Il n’est pire cours d’eau que celui qui dort…

Par Maître Sébastien BECUE Green Law Avocats Suis-je en présence d’un cours d’eau ou d’un simple écoulement ? C’est la question que tout propriétaire riverain d’un cours d’eau ou porteur d’un projet susceptible d’avoir un impact sur le milieu aquatique doit se poser. En effet, la qualification juridique de « cours d’eau » s’accompagne d’un assortiment d’obligations susceptibles de sanctions administratives et pénales. Or, le moins que l’on puisse dire est qu’en l’absence de critères précis, il était, jusqu’à récemment, compliqué de s’y retrouver. Une instruction ministérielle est depuis intervenue afin d’expliciter les critères jurisprudentiels et prescrire, sur ce fondement, la réalisation d’une cartographie complète des cours d’eau.   NB: Il est à noter que depuis la publication initiale de cet note de blog le 9 février 2016 :  La Cour administrative d’appel de Lyon, dans une décision d’avril 2016 a réalisé une intéressante analyse in concreto de l’existence d’un cours d’eau au regard de la définition du Conseil d’Etat : « que constitue un cours d’eau un écoulement d’eaux courantes dans un lit naturel à l’origine, alimenté parune source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l’année ; que M. C…se prévaut de deux rapports établis par M.D…, “consultant milieux aquatiques”, en 2011 et le 26 août 2014, qui soulignent que, si l’arrêté préfectoral contesté retient l’existence d’un cours d’eau, nommé le Rivaux, alimentant le plan d’eau, aucune indication d’un tel cours d’eau ne figure sur les cartes de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), ni au cadastre, et relèvent l’absence de débit, de mars à octobre 2011, ainsi que la reproduction de ce tarissement chaque année ; que, toutefois, la circonstance que le tarissement du cours d’eau constaté en octobre 2011 par l’auteur du rapport durerait depuis le mois de mars et se reproduirait chaque année ne résulte pas de constats mais uniquement des affirmations du requérant, propriétaire de l’étang, lequel ne conteste pas utilement les données avancées par l’administration selon lesquelles le débit moyen annuel du cours d’eau est de 28 litres par seconde et le débit d’étiage du mois le plus sec sur une période de cinq ans, appelé “QMNA/5”, de 2 litres par seconde, non plus que les rapports établis par des agents de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA) des 29 janvier 2009 et 23 octobre 2014, aux termes desquels le plan d’eau litigieux n’est pas seulement alimenté par des eaux de ruissellement et de drainage mais par un écoulement d’eau, dans un lit naturel à l’origine, alimenté par des sources, qui naît 600 mètres en amont du plan d’eau, où il s’écoule au rythme de 20 litres par seconde ; qu’il ressort également de ces rapports qu’a été constatée dans le lit de ce ruisseau la présence de gammares, petits crustacés détritivores qui ont un cycle de vie complet dans l’eau, ainsi que celle de larves de trichoptères ; que ces constatations démontrent que le débit d’eau y est permanent ; qu’ainsi, alimenté par une source, s’écoulant dans un lit à l’origine naturel et présentant un débit suffisant, ce ruisseau, qui, au demeurant, était déjà mentionné dans l’arrêté du 12 mai 1981, constitue, quand bien même il ne figure pas sur une carte IGN, un cours d’eau ; que, par suite, en qualifiant de cours d’eau le ruisseau alimentant le plan d’eau de M. C…et en estimant par conséquent que ce plan d’eau faisait obstacle au libre écoulement des eaux et constituait une pisciculture, au sens des dispositions de l’article L. 431-6 du code de l’environnement, soumise à autorisation, au sens de l’article R. 214-1 du même code, le préfet du Puy-de-Dôme n’a pas fait une inexacte application de ces dispositions ; qu’à cet égard, est sans incidence la circonstance que M. C…ne commercialise pas les poissons qu’il pêche et ne fasse de son plan d’eau qu’un usage privatif de loisir » (CAA Lyon, 3e, 12-04-2016, n° 14LY01055)   De plus, l’article L. 215-7-1 du code de l’environnement, entré en vigueur le 10 août 2016, définit ainsi le cours d’eau : « Constitue un cours d’eau un écoulement d’eaux courantes dans un lit naturel à l’origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l’année. L’écoulement peut ne pas être permanent compte tenu des conditions hydrologiques et géologiques locales. » Ce faisant, le Législateur reprend à son compte la définition du Conseil d’Etat.     I. Le cours d’eau, objet coulant Identifié Il n’existe à l’heure actuelle aucune définition légale du cours d’eau. C’est donc au juge administratif qu’est revenue la tâche de dégager des critères, au cas par cas. La circulaire du 2 mars 2005 relative à la définition de la notion de cours d’eau reprenait les critères jurisprudentiels de l’époque, à savoir : – La présence et la permanence d’un lit naturel à l’origine, ce qui suppose d’être en mesure de démontrer à la fois l’origine naturelle d’un lit, une tâche pas forcément aisée, ainsi que sa permanence ; – La permanence d’un débit suffisant une majeure partie de l’année, appréciée au cas par cas en fonction de diverses présomptions telles que les cartes IGN et registres cadastraux ; on a vu plus simple en terme de prévisibilité. Par une décision en date du 21 octobre 2011 (n°334322), le Conseil d’Etat a enfin fixé une définition jurisprudentielle générale du cours d’eau. Aux deux précités, il ajoute un troisième critère : – L’alimentation de l’écoulement par une source, sous-entendu autre que les précipitations. Il est à noter qu’un amendement au projet de loi sur la biodiversité reprenant cette définition jurisprudentielle a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale et le Sénat. Ce nouvel article L. 215-7-1 du code de l’environnement, s’il restait en l’état, prévoirait ainsi que : « Constitue un cours d’eau un écoulement d’eaux courantes dans un lit naturel à l’origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l’année. L’écoulement peut ne pas être permanent compte tenu des conditions hydrologiques et géologiques locales. » Ces définitions et ces éléments jurisprudentiels ont en commun de caractériser le cours d’eau au moyen du précieux liquide même si son écoulement n’est pas systématiquement exigé en jurisprudence (). II. Une définition par instruction du 3 juin 2015 ajoutant l’eau virtuelle Il en va tout autrement avec l’instruction ministérielle du 3 juin 2015 relative à la cartographie et l’identification des cours d’eau et à leur entretien, suite notamment à un lobbying intense et légitime de la FNSEA. En premier lieu, cette instruction détaille en profondeur les critères jurisprudentiels. En exergue, il est rappelé que ces critères ont été conçus pour être applicables à l’ensemble du…

Eau: les installations bénéficiant d’un droit fondé en titre sont soumis au régime des IOTA (CE, 2 décembre 2015, n°384204

Par Me Marie-Coline Giorno Green Law Avocat   Saisi d’un recours en excès de pouvoir tendant à obtenir l’annulation des articles 7 et 17 du décret n°2014-750 du 1er juillet 2014 harmonisant la procédure d’autorisation des installations hydroélectriques avec celle des installations, ouvrages, travaux et activités prévue à l’article L. 214-3 du code de l’environnement, le Conseil d’Etat vient de rendre sa décision. Il s’agit de la décision présentement commentée (Conseil d’État, 6ème / 1ère SSR, 2 décembre 2015, n°384204, mentionné dans les tables du recueil Lebon) Dans cette même affaire, il convient de rappeler que les requérants avaient, déposé, par un mémoire distinct, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur les dispositions du II de l’article L. 214-6 du code de l’environnement (dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2005-805 du 18 juillet 2005 portant simplification, harmonisation et adaptation des polices de l’eau et des milieux aquatiques, de la pêche et de l’immersion des déchets) mais que celle-ci n’avait pas été transmise au Conseil constitutionnel (cf. notre analyse sur cette décision ici). Aux termes de la décision du 2 décembre 2015, le Conseil d’Etat a rejeté la requête des requérants en estimant qu’ils n’étaient pas fondés à demander l’annulation des dispositions réglementaires du code de l’environnement issues des articles 7 et 17 du décret du 1er juillet 2014 harmonisant la procédure d’autorisation des installations hydroélectriques avec celle des installations, ouvrages, travaux et activités prévue à l’article L. 214-3 du code de l’environnement. Après avoir précisé quelles dispositions du code de l’environnement s’appliquaient aux droits fondés en titre [1] (I), le Conseil d’Etat a rejeté tant les moyens dirigés contre l’article 7 du décret (II) que ceux formulés à l’article 17 de celui-ci (III). Sur les dispositions du code de l’environnement applicables aux installations bénéficiant de droits fondés en titre La première question posée au Conseil d’Etat était de déterminer si les installations et ouvrages fondés en titre étaient soumis à l’ensemble des dispositions de la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre II de la partie législative du code de l’environnement dénommée « Régimes d’autorisation ou de déclaration » et, notamment, à l’article L. 214-4 du code de l’environnement et en particulier à son II et à son II bis aux termes desquels : « II.- L’autorisation peut être abrogée ou modifiée, sans indemnité de la part de l’Etat exerçant ses pouvoirs de police, dans les cas suivants : 1° Dans l’intérêt de la salubrité publique, et notamment lorsque cette abrogation ou cette modification est nécessaire à l’alimentation en eau potable des populations ; 2° Pour prévenir ou faire cesser les inondations ou en cas de menace pour la sécurité publique ; 3° En cas de menace majeure pour le milieu aquatique, et notamment lorsque les milieux aquatiques sont soumis à des conditions hydrauliques critiques non compatibles avec leur préservation ; 4° Lorsque les ouvrages ou installations sont abandonnés ou ne font plus l’objet d’un entretien régulier. II bis.-A compter du 1er janvier 2014, en application des objectifs et des orientations du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux, sur les cours d’eau, parties de cours d’eau ou canaux classés au titre du I de l’article L. 214-17, l’autorisation peut être modifiée, sans indemnité de la part de l’Etat exerçant ses pouvoirs de police, dès lors que le fonctionnement des ouvrages ou des installations ne permet pas la préservation des espèces migratrices vivant alternativement en eau douce et en eau salée. » Cet article ne vise que les autorisations délivrées aux installations, ouvrages, travaux ou activités aquatiques (IOTA): les installations et ouvrages fondés en titre ne sont pas expressément mentionnés dans cet article. Afin de déterminer si les installations et ouvrages fondés en titre étaient soumis à l’article L. 214-4 du code de l’environnement, le Conseil d’Etat s’est fondé sur les dispositions du II de l’article L. 214-6 du code de l’environnement, dans leur rédaction résultant notamment de l’ordonnance du 18 juillet 2005 portant simplification, harmonisation et adaptation des polices de l’eau et des milieux aquatiques, de la pêche et de l’immersion des déchets. Selon ces dispositions, « Les installations, ouvrages et activités déclarés ou autorisés en application d’une législation ou réglementation relative à l’eau antérieure au 4 janvier 1992 sont réputés déclarés ou autorisés en application des dispositions de la présente section. Il en est de même des installations et ouvrages fondés en titre. » La Haute Juridiction s’est également fondée sur le VI de l’article L. 214-6 du code de l’environnement selon lequel « Les installations, ouvrages et activités visés par les II, III et IV sont soumis aux dispositions de la présente section ». Au regard de ces éléments, le Conseil d’Etat a considéré « qu’il résulte des dispositions citées ci-dessus que les installations et ouvrages fondés en titre sont soumis, en vertu du VI de l’article L. 214-6 du code de l’environnement, aux dispositions des articles L. 214-1 à L. 214-11 du code de l’environnement, qui définissent le régime de la police de l’eau, notamment à celles qui définissent les conditions dans lesquelles, en vertu de l’article L. 214-4, l’autorisation peut être abrogée ou modifiée sans indemnisation ». Cette position était particulièrement prévisible depuis la décision QPC du Conseil d’Etat du 8 juillet 2015 (Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 08 juillet 2015, n°384204, Inédit au recueil Lebon, consultable ici et commentée ici). Le Conseil d’Etat avait en effet estimé « qu’il résulte des dispositions du II de l’article L. 214-6 du code de l’environnement citées au point 2 que les installations et ouvrages fondés en titres sont réputés déclarés ou autorisés, conformément aux dispositions de la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code de l’environnement, en fonction de leur classement dans la nomenclature prévue à l’article L. 214-2 du code de l’environnement, laquelle est établie selon des critères objectifs fondés sur les effets de l’installation ou de l’ouvrage en cause sur les milieux aquatiques ; que les requérants ne sauraient sérieusement soutenir que les dispositions de l’article L. 214-6 du code de l’environnement qu’ils critiquent impliqueraient que les installations et…

Hydroélectricité: le projet de cahier des charges pour les petites installations est en consultation

Le 13 novembre dernier, a été lancée la consultation relative au cahier des charges du premier appel d’offres relatif aux petites installations hydroélectriques. Rappelons que cet appel d’offres s’inscrit dans la lignée du nouveau décret simplifiant la procédure d’appel d’offres, qui a été présenté au Conseil supérieur de l’énergie (CSE) le 10 novembre dernier. Sur le plan procédural, le projet de cahier des charges est également soumis à l’avis de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) avant le lancement de l’appel d’offres, prévu début 2016, tandis que les lauréats ne seront désignés que début 2017. Le gouvernement indique que cet appel d’offres doit permettre de développer plus de 60 mégawatts (MW) de nouvelles capacités dans tous les champs de la petite hydroélectricité: Réhabilitation d’anciens moulins et équipements de petits ouvrages existants pour une puissance entre 36 et 150 kW ; Installations nouvelles situées dans des zones propices, de puissance supérieure à 500 kW ; Equipement d’ouvrages déjà existants mais ne produisant pas d’électricité, ayant par exemple un usage de navigation ou d’alimentation en eau potable, à partir d’une puissance supérieure à 150 kW.   Cet appel d’offres intéressera donc de nombreux acteurs, non seulement les acteurs professionnels du secteur, mais également les personnes intéressées par une réhabilitation d’anciens ouvrages. Ces derniers sont déjà confrontés à des problématiques de continuité écologique qui peuvent, certes légitimement, grever la rentabilité financière d’une réhabilitation.   La consultation est ouverte à tous sur le site du Ministère.

Distribution d’eau : condamnation au civil pour mauvaise qualité

Par Me Aurélien BOUDEWEEL (Green Law Avocat) Par un arrêt en date du 17 septembre 2015, la Cour d’appel de PARIS (décision 14 05396 CA paris) condamne deux sociétés de fourniture d’eau au regard de la mauvaise qualité de l’eau qui a été fournie à un usager. En l’espèce, un particulier était devenu propriétaire d’une maison d’habitation dont la distribution d’eau n’était pas conforme en termes de qualité aux réglementations en vigueur, comme le relevait des analyses effectuées par un laboratoire spécialisé en 2007 et 2012. Débouté en première instance, le particulier a interjeté appel. La Cour d’appel de PARIS réforme le jugement. Le juge d’appel détermine dans un premier temps le cadre juridique du rapport né entre l’usager, le fournisseur et le distributeur d’eau : « En conséquence, la société X, au visa des articles du contrat d’affermage ci dessus rappelé, se trouve responsable vis à vis des tiers de la qualité des eaux fournies notamment au regard de l’article 6.4, ainsi que la société Y au titre du contrat d’abonnement souscrit par M. A, étant par ailleurs démontré, notamment dans son courrier du 20 juillet 2011, que la société Y s’est trouvée au cœur de la résolution de cette affaire par sa connaissance du dossier, ses interventions techniques et sa demande d’autorisation de travaux auprès du président de la SIAEPB (article 2.7 du contrat modification des installations à l’initiative du délégataire)(…)» Au « cœur » de cette relation juridique le distributeur d’eau est débiteur d’une obligation de résultat : « En effet l’abonné est en droit d’exiger que l’eau du service public soit potable et propre aux divers usages auxquels elle est employée, ainsi que le rappelle la recommandation n° 85 -1 de la Commission des clauses abusives relative aux contrats de distribution de l’eau qui relève : «que, quelque soit le mode juridique de distribution, les relations entre l’usager et le service chargé de la distribution d’eau communément appelé « service des eaux », résulte d’un contrat d’abonnement appelé « règlement du service des d’eau » et que ce contrat se trouve, du fait de sa nature même, soumis au régime de droit privé, que sa responsabilité est régie par les règles de la responsabilité civile, que l’obligation de fournir une eau propre à la consommation humaine est une obligation de résultat qui procède des règles d’ordre public qui ne cède que devant la preuve d’une impossibilité d’exécution due à un cas de force majeure »; en l’espèce, la non-conformité de l’eau n’était pas un événement inévitable, irrésistible, insurmontable puisqu’il trouvait sa cause dans un problème technique parfaitement identifié tant par la société Y que par la société X et pour lequel il existait une solution dont la réalisation a seulement tardé ; Il s’ensuit que la société Y et la société X ont manqué à leur obligation qui est une obligation de résultat ». Cet arrêt de la Cour d’appel de PARIS est l’occasion de rappeler que les litiges relatifs à la prestation du service public industriel et commercial de distribution d’eau délivrée à l’usager relèvent des juridictions judiciaires. Le contrat conclu avec l’abonné oblige le distributeur à délivrer une eau conforme à sa destination, c’est-à-dire une eau propre à la consommation (art. L. 1321-1 du Code de Santé Publique), qui puisse satisfaire les usages de boisson, de cuisson, de préparation d’aliments, les autres usages domestiques ainsi que tous les usages agro-alimentaires (art. R. 1321-1 Code de Santé publique). Les obligations relatives à la fourniture de la prestation sont des obligations de résultat. Les usagers peuvent engager la responsabilité du service dès lors qu’ils ont subi un dommage, sans avoir à apporter la preuve d’une faute du service. Les jurisprudences rendues jusqu’à présent avaient permis de déterminer la notion de qualité d’eau potable : ainsi doit être considérée comme potable l’eau qui, à la fois, est propre à la consommation humaine et répond aux normes légales et réglementaires définies jusqu’en décembre 2003 par le décret du 3 janvier 1989, puis par des dispositions du Code de la Santé Publique. Désormais les eaux doivent être conformes à des limites de qualité (cf. art. R1321-2 code de la santé publique) et des références de qualité (cf. art.R1321-3 de la santé publique). Les limites et référence de qualité sont fixées par arrêté ministériel (cf. Arrêté du 11 janvier 2007 relatif aux limites et références de qualité des eaux brutes et des eaux destinées à la consommation humaine mentionnées aux articles R. 1321-2, R. 1321-3, R. 1321-7 et R. 1321-38 du code de la santé publique). Cette non-conformité a été reconnue pour le paramètre nitrate (TI St Brieuc, 18 juill. 1994, CA Rennes, 14 nov. 1996, n° 770 et Cass. 1re civ., 5 nov. 1996, n° 94-20.027P : CA Grenoble, 27 avr. 1999, n° 96/1974 et 96/01940), pour les paramètres nitrates et pesticides (CA Rennes, 2 mai 2003, n° 02/04/669), mais également pour le paramètre fer (CA Montpellier, 21 déc. 1988, n° 034309), aluminium (CA Lyon, 3 mai 2001, n° 153949) ou manganèse (TI Nancy, 12 avr. 2000, n° 1205/1999, Cie des Eaux et de l’ozone). Notons comme le rappelle la Cour que le distributeur peut atténuer ou s’exonérer de sa responsabilité contractuelle dans trois hypothèses : –  le fait d’un tiers : ce dernier peut être retenu lorsque le dommage provient directement d’une dégradation des ouvrages ou de la qualité de l’eau réalisée par une personne extérieure au service ; – La faute de la victime pour sa part peut être retenue en cas de non conformité de ses réseaux intérieurs ou par un manque de prudence (CA Poitiers, 12 févr. 1986, n° 046442, SAUR, responsabilité partielle de la victime n’ayant pas purgé complètement ses installations après une interruption de trois semaines de l’activité). – La force majeure : il devra alors être démontré le caractère imprévisible, irrésistible et irréversible. Le caractère irrésistible n’est pas retenu dès lors que la non conformité est réversible, que ce soit par une reconquête de la qualité des eaux brutes ou par…

Remblais en zone humide: un défaut de conseil et d’information du professionnel peut conduire à la nullité du contrat

Par un intéressant jugement en date du 15 septembre 2015 (TGI BETHUNE, 15 septembre 2015, RG n°32/2015), le Tribunal de grande instance de BETHUNE a prononcé la nullité du contrat de remblaiement de terrain passé entre un particulier et une société au motif d’un dol (jurisprudence cabinet). En l’espèce, une société était venue proposer de remblayer le terrain d’un particulier, propriétaire d’un terrain. Par suite du remblaiement effectué, un procès-verbal d’infraction avait été dressé à l’encontre du propriétaire pour violation de la loi sur l’eau (une partie de la parcelle était située en zone humide). Le propriétaire s’estimant lésé a assigné la société en responsabilité contractuelle ainsi qu’en nullité du contrat sur le fondement de l’article 1108 du code civil. Le Tribunal de grande instance de BETHUNE reconnaît la responsabilité de la société et annule le contrat en relevant l’absence de conseil donné par la société de remblaiement avant la conclusion du contrat, et en rejetant l’argument de la société qui faisait valoir qu’elle avait demandé une autorisation au Maire. Le Tribunal relève à bon droit que cela ne suffisait pas car la société connaissait forcément, en sa qualité de professionnelle du remblaiement, les règles relatives aux zones humides (et donc la nécessité d’une autorisation). Rappelons qu’il résulte des dispositions du Code civil que diverses conditions sont requises pour assurer la validité des conventions. Selon l’article 1108 du code civil : « Quatre conditions sont essentielles pour la validité d’une convention : Le consentement de la partie qui s’oblige ; Sa capacité de contracter ; Un objet certain qui forme la matière de l’engagement ; Une cause licite dans l’obligation ».   Il résulte par ailleurs des dispositions de l’article 1109 du Code civil qu’« Il n’y a point de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol ». S’agissant du dol, la Cour de cassation admet que « le dol peut être constitué par le silence d’une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s’il avait été connu de lui, l’aurait empêché de contracter » (Cass. 3e civ., 15 janv. 1971 : Bull. civ. III, n°38. – 2 oct. 1974 : Bull. civ. III, n° 330. – Cass. 1re civ., 23 juin 1987 : D. 1987, inf. rap. p. 168. – Cass. com., 20 juin 1995 : D. 1995, inf. rap. p. 211 ; Dr. et Patrimoine 1995/32, chron. n° 1108, obs. P. Chauvel. – Cass. 3e civ., 20 déc. 1995 : Bull. civ. III, n° 268 ; Contrats, conc., consom. 1996, comm. n° 55, obs. L. Leveneur). Dans cette mesure il importe peu, naturellement, que la réticence ait porté sur une qualité substantielle, qu’elle ait induit une erreur de fait ou une erreur de droit, une erreur sur la contre-prestation ou, au contraire, sur la propre prestation. La vigilance des tribunaux eu égard au vice du consentement que constitue le dol s’exerce avec d’autant plus de précautions notamment lorsque la victime de la réticence est un particulier, profane, qui reproche son silence au cocontractant professionnel (Cass. 3e civ., 3 févr. 1981 : Bull. civ. III, n° 18 ; D. 1984, jurispr. p. 457, note J. Ghestin, promoteur immobilier. – Cass. 1re civ., 19 juin 1985 : Bull. civ. I, n° 201, vendeur professionnel d’automobile. – Cass. 3e civ., 25 févr. 1987 : Bull. civ. III, n° 36, agence immobilière. – Cass. 1re civ., 26 févr. 1991 : Bull. civ. I, n° 331, banque.- voir également, pour une commune, lors de l’acquisition d’un terrain, Cass. 3e civ., 27 mars 1991 : Bull. civ. III, n° 108 ; D. 1992, somm. p. 196, obs. G. Paisant ; Contrats, conc., consom. 1991, comm. n° 133, obs. L. Leveneur. – Pour un huissier, lors de la conclusion d’un bail, CA Paris, 31 mai 1983 : Gaz. Pal. 1983, 2, jurispr. p. 554.) De plus, il ressort tant des dispositions du code de la consommation (article L. 111-2) que de la jurisprudence civile que le professionnel contractant avec un particulier est tenu d’un devoir d’information et de conseil. En l’espèce, le Tribunal de grande instance de BETHUNE relève avec une motivation poussée : «  […] que cette convention sui generis lie un professionnel avec une non-professionnelle. La société X n’a pas cru utile d’apporter des précisions sur son activité professionnelle mais le fait qu’elle ait proposé à la demanderesse cette prestation de remblayage à laquelle elle avait nécessairement économiquement intérêt démontre qu’elle n’était pas profane en la matière et qu’elle s’est en tout état de cause présentée comme une professionnelle de cette prestation. En conséquence, il lui incombait de connaître précisément les contraintes techniques et réglementaires de la prestation effectuée. La société professionnelle était en outre débitrice d’une obligation pré-contractuelle d’information et de conseil à l’égard de Madame Y, devoir d’autant plus renforcé qu’elle était à l’initiative de la convention. La société X estime s’être acquittée de ses obligations en ayant sollicité de Madame Y une autorisation auprès du maire de M…, lequel a autorisé par courrier en date du 3 avril 2013 Madame Y à “combler le dénivelé de son terrain” sous la double condition de ne pas polluer le sol par les terres de remblais et de respecter les règles environnementales. Quoiqu’il en soit, dès lors que le terrain à combler était en zone humide, la société W en sa qualité de professionnelle n’était pas censée ignorer le caractère insuffisant de l’autorisation du maire et la nécessité de déposer un dossier “Loi sur l’Eau” auprès de l’autorité préfectorale. En effet, même en l’absence de mention de zone humide dans le titre de propriété de la cliente, la société professionnelle ne pouvait se méprendre sur cette spécificité du terrain, laquelle était apparente puisqu’il ressort du procès-verbal de l’ONEMA et des photos jointes que la parcelle était marécageuse et contenait des plantes aquatiques et semi-aquatiques tels des roseaux de la prêle et des saules. Il ressort d’ores et déjà de ces éléments que la société X a manqué à son devoir d’information et de…