Autoconsommation collective : le périmètre de l’opération pourrait être étendu à 20 kilomètres

Par Sébastien BECUE, Avocat of counsel, Green Law Avocat   Autoconsommation collective étendue Pour mémoire, le code de l’énergie permet aujourd’hui la réalisation d’opérations d’autoconsommation collective dite « étendues », dont les critères sont fixés par un arrêté du 21 novembre 2019 : Le raccordement se doit faire au réseau basse tension; Les deux participants les plus éloignés doivent se situer au plus à 2 kilomètres; Et la puissance crête cumulée des installations ne peut dépasser 3 MW en métropole;   Projet d’arrêté pour déroger aux seuils de l’autoconsommation Le gouvernement travaille actuellement sur un projet d’arrêté ministériel permettant au ministère de déroger, sur demande motivée, de déroger à ces seuils : La distance entre les deux participants les plus éloignés pourrait atteindre 20 kilomètres Et la puissance crête cumulée des installations 5 MW Cette nouvelle extension du périmètre géographique de l’opération d’autoconsommation collective, qui est un paramètre important de la rentabilité du mécanisme, serait bien sûr à saluer si cela se concrétise. On attend néanmoins toujours l’adaptation des paramètres financiers de l’autoconsommation collective, condition de sa réelle démocratisation…

Le plein contentieux du refus de délivrance d’un chèque énergie

Par David DEHARBE (Green Law Avocats) La loi n°2015-992 relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015 a créé un dispositif d’aide au paiement des dépenses d’énergie s’adressant aux ménages disposant de revenus modestes : le « chèque énergie ». Ce chèque est émis par l’Agence de services et de paiement (ASP) qui est un établissement public dont les décisions sont directement contestables devant le juge administratif. Saisi d’une question de compétence territoriale en vertu de l’article R351-3 du code de justice administrative (CJA), le Conseil d’Etat a précisé l’office du juge administratif dans le cadre de la contestation d’une décision de l’ASP refusant le bénéficie du « chèque énergie » (Conseil d’Etat, 5e et 6e CR, 30 sept. 2019, n°427175, mentionné aux Tables). En l’espèce, le tribunal administratif de Toulon a été saisi d’une demande visant à obtenir l’annulation d’une telle décision. Le dossier a été transmis par son vice-président au tribunal administratif de Lille. Son vice-président l’a ensuite transmis au Conseil d’Etat afin que ce dernier désigne le tribunal territorialement compétent en l’espèce. Le Conseil d’Etat indique à cette occasion que le recours dirigé contre un refus de délivrance du « chèques énergie » est un recours de plein contentieux devant être jugé selon des règles particulières : « Un tel recours, sur lequel il appartient au juge administratif de statuer en qualité de juge de plein contentieux, est au nombre des requêtes relatives aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l’aide ou de l’action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d’emploi, devant être jugées selon les règles particulières de présentation, instruction et jugement fixées aux articles R. 772-5 et suivants du code de justice administrative. ». Ensuite et afin de répondre à la question posée par le vice-président du tribunal administratif de Lille, le Conseil d’Etat se fonde sur l’article R.312-7 du CJA pour attribuer le dossier au tribunal administratif de Toulon, dans le ressort duquel réside la requérante. En effet, le Conseil d’Etat indique qu’une demande « dirigée contre un refus d’aide afférente à son logement, doit être regardée comme soulevant un litige relatif à une décision concernant un immeuble, au sens des dispositions de l’article R. 312-7 du code de justice administrative. Elle relève, par suite, de la compétence en premier ressort du tribunal administratif de Toulon, dans le ressort duquel est situé le logement en cause. ». Par cet arrêt, le Conseil d’Etat clarifie le régime contentieux applicable aux contestations des décisions de l’ASP refusant le bénéfice d’un « chèque énergie ». Ce régime semble favorable au justiciable car : D’une part, ces décisions relèvent de l’office du juge de plein contentieux qui pourra donc annuler cette décision mais également substituer son appréciation à celle de l’administration et décider de l’attribution de l’aide en question ; D’autre part, l’application de l’article R.312-7 du CJA facilite géographiquement l’accès du conseil au tribunal, celui-ci étant souvent choisi par le requérant en fonction de sa proximité avec son lieu de résidence.

Serres agrivoltaïques : leur simple couverture ne remet pas en cause la destination agrirole

Par Maître Sébastien BECUE, avocat of counsel (Green Law Avocats) Un arrêt récent du Conseil d’Etat en matière de erres agrivoltaïques doit retenir l’attention (CE, 12 juil. 2019, n°422542) La question semblait déjà réglée pour la plupart des juridictions du fond : la pose de panneaux photovoltaïques en toiture de serres, dès lors qu’il est démontré que ces serres servent réellement un projet agricole, ne remet pas en cause le caractère agricole des serres. C’est le cas même lorsque l’électricité produite par la couverture solaire est destinée à l’injection sur le réseau public de distribution (voir pour exemples : CAA Bordeaux, 14 nov. 2013, n°12BX00465 ; CAA Lyon, 25 mars 2014, n°11LY23465 ; CAA Marseille, 6 juin 2017, n°16MA00267 ; CAA Lyon, 21 mai 2019, n°18LY01639). On sait qu’il est devenu aujourd’hui très difficile de réaliser un projet de centrale solaire au sol sur des terres agricoles, depuis que l’article L. 123-1 du code de l’urbanisme prévoit que mêmes les constructions d’intérêt collectif/général – catégorie à laquelle appartiennent les centrales solaires – doivent être compatibles avec l’exercice d’une activité agricole sur le terrain d’implantation. La réalisation de serres agrivoltaïques permet de respecter l’objectif de lutte contre l’artificialisation des terres agricoles, puisque le sol se trouvant sous serre reste utilisé à des fins strictement agricoles. Néanmoins, certains projets créent parfois un doute chez l’autorité compétente : est-ce que le pétitionnaire ne se sert pas de son projet agricole comme d’un prétexte pour en réalité réaliser un projet de production d’électricité solaire en zone agricole ? Dans l’espèce soumise au Conseil d’Etat, le PLU limitait comme souvent l’implantabilité en zone agricole aux seules « constructions ou installations nécessaires à l’exploitation agricole ». La Cour administrative d’appel de Bordeaux, après avoir retenu que le pétitionnaire a bien démontré dans son dossier, expertise agronomique à l’appui, que les serres permettent à la fois d’améliorer sa production maraichère et de lui fournir un revenu complémentaire « profitable au développement économique de l’exploitation agricole », décide néanmoins d’annuler le permis de construire, « eu égard [aux] dimensions » de la serre (CAA Bordeaux, 25 mai 2018, n°16BX00192). On devine que la Cour a estimé en creux qu’en l’espèce l’ampleur des serres pourrait avoir été motivée par une volonté autre qu’agronomique. D’une part il s’agit d’un projet d’importance : 2 hectares de serres d’une hauteur de 5 mètres ; d’autre part la Cour relève que le coût de réalisation des serres est entièrement pris en charge par une société qui percevra le revenu tiré de la vente d’électricité. Peu importe, répond le Conseil d’Etat avant d’annuler l’arrêt d’appel : la Cour ne pouvait reconnaître le caractère « nécessaire à l’exploitation agricole » des serres puis simplement considérer que les serres perdraient ce caractère par la seule présence de panneaux en toiture (CE, 12 juil. 2019, n°422542). L’objectif de la règle est bien de préserver l’utilisation agricole du terrain et non d’empêcher la réalisation d’autres activités sur ces constructions ; le considérant clair retenu par le Conseil d’Etat ne s’applique pas qu’aux activités de production d’énergie, et que d’autres types d’activités peuvent être envisagées au sein de constructions nécessaires à l’exploitation agricole : « La circonstance que des constructions et installations à usage agricole puissent aussi servir à d’autres activités, notamment de production d’énergie, n’est pas de nature à leur retirer le caractère de constructions ou installations nécessaires à l’exploitation agricole au sens des dispositions précédemment citées, dès lors que ces autres activités ne remettent pas en cause la destination agricole avérée des constructions et installations en cause » Le débat est donc recentré sur le seul fait que la construction ait ou non un usage agricole avéré. Pour minimiser les risques de refus, la solution généralement recommandée aux porteurs de projet est l’intégration dans le dossier de demande de permis de construire d’une démonstration précise de l’intérêt agronomique des serres pour les cultures qu’elles abritent. Rappelons enfin qu’il ne faut pas oublier que d’autres règles urbanistiques (notamment d’esthétique ou d’intégration paysagère) sont susceptibles d’être opposées aux projets de serres solaires…

Avis critique de l’AE sur deux SRADDET (AURA et Hauts de France)

Par Me Sébastien BECUE – avocat of counsel Deux SRADDET ont donné lieu à des avis intéressants de l’autorité environnementale en région AURA et en Hauts de France. Avis de l’Autorité environnementale (AE) sur le SRADDET de la région Auvergne-Rhône-Alpes : point sur les ENR L’AE salue dans son avis « des objectifs relativement ambitieux de développement des énergies renouvelables » (+54% d’ici 2030) : En ce qui concerne l’éolien et l’hydrogène, il est intéressant de constater que l’Autorité environnementale critique le choix effectué de prévoir des mesures qui vont au-delà de ce que prévoit la règlementation nationale et tendent en réalité à restreindre les possibilités de développement : Pour l’éolien, le SRADDET prévoit que les dossiers de demande soient transmises au Préfet « avec l’avis favorable de toutes les collectivités impactées ». L’application d’un telle règle, outre qu’elle serait hypothétique car illégale (la fixation de telles règles de procédure n’entrant évidemment pas dans la compétence régionale), rendrait quasi-impossible le développement d’un projet éolien. S’agissant de l’hydrogène, le SRADDET prévoit que « afin  de  maintenir  un  équilibre économique pérenne autour d’une station de distribution et/ou de production d’énergie (ou d’une station multi énergies) permettant une mobilité décarbonée efficace sur le territoire d’Auvergne-Rhône-Alpes, les documents de planification et d’urbanisme devront prévoir un zonage permettant de respecter une zone de chalandise dans laquelle il ne sera pas possible d’installer une nouvelle station à énergie décarbonée. Cette zone de chalandise, propre à chaque station, dépendra de la densité de population et d’une distance minimum». Pour l’AE, s’il faut évidemment structurer le maillage des stations de recharge hydrogène, cette règle doit être modifiée a minima « pour n’interdire, dans les zones de chalandise imposées par cette règle, que la création de stations de recharge en hydrogène qui entreraient en concurrence avec celles déjà installées » L’AE critique le traitement commun de la biomasse comme source d’énergie et la méthanisation et critique le fait que la réalisation des objectifs spécifiques à la biomasse nécessiterait l’import de bois de pays étrangers, pratique au coût environnemental élevé… Enfin, en ce qui concerne le développement de l’hydroélectricité, l’AE s’étonne du fait que le rapport d’objectifs ne traite pas de l’enjeu majeur de cette source d’énergie, le respect des exigences de continuité écologique. Avis de l’Autorité environnementale (AE) sur le SRADDET de la région Hauts-de-France : point sur les ENR L’AE note dans son avis que le projet rappelle « que la  région  Hauts-de-France  est parmi  les  plus  énergivores  de  France (consommations d’énergie et émissions de gaz à effet de serre 30 % supérieures à la moyenne nationale), principalement du fait des usages industriels ». Le choix d’un « triple moratoire » concernant   l’éolien, le bois énergie et les biocarburants est très critiqué par l’AE, qui relève sa possible incompatibilité avec la loi de transition énergétique voire même avec le principe de non-régression environnementale. L’AE appuie particulièrement sur le choix fait de prévoir un objectif de stabilisation de l’énergie éolienne, en proposant à la place une adaptation des objectifs de production selon les territoires.

La production d’électricité éolienne : une raison impérative d’intérêt public majeur ?

Par David DEHARBE (Green Law Avocats) Lorsque la dérogation de destruction d’espèce naturelle protégée est sollicitée pour un projet entrant dans le cadre du champ d’application de l’autorisation environnementale, cette dernière tient lieu de la dérogation faune-flore. La demande est alors instruite et délivrée dans les conditions prévues pour l’autorisation environnementale et les dispositions procédurales relatives à la dérogation faune-flore ne sont alors pas applicables (Cf. les art. L. 181-1, L. 181-2, I, 5° et R. 411-6 du code de l’environnement). S’agissant des parcs éoliens, la Cour administrative d’appel de Nantes (CAA de NANTES, 5ème chambre, 05/03/2019, 17NT02791- 17NT02794, Inédit au recueil Lebon) apporte d’importantes précisions sur le contrôle du juge administratif quant aux conditions auxquelles un parc éolien peut bénéficier d’une telle dérogation (ici sur la base d’un arrêté intervenu avant l’entrée en vigueur de l’autorisation environnementale). Par arrêté du 4 février 2015, le préfet du Morbihan a accordé à la SAS Les Moulins du Lohan, en application de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, l’autorisation de déroger aux interdictions mentionnées à l’article L. 411-1 du même code de capture, d’enlèvement, de transport, de perturbation intentionnelle, de destruction de spécimens d’espèces protégées et de destruction d’habitats d’espèces protégées, en vue de l’exploitation d’un parc éolien sur le territoire de la commune des Forges. Saisi par la Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de France (SPPEF) et plusieurs riverains du projet éolien, ainsi que par l’association ” Bretagne vivante – SEPNB “, le tribunal administratif de Rennes a, par jugement du 7 juillet 2017 annulé cet arrêté. En appel le Ministre et l’opérateur éolien obtiennent l’annulation du jugement et le rétablissement en vigueur de l’arrêté de dérogation. Des dérogations au régime de protection stricte de certaines espèces peuvent être apportées sous certaines conditions : il n’existe pas d’autre solution satisfaisante pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l’autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire ; précisons que la possibilité de recourir à une tierce expertise a été introduite par l’article 68 de loi Biodiversité (L. n° 2016-1087 du 8 août 2016) ; la dérogation ne doit pas nuire pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ; Par ailleurs la dérogation doit poursuivre l’un des buts suivants énoncés aux paragraphes a) à e) de l’article L.411-2, 4° du code de l’environnement : dans l’intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l’élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d’autres formes de propriété ; dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publique ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ; à des fins de recherche et d’éducation, de repeuplement et de réintroduction de ces espèces et pour des opérations de reproduction nécessaires à ces fins, y compris la propagation artificielle des plantes ; Or dans son arrêt du 3 mars dernier, la CAA de Nantes rappelle « qu’un projet d’aménagement ou de construction d’une personne publique ou privée susceptible d’affecter la conservation d’espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s’il répond, par sa nature et compte tenu notamment du projet dans lequel il s’inscrit, à une raison impérative d’intérêt public majeur. En présence d’un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d’une part, il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et, d’autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ». Ce sont effectivement pour le Conseil d’Etat trois conditions « cumulatives » qui sont ainsi requises (Conseil d’État, 9 oct. 2013, n°366803,  Inédit au recueil Lebon ;  CE, 6ème et 5ème chambres réunies, 24 juillet 2019, n°414353). Or s’agissant des aménagements projet travaux ou activités à finalité purement économique, leur demande de dérogation doit en pratique être justifiée par « une raison impérative d’intérêt public majeur » pour laquelle la jurisprudence est extrêmement exigeante quant à cette dernière (le projet de  centre commercial et de loisirs dit ” Val Tolosa ” en Haute-Garonne et la création de plus de 1 500 emplois potentiels viennent d’en faire les frais : CE, 6ème et 5ème chambres réunies, 24 juillet 2019, n°414353) Sachant que selon le juge administratif l’intérêt public qui s’attache à un projet « ne suffit pas » à remplir cette condition du droit communautaire (cf. G. Audrain-Demey, Aménagement et dérogation au statut des espèces protégées : la « raison impérative d’intérêt public majeur » au cœur du contentieux, Dr. env. n° 274, janv. 2019, p. 15) et que rares sont les espèces à retenir la qualification de la « raison impérative » (Pour une extension d’ISDN participant de la continuité du service public  CAA Marseille, 7ème ch., 12 juill. 2016, n° 16MA00072 : – Pour le projet d’aéroport de notre Dame des Landes : CAA Nantes, 14 nov. 2016, n° 15NT02386). Ainsi une retenue d’eau, une carrière, un contournement routier, un center parc ne peuvent en tant que tel prétendre à la qualification en l’état de la jurisprudence des juges du fonds. Au demeurant dans son arrêt du 24 juillet dernier (n°414353), le Conseil d’Etat a pris le soin de préciser que la nature des atteintes et leur compensation ne devait pas peser dans la qualification de la raison impérative d’intérêt public majeur : « En raison du caractère cumulatif des conditions posées à la légalité des dérogations permises par l’article L. 411-2 du code de l’environnement, les motifs par lesquels la cour administrative d’appel a ainsi jugé que l’autorisation attaquée ne répondait pas à une raison impérative d’intérêt public majeur justifient nécessairement, à eux seuls, le…