L’Etat encore condamné à indemniser le ramassage communal des algues vertes !

L’amitié est comme les algues, nous enseigne un proverbe gabonais : quand on s’en approche, elles s’éloignent et quand on s’éloigne, elles se rapprochent.   En Bretagne  les choses sont bien moins poétiques : les algues restent et les vrais pollueurs prennent le large…   La prolifération des algues vertes en Bretagne causée par des pollutions d’origine agricole des eaux superficielles et souterraines donne lieu à un contentieux indemnitaire récurrent, dont l’unique responsable est l’Etat qui renonce par ces « carences fautives » à imposer le respect des règles environnementales.   Dans quatre arrêts récents, la Cour administrative d’appel de Nantes a donné gain de cause à quatre communes bretonnes en condamnant l’Etat à indemniser le préjudice subi par la prolifération des algues vertes, constitué en l’espèce par le coût du ramassage et du transport de ces algues pour l’année 2010 (Cour Administrative d’Appel de Nantes, 2ème Chambre, 22/03/2013, 12NT00342, Inédit au recueil Lebon ; Cour Administrative d’Appel de Nantes, 2ème Chambre, 22/03/2013, 12NT00343, Inédit au recueil Lebon ; Cour Administrative d’Appel de Nantes, 2ème Chambre, 22/03/2013, 12NT00344, Inédit au recueil Lebon ; Cour Administrative d’Appel de Nantes, 2ème Chambre, 22/03/2013, 12NT00345, Inédit au recueil Lebon).   Les quatre communes ont obtenu des indemnités comprises entre 9000 et 72 000 euros.   En 2009, la même Cour avait condamné l’Etat à indemniser, cette fois-ci, des associations en réparation du préjudice moral résultant pour elles « d’une atteinte importante aux intérêts collectifs environnementaux qu’elles se sont données pour mission de défendre » et imputé à la carence de l’Etat dans la mise en œuvre des réglementations européenne et nationale en matière de pollution des eaux par les nitrates (Cour Administrative d’Appel de Nantes, 2ème Chambre , 01/12/2009, 07NT03775). Les montants octroyés étaient compris entre 3 000 et 15 000 euros.   Dans chacun des arrêts précités de mars 2013, la Cour reprend un raisonnement identique à son arrêt de 2009 pour admettre la responsabilité de l’Etat dans la prolifération des algues.   La Cour indique que l’Etat a commis une faute en ne contrôlant pas suffisamment la qualité de l’eau et les pollutions diffuses d’origine agricole dans le sol, en ne respectant pas notamment la réglementation européenne. Ces carences ont entraîné dans un premier temps des pollutions très importantes de nitrates dans les eaux, puis la prolifération d’algues vertes sur le littoral breton. Les communes ont dû ramasser et transporter ces algues mais le coût de cette prise en charge n’a pas été supporté en intégralité par l’Etat.   Aussi, la Cour considère que le surcoût du transport et de ramassage des algues constitue un préjudice financier pour les communes, lequel présente un lien direct et certain avec les carences fautives de l’Etat :   « 8. Considérant qu’il résulte des développements qui précèdent que les carences de l’Etat dans la mise en œuvre de la réglementation européenne et nationale destinée à protéger les eaux de toute pollution d’origine agricole sont établies ; que ces carences sont constitutives d’une faute de nature à engager sa responsabilité ; que la circonstance invoquée par le ministre que l’Etat aurait mis en place, depuis 2003, des programmes d’action en matière de lutte contre les pollutions existantes, dont les résultats, ainsi qu’il a été dit plus haut, ne sont pas démontrés et dont il n’est pas contesté qu’ils ne seront pas en mesure, en tout état de cause, compte tenu de la nature et de l’ampleur des pollutions existantes liées aux carences sus-décrites, d’améliorer la situation avant de nombreuses années, n’est pas susceptible d’atténuer cette responsabilité; 9. Considérant que si l’article L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales précise que les communes concourent avec l’Etat à la protection de l’environnement, et si l’article L. 2212-3 du même code prévoit que le pouvoir de police du maire s’exerce, dans les communes riveraines de la mer, sur le rivage de la mer jusqu’à la limite des eaux, ces dispositions ne sauraient, contrairement à ce que soutient le ministre, être interprétées comme ayant pour effet d’exonérer, même partiellement, l’Etat de sa responsabilité à raison des fautes commises par lui, ainsi qu’il vient d’être dit, dans l’application des règlementations européenne et nationale en matière de prévention des pollutions d’origine agricole ; 10. Considérant, enfin, que le ministre ne peut invoquer, pour exonérer l’Etat de sa responsabilité, les stipulations de la convention du 15 avril 2010 portant délégation de maîtrise d’ouvrage à Lannion-Trégor agglomération pour la mise en œuvre du ramassage et de l’évacuation des algues vertes, celles de la convention du 26 mai 2010 relative au ramassage expérimental et préventif des algues vertes pour l’année 2010, et celles de la convention du 30 novembre 2010 relative au traitement des algues vertes, auxquelles la commune de Tréduder est partie, qui ne prévoient nullement la prise en charge, par cette dernière, d’une partie des frais exposés pour le ramassage des algues vertes ; 11. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’obligation de payer dont se prévaut la commune de Tréduder à l’égard de l’Etat, n’est, dans son principe, pas sérieusement contestable ; »Cour Administrative d’Appel de Nantes, 2ème Chambre, 22/03/2013, 12NT00342, Inédit au recueil Lebon     Notons que les différentes indemnisations ont été octroyées malgré la conclusion de conventions de délégation de service public passées entre l’Etat et certains EPCI pour financer le ramassage et le transport des algues vertes, dès lors que l’enveloppe financière octroyée par l’Etat ne correspondait pas aux frais réels supportés par les collectivités.   On peut par ailleurs s’interroger sur l’exclusivité du chef de préjudice invoqué par les requérants, constitué par le coût du ramassage des algues. La responsabilité de l’Etat étant établie, pourquoi les communes n’ont-elles pas sollicité l’indemnisation d’autres préjudices tels que le préjudice financier lié à la baisse de fréquentation touristique ou encore le préjudice d’image ? Dans d’autres circonstances certaines grandes sociétés concessionnaires ne s’en étaient pas privées (D. Deharbe et L. Chabanne-Pouzynin, « L’affaire de Guingamp ou la condamnation de l’Etat en matière de pollution de l’eau par les nitrates – note sous TA Rennes, 2 mai 2001, Société Suez…

Sortie du statut de déchet : mise en ligne du CERFA

Le formulaire CERFA 14831 relatif à la demande de sortie du statut de déchet dont nous parlions ici et dont nous attendions la mise en ligne est désormais disponible sur le site service-public.fr. Ont également été publié à cette adresse, l’annexe n°1 à la demande de sortie de statut de déchet et la notice explicative de la demande de sortie de statut du déchet.   Conformément à l’arrêté du 3 octobre 2012, les exploitants souhaitant faire sortir du statut de déchet une substance obtenue après la valorisation ou le recyclage d’un déchet ou d’une catégorie de déchets doivent en faire la demande par le biais du formulaire CERFA 14831.   Ainsi, dans le cas où la demande concerne une installation déterminée, l’exploitant doit mentionner dans le formulaire CERFA 14831 : –          Son identité ; –          Le nom, l’adresse, le régime de classement de son installation, ainsi que les rubriques de la nomenclature la concernant ; –          La dénomination des déchets et leur code tel que prévu à l’annexe II de l’article R.541-8 du Code de l’environnement ; –          Une description succincte de l’opération de valorisation des déchets leur faisant perdre le statut de déchet ;   Dans le cas où la demande concerne une catégorie de déchet, les exploitants doivent donner à une exception près les mêmes informations que celles précédemment exposées. En effet, la demande étant plus large, elle doit indiquer toutes les catégories d’installations susceptibles d’être concernées par celle-ci et les rubriques de la nomenclature correspondantes.   En outre, tous les demandeurs, d’après la notice explicative de la demande de sortie du statut de déchet doivent joindre à ce formulaire :   « – l’annexe 1 intitulée « informations nominatives relatives au demandeur »[dûment complétée] ;   – une copie de l’arrêté préfectoral d’autorisation ou du récépissé de déclaration (si la demande concerne une instalaltion déterminée) ou une présentation détaillée du type d’installations qui sont susceptibles d’être concernées par la sortie du statut de déchet (si la demande concerne une catégorie de déchets) ;   – un document comprenant l’ensemble des informations permettant d’établir que les déchets, pour l’opération de valorisation envisagée, satisfont aux conditions définies à l’article L. 541-4-3 du code de l’environnement, en particulier :   –          la description des fins spécifiques auxquelles la substance ou l’objet sont utilisés, et la démonstration du caractère courant de cet usage. Le demandeur précise en particulier pour quel usage le produit obtenu sera destiné, la nature des utilisateurs du produit et en particulier le type d’installations susceptibles d’utiliser le produit.   –           la justification de l’existence d’un marché ou d’une demande pour la substance ou l’objet. Il indique en particulier les volumes mis sur le marché ou couramment utilisés, une estimation de la valeur commerciale de la substance ou de l’objet et l’impact de la sortie du statut de déchet sur le marché, la demande ou la valeur économique de la substance ou de l’objet considérés ou des produits de même nature. Il précise notamment la viabilité du marché, en particulier sa régularité et sa pérennité.   –          la description des exigences techniques aux fins spécifiques ainsi que des réglementations internationales, communautaires et nationales et des normes applicables aux produits issus des déchets considérés, notamment en matière de qualité, de marquage, de transport, de stockage, de limitation de leurs utilisations et de préconisations d’usage. Il spécifie, en particulier, les dispositions du règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 novembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH) et du règlement (CE) n°1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges applicables aux produits issus des déchets considérés. Il indique la conformité des produits issus des déchets considérés à ces exigences, réglementations et normes ou les méthodes et moyens envisagés pour satisfaire à ces exigences. –          la description des effets globaux nocifs pour l’environnement et la santé humaine des produits issus des déchets considérés et l’absence de ces effets dans le cadre des usages envisagés pour ces produits ;   – un document présentant les critères de sortie de statut de déchet proposés par le demandeur permettant de respecter les conditions de larticle L. 541-4-3 et leurs justifications. Le demandeur justifie en particulier de l’adéquation de ces critères au regard des risques identifiés. Les critères portent notamment sur les déchets utilisés en tant que matières entrantes dans l’opération de valorisation, sur l’opération de valorisation et sur les produits issus de l’opération de valorisation. Ils peuvent également porter sur l’usage du produit issu de l’opération de valorisation, la formation du personnel. Le demandeur peut proposer que les critères de sortie du statut de déchet soient fixés pour une durée limitée. Le demandeur indique les contrôles qui seront effectués pour vérifier le respect des conditions énoncées à l’article L. 541-4- 3 du code de l’environnement, et en particulier la fréquence minimale de ces contrôles au regard de la variabilité des paramètres mesurés, les méthodes d’échantillonnage et d’analyses utilisées, l’enregistrement des résultats obtenus et la qualification des personnes chargées d’effectuer ces contrôles ;   – une description complète de l’opération de valorisation ;   – une description complète de ces déchets, comprenant notamment :   –          la caractérisation des déchets. S’il s’agit de déchets dangereux, le demandeur doit indiquer les propriétés de danger des déchets au sens de l’annexe I de l’article R. 541-8 du code de l’environnement ;   –           les origines et les modes de collecte des déchets considérés ;   –          une estimation des quantités des déchets considérés traités par l’installation (dans le cas d’une demande pour une installation déterminée) ou traités en France (dans le cas d’une demande pour une catégorie de déchets) ;     – une proposition de modèle et de contenu d’attestation de conformité mentionnée à l’article D. 541-12-13 du code de l’environnement ;   – une description détaillée de la proposition de système de gestion de la qualité mentionnée…

Sortie du déchet : encore un cerfa et elle aura son statut

Par un arrêté ministériel du 3 octobre 2012, publié au Journal Officiel de la République Française du 6 novembre 2012, le contenu du dossier de demande de sortie du statut de déchet, ou du moins, sa forme, a été fixé. En effet, depuis le 19 décembre 2010, en application de la directive cadre sur les déchets de 2008, le nouvel article L.541-4-3 du Code de l’environnement a donné la possibilité pour les exploitants d’installations classées au titre de la loi sur l’eau ou au titre des ICPE de faire perdre à un déchet son statut de déchet en lui faisant subir une opération de valorisation ou de recyclage et lorsque la substance obtenue répond à certains critères remplissant l’ensemble des conditions énoncées par l’article précité. La procédure relative à la sortie du statut de déchet est prévue par les articles D.541-12-4 à D.541-12-15 du Code de l’environnement, introduits par le décret n°2012-602 du 30 avril 2012 dont l’entrée en vigueur a eu lieu le 1er octobre dernier. Ainsi, pour faire sortir de son statut de déchet la substance obtenue après valorisation, les exploitants doivent en faire la demande. Cette demande peut être présentée soit individuellement, soit collectivement par ces exploitants ou leur mandataire par le biais d’un dossier adressé au ministre chargé de l’environnement lorsqu’elle porte sur une catégorie de déchet et au préfet de département dans les autres cas. C’est le contenu de ce dossier de demande qui a été fixé par l’arrêté du 3 octobre,  bien que ce dernier ne fasse que renvoyer à un formulaire CERFA 14831 dont la mise en ligne sur le site http://www.service-public.fr/ devrait intervenir dans les jours prochains (depuis intervenu). Ainsi, pour l’heure, on peut seulement affirmer que : –        La demande de sortie du statut de déchet doit être présentée par le biais du formulaire CERFA 14831 ; –        A cette demande, doit être jointe l’annexe 1 du formulaire CERFA intitulée « informations nominatives relatives au demandeur » ; –        A cette demande, doivent être également jointes toutes les pièces listées dans ce formulaire CERFA ; –        Toute information complémentaire nécessaire à l’établissement des critères de sortie de statut de déchet peut être demandée par l’autorité compétente au(x) pétitionnaire(s). On rappellera que le dossier de demande de sortie du statut de déchet doit permettre à l’autorité compétente d’arrêter les critères de sortie du statut de déchet, soit pour un déchet spécifique relatif à une installation déterminée, soit pour une catégorie de déchets. Cependant, il en sera autrement dans le cas où ces critères auront été définis pour une catégorie de déchets au niveau de l’Union Européenne, l’autorité compétente n’ayant alors plus qu’à les appliquer pour traiter la demande. Etienne POULIGUEN – Juriste Green Law Avocat

Déchet/ notion de propriétaire détenteur: la Cour de cassation rejoint l’interprétation du Conseil d’Etat

Dans un arrêt du 11 juillet 2012, la Cour de Cassation adopte une interprétation de la notion de “détenteur de déchet” proche de celle du Conseil d’Etat, et établit une présomption simple en faveur du propriétaire des déchets lorsque le responsable est inconnu (Cour de cassation, 3e ch. civ., 11 juillet 2012, n°11-10.478, “ADEME c. Mme Viviane X. et Mme Léonie Z.”) Très récemment, la Cour administrative d’appel de Lyon apporte elle aussi des précisions sur la notion de détenteur: l’occasion de revenir sur l’état actuel des jurisprudences en matière de propriétaire détenteur des déchets.   L’obligation d’élimination pesant sur le détenteur Ces précisions sont d’une particulière importance car le  « détenteur de déchets » au sens de l’article L. 541-2 du code de l’environnement se voit en pratique obligé de supporter le coût de leur élimination. Rappelons que l’article L. 541-2 du code de l’environnement prévoit que : “Toute personne qui produit ou détient des déchets, dans des conditions de nature à produire des effets nocifs sur le sol, la flore et la faune, à dégrader les sites ou les paysages, à polluer l’air et les eaux, à engendrer des bruits et des odeurs et d’une façon générale à porter atteinte à la santé de l’homme et à l’environnement, est tenue d’en assurer ou d’en faire assurer l’élimination conformément aux dispositions prévues par la présente loi, dans des conditions propres à éviter lesdits effets “ Et que l’article L. 541-3 du code de l’environnement : “Au cas où les déchets sont abandonnés, déposés ou traités contrairement aux dispositions de la présente loi et des règlements pris pour leur application, l’autorité titulaire du pouvoir de police peut, après mise en demeure, assurer d’office l’élimination desdits déchets aux frais du responsable “   Cette obligation d’élimination des déchets est distincte de l’obligation spécifique de remise en état du site qui incombe à l’exploitant d’une installation classée. Toutefois, la législation « déchets » peut être appliquée par le maire ou, en cas de carence de celui-ci par le Préfet, en présence d’un exploitant défaillant, en particulier lorsque celui-ci a été mis en liquidation judicaire.     Les positions jurisprudentielles du Conseil d’Etat, puis de la Cour de cassation Le Conseil d’Etat s’est prononcé à plusieurs reprises sur la notion de « détenteur de déchets » et semble s’être définitivement positionné dans une décision du 26 juillet 2011 dite « Wattelez II » en établissant une présomption simple de responsabilité du propriétaire des terrains sur lesquels sont entreposés les déchets lorsque que le responsable initial demeure inconnu : « Considérant que le propriétaire du terrain sur lequel ont été entreposés des déchets peut, en l’absence de détenteur connu de ces déchets, être regardé comme leur détenteur au sens de l’article L. 541-2 du code de l’environnement, notamment s’il a fait preuve de négligence à l’égard d’abandons sur son terrain ; » (Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 26/07/2011, 328651 « Wattelez II »)   La position du juge judiciaire était donc très attendue, et se situe fort heureusement dans la lignée de la jurisprudence actuelle du Conseil d’Etat. La Cour de Cassation établit la même présomption de responsabilité du propriétaire du terrain, tout en précisant les causes de renversement de cette présomption -absence de comportement fautif du propriétaire- : « Mais attendu qu’en l’absence de tout autre responsable, le propriétaire d’un terrain où des déchets ont été entreposés en est, à ce seul titre, le détenteur au sens des articles L. 541 1 et suivants du code de l’environnement dans leur rédaction applicable, tels qu’éclairés par les dispositions de la directive CEE n̊ 75 442 du 15 juillet 1975, applicable, à moins qu’il ne démontre être étranger au fait de leur abandon et ne l’avoir pas permis ou facilité par négligence ou complaisance ; qu’ayant, par motifs propres et adoptés, retenu que si Mmes Z… et X… étaient propriétaires du terrain sur lequel des déchets avaient été abandonnés par l’exploitant, elles ne pouvaient pas se voir reprocher un comportement fautif, la cour d’appel en a exactement déduit qu’elles n’étaient pas débitrices de l’obligation d’élimination de ces déchets et tenues de régler à l’ADEME le coût des travaux ; »   En définitive, en l’absence de responsable connu d’un abandon de déchets, l’administration ne pourra faire peser systématiquement sur le propriétaire du terrain le coût de l’évacuation des déchets. L’absence de comportement fautif du propriétaire (que lui-même devra démontrer) fera obstacle à ce que sa responsabilité soit engagée. C’est à notre sens faire preuve de justice que de juger qu’en l’absence de responsable connu et en présence d’un propriétaire « innocent », c’est à l’Etat, par le biais de l’ADEME, qu’il revient de supporter le coût de l’élimination d’un abandon « sauvage » de déchets (qui s’élevait dans l’affaire portée devant la Cour de Cassation à 246 917 euros !).   Notons enfin que la Cour administrative d’appel de Lyon a précisé dans un arrêt récent que le détenteur de déchets visé à  l’article L. 542-1 du code l’environnement doit s’entendre exclusivement comme le détenteur actuel : « Considérant que le responsable des déchets visé par l’article L. 541-3 du code de l’environnement précité, lequel renvoie aux dispositions précitées de la directive du 15 juillet 1975, qui ont été interprétée par l’arrêt n° C-188/07 de la Cour de justice des communautés européennes du 24 juin 2008 et par la décision n° 304803 du Conseil d’Etat du 10 avril 2009, s’entend des seuls détenteurs et producteurs des déchets, et non des anciens détenteurs des déchets ; que, par suite, la commune n’est pas fondée à soutenir que Tribunal a commis une erreur de droit sur ce point ; qu’il est constant qu’aucune relation contractuelle ne liait à la date de la décision attaquée le propriétaire et l’ancien propriétaire de l’ensemble immobilier de la rue des Chambons M. P.et Mme G., et la SOCIETE TRANSPORTS G., et que la société n’avait jamais été propriétaire d’immeubles situés sur la propriété des époux G., alors que Mme G. ainsi…

Taxe sur les boues d’épuration: la Loi déclarée conforme à la Constitution sous une réserve d’interprétation (Conseil Constitutionnel, 8 juin 2012)

Voici une décision qui intéressera tous les producteurs de boues dont une partie au moins est destinée à être épandue.   Saisi le 26 mars 2012 par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité  (en application de l’ art. 61-1 de la Constitution) posée par une Confédération professionnelle,  et par cinq autres sociétés,  le conseil constitutionnel s’est prononcé sur la constitutionnalité de l’article L. 425-1 du code des assurances (décision n° 2012-251 QPC du 08 juin 2012).   Aux termes de cet article, introduit par l’article 45  de la loi n°2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, « un fonds de garantie des risques liés à l’épandage agricole des boues d’épuration urbaines ou industrielles est chargé d’indemniser les préjudices subis par les exploitants agricoles et les propriétaires des terres agricoles et forestières dans les cas où ces terres, ayant reçu des épandages de boues d’épuration urbaines ou industrielles, deviendraient totalement ou partiellement impropres à la culture en raison de la réalisation d’un risque sanitaire ou de la survenance d’un dommage écologique lié à l’épandage, dès lors que, du fait de l’état des connaissances scientifiques et techniques, ce risque ou ce dommage ne pouvait être connu au moment de l’épandage et dans la mesure où ce risque ou ce dommage n’est pas assurable par les contrats d’assurance de responsabilité civile du maître d’ouvrage des systèmes de traitement collectif des eaux usées domestiques ou, le cas échéant, de son ou ses délégataires, de l’entreprise de vidange, ou du maître d’ouvrage des systèmes de traitement des eaux usées industrielles ».   Ce fonds est financé par une taxe annuelle due par les producteurs de boues et dont l’assiette est la quantité de matière sèche de boue produite sachant que le montant de la taxe est fixé par décret en Conseil d’État dans la limite d’un plafond de 0,5 euros par tonne de matière sèche de boue produite.   Critiquant l’assiette de la taxe portant sur la quantité de boue produite et non sur la quantité de boue épandue, les requérants invoquaient la violation du principe d’égalité devant les charges publiques (art. 13 de la DDHC de 1789).   Le Conseil constitutionnel rejette la partie de la contestation tendant à remettre en cause le choix du législateur de favoriser l’élimination des boues d’épuration au moyen de l’épandage quand bien même ce mode d’élimination des boues n’est peut être pas le plus approprié pour les boues papetières (voir le commentaire  sur le site du CC de la décision n°2012-251 QPC du 8 juin 2012) au motif classique qu’il ne dispose pas d’un pouvoir d’appréciation de même nature que celui du Parlement.   Ensuite, les juges de la rue de Montpensier puisent dans l’exégèse du texte de loi pour vérifier l’absence de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques : selon la jurisprudence constitutionnelle, toute différence de traitement procédant d’une rupture d’égalité doit être en rapport direct avec l’objet de la loi (Décision n°2000-441 DC du 28 décembre 2000, loi de finances rectificative pour 2000). De ce point de vue, l’on peut rappeler que le Conseil constitutionnel procède à un contrôle approfondi de la fiscalité incitative. Or, la lecture des débats parlementaires permet de mesurer l’intention du législateur : l’institution de la taxe  assise sur la quantité de boue produite (et non pas épandue) a eu pour objet d’éviter que la taxe ne dissuade les producteurs de boues de recourir à l’épandage. Le Conseil en déduit que « la différence instituée entre les boues susceptibles d’être épandues que le producteur a l’autorisation d’épandre et les autres déchets qu’il produit et qui ne peuvent être éliminés que par stockage ou par incinération est en rapport direct avec l’objet de la taxe ».   En même temps,  le juge constitutionnel émet une réserve d’interprétation (comme il a déjà pu le faire dans la décision n°2010-57 QPC du 18 octobre 2010, “Taxe générale sur les activités polluantes”)  puisqu’il précise que les boues susceptibles d’être épandues mais  que le producteur n’a pas eu l’autorisation d’épandre ne sauraient être assujetties à la taxe. Concrètement, « le producteur de 20000 tonnes de boues « épandables », mais qui n’a été autorisé par arrêté du préfet à n’en épandre que 10000 ne peut être taxé que sur ces 1000 tonnes ( qu’il soit parvenu, ou non, à trouver les surfaces d’épandage nécessaires » (Commentaire de la décision n° 2012-251 QPC du 8 juin 2012, Taxe sur les boues d’épuration, http://www.conseil-constitutionnel.fr).   Les sociétés pourront dès lors se prévaloir de cette réserve d’interprétation devant les juridictions…..     Patricia Demaye-Simoni Maître de conférences en droit public