) l’obligation de mise en conformité des clôtures existantes ne s’applique pas aux clôtures réalisées depuis plus de trente ans avant la publication de la loi susvisée du 2 février 2023 qui prévoient également des exceptions » (décision commentée : TA Orléans, 5 mai 2025, n° 2500168, point 5 ).

Après ces précisions, le juge administratif a justifié l’irrecevabilité.

D’une part, le Tribunal administratif a précisé quelles étaient les obligations du Préfet.

En l’occurrence, elles étaient ici inexistantes :

« Il ne résulte d’aucune disposition législative comme réglementaire ni d’aucun principe général du droit que le représentant de l’État dans le département serait tenu de délivrer des certificats ou attestations de conformité aux propriétaires de terrains clôturés qui lui en feraient la demande au regard des dispositions issues de la loi susvisée du 2 février 2023. Il s’ensuit que le refus opposé par le préfet d’Indre-et-Loire à la demande de M. B ne lui fait pas grief et ne peut dès lors être contesté par la voie du recours pour excès de pouvoir. Par suite, la requête de M. B doit être rejetée en application des dispositions précitées de l’article R. 222-1, 4° du code de justice administrative » (décision commentée : TA Orléans, 5 mai 2025, n° 2500168, point 7 ).

D’autre part, il ne fallait pas demander au juge de s’improviser expert en clôtures :

« Il n’entre aucunement dans les attributions du juge administratif de constater la régularité des clôtures existantes au regard de la législation et de la réglementation applicables. Aussi de telles conclusions sont irrecevables et ne peuvent-elles qu’être rejetées » (décision commentée : TA Orléans, 5 mai 2025, n° 2500168, point 8 ).

Dans la mesure où cette décision de refus ne faisait pas grief, le recours pour excès de pouvoir déposé par Monsieur B n’est pas justifié et s’est avéré irrecevable.

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