Loi 3DS du 21 février 2022 : Panorama de la réforme

La Loi n°2022-217 de Différenciation, Déconcentration, Décentralisation et Simplification dite « 3DS » a été publiée le 22 février 2022. Fruit de plus de deux ans de travail sur l’efficacité de l’action publique, la Loi 3DS vient approfondir le transfert de compétences dans plusieurs domaines, et tente de créer une dynamique de travail en bonne intelligence entre les autorités déconcentrées et décentralisées de l’Etat. Plusieurs Décrets d’application sont encore à prévoir, mais on peut d’ores-et-déjà dresser un panorama des grands axes du texte et leurs implications potentielles (Document de présentation disponible ici: . Dense et riche en informations, elle traite de sujets divers tels que : Reste cependant à savoir si elle sera à la hauteur de ses ambitions.  

Coût excessif + atteinte à l’environnement = bilan négatif de l’utilité publique

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Par un arrêt du 28 juin 2021, le Conseil d’Etat (n° 434150 téléchargeable ici) a jugé qu’un projet de prolongement d’un boulevard urbain d’un coût financier unitaire au kilomètre important et portant une atteinte excessive à un paysage remarquable ne peut passer avec succès le contrôle du bilan dit coûts-avantages justifiant l’utilité publique (CE, ass., 28 mai 1971, req. n° 78825, Lebon 409 ; par ex. pour d’autres bilans négatifs : CE, Assemblée, 28 mars 1997, n° 170856 et 170857 et CE, 11 décembre 2019, préfet d’Eure-et-Loir, req. n° 419760, mentionné aux tables). Depuis l’arrêt Ville Nouvelle Est du 28 mai 1971, on le sait le juge apprécie le caractère d’utilité publique d’une opération nécessitant l’expropriation d’immeubles ou de droits réels immobiliers, non  seulement en s’assurant qu’elle répond à une finalité d’intérêt général, mais procède surtout au bilan « coûts-avantages » : l’opération ne doit pas comporter d’inconvénients « excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente ». En l’espèce, par un arrêté du 7 juillet 2014, le préfet des Alpes-Maritimes a déclaré d’utilité publique le projet de prolongement de la route départementale (RD) n° 6185 entre la RD n° 9 et la RD n° 2562 sur le territoire de la commune de Grasse et a autorisé le département des Alpes-Maritimes à acquérir les immeubles nécessaires à la réalisation du projet. Puis, par un arrêté du 16 octobre 2015, le préfet a déclaré immédiatement cessibles les immeubles désignés à l’état parcellaire. L’association de défense des riverains du quartier de Château-Folie et de ses environs, l’association de défense de l’environnement des quartiers Saint-Antoine et Saint-Jacques et la société Jacques Chibois ont demandé au tribunal administratif de Nice d’annuler l’arrêté du 7 juillet 2014 du préfet des Alpes-Maritimes portant déclaration d’utilité publique du projet de prolongement de la route départementale n° 6185 entre la route départementale n° 9 et la route départementale n° 2562 à Grasse et la décision implicite de refus du préfet de retirer cet arrêté. Des particuliers demandaient également au tribunal administratif de Nice d’annuler le même arrêté du 7 juillet 2014 ainsi que l’arrêté du 16 octobre 2015 par lequel le préfet a déclaré immédiatement cessibles les immeubles désignés à l’état parcellaire nécessaires à la réalisation du projet. Par deux jugements n° 1500036 et n° 1405215-1505091 du 7 février 2017, le tribunal administratif a rejeté leurs demandes. Par un arrêt n° 17MA01570, 17MA01463 du 8 juillet 2019, la cour administrative d’appel de Marseille a, sur appel de l’association de défense des riverains du quartier de Château-Folie et de ses environs et autres, annulé ce jugement et l’arrêté du 7 juillet 2014 du préfet des Alpes-Maritimes ainsi que l’arrêté du 16 octobre 2015 en tant qu’il concerne les parcelles appartenant au particulier requérant. Saisie en cassation, le Conseil d’Etat rappelle qu’« une opération ne peut être déclarée d’utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d’ordre social ou l’atteinte à d’autres intérêts publics qu’elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente ». Or, « pour juger illégale la déclaration d’utilité publique qui lui était soumise, la cour administrative d’appel a retenu que le projet, qui consiste à créer un boulevard urbain dans le prolongement de la RD 6185 existante afin d’améliorer la circulation automobile entre l’extérieur et le centre de la ville de Grasse pour faciliter les échanges entre les quartiers, renforcer la desserte locale et améliorer la sécurité dans le secteur, avait un coût très élevé, évalué à 68 millions d’euros pour la création d’une voie de 1 920 mètres, soit 34 millions d’euros par kilomètre, s’expliquant par la construction de deux viaducs, trois ponts routiers, de 5 500 m2 de murs de soutènement et de 2 100 mètres de murs acoustiques. La cour a aussi jugé que la réalisation du projet aurait un impact très visible dans le paysage remarquable dans lequel il est appelé à s’inscrire, en particulier du fait des deux viaducs, d’une longueur et d’une hauteur respectives de 150 mètres et de 20 mètres pour le premier et de 210 mètres et de 27 mètres pour le second, et serait ainsi de nature à gravement altérer le caractère du site, regardé comme exceptionnel, en dépit des mesures visant à atténuer les effets du projet sur le paysage décrites dans l’étude d’impact. En déduisant de ces constatations, exemptes de dénaturation, par un arrêt suffisamment motivé, que le coût financier du projet et les atteintes portées à un paysage remarquable étaient excessifs au regard de l’intérêt public que présente la réalisation du projet, la cour administrative d’appel a exactement qualifié les faits de l’espèce ». Le Conseil d’Etat pouvait parfois censurer des bilans d’ouvrages routiers « sans qu’il y ait lieu de rechercher si les atteintes à l’environnement seraient excessive » en considérant « que le coût financier au regard du trafic attendu doit être regardé à lui seul comme excédant l’intérêt de l’opération et comme de nature à lui retirer son caractère d’utilité publique  » (CE, ass., 28 mars 1997, n° 170856 et 170857, Lebon, téléchargeable sur Doctrine). Désormais l’environnement semble donner (si l’on ose dire !) le coup de grace aux projets d’ouvrage pharaoniques … Et en l’espèce l’analyse critique par l’autorité environnementale du projet n’y est pas pour rien. Comme l’avaient relevé les juges d’appel « l’autorité environnementale saisie a estimé que ce projet à caractère urbain s’insérait  » dans l’un des plus beaux balcons de la Côte d’Azur  » et que l’analyse des impacts, succincte, ne mettait pas en avant les modifications importantes du secteur en terme de grand paysage entraînées par l’implantation d’ouvrages exceptionnels ».

Relativité de l’objectif de la consommation économe de l’espace

Par Maitre David DEHARBE (Green Law Avocats) Par un jugement du 4 mars 2021, Le Tribunal administratif de Montpellier (téléchargeable ici) considère que l’objectif de consommation modérée de l’espace a bien été pris en compte à l’échelle du territoire couvert par un SCOT « Pic Saint-Loup Haute Vallée de l’Hérault » au stade de la définition du document d’aménagement artisanal et commercial. Pourtant ce document d’urbanisme maintient en particulier le projet d’aménagement dénommé « Oxylane » destiné à accueillir un lotissement multi-activités à dominante commerciale sur un site de près de 24 hectares situé sur le territoire de la commune de Saint-Clément-de-Rivière… Une association avait saisi le tribunal d’une requête tendant à l’annulation de cette délibération en tant seulement qu’elle maintient le projet « Oxylane », estimant que cette opération méconnait l’objectif de consommation économe de l’espace fixé par le code de l’urbanisme et contrarie d’autres objectifs définis par le SCOT lui-même. Les juge montpelliérain rappelle qu’il résulte des dispositions des article L .141-16 et L. 141-17 du code de l’urbanisme « qu’en matière d’aménagement commercial, les auteurs du SCOT peuvent fixer des orientations et des objectifs d’implantations préférentielles des activités commerciales définis en considération des exigences d’aménagement du territoire et de consommation de l’espace, de protection de l’environnement ou de qualité de l’urbanisme ». « Le document d’orientation et d’objectif (DOO) précise les orientations relatives à l’équipement commercial et artisanal. Il définit les localisations préférentielles des commerces en prenant en compte les objectifs de revitalisation des centres-villes, de maintien d’une offre commerciale diversifiée de proximité permettant de répondre aux besoins courants de la population tout en limitant les obligations de déplacement et les émissions de gaz à effet de serre, de cohérence entre la localisation des équipements commerciaux et la maîtrise des flux de personnes et de marchandises, de consommation économe de l’espace et de préservation de l’environnement, des paysages et de l’architecture ». (C. urb., art. L. 141-16) Mais pour le Tribunal si « l’association requérante soutient que le secteur d’implantation périphérique « Oxylane » est contraire à l’objectif de consommation économe de l’espace défini par l’article L. 141-16 du code de l’urbanisme dès lors qu’il représente une surface 23,5 hectares actuellement situés en zone agricole et naturelle […] Il ressort toutefois des pièces du dossier que le SCOT permet une réduction de la consommation de l’espace à l’échelle du périmètre arrêté en prévoyant une consommation de 300 hectares entre 2013 et 2030, soit une consommation de 17 hectares par an, alors qu’auparavant la consommation foncière annuelle était de 54 hectares. S’agissant plus particulièrement des besoins en matière de zones d’activités économiques, il ressort également des pièces du dossier que la consommation du foncier a également été réduite puisqu’elle était de 92 hectares pour la période 2001 à 2012 et qu’elle est désormais fixée à 60 hectares pour la période 2013-2030. Dans ces conditions, l’objectif de consommation modérée de l’espace a bien été pris en compte à l’échelle du territoire couvert par le SCOT au stade de la définition du document d’aménagement artisanal et commercial de sorte que le moyen ne peut qu’être écarté ». Par ailleurs, le tribunal estime que, compte tenu de la situation stratégique du projet « Oxylane » au regard des objectifs de développement économique du territoire intercommunal, de l’important gisement de terres agricoles du périmètre du SCOT qui comporte 12 000 hectares de terres agricoles dont 80 % sont classés en espaces à très fort et à fort enjeux, l’identification du projet « Oxylane » en zone agricole ordinaire assure le respect des options d’aménagement retenues dans le projet d’aménagement et de développement durables par les auteurs du SCOT. Ce contrôle du « respect des équilibres » par le document d’orientation  et d’objectifs est très souvent illustré et réduit par la jurisprudence à l’erreur manifeste d’appréciation (CAA Nancy, 11 févr. 2010, Cne de Berentzwiller et a., n° 09NC00452: Envir. 2010, no 55, obs. Gillig.) Un tel  contrôle juridictionnel de la localisation préférentielle des zones commerciales de grande ampleur à l’aune de l’objectif de « l’utilisation économe et équilibrée des espaces naturels urbains, périurbains et ruraux » (L. 101-2 C. urb.) repose sur une appréciation somme toute globale, réalisée volontairement par le juge à l’échelle du territoire total couvert par le SCOT. Cela ne saurait surprendre : le projet commercial de grande échelle n’est pas par nature condamné par les principes « d’équilibre » que le SCOT doit respecter : ils sont lus par le juge comme ménageant la liberté du commerce et de l’industrie et pas encore comme imposant au planificateur la décroissance commerciale ! D’ailleurs traditionnellement le juge administratif a pu rappeler que le DOO ne doit pas soumettre les aménagements commerciaux à des contraintes non prévues par la loi (CAA Bordeaux, 1re ch., 28 déc. 2017, n° 15BX02851 : la Cour estime qu’en prévoyant au document d’orientation et d’objectifs que le Syndicat doit donner un accord préalable pour toute ouverture d’une zone d’extension commerciale, les auteurs du SCOT ont institué une règle non prévue par les dispositions précitées et méconnu l’étendue de leur compétence).

Le juge, le climat et l’exécutif…

Par Maître Lucas DERMENGHEM, Avocat Of Counsel, GREEN LAW AVOCATS et Maître David DEHARBE, Avocat associé gérant, GREEN LAW AVOCATS Le 19 novembre 2020, le Conseil d’Etat a rendu une décision inédite à propos du respect, par l’Etat français, de ses engagements en matière de lutte contre le dérèglement climatique (CE 19 nov. 2020, n° 427301, COMMUNE DE GRANDE-SYNTHE et a). Les conclusions du rapporteur public sont publiées avec la présente note au Bulletin Juridique des Collectivités Locales cf. : Saisie par la commune de Grande-Synthe (Nord) et par son maire agissant à titre personnel, la Haute Assemblée s’est prononcée sur la légalité des décisions implicites de refus opposées par le Président de la République, le Premier ministre et le Ministre de la Transition Ecologique à la demande tendant notamment à ce que soient prises « toutes mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national de manière à respecter a minima les engagements consentis par la France au niveau international et national ». Pour statuer sur la légalité de ces refus implicites, le Conseil d’Etat était tout d’abord tenu d’examiner les différents engagements souscrits par la France en matière climatique sur le plan international, européen et national. Il s’agissait, ensuite, de vérifier si ces engagements étaient respectés par l’Etat, justifiant que celui-ci puisse se permettre de refuser l’édiction de mesures supplémentaires permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre. L’arrêt commenté présente tout d’abord l’intérêt de recenser d’une manière didactique les différentes normes auxquelles la France est liée en matière de lutte contre le dérèglement climatique. Le Conseil d’Etat dresse ainsi la liste des règles juridiques applicables en la matière, en débutant par le droit international pour terminer par les textes de droit national. Sur le plan international, le Conseil d’Etat rappelle les termes des articles 2 et 3 de la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) du 9 mai 1992, à laquelle la France est partie, avant de mentionner le fameux article 2 de l’accord de Paris du 12 décembre 2015 conclu dans le cadre de la CCNUCC, lequel contient l’objectif – âprement débattu – consistant à contenir l’élévation de la température moyenne « nettement en dessous de 2° C par rapport aux niveaux préindustriels » et à « poursuivre l’action menée pour limiter l’élévation de la température à 1,5° C par rapport aux niveaux préindustriels ». Au niveau communautaire, le Conseil d’Etat mentionne : – la décision 94/69/CE du 15 décembre 1993 par laquelle le Conseil a approuvé la CCNUCC au nom de la Communauté européenne, devenue l’Union européenne ; – le premier « Paquet Energie Climat 2020 », composé en particulier de la décision n° 406/2009/CE du 23 avril 2009 relative à l’effort à fournir par les États membres pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de respecter les engagements de la Communauté en matière de réduction de ces émissions jusqu’en 2020, ayant notamment pour objectif une réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990. Aux termes de l’annexe II de cette décision, la France s’est vue définir un objectif de réduction de 14% de ses émissions de CO2 par rapport aux niveaux d’émissions de 2005. – le second « Paquet Energie Climat » reposant notamment sur le règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018, édicté afin de respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris. Aux termes de l’annexe I de ce règlement, la France est tenue de réduire ses émissions de CO2 de – 37% en 2030 par rapport à leur niveau de 2005. Enfin, à l’échelle nationale, il est rappelé que le législateur français a institué l’article L. 100-4 du code de l’énergie fixant un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40% entre 1990 et 2030 et l’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon 2050 en divisant les émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à six entre 1990 et 2050. L’objectif de – 40% en 2030 que s’est fixé la France est ainsi plus ambitieux que ce qui lui a été attribué au niveau communautaire. Le Conseil d’Etat rappelle qu’en vue d’atteindre cet objectif, l’article L. 222-1 A du code de l’énergie prévoit un dispositif de « budget carbone » fixé par décret, pour la période 2015-2018 puis pour chaque période consécutive de cinq ans. Le budget carbone correspond ainsi à un total d’émission de gaz à effet de serre pour une période déterminée, qui ne doit pas être dépassé. Le Conseil d’Etat indique qu’en vertu de l’article 2 du décret du 18 novembre 2015 : « Les budgets carbone des périodes 2015-2018, 2019-2023 et 2024-2028 sont fixés respectivement à 442, 399 et 358 Mt de CO2eq par an, à comparer à des émissions annuelles en 1990, 2005 et 2013 de, respectivement, 551, 556 et 492 Mt de CO2eq. ». Après avoir listé les engagements que s’est fixés la France en matière de lutte contre le dérèglement climatique, la Haute Assemblée rappelle que les stipulations de la CCNUCC et de l’accord de Paris sont dépourvues d’effet direct mais doivent néanmoins être prises en considération pour l’interprétation des dispositions de droit national, qui ont pour objet de les mettre en œuvre. Ensuite, pour apprécier la légalité des décisions de refus des autorités sollicitées d’édicter des mesures supplémentaires permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre, le Conseil d’Etat constate tout d’abord que la France a « substantiellement dépassé » le premier budget carbone qu’elle s’était allouée pour la période 2015-2018, d’environ 62 Mt de CO2eq par an. Cependant, pour le Conseil d’Etat, cette circonstance n’est à elle seule pas de nature à caractériser une insuffisance des efforts pour atteindre les objectifs de réduction fixés. En effet, pour effectuer cette analyse, la Haute Assemblée a entendu prendre en considération les différentes périodes pour lesquelles un budget carbone a été fixé, soit 2019-2023, 2024-2028 et 2029-2033. En d’autres termes, pour le…

Régularité de l’affichage de l’autorisation d’urbanisme

Par Clémence AUQUE, Juriste (Green Law Avocats) Par un arrêt en date du 16 octobre 2020 et mentionné aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat a jugé qu’un panneau d’affichage n’indiquant pas l’adresse de la mairie où peut être consulté le dossier de permis de construire n’est pas irrégulier. Ainsi, cette omission ne fait pas obstacle au déclenchement du délai de recours contentieux à l’égard des tiers (CE, 2/7 CR, 16 oct. 2020, req. n°429357). Pour rappel, les tiers disposent d’un délai de deux mois pour contester une autorisation d’urbanisme. En vertu de l’article R*600-2 du code de l’urbanisme, ce délai court à compter de l’affichage régulier de l’autorisation sur le terrain d’emprise du projet. L’article A.424-16 du même code précise les informations devant être indiquées sur le panneau d’affichage, à savoir « le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale du bénéficiaire, la date et le numéro du permis, la nature du projet et la superficie du terrain ainsi que l’adresse de la mairie où le dossier peut être consulté ». En l’espèce, le tribunal administratif de Bastia, saisi d’un recours contre un permis de construire délivré par le maire d’Ajaccio, a considéré que : « le panneau ne mentionnait pas l’adresse de la mairie où le dossier pouvait être consulté et que, compte tenu de la taille de la commune d’Ajaccio et de la dispersion des services municipaux sur le territoire de la commune, une telle mention revêtait un caractère substantiel » ; L’affichage du permis de construire sur le terrain n’avait pu déclencher le délai de recours contentieux à l’égard des tiers. Annulant le jugement du tribunal administratif de Bastia, le Conseil d’Etat considère que le défaut de mention de l’adresse exacte de la mairie où peut être consulté le dossier ne revêt pas le caractère d’une irrégularité substantielle. Le juge considère qu’ « une telle omission n’entache pas d’irrégularité l’affichage du permis dès lors qu’en mentionnant la mairie, le panneau d’affichage renseignait les tiers sur l’administration à laquelle s’adresser. Par suite, cette omission ne fait pas obstacle au déclenchement du délai de recours contentieux à l’égard des tiers ». Selon les conclusions du rapporteur public, une insuffisance des mentions du panneau d’affichage est substantielle et fait donc échec au déclenchement du délai de recours « lorsqu’elle ne permet pas au tiers de connaître la faculté qu’il a de prendre connaissance du dossier auprès de l’administration clairement identifiée ». Or, pour le rapporteur public, il est possible pour les tiers diligents de rechercher par eux-mêmes l’adresse exacte de la mairie désignée par le panneau d’affichage. Par cet arrêt, la Haute juridiction confirme ainsi une solution dégagée depuis près d’une décennie par les cours administratives d’appel (CAA Versailles, 30 déc. 2010, n°09VE04253 et récemment : CAA Nantes, 20 sept. 2019, n°18NT03263 et CAA Bordeaux, 19 déc. 2019, n°19BX00608). En outre, cette solution s’inscrit dans une jurisprudence opérant un tri des irrégularités d’affichage substantielles : Un an auparavant, la Haute juridiction avait déjà jugé que les erreurs ou incomplétudes du panneau d’affichage relatives aux caractéristiques du projet ne font pas obstacle au déclenchement des délais de recours à l’égard des tiers dès lors qu’en dépit de ces erreurs, le panneau permettait aux tiers « d’apprécier la portée et la consistance du projet » (récemment : CE, 16 oct. 2019, 10/9 CR, req. n°419756) ; De longue date, le juge administratif s’est attaché à neutraliser les irrégularités d’affichage touchant aux indications relatives à l’autorisation d’urbanisme en elle-même (bénéficiaire, date ou numéro d’autorisation) dès lors que les informations affichées permettaient tout de même aux tiers d’identifier l’autorisation d’urbanisme et d’en prendre connaissance en mairie (par exemple :  CE, 14 nov. 2003, n°254003 et 254065). Cette tendance jurisprudentielle rappelle aux riverains qu’ils doivent être très attentifs aux affichages réalisés sur les voies publiques bordant leur propriété … C’est en ce moment particulièrement le cas en matière d’antennes relais à l’heure du déploiement annoncé de la 5G !