La chronique de droit des ENR disponible sur le blog !

La chronique de droit des ENR disponible sur le blog !

Sur son blog, le cabinet Green Law Avocats donne désormais accès à sa chronique de droit des ENR publiée depuis plusieurs années dans la revue « Droit de l’environnement » (téléchargeable ci-dessous). Bonne lecture !

La liste des associations de protection de l’environnement agréées est parue au JO

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) L’arrêté du 31 mai 2021 publié au JORF du 10 septembre, liste les 54 associations agréées au titre de la protection de l’environnement dans le cadre national. On appréciera la schizophrénie du Ministère de l’écologie à l’heure de l’urgence climatique : l’Association Patrimoine environnement notoirement anti-éolienne et qui attaque quantité d’autorisations environnementales de parcs a été agréée… On reproduit ci-dessous le tableau annexé à l’arrêté du 31 mai. Associations agréées Numéros de SIREN Agrément pour 5 ans à compter du A.Ab.V – Association anti-bruit de voisinage 388818536 19 avril 2019 ANPCEN – Association nationale pour la protection du ciel et de l’environnement nocturne 482349701 18 février 2019 ANPER – Association nationale pour la protection des eaux et des rivières 332 988 484 18 juillet 2017 APE – Agir pour l’environnement 419327499 20 janvier 2021 APPA – Association pour la prévention de la pollution atmosphérique 784 361 834 19 juillet 2020 ASPAS – Association pour la Protection des Animaux sauvages 377831474 1er janvier 2019 AT – Amis de la terre 309266773 1er janvier 2018 CRIIRAD – Commission de Recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité 341802544 14 février 2019 ERN France – SOS Loire vivante 379320971 7 novembre 2019 FCEN – Fédération des conservatoires d’espaces naturels 385320270 26 janvier 2018 FERUS 402732184 11 mars 2019 FFS – Fédération française de spéléologie 784492464 12 août 2018 FIEP – Fonds d’intervention éco pastoral Groupe ours Pyrénées 323116780 1er janvier 2018 FNC – Fédération nationale des chasseurs 439220153 1er janvier 2019 FNE – France Nature Environnement 784263303 1er janvier 2018 FNPPMA – Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique 497484295 22 juillet 2016 GF – Générations futures 447829730 4 décembre 2018 Greenpeace France 350149530 3 janvier 2019 Humanité et biodiversité 398015651 11 mars 2019 Mountain Wilderness France 387488471 1er janvier 2019 LPO – Ligue pour la protection des oiseaux 784263287 1er janvier 2018 Noé 440511731 7 janvier 2021 OGM – Observatoire des galliformes de montagne 419460944 2 mai 2019 One voice 419697990 5 janvier 2019 OPIE – Office pour les insectes et leur environnement 318223666 1er janvier 2018 Patrimoine environnement 784313066 29 mai 2018 Paysages de France 408613859 20 juin 2019 PRIARTEM – Association pour rassembler, informer et agir sur les risques liés aux technologies électromagnétiques 453991846 16 décembre 2017 RAC France – Réseau action climat 22466201 1er janvier 2019 REN – Réseau Ecole et Nature 384789319 28 février 2021 Respire 532334588 12 mars 2021 RNF – Réserves naturelles de France 428434831 14 novembre 2019 Robin des bois 378056162 11 mars 2019 RSN – Réseau sortir du nucléaire 418092094 8 décembre 2018 SFDE – Société française pour le droit de l’environnement 308949809 1er janvier 2018 SFE – Surfrider Foundation Europe 388734220 1er janvier 2019 SHF – Société herpétologique de France 442242079 1er janvier 2018 SNPN – Société nationale de protection de la nature et d’acclimatation de France 775662752 1er janvier 2018 SPPEF – Société de protection des paysages et de l’esthétique de France 784314676 1er janvier 2018 Tela Botanica 428898951 25 février 2021 UFBSN – Union des fédérations pour la pêche et la protection des milieux aquatiques du bassin Seine Normandie 822688552 16 mars 2021 UFCS – Union française des centres de sauvegarde de la faune sauvage 391913373 10 septembre 2018 UNCPIE – Union nationale des centres permanents d’initiatives pour l’environnement 313523235 11 mars 2019 UICN – Comité français de l’union internationale pour la conservation de la nature 415025626 1er novembre 2017 Zero Waste France 422203026 14 janvier 2019

Sanction administrative et dérogation espèces protégées

Par Maître David DEHARBE, Green Law Avocats Voilà un arrêt du Conseil d’Etat (CE, 6ème – 5ème chambres réunies, 28 avril 2021, n° 440734) qui doit tout particulièrement retenir l’attention s’agissant des risques auxquels s’expose l’exploitant d’une installation classée titulaire d’une autorisation de dérogation de destruction d’espèce protégée, finalement annulée par le juge. En l’espèce, par un arrêté du 29 octobre 2015, complété par un arrêté du 9 mars 2018, le préfet du Doubs a autorisé la société Maillard à exploiter une carrière de roches massives calcaires au lieu-dit ” La Craie “, sur le territoire de la commune de Semondans (Doubs), après lui avoir délivré, pour ce même projet, une autorisation de dérogation au régime de protection des espèces en application de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, par un arrêté du 14 novembre 2014. Le tribunal administratif de Besançon ayant annulé ce dernier arrêté par un jugement du 21 septembre 2017 au motif qu’il était insuffisamment motivé, le préfet a délivré à la société Maillard, le 26 décembre 2017, une nouvelle autorisation de dérogation au régime de protection des espèces, laquelle a, à son tour, été annulée par un jugement, devenu définitif, du même tribunal administratif en date du 4 juillet 2019, au motif que la dérogation accordée n’était pas justifiée par une raison impérative d’intérêt public majeur au sens de l’article L. 411-2 du code de l’environnement. Par un arrêté du 4 octobre 2019, le préfet du Doubs a, en application de l’article L. 171-7 du code de l’environnement, d’une part, mis la société Maillard en demeure de régulariser sa situation administrative, soit en cessant son activité, soit en déposant une nouvelle demande d’autorisation environnementale pour tenir compte de l’annulation de la dérogation au régime de protection des espèces et, d’autre part, suspendu le fonctionnement de la carrière exploitée par cette société jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la régularisation demandée. La ministre de la transition écologique et solidaire se pourvoit en cassation contre l’ordonnance du 31 octobre 2019 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a, à la demande de la société Maillard, suspendu l’exécution de cet arrêté en tant qu’il porte sur la partie sud du site de la Craie correspondant à la ” phase 1 ” du projet d’exploitation de la carrière. Le Conseil d’Etat distingue deux situations juridiques différentes pour fixer le cadre des pouvoirs de sanction du préfet dans le cas où son arrêté de dérogation est définitivement annulé. La première hypothèse se singularise par le fait que la dérogation n’a pas encore été mise en œuvre. Dans ce cas pour le Conseil d’Etat : « lorsque la dérogation au régime de protection des espèces protégées prévue à l’article L. 411-2 du code de l’environnement et délivrée en vue de permettre l’exploitation d’une installation classée pour la protection de l’environnement, ou la partie de l’autorisation environnementale en tenant lieu, a fait l’objet d’une annulation contentieuse, il appartient au préfet de mettre en oeuvre les pouvoirs qu’il tient de l’article L. 171-7 du code de l’environnement précité en mettant l’exploitant en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu’il détermine et, le cas échéant, en édictant des mesures conservatoires pouvant aller jusqu’à la suspension de l’exploitation de l’installation en cause jusqu’à ce qu’il ait statué sur une demande de régularisation. Saisi d’une telle demande, il lui appartient d’y statuer en tenant compte de la situation de droit et de fait applicable à la date à laquelle il se prononce, notamment en tirant les conséquences de la décision juridictionnelle d’annulation et de l’autorité de chose jugée qui s’y attache, le cas échéant en abrogeant l’autorisation d’exploiter ou l’autorisation environnementale en tenant lieu ». Le deuxième scénario tient au fait que la destruction dérogatoire a déjà été exécutée. Selon l’arrêt, « Dans l’hypothèse où, en raison des travaux réalisés notamment sur le fondement de la dérogation au régime de protection des espèces protégées prévue à l’article L. 411-2 du code de l’environnement avant qu’elle ne soit annulée pour un motif de fond, la situation de fait, telle qu’elle existe au moment où l’autorité administrative statue à nouveau, ne justifie plus la délivrance d’une telle dérogation, il incombe cependant au préfet de rechercher si l’exploitation peut légalement être poursuivie en imposant à l’exploitant, par la voie d’une décision modificative de l’autorisation environnementale si elle existe ou par une nouvelle autorisation environnementale, des prescriptions complémentaires. Ces prescriptions complémentaires comportent nécessairement les mesures de compensation qui étaient prévues par la dérogation annulée, ou des mesures équivalentes, mais également, le cas échéant, des conditions de remise en état supplémentaires tenant compte du caractère illégal des atteintes portées aux espèces protégées, voire l’adaptation des conditions de l’exploitation et notamment sa durée ». En l’espèce, le Conseil d’Etat considère qu’il n’y avait pas de doute sérieux quant à la légalité de la mise en demeure préfectorale même si selon le carrier l’exploitation de la zone en cause ne nécessitait pas une nouvelle dérogation dès lors qu’elle ne comportait plus d’espèces protégées puisqu’elle avait été défrichée et décapée jusqu’au toit du gisement sur le fondement d’une autorisation de défrichement devenue définitive et de la dérogation alors en vigueur. Pour la Haute juridiction  nous sommes bien dans la deuxième hypothèse, du moins à en croire l’exploitant, ce qui « ne fait pas obstacle à ce que le préfet, dans l’attente que l’autorisation environnementale soit, le cas échéant, complétée, mette en œuvre les pouvoirs qu’il tient de l’article L. 171-7 du code de l’environnement en édictant des mesures conservatoires, afin de tenir compte notamment des atteintes portées aux espèces protégées sur le fondement de la dérogation illégale, et en suspendant le fonctionnement de l’installation en cause ». Et en l’espèce le préfet « s’est borné à mettre en demeure la société Maillard de régulariser la situation de l’exploitation compte tenu de l’intervention de la décision juridictionnelle annulant la dérogation au régime des espèces protégées et à suspendre, dans l’attente du dépôt d’une demande de régularisation ». Cet arrêt ouvre la voie à une acception écologique…

Les mesures d’effarouchement de l’ours bruns sont illégales

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Comme le démontre ce nouvel arrêt du Conseil d’Etat (CE, 4 février 2021, n° 434058), la pression se resserre autour de l’État concernant la protection de la population des ours bruns dans les Pyrénées. Après, une condamnation de l’État pour la méconnaissance de ses obligations de protection de la population des ours dans la région pyrénéenne (TA Toulouse, 6 mars 2018, n° 1501887, 1502320), le Conseil d’État a partiellement annulé un arrêté autorisant de manière dérogatoire les tirs d’effarouchement sur les ours bruns. Dans cette décision du 4 février 2019, la Haute juridiction a jugé que des tirs d’effarouchement d’une espèce protégée ne peuvent être instaurés pour protéger les troupeaux, même à titre expérimental, que si ces tirs ne risquent pas de porter atteinteau maintien des populations dans leur aire de répartition naturelle et ne compromettent pas l’amélioration de l’état de l’espèce (CE, 4 février 2021, n° 434058). Était en cause, un arrêté du 27 juin 2019 du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire et du ministre de l’agriculture et de l’alimentation relatif à la mise en place à titre expérimental de mesures d’effarouchement de l’ours brun dans les Pyrénées pour prévenir les dommages aux troupeaux pris en application de l’article L.411-2 du code de l’environnement. Pour mémoire, l’article L.411-1 du code de l’environnement énumère une série d’interdictions de principe qui prohibent la destruction des espèces protégées et de leurs habitats et, plus généralement, toute action susceptible de perturber le cycle de vie et la reproduction de ces espèces. Cependant, l’article L. 411-2 poursuit en permettant que des dérogations soient accordées par les préfets sous certaines conditions. L’article R.411-13 du code de l’environnement précise que les ministres chargés de la protection de la nature et de l’agriculture peuvent fixer par arrêté conjoint les conditions et limites dans lesquelles sont délivrées ces dérogations dès lors que l’aire de répartition excède le territoire d’un département. C’est sur le fondement de ces dispositions qu’a été pris l’arrêté attaqué. Celui-ci a pour objet de fixer, à titre expérimental jusqu’au 1er novembre 2019, le cadre dans lequel les préfets peuvent accorder des dérogations à l’interdiction de perturbation intentionnelle des ours bruns, afin de mettre en œuvre des mesures d’effarouchement pour protéger les troupeaux des dommages causés par la prédation. Plus précisément, les articles 2 à 4 de l’arrêté prévoient deux types de mesures d’effarouchement : D’abord, est prévu l’effarouchement dit simple qui consiste en l’utilisation de moyens lumineux (torches, guirlandes, phares), olfactifs ou sonores (cloches, sifflets, sirènes) pour faire fuir l’animal. La mise en place de ces mesures est conditionnée. Il convient en effet qu’au moins une attaque sur l’estive soit survenue au cours de l’année précédant la demande ou quatre attaques au cours des deux années précédant la demande. L’arrêté définit une « attaque » comme étant celle « pour laquelle la responsabilité de l’ours n’a pas pu être exclue et donnant lieu à au moins une victime indemnisable au titre de la prédation de l’ours ». Par ailleurs, l’effarouchement simple n’est possible que si l’utilisation de moyens de protection du troupeau prévus par les plans de développement ruraux ou des mesures équivalentes existent. Ensuite, si cette première réponse est inefficace, un effarouchement dit renforcé peut être autorisé. Cela consiste pour les personnes énumérées au présent arrêté (agents de l’office chargé de la chasse après formation, éleveurs ou bergers titulaires d’un permis de chasser, chasseurs, lieutenants de louveterie) à effectuer des tirs non létaux. Pour ce faire, une deuxième attaque doit intervenir moins d’un mois après la première ou dès la première pour les estives ayant subi au moins quatre attaques sur les deux dernières années. Le Conseil d’État était alors amené à s’interroger sur la conformité de ces mesures d’effarouchement prises à l’encontre des ours bruns au regard des articles L.411-1 et L.411-2 du code de l’environnement. Pour solliciter l’annulation de cet arrêté, les associations de protection de l’environnement requérantes n’ont soulevé que des moyens de légalité interne tirés de la méconnaissance de chacune des conditions énoncées à l’article L.411-2 du code de l’environnement. En vertu de cet article, il est possible de déroger aux interdictions de destruction et de dérangement des espèces « à condition qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ». Les requérantes soutenaient que la présence des ours bruns ne conduit pas à une perturbation importante des troupeaux dans la région et que la mise en place de telles mesures risque de nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des ours bruns dans leur aire de répartition naturelle. En sus, elles soutenaient que l’arrêté a méconnu la condition relative à l’absence de solution alternative pour la mise en place des mesures d’effarouchement simple. Elles invoquent également la méconnaissance du principe de précaution. Le Conseil d’État juge qu’il y a lieu d’annuler partiellement l’arrêté attaqué dans ses dispositions relatives à la mise en place, à titre expérimental, de mesures d’effarouchement renforcé de l’ours brun dans les Pyrénées pour prévenir les dommages aux troupeaux. Tout d’abord, la Haute juridiction relève que l’ours brun ne vit plus en France que dans le massif des Pyrénées et que l’espèce a connu un fort déclin au cours du XXème siècle. Elle relève également qu’en dépit du régime de protection institué en 1981 et des réintroductions effectuées à compter de 1996, l’état de conservation de l’espèce n’a pas retrouvé un caractère favorable au sens de l’article 1er de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992. Après avoir fait ce constat le Conseil d’État examine les différents moyens soulevés et commence par écarter celui tiré de la méconnaissance du principe de précaution au regard de la nature du risque en cause qui n’est pas de ceux visés par l’article 5 de la Charte de l’environnement. Sur les moyens tirés de la méconnaissance de l’article L.411-2 du code de l’environnement, le Conseil d’Etat raisonne en deux temps. D’abord, il écarte le moyen tiré de la méconnaissance de…

« AFFAIRE DU SIÈCLE » : VERS UNE RESPONSABILITÉ ÉCOLOGIQUE DE L’ÉTAT

Par Clémence AUQUE (Juriste, Green Law Avocats) Par un jugement du 3 février 2021 (TA Paris, 3 févr. 2021, « Association OXFAM France et autres », req. n°190467, 190468, 190472, 190476), le Tribunal administratif de Paris a jugé que « l’Etat doit être regardé comme responsable, au sens des dispositions […] de l’article 1246 du Code civil, d’une partie du préjudice écologique » résultant du réchauffement climatique (cons. n°34). En l’espèce, des associations avaient saisi le Premier ministre ainsi que plusieurs autres ministres d’un recours gracieux visant à obtenir la réparation et la cessation des préjudices causés par l’inaction de l’Etat en matière de pollution de l’air. Face au rejet de leur demande, les associations ont introduit un recours indemnitaire devant le Tribunal administratif de Paris. Ce recours avait pour principal objet d’obtenir la condamnation de l’Etat à prendre les mesures nécessaires à la cessation et à la réparation du préjudice écologique aggravé par son inertie.   Pour rappel, l’article 1247 du Code civil prévoit qu’« est réparable […] le préjudice écologique consistant en une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement ». Ainsi, le préjudice écologique se comprend comme un dommage grave causé à la nature, apprécié indépendamment des dommages causés par ricochet aux intérêts de l’Homme. Par son jugement du 3 février 2021, le Tribunal administratif de Paris reconnait que la carence de l’Etat à respecter ses objectifs de réduction de la pollution atmosphérique a participé à l’aggravation du préjudice écologique causé par le réchauffement climatique. Afin de déterminer les mesures devant être ordonnées à l’Etat pour procéder à la réparation dudit préjudice, le juge a également prescrit un supplément d’instruction. Bien que la doctrine ait d’ores et déjà pu minimiser l’impact de ce jugement avant-dire droit, il convient de donner à ce dernier toute la portée de son audace : l’admission du préjudice écologique au nombre des préjudices réparables par le juge administratif (I.). Une fois posé le principe d’une « responsabilité écologique » de l’Administration, le Tribunal a caractérisé en l’espèce l’existence d’un préjudice écologique (II.) avant de reconnaitre la responsabilité de l’Etat dans l’aggravation de ce dernier (III.). I/ L’accueil du  préjudice écologique : une rupture avec le classique du préjudice administratif En examinant la recevabilité du recours, le juge administratif considère que « les associations, agréées ou non, qui ont pour objet statutaire la protection de la nature et la défense de l’environnement ont qualité pour introduire devant la juridiction adminsitrative un recours tendant à la réparation du préjudice écologique » (cons. n°11). Le juge admet ainsi, au détour d’un examen de l’intérêt à agir des associations, la possibilité d’introduire une action en réparation du préjudice écologique devant la juridiction administrative. Bien avant la consécration du préjudice écologique par la Cour de cassation dans l’affaire Erika (Crim, 25 sept. 2012, n°10-82.938, Bull.), le juge administratif s’est refusé à réparer le préjudice écologique et ce, depuis un arrêt « Ville de Saint-Quentin » (CE, 12 juil. 1969, « Ville de Saint-Quentin, n°72068, 72079, 72080, 72084, Lebon). Ce refus était justifié par la spécificité de ce préjudice qui n’est pas causé à une personne mais aux éléments naturels. En témoigne le jugement du Tribunal administratif de Pau du 25 juin 2014 qui rejetait les demandes indemnitaires d’une association agréée en ces termes : « l’ASPAS n’est pas fondée à demander l’engagement de la responsabilité de l’Etat au titre du « préjudice écologique » qui résulterait des destructions illégalement opérées et de l’atteinte portée de ce fait à l’environnement, dès lors qu’un tel préjudice ne lui est pas personnel et qu’aucune norme ou principe général ne définit ni n’impose le principe d’une telle réparation par l’Etat au bénéfice d’une association agrée de défense de l’environnement […] » (TA Pau, 25 juin 2014, « Association pour la protection des animaux sauvages, n°1301172, 1301191. Voir également TA Amiens, 21 févr. 2012, Fédération de la Somme pour la pêche, n°1000282). Toutefois, le contexte juridique change en 2016 : la loi « Biodiversité » consacre le principe de la réparation du préjudice écologique au sein du Code civil et renforce le rôle des associations dans la représentation en justice des intérêts écologiques. Les associations et collectivités s’en prévalent devant le juge administratif pour demander réparation des préjudices écologiques imputables à l’Etat. Par son jugement du 3 février 2021, le Tribunal administratif de Paris saute le pas et admet la recevabilité de ces actions sur le fondement des articles 1246 et 1247 du Code civil. Et il faut alors prendre toute la mesure de cette acceptation du Tribunal administratif de Paris d’envisager la réparation du préjudice écologique :  c’est au visa du code civil et en citant intégralement les articles 1246 , 1247 et 1249 que la juridiction consacre en droit administratif la réception du préjudice écologique. Après tout, l’article 1247 dispose bien que « toute personne responsable d’un préjudice écologique est tenue de le réparer » … Mais ce stade il n’échappera à aucun administrativiste que cette réception devra si l’on dire s’acclimater des principes fondant la responsabilité administrative depuis la fameuse jurisprudence Blanco (TC 8 févr. 1873, Blanco, GAJA n° 1). Dit autrement la réception peut-être totale, sous bénéfice d’inventaire comme le voudrait l’idée que la responsabilité de l’Etat se singularise en étant  « ni générale ni absolue ». Or là encore le jugement commenté prend des options tranchées en la matière. II/ Le Tribunal annonce qu’il ordonnera une réparation en nature du préjudice écologique Se fondant sur un exposé technique détaillé des conséquences du réchauffement climatique, le Tribunal administratif de Paris identifie l’existence d’un préjudice écologique dû aux émissions de gaz à effet de serre et aggravé par l’inaction de l’Etat : accélération de la fonte des glaces, réchauffement des océans, érosion côtière, menaces sur la biodiversité des glaciers et du littoral. Ensuite, par application de l’article 1249 du Code civil, le Tribunal juge que la réparation de ce préjudice sera effectuée par priorité en nature, dès lors que les associations « ne démontrent pas que l’Etat serait dans l’impossibilité de réparer en nature le préjudice écologique dont le présent jugement le reconnait responsable » (cons. n°37). Le Tribunal prescrit alors…