Par Frank ZERDOUMI, Juriste et Docteur en droit public (Green Law Avocats)
Depuis 2014, une action de groupe peut être ouverte en matière de consommation, grâce à la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation (JORF n°0065 du 18 mars 2014).
Il en a été de même en matière de santé, avec la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé (JORF n°0022 du 27 janvier 2016).
2016 a d’ailleurs été une année faste pour l’action de groupe, puisque la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice au XXI° siècle (JORF n°0269 du 19 novembre 2016) a étendue ce type d’action à l’environnement, la protection des données personnelles et la lutte contre les discriminations, avec une procédure spéciale s’agissant des discriminations imputables à un employeur.
C’est cette loi qui a servi de base légale à l’action intentée par le Syndicat UNSA services judiciaires ayant abouti à cet arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon en date du 20 juin 2024 (requête n°23LY02907, téléchargeable ici).
En l’espèce, le 2 août 2021, une note de service a été mise en œuvre. Par cette note, le Garde des sceaux, ministre de la Justice fixait les modalités de gestion du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel, le fameux RIFSEEP, pour le corps des directeurs des services de greffe judiciaires et pour le corps des greffiers des services judiciaires.
Le diable est dans les détails : selon qu’ils avaient été promus avant ou après le 1er janvier 2021, cette note constituait, d’après le syndicat UNSA services judiciaires, une rupture d’égalité entre les greffiers principaux et directeurs des services de greffe principaux.
Après avoir mis en demeure le ministre de mettre un terme à cette discrimination – sans succès – le syndicat a saisi le tribunal administratif de Lyon d’une action de groupe tendant à faire constater ce manquement et à le faire cesser.
L’action de groupe menée dans le cadre d’une discrimination imputable à l’employeur est-elle recevable ?
La Cour administrative d’appel de Lyon a répondu à cette question par la négative, confirmant ainsi sa propre jurisprudence de 2021 (Cour administrative d’appel de Lyon 15 juillet 2021, Syndicat de personnel d’encadrement de la ville de Lyon et organismes rattachés UGICT-CGT, n° 19LY02440).
Cette discrimination doit correspondre à l’article 1er de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ou à toutes dispositions législatives en vigueur en matière de protection contre les discriminations.
«Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable.
Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.
La discrimination inclut :
1° Tout agissement lié à l’un des motifs mentionnés au premier alinéa et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ;
2° Le fait d’enjoindre à quiconque d’adopter un comportement prohibé par l’article 2.».
D’autre part, l’article L. 77-11-3 du Code de justice administrative prévoit que :
«L’action peut tendre à la cessation du manquement et, le cas échéant, en cas de manquement, à la réparation des préjudices subis. Sauf en ce qui concerne les candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation, sont seuls indemnisables dans le cadre de l’action de groupe les préjudices nés après la réception de la demande mentionnée à l’article L. 77-11-5.».
L’avantage de cet article – et donc de cette action – est de permettre aux organisations syndicales de fonctionnaires de saisir la juridiction administrative de situations collectives, ce qui permet ainsi d’éviter les contentieux relatifs à chaque situation individuelle.
Dans l’arrêt précité de 2021, la Cour administrative d’appel avait jugé irrecevable l’action de groupe d’une organisation syndicale de fonctionnaires, au motif que le fait générateur du manquement allégué était antérieur à l’entrée en vigueur de la loi du 18 novembre 2016 : naturellement, comme le dit si bien l’article 2 du Code civil, la loi n’a point d’effet rétroactif, elle ne dispose que pour l’avenir.
En revanche, dans cet arrêt du 20 juin 2024, la Cour juge irrecevable l’action de groupe d’un syndicat dont l’objet ne respecte pas la loi du 27 mai 2008 : plusieurs agents publics auraient été victimes d’une discrimination directe ou indirecte de la part de leur employeur, mais cette discrimination ne correspond pas au sens de la loi en question.
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