Troubles de voisinage: réforme envisagée de la phase de conciliation judiciaire

Par une réponse ministérielle en date du 1er octobre 2013 (réponse ministérielle n°29692, JOAN 1er octobre 2013), le Garde des Sceaux a précisé avoir demandé à ses services de réfléchir à un dispositif procédural de conciliation plus adapté à aux litiges liés aux troubles de voisinage, pour lesquels la conciliation judiciaire peut parfois aggraver les tensions. La Ministre de la justice avait été en l’espèce interrogée par un député sur le particularisme entourant la gestion des troubles de voisinage, notamment lors de la phase de la conciliation judiciaire préalable. Comme le soulignait le député, la saisine du conciliateur judiciaire en matière de troubles de voisinage par le demandeur peut entraîner des tensions supplémentaires. Actuellement régie par les articles 830 à 835 du Code de procédure civile, lorsqu’un demandeur saisit le conciliateur judiciaire concernant des troubles anormaux du voisinage, aucune disposition n’oblige actuellement  le conciliateur à préserver l’anonymat du demandeur. De fait et compte-tenu de l’absence de l’anonymat, il est en effet constaté que les rapports peuvent s’empirer et empêcher le bon déroulement de la conciliation. Parmi les propositions du Député, il propose que le demandeur soit informé, avant toute action, que son identité va être divulguée auprès du destinataire par le conciliateur ou que le conciliateur puisse mener sa mission sans que l’identité du demandeur ne soit divulguée lors de tout ou partie de la procédure. Après avoir rappelé les avantages de recourir à la conciliation afin de parvenir à un règlement amiable des litiges, la Gardes des Sceaux a pris acte des carences entourant l’utilisation d’une telle procédure en matière de gestion des troubles de voisinage. La Ministre de la justice a donc demandé à ses services de réfléchir “à un dispositif procédural de conciliation plus adapté à ces litiges”. Une modification du dispositif de la conciliation en matière de troubles de voisinages devrait donc intervenir dans les prochains mois. Une telle prise de position de la Ministre de la justice démontre une volonté certaine de désengorger les juridictions judiciaires par un traitement plus en amont du contentieux des troubles de voisinages durant une phase de conciliation plus « adaptée » et donc « plus efficace ». En matière environnementale, la question des troubles de voisinages est récurrente et en constante augmentation ces dernières années (notamment en matière d’implantation d’éoliennes ou d’antennes relais pour ne citer que ces exemples, qui viennent s’ajouter au contentieux des troubles anormaux de voisinage liés à la présence d’une ICPE). Une réforme de la phase de conciliation en matière des troubles de voisinage lors de la saisine des juridictions judiciaire est donc attendue… Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat

Ventes immobilières: le notaire commet une négligence fautive en ne s’assurant pas de la capacité du vendeur (Cass, 2 oct.2013)

Dans un arrêt en date du 02 octobre 2013 (cass, 1ère civile, 2 octobre 2013, n°12-25.862), la Cour de cassation rappelle l’étendue des obligations du notaire et les responsabilité de ce dernier dans le contrôle devant être opéré à propos d’une acte de vente passé devant lui lorsque l’une des parties est représentée par un mandataire. Dans l’espèce qui lui était soumise, la Cour de cassation n’hésite pas à rappeler que le notaire a l’obligation d’appréhender, sous peine de se voir reprocher une faute de « négligence », l’ensemble des indices permettant de douter des facultés mentales de sa cliente et ce, notamment lorsque les parties ne sont pas présentes mais se font représenter lors de la signature de l’acte. La Cour de cassation rappelle en effet : « Mais attendu que l’arrêt relève que Mme A…était représentée à l’acte litigieux par Mme D…, chez laquelle elle résidait, tandis que ni son activité professionnelle déclarée ni l’éloignement de son domicile ne justifiaient le recours à une procuration, signée en présence d’une secrétaire de l’étude devant laquelle elle s’était présentée à l’improviste, circonstances qui étaient de nature à permettre au notaire de douter des facultés mentales de la mandante qu’il n’avait pu rencontrer ; que de ces constatations et appréciations, la cour d’appel a exactement déduit que le notaire avait fait preuve de légèreté et de négligences fautives en omettant de s’assurer personnellement de la capacité à disposer de sa cliente, obligation dont il ne pouvait être dispensé par l’intervention d’un autre professionnel de l’immobilier lors de la signature de la promesse de vente ; que le moyen n’est pas fondé ». Cet arrêt de la Cour de cassation souligne la responsabilité accrue du notaire. En l’espèce, ce dernier faisait valoir que qu’il n’était pas tenu de vérifier les capacités intellectuelles d’une partie qui a consenti, hors sa présence, un mandat en vue de la conclusion de l’acte authentique de vente. Pourtant, une telle responsabilité des notaires sécurise et protège de manière certaine les actes impliquant des particuliers, lesquels peuvent être fragilisés par l’âge notamment. Du côté des notaires, cette décision laisse la porte ouverte à une responsabilité élargie de ces derniers, ce qui n’est sans doute pas sans poser des difficultés en termes de conclusions et couverture de leurs contrats d’assurances responsabilité professionnelle. Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat

La possible indemnisation du propriétaire d’une parcelle déclassée en raison de la création d’un périmètre de protection rapprochée d’un plan d’eau

Dans un arrêt en date du 09 octobre 2013 (Civ. 3e, 9 oct. 2013, FS-P+B, n° 12-13.694), la Cour de cassation souligne le droit à indemnisation d’un propriétaire de parcelles déclassées à la suite de la modification du zonage d’un plan d’occupation des sols (POS), conséquence de la création d’un périmètre de protection rapprochée d’un prélèvement d’eau. En l’espèce les faits soumis à la Cour de cassation étaient classiques en la matière : Le préfet avait déclaré d’utilité publique la dérivation des eaux d’une rivière et avait instauré, en application de l’article L. 1321-2 du code de la santé publique, un périmètre de protection rapprochée d’une prise d’eau située sur la commune d’Itteville. L’arrêté qui avait été pris précisé que les zones de ce périmètre devaient être classées en zones agricoles. Il s’en était suivi une modification par la commune de son plan d’occupation des sols. Le propriétaire de plusieurs parcelles avait été indemnisé par le juge de l’expropriation au titre de l’article L 1321-3 du Code de santé publique. Le syndicat intercommunal au profit duquel le prélèvement d’eau avait été déclaré d’utilité publique contestait la décision des juges du fonds d’accorder au propriétaire une indemnisation liée au déclassement des parcelles. Confirmant la décision de Cour d’appel, la Cour de cassation rejette les arguments du syndicat intercommunal et rappelle le bien fondé des éléments de fait appréciés par les juges du fond qui ont permis de conclure à l’indemnisation du propriétaire terrien: « Mais attendu qu’ayant exactement retenu que le classement en zone NC ou ND de parcelles classées à la date de l’arrêté préfectoral du 21 février 2003 en zone d’urbanisme NAUI et NAUL ainsi que l’interdiction de certaines activités et les restrictions apportées à d’autres, caractérisaient une restriction au droit de jouissance du bien et que la diminution importante de leur usage subie par les parcelles était consécutive non pas à leur classement en zone non constructible mais à leur inclusion dans un périmètre de protection, leur classement n’étant que la technique utilisée par l’administration pour faire respecter le périmètre de protection, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes et qui a déduit à bon droit de ces seuls motifs, sans excéder ses pouvoirs, que cette diminution d’usage devait être indemnisée, a légalement justifié sa décision » ; Cette décision de la Cour de cassation a le mérite de mettre en lumière l’indemnisation de propriétaires terriens qui subissent un déclassement de leur parcelles dans le cadre de la création d’un périmètre de protection rapprochée d’un plan d’eau prise au titre de l’article L 1321-2 du Code de santé publique. Surtout, on ne pourra que constater qu’en se plaçant sur le terrain de la restriction d’usage  pour justifier l’indemnisation du propriétaire, la Cour de cassation répond par ailleurs à l’argumentation du syndicat qui contestait l’appréciation qui avait été faite de l’indemnisation allouée, puisqu’elle précise que les juges du fond n’était tenu, ni de fixer une date de référence, ni de rechercher l’usage effectif des parcelles à cette date ni de préciser à quelle date il se plaçait pour évaluer cette dépréciation. Une telle liberté d’appréciation est pour le moins détonante eu égard aux règles très strictes édictées notamment en matière d’expropriation. Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat

A quelles conditions un chemin peut il être qualifié de “rural” par prescription acquisitive?

Dans un arrêt en date du 26 mars 2013 (Cour de cass., 3ème chambre civile, 26 mars 2013, pourvoi n°2012-16558), la Cour de cassation souligne que le caractère « rural » d’un chemin peut s’affirmer par la prescription acquisitive au bénéfice d’une commune. Les faits de l’espèce soumis à la Haute juridiction étaient simples : un particulier avait assigné une commune en revendication de propriété d’un chemin traversant les parcelles de terre dont il est propriétaire. Confirmant la décision de Cour d’appel, la Cour de cassation valide l’appréciation des éléments de fait par les juges du fond qui ont permis de conclure à la prescription acquisitive au profit de la commune : « Mais attendu, qu’ayant constaté, d’une part, que la commune par délibérations du 11 juin 1959 et du 10 avril 1961, avait classé le chemin litigieux comme chemin rural, après un affichage en mairie n’ayant suscité aucune opposition et que, depuis, ce chemin figurait dans la liste des chemins ruraux reconnus et apparaissait comme tel au cadastre et, d’autre part, que plusieurs permis de construire délivrés à l’auteur de M. X…, entre 1964 et 1982, signalaient expressément ce chemin rural, l’un d’eux prévoyant la cession « d’une bande de terre nécessaire à l’élargissement du chemin », et relevé que ces actes marquaient la volonté de la commune de Signes de posséder le chemin litigieux, par incorporation à la voirie communale, et que la famille X… avait accepté pendant plus de trente ans cette possession continue et non interrompue, publique, non équivoque et à titre de propriétaire, la rendant ainsi paisible, la cour d’appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ». Le pourvoi du requérant a par conséquent été rejeté. Cet arrêt de la Cour de cassation confirme la jurisprudence administrative qui considère que, les chemins ruraux, appartenant au domaine privé, peuvent faire l’objet de la prescription acquisitive trentenaire (CE, 19 mai 1976, n° 93629, Sté coopérative ” La Léonarde ” : Dr. adm. 1976, comm. 184. – CE, 11 mai 1984, n° 24755, Épx Arribey : Rec. CE 1984, p. 782). Une vigilance particulière doit donc être portée par les propriétaires terriens de chemins sur le risque d’acquisition, par le jeu de la prescription acquisitive au profit des communes, de « chemins » dans le cadre notamment des diverses actes administratifs et autorisations d’urbanisme délivrées par la personne publique. Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat

Remblaiement de plan d’eau: le propriétaire n’est pas totalement libre d’y procéder (rép. Min. 3 septembre 2013)

Une réponse ministérielle en date du 03 septembre 2013 (réponse ministérielle publiée au JO le 03/09/13 page 9236 suite à la question n°21044 de M. Yves Nicolin) apporte des précisions sur la réglementation encadrant le remblayage des plans d’eau présents sur des terrains privés. Le ministre de l’écologie était interrogé sur le fait de savoir sous quelles conditions un propriétaire de terrain sur lequel se trouve un étang, non relié à un cours d’eau et servant de réserve d’eau pour un hameau, pouvait, de sa propre initiative et sans autorisation préalable, assécher et remblayer le dit plan d’eau. Le ministre de l’écologie dans sa réponse raisonne en plusieurs temps : Il rappelle tout d’abord que les plans d’eaux seulement alimentés par des eaux pluviales et de ruissellement ou des eaux de sources, ne donnant pas naissance à un cours d’eau au-delà des limites d’une propriété, constituent un mode spécial d’aménagement des eaux privées. Il souligne ensuite que le propriétaire du fonds sur lequel reposent ces eaux en a la libre disposition conformément aux articles 641 et 642 du code civil. Toutefois, il apporte un bémol puisque la vidange d’un plan d’eau, tout comme sa création sont, selon les seuils fixés par la nomenclature annexée à l’article R. 214-1 du code de l’environnement, peuvent être soumises au régime d’autorisation ou de déclaration institués par l’article L. 214-3 du même code. En effet, ces eaux constituent une interface entre les eaux souterraines et les cours d’eau et ne peuvent qu’être soumises à la police administrative spéciale de l’eau et des milieux aquatiques en raison du principe de gestion équilibrée, énoncé par l’article L. 211-1 du code de l’environnement. Afin de répondre à la question posée par le député, le ministre de l’écologie rappelle au visa de ce qui vient d’être susmentionné que, conformément à l’alinéa 3 de l’article 642 du code civil et à la jurisprudence afférente, le propriétaire d’une source ne peut enlever aux habitants agglomérés d’une commune, d’un village ou d’un hameau, les eaux qui leur sont nécessaires (Cf. Cass. civ. 3e , 2 juillet 1997, pourvoi n° 95-13.457, Epoux Brulé c/ Gavet et autres). De fait, le ministre rappelle que « la vidange de plans d’eau privés et a fortiori le remblayage de ces plans d’eau ne sauraient donc être autorisés dans la mesure où cela affecterait la fourniture en eau potable d’un hameau ». La réponse ministérielle apporte donc des précisions intéressantes sur la liberté de principe dont dispose le propriétaire d’un terrain sur lequel se trouve un plan d’eau (non relié à un cours d’eau) tout en rappelant les contraintes imposées par le Code de l’environnement qui oblige ledit propriétaire à veiller au respect desdites dispositions spéciales. Les particularités de la législation sur l’eau associées aux règles de droit privé (énonçant une liberté certaine) démontrent l’insécurité juridique pouvant exister pour les propriétaires de plans d’eau, profanes du droit. Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat