Urbanisme: précisions sur l’autorité compétente pour refuser le raccordement aux réseaux au titre de l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme (Cass, 15 juin 2017)

Par Jérémy TAUPIN- Green Law Avocat Par un arrêt en date du 15 juin 2017 (C.Cass., Civ. 3, 15 juin 2017, n°16-16838) la Cour de cassation est venue apporter une précision importante relative à la mise en œuvre de la disposition prévoyant que les constructions soumises à autorisations ne peuvent être raccordées définitivement aux réseaux que si elles ont été édifiées de façon régulière. La question se posait dans l’affaire commentée de savoir si un concessionnaire de distribution d’électricité pouvait de lui-même opposer un refus de raccordement, pour une construction ayant fait l’objet d’arrêtés interruptifs de travaux. Après avoir rappelé le principe posé par cet article, nous nous intéressons plus précisément à l’apport de l’arrêt de la Cour de cassation. Le principe : l’interdiction de raccordement aux réseaux d’une construction irrégulière L’actuel article L. 111-12 du Code de l’urbanisme (dont la rédaction est issue de l’ancien article L.111-6, accompagnée d’un toilettage marginal) prévoit que les constructions soumises à autorisations ne peuvent être raccordées définitivement aux réseaux que si elles ont été édifiées de façon régulière : « Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1, ne peuvent, nonobstant toutes clauses contractuelles contraires, être raccordés définitivement aux réseaux d’électricité, d’eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n’a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu de ces dispositions. ». Cette disposition institue ainsi une police spéciale de l’urbanisme, parfois encore méconnue, destinée à assurer le respect des règles d’utilisation des sols. Elle permet d’opposer un refus de raccordement aux réseaux d’électricité, d’eau, de gaz ou de téléphone (à l’exclusion des réseaux d’assainissement, cf. Rép. min. n° 12735, JO Sénat 5 août 2010, p. 2034) d’une construction soumise à autorisation (permis de construire, d’aménager, de démolir ou encore déclaration préalable), qui ne serait pas en possession de ladite autorisation ou ne respecterait pas celle-ci. Le refus de raccordement peut être prononcé alors même que l’infraction pénale constituée par la construction sans autorisation est prescrite (CE, 7 oct. 1998, L’Hermite, n° 140759; CE 23 mars 2016, M. Liegeois, n° 392638), ou encore cette infraction n’est pas constituée (CAA Bordeaux, 4 mars 2010, n°09BX00990). Sa mise en œuvre : la nécessité d’une décision de refus de raccordement émanant du maire au titre de ses pouvoirs de police spéciale De manière classique, il est admis que le titulaire du pouvoir de police spéciale établi par l’article L.111-12 du code de l’urbanisme est le maire (bien que le conseil municipal ai aussi pu être jugé compétent, cf. CE, 23 juill. 1993, n° 125331). La décision prise par le maire de s’opposer au raccordement définitif d’un bâtiment en application de ses pouvoirs peut être notifiée tant à l’intéressé lui-même qu’au gestionnaire du réseau à l’occasion de l’avis que celui-ci sollicite dans le cadre de la procédure d’extension du réseau d’électricité. Le refus de la commune opposé dans ce dernier cas ne constitue alors pas un simple avis mais une décision susceptible d’un recours pour excès de pouvoir (CE, 24 mars 2014, n° 359554). Dans l’affaire commentée, la question se posait de savoir si un concessionnaire de distribution d’électricité pouvait de lui-même opposer un refus de raccordement, pour une construction ayant fait l’objet d’arrêtés interruptifs de travaux. Sur cette question, la Cour de Cassation estime que : « pour rejeter la demande de raccordement de la SCI P…, l’arrêt retient que l’immeuble a fait l’objet de deux arrêtés municipaux ordonnant l’arrêt des travaux qui n’étaient pas conformes au permis de construire, que l’adjudication de la maison au profit de la SCI P…ne lui rendait pas inopposables ces arrêtés et qu’aucune demande de régularisation n’a été faite ; Qu’en statuant ainsi, sans constater l’existence d’une décision de refus de raccordement prise par l’autorité administrative compétente, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision » Ainsi, si aucune décision de refus de raccordement n’a été prise par le maire, et quand bien même il est établi que la construction serait irrégulière, il n’est pas possible pour un concessionnaire de distribution d’électricité d’opposer, de lui-même, un refus de raccordement. A l’inverse, une décision de refus de raccordement prise par le maire s’impose au concessionnaire, qui ne peut alors procéder au raccordement de la construction.

RESPONSABILITE CONTRACTUELLE DE L’AUTORITE CONCEDANT UN RESEAU DE CHALEUR : LOURDE CONDAMNATION

Par Thomas RICHET Élève avocat chez Green Law Voici un contentieux de la concession d’un réseau de chaleur qui doit retenir l’attention tant il est rare que des condamnations pécuniaires aussi lourdes soient prononcées par le juge (Conseil d’État, 7ème – 2ème chambres réunies, 03/03/2017, 398901). Par un contrat de concession conclu le 14 février 1997, la commune de Clichy-sous-Bois a concédé à la société Dhuysienne de chaleur (ci-après la « SDC ») son réseau public de distribution de chauffage urbain et d’eau chaude sanitaire. Cette concession portait sur le réseau primaire c’est-à-dire, sur la distribution de chaleur jusqu’aux postes de livraison mis à disposition par les abonnés. La société coopérative immobilière pour le chauffage urbain (ci-après la « SCICU ») a souscrit une police d’abonnement pour alimenter en chauffage et en eau chaude sanitaire des copropriétés situées sur le territoire de la commune, notamment celles du Chêne Pointu et de l’Etoile du Chêne Pointu (ci-après « les copropriétés du Chêne Pointu »). A la suite de la liquidation judiciaire la SCICU, les copropriétés du Chêne Pointu n’ont pas pu contracter de nouvelles polices d’abonnement auprès de la SDC, leur syndicat étant incompétent en la matière. La SDC ayant fait part de son intention de ne plus fournir en chaleur ces deux résidences, la commune a décidé d’utiliser son pouvoir de coercition, en mettant en demeure la société de poursuivre la délivrance de la prestation sous peine de mise en régie de la concession, et ce, malgré l’absence de police d’abonnement. Après s’être exécutée la SDC va rechercher la responsabilité contractuelle de la commune de Clichy-sous-Bois pour l’avoir obligée, via son pouvoir de coercition, à poursuivre ses prestations. Par un jugement du 17 septembre 2013, confirmé par un arrêt du 18 février 2016, dont la commune se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Montreuil a reconnu la responsabilité de la collectivité.   La commune soutenait devant le Conseil d’Etat que les clauses du contrat de concession et les principes régissant le service public imposaient à la SDC de poursuivre la fourniture en chaleur pour ces deux copropriétés.   L’absence de stipulations contractuelles justifiant l’usage d’un pouvoir de coercition Dans un premier temps, la commune invoquait le manquement de la SDC à ses obligations contractuelles pour justifier l’usage de son pouvoir de coercition. Elle soutenait d’abord que la SDC avait violé ses obligations contractuelles en ne fournissant pas en chaleur le réseau secondaire qui raccordait les postes de livraison aux usagers finaux. Or, le Conseil d’Etat relève que le contrat de concession ne portait que sur le seul réseau primaire. La Haute juridiction administrative rejette également le moyen selon lequel le concessionnaire était tenu d’assurer ses prestations à destination des copropriétés du Chêne Pointu. En effet, le juge administratif relève que ces deux copropriétés, suite à la liquidation judiciaire de la SCIDU, n’étaient plus titulaires d’une police d’abonnement. Enfin, le moyen selon lequel la SDC était tenue de rechercher la conclusion de polices d’abonnement de façon individuelle avec les copropriétaires des deux résidences est également rejeté car cette hypothèse n’était pas prévue au sein du contrat de concession. La commune n’établissait pas plus que les copropriétaires avaient recherché à bénéficier de polices d’abonnement individuelle.   Si les clauses du contrat de concession ne pouvaient justifier l’obligation faite à la SDC de poursuivre la délivrance de la prestation aux deux copropriétés, les principes régissant le service public, le pouvaient-ils ?   L’invocation contractuellement conditionnée des principes d’égalité des usagers devant le service public et de sa continuité C’est sur cette seconde partie du pourvoi que la décision délivrée par le Conseil d’Etat est certainement la plus riche d’enseignements. En effet, la commune soutenait que la SDC était également tenue, au titre des principes de continuité du service public et d’égalité de traitement des usagers devant le service public, de fournir la prestation de chaleur litigieuse aux copropriétés du Chêne Pointu. Les juges du Palais Royal considèrent que ces principes s’imposent au concessionnaire uniquement « dans les limites de l’objet du contrat et selon les modalités définies par ses stipulations ». Par conséquent, si les bénéficiaires ne remplissaient plus les conditions d’obtention de la prestation concédée, en l’espèce, la condition d’une police d’abonnement, le concessionnaire n’était nullement tenu de fournir la prestation à ces derniers. De plus, si les principes de continuité du service public et d’égalité des usagers devant le service public peuvent constituer un motif d’intérêt général, fondement du  pouvoir de modification unilatérale du contrat (Cf. CE, 21 mars 1910, Compagnie générale française des tramways, Lebon 216), ces principes ne peuvent justifier l’utilisation du pouvoir de coercition qu’en cas de méconnaissance de ses obligations contractuelles par le concessionnaire. Ce qui n’était donc pas le cas en l’espèce. Ainsi, le Conseil d’Etat reconnaît qu’en obligeant la SDC à s’exécuter la commune a commis une faute contractuelle de nature à engager sa responsabilité. Il condamne cette dernière à verser à la société concessionnaire une somme d’environ 1 500 000 d’euros. Dans un contexte marqué par la multiplication des projets de réseaux de chaleur et par la réforme des contrats de concession (Cf. ordonnance n°2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession), et au-delà de l’enseignement rendu sur l’application des grands principes du service public à ces contrats publics, l’arrêt démontre, une fois de plus, l’importance d’une rédaction sécurisée des dispositions de ce type de contrat qui peuvent engager les collectivités publiques sur plusieurs dizaines d’années et pour des sommes considérables.  

Publication du premier arrêté d’approbation du cahier des charges relatif à la mise sur le marché du digestat agricole (arrêté du 13 juin 2017)

Par Jérémy TAUPIN- Green Law Avocats Le cahier des charges permettant la mise sur le marché et l’utilisation digestats de méthanisation agricoles dit « CDC Digagri 1 », vient d’être publié au Journal Officiel, via un arrêté du 13 juin 2017. Cet arrêté est pris en application des articles L. 255-5 et R. 255-29 du code rural et de la pêche maritime. Pour rappel, l’importation, la détention en vue de la vente, la mise en vente, la vente, la distribution à titre gratuit ou l’utilisation d’une matière fertilisante est normalement subordonnée à l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché (« AMM », article L. 255-2 du code rural et de la pêche maritime). Les digestats sont considérés comme des matières fertilisantes, normalement soumises à cette procédure d’autorisation de mise sur le marché. Néanmoins, l’article L. 255-5 du Code rural et de la pêche maritime prévoit que dans certaines situations, les matières fertilisantes sont dispensées d’autorisation de mise sur le marché. Quatre procédures dérogatoires intéressent plus particulièrement les digestats. Ce sont : la conformité à une norme rendue d’application obligatoire par un arrêté pris sur le fondement du décret n°2009-697 du 16 juin 2009 relatif à la normalisation pris pour l’application de la loi n° 41-1987 du 24 mai 1941 relative à la normalisation ; la conformité à un règlement de l’Union européenne n’imposant pas d’autorisation devant être délivrée par un Etat membre préalablement à leur mise sur le marché ou faisant obstacle à ce qu’une restriction soit portée à leur mise sur le marché et à leur utilisation ; la conformité à un cahier des charges approuvé par voie réglementaire garantissant leur efficacité et leur innocuité (article L 255-5, 3° CRPM) ; les digestats issues d’installation classées pour la protection de l’environnement (ICPE) faisant l’objet d’un plan d’épandage garantissant l’absence d’effet nocif sur la santé humaine et animale et sur l’environnement ; C’est donc la troisième procédure dérogatoire listée que l’arrêté du 13 juin 2017 a vocation à régir. Le cahier des charges annexé à l’arrêté ne concerne que les digestats bruts issus d’un processus de méthanisation de type agricole au sens des articles L. 311-1 et D. 311-18 du code rural. En particulier, l’annexe I.1. de l’arrêté prévoit que « Seules les matières premières listées ci-dessous sont acceptées dans le méthaniseur: – les effluents ci-dessous issus d’élevages qui ne font pas l’objet de mesures de restrictions sanitaires: – les lisiers, fumiers ou fientes, à savoir tout excrément et/ou urine d’animaux d’élevage autres que les poissons, avec ou sans litière, – les eaux blanches de laiteries et de salles de traite, – les matières végétales agricoles brutes qui ne font pas l’objet de restrictions relatives au traitement par méthanisation dans le cadre de mesures de lutte contre les organismes nuisibles ou d’autres mesures sanitaires; – les déchets exclusivement végétaux issus de l’industrie agro-alimentaire, – les sous-produits animaux de catégorie 3 (Conformément à l’article 10 du règlement (CE) n°1069/2009) suivants: -le lait; -les produits issus du lait ou de la fabrication de produits laitiers (y compris le colostrum et les produits à base de colostrum), dont les eaux blanches telles que définies au point 15 de l’annexe I du règlement (UE) no 142/2011 susvisé et les boues de centrifugeuses ou de séparateurs de l’industrie du lait, c’est-à-dire les matières constituant des sous-produits de la purification du lait cru et de sa séparation du lait écrémé et de la crème (point 26, article 3, du règlement [CE] 1069/2009 susvisé). Les effluents d’élevage proviennent d’exploitations agricoles autorisées par l’agrément sanitaire mentionné au I- II-1 et sont conformes aux prescriptions de l’agrément. Ils représentent au minimum 33 % de la masse brute des matières premières incorporées dans le méthaniseur par an. Au total, les effluents d’élevage et les matières végétales agricoles brutes représentent au minimum 60 % de la masse brute des matières incorporées ». Les digestats conformes à ce cahier des charges (appelés produits), sont mis sur le marché en vrac uniquement, par cession directe entre l’exploitant de l’installation de méthanisation et l’utilisateur final, pour des usages en grandes cultures et sur prairies. Le cahier des charges précise : La liste des intrants autorisés : effluents d’élevage, résidus de culture et déchets végétaux issus de l’industrie agroalimentaire ainsi que les produits issus du lait ou de la fabrication de produits laitiers ; Le procédé de fabrication des digestats, dont le pourcentage d’intrants agricoles : au minimum 60 % de la masse brute des matières incorporée, mais aussi la qualité du produit en établissant des seuils maximaux pour les Éléments Traces Métalliques et microorganismes pathogènes ou encore le processus de méthanisation; Les conditions de stockage du digestat ; Les usages et conditions d’emploi du digestat : grandes cultures et sur prairies destinées à la fauche ou pâturées avec un matériel adapté selon la période d’application (avant ou pendant cultures) ; L’étiquetage du produit. Les exploitants d’unités de méthanisation agricoles seront donc particulièrement attentifs au contenu du cahier des charges, s’ils désirent pouvoir mettre sur le marché le digestat produit. La numérotation du cahier des charges semble indiquer que sa mise à jour ou l’ajout d’autres cahiers des charges sont envisagés. Cet arrêté participe d’un mouvement textuel relatif à la valorisation du digestat auquel les opérateurs biogaz devront rester attentifs.

Energie: Précisions sur le régime de l’autoconsommation « collective »

Par Sébastien Becue – GREEN LAW AVOCATS La publication, le 30 avril 2017, du décret n°2017-676 du 28 avril 2017, parachève la création du chapitre du code de l’énergie dédié à l’autoconsommation, initiée par l’intervention de l’ordonnance n°2016-1019 du 27 juillet 2016 et sa ratification par la loi n°2017-227 du 24 février 2017 que nous avions déjà eu l’occasion de commenter sur le présent blog, ainsi que dans des formations professionnelle et Webinar. L’analyse du projet de décret avait déjà permis d’anticiper sur la mise en place opérationnelle de projets d’autoconsommation. Dorénavant, les nouvelles dispositions précisent les grandes lignes du fonctionnement de la future opération d’autoconsommation collective, tout en renvoyant aux DTR des gestionnaires pour la détermination des détails techniques. Le champ d’application de l’opération d’autoconsommation collective Comme le relevait de manière critique la CRE dans sa délibération sur le projet de décret, une lecture a contrario du nouvel article D. 315-2 du code de l’énergie pourrait permettre une extension de la puissance autorisée des opérations d’autoconsommation collective, au-delà de 100 kWc. L’article D. 315-2 précise en effet qu’il faut entendre par « installation de production », au sens de l’article L. 315-3, l’ensemble des installations appartenant à un même producteur participant à l’opération d’autoconsommation collective. Ainsi que le relève la CRE dans son avis, la lecture combinée de ces deux dispositions semble donc autoriser « plusieurs unités de production d’électricité à participer à une même d’opération d’autoconsommation collective et, ainsi, à cumuler une puissance dépassant le seuil de 100 kilowatts, en dessous duquel l’opération est éligible à bénéficier » d’un TURPE spécifique. Cette disposition semble donc autoriser, implicitement, la participation de plusieurs installations de production d’électricité à l’opération d’autoconsommation collective, pour une puissance cumulée supérieure à 100 kWc avec un TURPE spécial. La mise en place d’une opération d’autoconsommation collective Le décret renvoie la définition des modalités de traitement des demandes d’autoconsommation collective à une DTR des gestionnaires (D. 315-8). La publication de ce document apparaît d’emblée comme une condition impérative de la généralisation de ce régime au-delà des expérimentations en cours. Des formulaires seront par ailleurs mis à disposition pour la déclaration, avant mise en service, des installations participant à une opération d’autoconsommation (D. 315-11). Devront notamment être déclarés : Les données d’identification de l’installation, Les caractéristiques techniques de l’installation et le cas échéant de son raccordement, Le mode de fonctionnement de l’installation, si le surplus fera l’objet d’une revente. L’article D. 315-9 prévoit ensuite qu’un contrat sera conclu entre, d’une part, le gestionnaire et, d’autre part, la structure organisatrice regroupant consommateurs et producteurs impliqués dans l’opération. Un modèle de contrat sera proposé par les gestionnaires via une nouvelle DTR. Le contrat devra notamment préciser : Le nom des producteurs et consommateurs impliqués, Les points de livraison, Les modalités de gestion ainsi que les engagements et responsabilités réciproques d’ENEDIS et de la personne morale dédiée, Les coefficients de répartition ou leur méthode de calcul, Les principes d’affectation sur chaque pas de mesure de la production qui n’aurait pas été consommée par les participants à l’opération. En cas de recours à la possibilité d’alimentation complémentaire prévue par l’article L. 315-4, la mention pour chaque consommateur, de la conclusion d’un contrat de fourniture à ce titre, De même, en cas de recours à la possibilité de revente du surplus ouverte à l’article L. 315-5, la mention, pour chaque producteur, de la conclusion d’un contrat avec un acheteur pour l’électricité produite et non consommée. Le relevé des consommations Il est prévu de s’appuyer sur les compteurs communicants (type Linky), qui devront donc impérativement être installés tant chez les consommateurs que chez les producteurs participant à l’opération (D. 315-3). Ces compteurs relèveront à intervalles réguliers les consommations de l’électricité. Pour la détermination de l’intervalle, le décret renvoie explicitement vers le pas de mesure prévu à l’article L. 321-15 en matière de règlements d’écart (D. 315-1). La méthode de comptage est la suivante : à partir du total de la quantité d’électricité autoproduite (qui ne peut par définition être supérieure à la quantité d’électricité consommée), la part revenant à chaque consommateur est calculée comme le produit de la quantité produite par un coefficient de répartition prédéfini. Il est précisé que la consommation attribuée à un consommateur ne peut être supérieure à celle effectivement mesurée. Ce calcul est effectué à chaque pas de mesure (D. 315-4). La répartition entre consommateurs Le décret prévoit un coefficient de répartition de la consommation « par défaut », fondé sur le prorata de la consommation de chaque consommateur final. Mais une grande liberté est laissée à la structure organisatrice et donc, in fine, aux producteurs et consommateurs, pour définir la clé de répartition, qu’il s’agisse directement d’un coefficient ou d’une méthode de calcul (D. 315-6). Notons, pour exemples, que la CRE envisage la possibilité d’un coefficient fondé sur les tantièmes de la copropriété ou encore sur la participation du consommateur au financement de la centrale. Cette clé doit être définie dans le contrat entre le gestionnaire et la structure organisatrice (D. 315-9 du code de l’énergie). Elle sera la clé de voûte financière du montage. En cas de stockage, il est précisé que les quantités stockées seront dans un premier temps comptabilisées comme des quantités consommées puis, dans un second temps, lorsqu’elles seront délivrées pour consommation, comme des quantités produites (D. 315-5 du code de l’énergie). La répartition entre électricité autoconsommée et fournie par un tiers Lorsqu’il aura été choisi de faire appel à un fournisseur pour l’alimentation complémentaire (hypothèse très probable en pratique), la répartition sera effectuée, pour une période de facturation donnée, par comparaison entre la courbe de charge, d’une part, de la consommation mesurée pour chaque consommateur et, celle, d’autre part, de la quote-part de consommation qui lui est attribuée (D. 315-7 du code de l’énergie).   La puissance maximale injectée Celle-ci est fixée, sans surprise, à 3 kW (D. 315-10 ).   ***   Si ce décret apporte des éclaircissements bienvenus, son contenu est léger et laisse ainsi une grande marge d’appréciation aux gestionnaires pour le détail. Le parachèvement du régime de…

Air – Un Etat membre de l’UE peut exiger la restitution des quotas d’émission de GES indument attribués à une entreprise (CJUE 8 mars 2017)

Par Jérémy TAUPIN- GREEN LAW AVOCATS Par un arrêt n°C‐321/15 en date du 8 mars 2017, la Cour de Justice de l’Union Européenne (ci-après « CJUE ») a estimé qu’un Etat membre peut exiger la restitution des quotas d’émission de GES (ci-après « GES ») non utilisés, et ce sans indemnité, dans le cas où ces quotas ont été attribués de manière indue au bénéficiaire, qui n’a pas respecté son obligation d’informer en temps voulu l’autorité compétente de la cessation de l’exploitation de son installation. Les faits Dans cette affaire, l’entreprise ArcelorMittal Rodange et Schifflange SA (ci-après « Arcelor ») était opposée au Grand­Duché de Luxembourg. En l’espèce, le 2 février 2008, le ministre de l’Environnement du Grand­Duché de Luxembourg avait alloué à Arcelor à titre gratuit, pour son usine sidérurgique de Schifflange (Luxembourg), un total de 405 365 quotas d’émission de GES, pour la période comprise entre le 1 er janvier 2008 et le 31 décembre 2012. Le 19 octobre 2011, l’assemblée Arcelor a décidé de suspendre l’activité de l’aciérie. Cette décision n’a pas été notifiée à l’administration luxembourgeoise. Le 22 février 2012, Arcelor a donc reçu les quotas qui lui avaient été alloués pour l’année 2012. Le 21 décembre 2012, le ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures a communiqué à Arcelor sa décision de modifier rétroactivement le Plan national d’allocation des quotas pour les années 2008-­2011 et d’exiger la restitution de quotas délivrés pour l’année 2012 à l’aciérie de Schifflange. Arcelor ne souhaitant pas procéder à la restitution des quotas, le ministre a enjoint à Arcelor, par un arrêté du 6 juin 2013, de restituer 80 922 quotas d’émission de GES avant le 31 juillet 2013. Arcelor a formé un recours contre cette décision devant le Tribunal administratif, qui a lui-même saisi la Cour constitutionnelle (Luxembourg) d’une demande de décision préjudicielle portant sur la conformité à la Constitution de la disposition de la loi luxembourgeoise transposant la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d’échange de quotas d’émission de GES dans la Communauté, disposition permettant d’exiger la restitution totale ou partielle, sans indemnité, des quotas délivrés mais non utilisés. Dans le cadre de cette procédure préjudicielle, la Cour constitutionnelle a saisi la Cour de justice du présent renvoi préjudiciel. En l’espèce, Arcelor soutenait que les quotas devaient être considérés comme des biens et non comme des autorisations administratives, et qu’il avait ainsi subi une expropriation indue, non conforme à la directive précitée.   La question préjudicielle La question préjudicielle posée à la CJUE contenait en réalité 2 points de droit. Ceux-ci étaient les suivants : La loi établissant un système d’échange de quotas d’émission de GES au Luxembourg, dans la mesure où elle permet au ministre compétent d’exiger la restitution sans indemnité totale ou partielle des quotas délivrés conformément la même loi, mais non utilisés, est­elle conforme à la directive 2003/87/CE ce plus particulièrement à l’économie du système d’échange des quotas ? Dans l’affirmative, quid de la qualification juridique de la restitution de quotas délivrés, mais non utilisés, de même que celle des quotas en eux-mêmes ? » L’appréciation de la Cour L’avocat général Manuel Campos Sanchez­Bordona, après avoir largement rappelé le cadre juridique applicable aux quotas de GES, que ce soit au sein de l’UE ou au Luxembourg, ainsi que la philosophie et le but du système, a estimé, dans ses conclusions en date du 5 juillet 2016, que « le souci d’exactitude des chiffres et des circonstances entourant les quotas répond à la volonté de l’Union d’améliorer le fonctionnement du marché, en évitant les distorsions qui résulteraient de tout doute en ce qui concerne la validité des quotas, eu égard à leur rôle de monnaie d’échange sur ce marché ». De plus, « au‑delà de l’intérêt purement économique ou mercantile du maintien de sa fiabilité et de sa solvabilité, on trouve l’objectif poursuivi par le marché en lui­-même, à savoir sa mission d’instrument de lutte contre la pollution. Garantir la concordance entre les émissions réelles et les émissions autorisées grâce aux quotas constitue, pour cette raison, une priorité impérative du système dans son ensemble » (point 65). La CJUE a largement suivi les conclusions de l’avocat général, en estimant que : “La directive 2003/87/CE doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une législation nationale qui permet à l’autorité compétente d’exiger la restitution sans indemnité, totale ou partielle, de quotas non utilisés qui ont été indûment délivrés à l’exploitant, en conséquence de la violation par ce dernier de l’obligation d’informer en temps voulu l’autorité compétente de la cessation de l’exploitation d’une installation.  Les quotas délivrés après qu’un exploitant a cessé les activités exercées dans l’installation concernée par ces quotas, sans en avoir informé au préalable l’autorité compétente, ne peuvent être qualifiés de « quotas » d’émission, au sens de l’article 3, sous a), de la directive 2003/87“. Ainsi, la Cour ne se prononce en réalité pas sur la qualification juridique des quotas, estimant en l’espèce que les quotas indument délivrés « ne peuvent être qualifiés de quotas ». En réalité, une telle restitution implique non pas l’expropriation d’un bien qui ferait déjà partie intégrante du patrimoine de l’exploitant, mais simplement le retrait de l’acte allouant des quotas. En effet, si une installation a cessé ses activités à une date antérieure à celle de l’allocation de quotas d’émission, ces derniers ne pourront pas, de toute évidence, être utilisés en vue de comptabiliser les émissions de GES qui ne sont plus susceptibles d’être produites par celle­ci. Ainsi, l’injonction de restitution était légitime. Dans ces conditions, le défaut de restitution des quotas litigieux porterait atteinte aux exigences de comptabilité stricte, d’exactitude et de concordance entre les émissions réelles et les émissions autorisées. En effet, la CJUE rappelle, après l’avocat général, que « l’économie générale de la directive 2003/87 repose sur une stricte comptabilité des quotas délivrés, détenus, transférés et annulés, dont le cadre est fixé à l’article 19 de celle-ci. Cette comptabilité précise est inhérente à l’objet même de ladite directive, à savoir l’établissement d’un système communautaire d’échange de quotas…