Les enjeux environnementaux de l’étude d’impact des parcs éoliens marins

Par Sébastien Bécue – Green Law Avocats Le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) est l’autorité environnementale nationale compétente pour délivrer les avis sur l’évaluation environnementale des projets de parcs marins. Durant l’année 2015, les études d’impact de trois parcs ont été scrutés : Courseulles-sur-Mer, Saint-Nazaire et Fécamp. Dans son rapport annuel, le CGEDD a réalisé une synthèse critique des grandes problématiques qu’il a pu identifier lors de ses analyses (pages 17 à 21 du rapport), un document passionnant qui met en lumière les obstacles que la filière va devoir surmonter pour se développer. En premier lieu, le CGEDD rappelle que l’étude doit porter sur : l’ensemble des composantes du parc: fondations et éoliennes, mais aussi ouvrages de connexion jusqu’au poste de transformation électrique situé à terre et le réseau qui doit accueillir la production ; et sur les phases de construction et de maintenance – négligées par les maîtres d’ouvrage selon le CGEDD. En second lieu, le CGEDD présente les trois grands enjeux communs à tous les parcs éoliens, mais ici adaptés au milieu marin : l’enjeu paysager, pour lequel sont citées, dans le cas du projet de Fécamp, les falaises d’Etretat et de la Côte d’Albâtre ; l’enjeu avifaune, le traditionnel risque de collision et de perte d’habitats, mais aussi le potentiel effet « barrière » au déplacement des oiseaux ; l’enjeu faune sous-marine avec les perturbations sonores importantes que devrait engendrer le chantier de battage des pieux de trente mètres servant aux fondations des éoliennes. A côté de ces enjeux majeurs, trois autres sont identifiés : la conservation des sols sous-marins, la qualité des eaux marines et la pêche professionnelle. En troisième lieu, le CGEDD invite l’Etat a donné un plus grand poids, dans la procédure d’appel d’offres, aux mesures d’évitement, de réduction, de compensation et de suivi des impacts proposées par les candidats. En quatrième et dernier lieu, le CGEDD rappelle le rôle de pilote de ces trois projets et analyse les questions méthodologiques qu’ils ont posées. Le milieu marin étant moins bien connu que le milieu terrestre, la qualité des analyses y est pour le moment inférieure. Les maîtres d’ouvrage sont donc encouragés à tenir compte de ces incertitudes en les présentant dans leurs études d’impact et en privilégiant le scénario du pire ; et l’Etat à s’impliquer dans cette recherche d’une meilleure connaissance du milieu marin. Le CGEDD salue le choix du maître d’ouvrage du projet de Saint Nazaire d’avoir étudié de manière approfondie les perceptions visuelles du parc et procédé à une contre-expertise de l’impact paysager du parc. Au contraire, les insuffisances du projet de Fécamp sur ce thème, notamment au regard du site d’Etretat,  sont rappelées. L’insuffisante prise en compte des impacts sur la qualité de l’eau causés par la corrosion des fondations est pointée. Le CGEDD recommande enfin un suivi des impacts de ces parcs pour le futur et encourage l’Etat à mettre en œuvre une évaluation environnementale globale des impacts cumulés des différents parcs dans des documents de planification.  

Distribution d’eau: condamnation d’un distributeur pour limitation du débit d’eau

  Par Aurélien Boudeweel – Green Law Avocats  Par une ordonnance de référé en date du 15 janvier 2016, le tribunal d’instance de PUTEAUX condamne une société de distribution d’eau pour réduction illicite du débit d’eau potable. Nous nous étions déjà fait l’écho de condamnations de compagnies d’eau pour coupure illégale (cf notre article en date du 31 octobre 2014, ici) En l’espèce, le distributeur d’eau avait, dans le litige soumis au Tribunal d’instance, non pas coupé l’eau mais réduit le débit d’eau d’une famille qui avait un impayé de facture de 400 euros. Rappelons que l’article L115-3 du Code de l’action sociale et des familles prévoit : « Dans les conditions fixées par la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, au regard notamment de son patrimoine, de l’insuffisance de ses ressources ou de ses conditions d’existence, a droit à une aide de la collectivité pour disposer de la fourniture d’eau, d’énergie et de services téléphoniques dans son logement. En cas de non-paiement des factures, la fourniture d’énergie, d’eau ainsi que d’un service téléphonique restreint est maintenue jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la demande d’aide ». Dans le cadre du litige qui lui était soumis, la tribunal d’instance de PUTEAUX fait application de cette disposition et condamne le distributeur d’eau: «Aux termes de l’article L115-3 du Code de l’cation sociale et des familles « dans les conditions fixées par la loin ° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, au regard notamment de son patrimoine, de l’insuffisance de ses ressources ou de ses conditions d’existence, a droit à une aide de la collectivité pour disposer de la fourniture d’eau, d’énergie et de services téléphoniques dans son logement. (…) Du 1er novembre de chaque année au 31 mars de l’année suivante, les fournisseurs d’électricité, de chaleur, de gaz ne peuvent procéder, dans une résidence principale, à l’interruption, y compris par résiliation de contrat, pour non-paiement de factures de la fourniture d’électricité, de chaleur ou de gaz aux personnes ou familles(…). Il résulte de l’application de ces textes qu’en tout état de cause, l’interruption de la fourniture d’eau est interdite pour une résidence principale en cas d’impayés et ce, toute l’année. Or, les sociétés X et Y ne peuvent se prévaloir de l’application d’une disposition d’un règlement de service qui prévoit l’interruption de l’alimentation en cas d’impayés pour contrevenir à leurs obligations légales (…). Force est de constater que la mise en place d’un débit réduit par le biais de la pose de cette lentille aboutit aux mêmes conséquences qu’une coupure d’alimentation d’eau de sorte que cette pratique doit être assimilée à une interruption de la fourniture d’eau (…). Dès lors, il convient de relever que la mise ne place de cette lentille constitue un trouble manifestement illicite constitué par le non-respect des termes de l’article L115-3 du Code de l’action sociale et des familles, qu’il convient de faire cesser (…) ». En condamnant le distributeur d’eau, le tribunal d’instance souligne le droit fondamental de toute personne à l’eau. Le jugement rendu par la juridiction civile est l’occasion de mettre en lumière la disposition de l’article L115-3 du Code de l’action sociale et des familles. Aux termes de cet article, rappelons: Ø  Que toute personne, en cas de non-paiement de ses factures d’eau consécutives à des difficultés financières à le droit d’obtenir de l’aide de la collectivité publique pour disposer du maintien de la fourniture d’eau et le distributeur doit dès lors maintenir son service. Ø  A défaut, toute personne a le droit de réclamer un plan d’apurement de sa dette auprès du fournisseur qui ne peut alors interrompre la fourniture en cas de respect des modalités de règlement convenus entre les parties. Ø  En tout état de cause, la juridiction saisie d’un litige appréciera la bonne foi du particulier. L’article L115-3 du code de l’action sociale et des familles s’applique à l’ensemble des distributeurs de fourniture d’eau mais également aux distributeurs d’énergie et de services téléphoniques. Notons que le jugement rendu est très intéressant puisque la juridiction civile condamne la société de distribution d’eau non pas pour avoir coupé l’eau mais pour en avoir réduit le débit. Consciente que cette société a voulu contourner les termes de la réglementation, le Tribunal d’instance de PUTEAUX assimile la réduction du débit à une coupure afin de sanctionner le comportement empreint de malice de la société de distribution d’eau.

Réforme du droit des contrats : quels impacts pour les projets liés au droit de l’environnement ?

Par Graziella DODE, Elève-avocat (Master 2 Droit de l’environnement, de la sécurité et de la qualité des entreprises, Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines; Master 2 Droit des affaires, Université de Nantes) Issue d’un processus de longue haleine, l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations a été publiée au Journal Officiel du 11 février 2016. Elle entrera en vigueur le 1er octobre 2016. Précisions d’emblée que les contrats conclus antérieurement demeureront soumis à la loi en vigueur au jour de leur conclusion (sauf exceptions listées à l’article 9 de l’ordonnance, telles que les actions interrogatoires, qui seront applicables dès l’entrée en vigueur de l’ordonnance), et que les actions introduites en justice introduites avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance seront poursuivies et jugées conformément à la loi ancienne. Tous les projets qui requièrent la conclusion d’un contrat, et plus largement la mise en œuvre de relations contractuelles, seront concernés par la réforme. D’un point de vue environnemental, sans être exhaustif, il pourrait s’agir des projets suivants : Les projets de parcs éoliens, de centrales solaires et de méthanisation : promesses de vente, promesses de bail, contrats de vente. Les contrats d’installations de centrales, les contrats de fourniture et de maintenance. Les cessions de sites et les transmissions d’entreprises soumises ou non à la législation ICPE : négociation et conclusion de contrats de cessions d’actifs (SPA, GAP, EPC, AMO…) Tout autre type d’accord faisant l’objet d’un contrat : accords de confidentialité, conventions de prestations de services, contrait de partenariat… La visibilité, l’accessibilité, la modernisation, la sécurité juridique et l’attractivité sont les objectifs de cette réforme dont voici les principaux apports. Dispositions préliminaires Le plan du livre III du Code civil est remanié, les titres III à IV bis modifiés et restructurés. Il s’agit d’une codification à droit constant de la jurisprudence, et de la pratique, de sorte que les dispositions entérinées sont déjà bien connues des praticiens et des opérateurs économiques. Pas de changements majeurs donc, même si la codification est d’une ampleur certaine car le droit commun des contrats n’avait pas été modifié depuis la création du Code civil en 1804. Une nouvelle définition du contrat Le nouvel article 1101 définit le contrat comme « un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations », abandonnant ainsi les notions d’obligations de faire, de ne pas faire et de donner. Consécration des principes de liberté contractuelle, de force obligatoire du contrat et de bonne foi Selon le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance, les articles 1102 à 1104 consacrant ces principes expriment des règles générales qui innervent la matière afin de faciliter l’interprétation de l’ensemble des règles applicables au contrat et, au besoin, d’en combler les lacunes. S’agissant de la bonne foi, le célèbre article 1134 du Code civil se retrouve divisé entre les articles 1103 et 1104. La bonne foi doit désormais être respectée à tous les stades de la vie du contrat, y compris au moment des négociations et de la formation du contrat. Il s’agit d’une disposition d’ordre public à laquelle les parties devront impérativement veiller tout au long de leurs relations contractuelles. A défaut, tant que le contrat n’est pas conclu, elles risquent l’engagement de leur responsabilité délictuelle, et donc le paiement de dommages-intérêts (voir par ex. Civ. 1ère, 15 mars 2005, n° 01-13.018). Après la conclusion du contrat, les parties risquent l’engagement de leur responsabilité contractuelle. Pour rappel, le devoir de bonne foi implique notamment un comportement loyal et une coopération entre les parties. Cela peut être le respect de la confidentialité d’un projet au stade des pourparlers ou un comportement loyal au cours de l’exécution du contrat. Par exemple, ne constituerait pas un tel comportement celui d’une partie à un contrat prévoyant la création d’un parc éolien qui développerait en parallèle un projet concurrent. La formation du contrat (conclusion, validité, contenu et sanctions) La conclusion du contrat Engagement de la responsabilité de l’auteur d’une faute dans l’initiative, le déroulement et la rupture des pourparlers  Cette responsabilité sera en principe de nature extracontractuelle, sauf aménagement conventionnel, précise le rapport relatif à l’ordonnance. L’article 1112 ajoute que la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat non conclu. Affirmation d’une obligation générale d’information L’obligation d’information, corollaire de la bonne foi, est érigée en règle générale du droit des contrats          (art. 1112-1). Il s’agit d’une « exigence de transparence qui oblige chacun des négociateurs à informer l’autre de tous les éléments propres à l’éclairer dans sa prise de décision » (D. Mazeaud, Mystères et paradoxes de la période précontractuelle, in Mélanges J. Ghestin, 2001, LGDJ, p. 637, spéc. P. 642), telle que la viabilité de l’opération envisagée (en revanche le devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation). La dissimulation intentionnelle d’une telle information sera constitutive d’un dol susceptible d’entraîner la nullité du contrat et le paiement de dommages-intérêts. Cette obligation n’est pas sans rappeler l’information due par le vendeur d’un terrain ayant été occupé par une installation classée ou une mine (art. 514-20 du code de l’environnement, art. L. 125-5-IV du code de l’environnement, art. L. 154-2 du code minier). Consécration du régime de l’offre L’article 1133 définit la formation du contrat par la rencontre d’une offre et d’une acceptation. L’offre ne peut être rétractée avant l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, l’issue d’un délai raisonnable (art. 1116). Par ailleurs, il est désormais affirmé que l’offre est caduque à l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l’issue d’un délai raisonnable. Elle l’est également en cas d’incapacité ou de décès de son auteur (art. 1117). Il est enfin acquis que le contrat est conclu dès que l’acceptation parvient à l’offrant (théorie de la réception, art. 1121). Consécration du régime du pacte de préférence L’ordonnance définit le pacte de préférence (art. 1123) et prévoit les…

Il n’est pire cours d’eau que celui qui dort…

Par Maître Sébastien BECUE Green Law Avocats Suis-je en présence d’un cours d’eau ou d’un simple écoulement ? C’est la question que tout propriétaire riverain d’un cours d’eau ou porteur d’un projet susceptible d’avoir un impact sur le milieu aquatique doit se poser. En effet, la qualification juridique de « cours d’eau » s’accompagne d’un assortiment d’obligations susceptibles de sanctions administratives et pénales. Or, le moins que l’on puisse dire est qu’en l’absence de critères précis, il était, jusqu’à récemment, compliqué de s’y retrouver. Une instruction ministérielle est depuis intervenue afin d’expliciter les critères jurisprudentiels et prescrire, sur ce fondement, la réalisation d’une cartographie complète des cours d’eau.   NB: Il est à noter que depuis la publication initiale de cet note de blog le 9 février 2016 :  La Cour administrative d’appel de Lyon, dans une décision d’avril 2016 a réalisé une intéressante analyse in concreto de l’existence d’un cours d’eau au regard de la définition du Conseil d’Etat : « que constitue un cours d’eau un écoulement d’eaux courantes dans un lit naturel à l’origine, alimenté parune source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l’année ; que M. C…se prévaut de deux rapports établis par M.D…, « consultant milieux aquatiques », en 2011 et le 26 août 2014, qui soulignent que, si l’arrêté préfectoral contesté retient l’existence d’un cours d’eau, nommé le Rivaux, alimentant le plan d’eau, aucune indication d’un tel cours d’eau ne figure sur les cartes de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), ni au cadastre, et relèvent l’absence de débit, de mars à octobre 2011, ainsi que la reproduction de ce tarissement chaque année ; que, toutefois, la circonstance que le tarissement du cours d’eau constaté en octobre 2011 par l’auteur du rapport durerait depuis le mois de mars et se reproduirait chaque année ne résulte pas de constats mais uniquement des affirmations du requérant, propriétaire de l’étang, lequel ne conteste pas utilement les données avancées par l’administration selon lesquelles le débit moyen annuel du cours d’eau est de 28 litres par seconde et le débit d’étiage du mois le plus sec sur une période de cinq ans, appelé « QMNA/5 », de 2 litres par seconde, non plus que les rapports établis par des agents de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA) des 29 janvier 2009 et 23 octobre 2014, aux termes desquels le plan d’eau litigieux n’est pas seulement alimenté par des eaux de ruissellement et de drainage mais par un écoulement d’eau, dans un lit naturel à l’origine, alimenté par des sources, qui naît 600 mètres en amont du plan d’eau, où il s’écoule au rythme de 20 litres par seconde ; qu’il ressort également de ces rapports qu’a été constatée dans le lit de ce ruisseau la présence de gammares, petits crustacés détritivores qui ont un cycle de vie complet dans l’eau, ainsi que celle de larves de trichoptères ; que ces constatations démontrent que le débit d’eau y est permanent ; qu’ainsi, alimenté par une source, s’écoulant dans un lit à l’origine naturel et présentant un débit suffisant, ce ruisseau, qui, au demeurant, était déjà mentionné dans l’arrêté du 12 mai 1981, constitue, quand bien même il ne figure pas sur une carte IGN, un cours d’eau ; que, par suite, en qualifiant de cours d’eau le ruisseau alimentant le plan d’eau de M. C…et en estimant par conséquent que ce plan d’eau faisait obstacle au libre écoulement des eaux et constituait une pisciculture, au sens des dispositions de l’article L. 431-6 du code de l’environnement, soumise à autorisation, au sens de l’article R. 214-1 du même code, le préfet du Puy-de-Dôme n’a pas fait une inexacte application de ces dispositions ; qu’à cet égard, est sans incidence la circonstance que M. C…ne commercialise pas les poissons qu’il pêche et ne fasse de son plan d’eau qu’un usage privatif de loisir » (CAA Lyon, 3e, 12-04-2016, n° 14LY01055)   De plus, l’article L. 215-7-1 du code de l’environnement, entré en vigueur le 10 août 2016, définit ainsi le cours d’eau : « Constitue un cours d’eau un écoulement d’eaux courantes dans un lit naturel à l’origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l’année. L’écoulement peut ne pas être permanent compte tenu des conditions hydrologiques et géologiques locales. » Ce faisant, le Législateur reprend à son compte la définition du Conseil d’Etat.     I. Le cours d’eau, objet coulant Identifié Il n’existe à l’heure actuelle aucune définition légale du cours d’eau. C’est donc au juge administratif qu’est revenue la tâche de dégager des critères, au cas par cas. La circulaire du 2 mars 2005 relative à la définition de la notion de cours d’eau reprenait les critères jurisprudentiels de l’époque, à savoir : – La présence et la permanence d’un lit naturel à l’origine, ce qui suppose d’être en mesure de démontrer à la fois l’origine naturelle d’un lit, une tâche pas forcément aisée, ainsi que sa permanence ; – La permanence d’un débit suffisant une majeure partie de l’année, appréciée au cas par cas en fonction de diverses présomptions telles que les cartes IGN et registres cadastraux ; on a vu plus simple en terme de prévisibilité. Par une décision en date du 21 octobre 2011 (n°334322), le Conseil d’Etat a enfin fixé une définition jurisprudentielle générale du cours d’eau. Aux deux précités, il ajoute un troisième critère : – L’alimentation de l’écoulement par une source, sous-entendu autre que les précipitations. Il est à noter qu’un amendement au projet de loi sur la biodiversité reprenant cette définition jurisprudentielle a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale et le Sénat. Ce nouvel article L. 215-7-1 du code de l’environnement, s’il restait en l’état, prévoirait ainsi que : « Constitue un cours d’eau un écoulement d’eaux courantes dans un lit naturel à l’origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l’année. L’écoulement peut ne pas être permanent compte tenu des conditions hydrologiques et géologiques locales. » Ces définitions et ces éléments jurisprudentiels ont en commun de caractériser le cours d’eau au moyen du précieux liquide même si son écoulement n’est pas systématiquement exigé en jurisprudence (). II. Une définition par instruction du 3 juin 2015 ajoutant l’eau virtuelle Il en va tout autrement avec l’instruction ministérielle du 3 juin 2015 relative à la cartographie et l’identification des cours d’eau et à leur entretien, suite notamment à un lobbying intense et légitime de la FNSEA. En premier lieu, cette instruction détaille en profondeur les critères jurisprudentiels. En exergue, il est rappelé que ces critères ont été conçus pour être applicables à l’ensemble du…

Eau: les installations bénéficiant d’un droit fondé en titre sont soumis au régime des IOTA (CE, 2 décembre 2015, n°384204

Par Me Marie-Coline Giorno Green Law Avocat   Saisi d’un recours en excès de pouvoir tendant à obtenir l’annulation des articles 7 et 17 du décret n°2014-750 du 1er juillet 2014 harmonisant la procédure d’autorisation des installations hydroélectriques avec celle des installations, ouvrages, travaux et activités prévue à l’article L. 214-3 du code de l’environnement, le Conseil d’Etat vient de rendre sa décision. Il s’agit de la décision présentement commentée (Conseil d’État, 6ème / 1ère SSR, 2 décembre 2015, n°384204, mentionné dans les tables du recueil Lebon) Dans cette même affaire, il convient de rappeler que les requérants avaient, déposé, par un mémoire distinct, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur les dispositions du II de l’article L. 214-6 du code de l’environnement (dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2005-805 du 18 juillet 2005 portant simplification, harmonisation et adaptation des polices de l’eau et des milieux aquatiques, de la pêche et de l’immersion des déchets) mais que celle-ci n’avait pas été transmise au Conseil constitutionnel (cf. notre analyse sur cette décision ici). Aux termes de la décision du 2 décembre 2015, le Conseil d’Etat a rejeté la requête des requérants en estimant qu’ils n’étaient pas fondés à demander l’annulation des dispositions réglementaires du code de l’environnement issues des articles 7 et 17 du décret du 1er juillet 2014 harmonisant la procédure d’autorisation des installations hydroélectriques avec celle des installations, ouvrages, travaux et activités prévue à l’article L. 214-3 du code de l’environnement. Après avoir précisé quelles dispositions du code de l’environnement s’appliquaient aux droits fondés en titre [1] (I), le Conseil d’Etat a rejeté tant les moyens dirigés contre l’article 7 du décret (II) que ceux formulés à l’article 17 de celui-ci (III). Sur les dispositions du code de l’environnement applicables aux installations bénéficiant de droits fondés en titre La première question posée au Conseil d’Etat était de déterminer si les installations et ouvrages fondés en titre étaient soumis à l’ensemble des dispositions de la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre II de la partie législative du code de l’environnement dénommée « Régimes d’autorisation ou de déclaration » et, notamment, à l’article L. 214-4 du code de l’environnement et en particulier à son II et à son II bis aux termes desquels : « II.- L’autorisation peut être abrogée ou modifiée, sans indemnité de la part de l’Etat exerçant ses pouvoirs de police, dans les cas suivants : 1° Dans l’intérêt de la salubrité publique, et notamment lorsque cette abrogation ou cette modification est nécessaire à l’alimentation en eau potable des populations ; 2° Pour prévenir ou faire cesser les inondations ou en cas de menace pour la sécurité publique ; 3° En cas de menace majeure pour le milieu aquatique, et notamment lorsque les milieux aquatiques sont soumis à des conditions hydrauliques critiques non compatibles avec leur préservation ; 4° Lorsque les ouvrages ou installations sont abandonnés ou ne font plus l’objet d’un entretien régulier. II bis.-A compter du 1er janvier 2014, en application des objectifs et des orientations du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux, sur les cours d’eau, parties de cours d’eau ou canaux classés au titre du I de l’article L. 214-17, l’autorisation peut être modifiée, sans indemnité de la part de l’Etat exerçant ses pouvoirs de police, dès lors que le fonctionnement des ouvrages ou des installations ne permet pas la préservation des espèces migratrices vivant alternativement en eau douce et en eau salée. » Cet article ne vise que les autorisations délivrées aux installations, ouvrages, travaux ou activités aquatiques (IOTA): les installations et ouvrages fondés en titre ne sont pas expressément mentionnés dans cet article. Afin de déterminer si les installations et ouvrages fondés en titre étaient soumis à l’article L. 214-4 du code de l’environnement, le Conseil d’Etat s’est fondé sur les dispositions du II de l’article L. 214-6 du code de l’environnement, dans leur rédaction résultant notamment de l’ordonnance du 18 juillet 2005 portant simplification, harmonisation et adaptation des polices de l’eau et des milieux aquatiques, de la pêche et de l’immersion des déchets. Selon ces dispositions, « Les installations, ouvrages et activités déclarés ou autorisés en application d’une législation ou réglementation relative à l’eau antérieure au 4 janvier 1992 sont réputés déclarés ou autorisés en application des dispositions de la présente section. Il en est de même des installations et ouvrages fondés en titre. » La Haute Juridiction s’est également fondée sur le VI de l’article L. 214-6 du code de l’environnement selon lequel « Les installations, ouvrages et activités visés par les II, III et IV sont soumis aux dispositions de la présente section ». Au regard de ces éléments, le Conseil d’Etat a considéré « qu’il résulte des dispositions citées ci-dessus que les installations et ouvrages fondés en titre sont soumis, en vertu du VI de l’article L. 214-6 du code de l’environnement, aux dispositions des articles L. 214-1 à L. 214-11 du code de l’environnement, qui définissent le régime de la police de l’eau, notamment à celles qui définissent les conditions dans lesquelles, en vertu de l’article L. 214-4, l’autorisation peut être abrogée ou modifiée sans indemnisation ». Cette position était particulièrement prévisible depuis la décision QPC du Conseil d’Etat du 8 juillet 2015 (Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 08 juillet 2015, n°384204, Inédit au recueil Lebon, consultable ici et commentée ici). Le Conseil d’Etat avait en effet estimé « qu’il résulte des dispositions du II de l’article L. 214-6 du code de l’environnement citées au point 2 que les installations et ouvrages fondés en titres sont réputés déclarés ou autorisés, conformément aux dispositions de la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code de l’environnement, en fonction de leur classement dans la nomenclature prévue à l’article L. 214-2 du code de l’environnement, laquelle est établie selon des critères objectifs fondés sur les effets de l’installation ou de l’ouvrage en cause sur les milieux aquatiques ; que les requérants ne sauraient sérieusement soutenir que les dispositions de l’article L. 214-6 du code de l’environnement qu’ils critiquent impliqueraient que les installations et…