Certificats d’économie d’énergie : un pas de plus vers la répression des fraudes

Par Maître Lucas Dermenghem (Green Law Avocats) Le projet de loi énergie climat dite « petite loi énergie » comporte diverses mesures destinées à renforcer la lutte contre les fraudes en matière de certificats d’économie d’énergie (CEE). Le gouvernement poursuit ici une tendance initiée il y a plusieurs mois. L’exposé des motifs de ce projet fait le constat de la valeur vénale croissante des CEE et des manœuvres frauduleuses pouvant en découler. Ce phénomène avait notamment été mis en lumière par un rapport de l’organisme TRACFIN (Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits Financiers Clandestins) publié en décembre 2017 relatif aux risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, lequel avait dénoncé une augmentation des déclarations fictives de chantiers d’économie d’énergie ou de travaux réalisés au mépris des règles de l’art. Certains professionnels du secteur victimes de cette concurrence particulièrement déloyale avaient en outre exprimé leur inquiétude et émis le souhait d’un durcissement de la réglementation en matière de contrôle. C’est sur la base de ce constat que le projet de loi prévoit en son article 4 différents outils de lutte contre la fraude aux certificats, notamment par la mise en place de contrôles effectués par des organismes tiers et par la facilitation de l’échange d’informations entre les services de l’Etat. Les mesures prévues par ce projet de loi se déclinent autour des axes suivants : Un élargissement du champ d’application du dispositif actuel de sanctions Tout d’abord, le projet de loi doit modifier l’actuel article L. 222-2 du code de l’énergie, lequel porte sur la faculté pour le ministre de mettre en demeure un obligé ou un délégataire en cas de non-respect de ses obligations et, en cas de non-respect de la mise en demeure, de lui appliquer diverses sanctions. Ces sanctions sont : le prononcé d’une sanction pécuniaire, la privation d’obtention de CEE, l’annulation de CEE d’un volume égal à celui concerné par le manquement, ainsi que la suspension ou le rejet des demandes de CEE faites par l’intéressé. Le projet de loi vient prévoir la possibilité d’appliquer ces sanctions aux cas de figure du manquement de l’intéressé à des obligations déclaratives ou lorsque des CEE lui ont été indûment délivrés. La mise en place d’un dispositif de surveillance renforcée pour les personnes déjà sanctionnées En outre, le projet de loi énergie climat prévoit d’ajouter au code de l’énergie un nouvel article L. 222-2-1 dont l’objet est en quelque sorte l’institution d’une « surveillance renforcée » pour les obligés ou délégataires ayant déjà fait l’objet des sanctions prévues à l’article L. 222-2 susmentionné. Ainsi, pour ces personnes déjà sanctionnées, et lorsque d’autres actions d’économies d’énergies sont susceptibles d’être concernées par des manquements de même nature, le Gouvernement envisage : D’une part, lorsque les CEE ont déjà été délivrés ou demandés, la réalisation d’un contrôle par un organisme tiers. Si ce contrôle met en évidence des manquements, son coût est à la charge du demandeur des CEE. Dans le cas où ce contrôle ne serait pas réalisé par la personne visée dans le délai fixé par l’administration, le ministre peut alors prononcer (à nouveau, donc) les sanctions prévues à l’article L. 222-2 du code de l’énergie. D’autre part, s’agissant des demandes de CEE ultérieures, le projet de loi prévoit la possibilité de réaliser, au cours d’une période d’un an et aux frais du demandeur, un contrôle par un organisme tiers. Par ce dispositif, le Gouvernement se fonde donc sur le postulat que ceux qui ont fauté sont vraisemblablement susceptibles de le faire à nouveau. La facilitation des échanges d’informations entre les différents services de l’Etat Enfin, le Gouvernement entend également renforcer la lutte contre les fraudes en améliorant les échanges d’informations entre différents services de l’Etat. C’est ainsi qu’est prévu l’ajout d’un article L. 222-10 du code de l’énergie, instituant une possibilité de communication spontanée ou sur demande de tous documents et renseignements détenus ou recueillis dans le cadre de leurs missions respectives entre les agents du PNCEE et ceux de la direction générale de la direction générale des finances publiques (DGFiP) et de la direction générale des douanes et droits indirects ou de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Un décret d’application sera bien évidemment nécessaire pour préciser certaines de ces dispositions. Ce mouvement de renforcement de la lutte contre la fraude dans le domaine des CEE s’inscrit dans la continuité des mesures déjà entreprises par le Gouvernement, qui avait déjà modifié le système d’agrément des délégataires et ainsi réduit drastiquement leur nombre, lequel est passé de 87 fin 2017 à 24 au cours de l’année 2018. Cette évolution risque cependant de contrarier davantage certains professionnels du secteur qui dénoncent l’état de contrôle perpétuel institué à leur encontre par la réglementation et par le PNCEE, les plaçant dans un état de profonde instabilité économique. En effet, nombreux sont ceux, en particulier parmi les délégataires, qui attendent depuis de longs mois le déblocage des fonds dus en contrepartie des CEE déposés, procédure mise en suspens en raison des contrôles exercés par le Pôle.

Energie / Projet de PPE : une augmentation de la part des ENR, mais le gaz à la traîne

Le projet de PPE a officiellement été publié ce 25 janvier 2019. La PPE est appelée à couvrir deux périodes successives de cinq ans : 2019-2023 et 2024-2028. Elle prévoit une augmentation croissante des énergies renouvelables : de 18% de la consommation d’énergie finale en 2016 à 27% en 2023, puis 32% en 2028. Toutefois, cette augmentation est particulièrement marquée dans le secteur de l’électricité. En parallèle, la PPE vise une réduction de la consommation d’énergie. Elle prévoit une baisse de 7% de la demande finale d’énergie en 2023 par rapport à 2012 et 14 % en 2028 toujours par rapport 2012. Voici les principaux points à retenir du projet de PPE. Eolien terrestre La PPE planifie un passage de 15 GW de capacité éolienne installée en 2018 à 24,6 GW en 2023 puis 34,1 GW en 2028 ; Cela correspond au passage d’un parc national éolien composé de 8000 mâts fin 2018 à environ 14200 ou 15 500 mâts en 2028 ; Le repowering est un enjeu capital dans la mesure où les premiers parcs éoliens français mis en service en 2000 arrivent en fin de vie. Sur ce sujet, des questions juridiques demeurent malgré la circulaire ministérielle ; Ce renouvellement permet de conserver les sites existants et de les doter de machines plus modernes donc plus puissantes, cela participe donc à la hausse de la capacité du parc éolien ; Autre élément participant à l’augmentation de la capacité sur les périodes recouvertes par la PPE, c’est l’amélioration du facteur de charge en matière d’éolien. En effet, ce dernier devrait passer d’un facteur de charge de 24% (2100 heures par an) à un facteur de charge de 28% (2500 heures par an) en 2023 et 30% (2600 heures par an) en 2028 ; La PPE prévoit des appels d’offres sur des volumes de 500 MW (trimestre deux et trois) et 600 MW (trimestre quatre) pour l’année 2019. Elle prévoit également deux appels d’offres de 1 GW par an aux deuxième et quatrième trimestres (le premier, au deuxième trimestre 2020, sera limité à 0,8 GW) ; La PPE vise une stabilité règlementaire en matière de parcs éoliens et envisage des simplifications administratives afin de raccourcir les délais de développement. Photovoltaïque La PPE prévoit le passage de 7,7 GW de puissance solaire installée fin 2017 à 20 GW en 2023 et entre 35,6 GW et 44,5 GW en 2028 ; Tout comme l’éolien les nouvelles technologies vont dans le sens d’une augmentation du taux de charge moyen soit un meilleur rendement (pas de chiffres avancés) ; La PPE prévoit des appels d’offres pour des capacités de 0,9 GW par an concernant les installations en toiture et de 2 GW/an pour les centrales au sol ; Elle cherche à favoriser les installations au sol sur terrains urbanisés ou dégradés ainsi que sur les parkings en conservant la bonification afférente aux terrains dégradés. Bioénergie En 2017, la filière des bioénergies a produit 7 TWh d’électricité, permettant de couvrir 1,5 % de la consommation d’électricité ; La bioénergie mobilise différentes sources : le biogaz, le bois (biomasse) et la part biodégradable des déchets ménagers (combustibles solides de récupération) ; Pas d’appel d’offre prévu par la PPE 2019 en matière de cogénération biomasse ; La PPE planifie une augmentation de la production d’électricité à partir de bioénergie : biomasse de 0,59 GW en 2016 à 0,8 GW en 2028, biogaz de 0,11 GW en 2016 à 0,34 ou 0,41 GW en 2018, combustibles solides de récupération de 0 en 2016 à 0,04 en 2018 ; Elle prévoit également l’ouverture d’un guichet tarifaire pour les installations de méthanisation entre 0,5 MW et 1 MW.    Biométhane injecté La PPE prévoit une augmentation du biogaz injecté à 7% de la consommation de gaz en 2030 si les baisses de coût planifiées sont bien réalisées ; Cette augmentation pourrait s’élever à 10% en cas d’une baisse des coûts supérieure aux planifications ; Pourtant les acteurs de la filière portaient un objectif de 30 % de biométhane injecté en 2030 ; La PPE prévoit de porter le volume de biogaz injecté entre 14 et 22 térawattheures (TWh) en 2028, contre 0,4 TWh en 2017 ; Elle planifie également deux appels d’offres chaque année, pour un objectif de production annuelle de 350 GWh Pouvoir Calorifique Supérieur par an ; Le projet de PPE prévoit le maintien du tarif d’achat du biométhane en guichet ouvert pour les installations de petit taille (dont le seuil reste à définir). Le prix visé par les appels d’offre s’élève à 67 €/MWh Pouvoir Calorifique Supérieur pour les projets de biométhane injecté sélectionnés en 2023 et 60 €/MWh Pouvoir Calorifique Supérieur en 2028 ; Elle cherche aussi à favoriser l’usage de gaz naturel pour véhicules.   Chaleur renouvelable La chaleur représente 42% de la consommation finale d’énergie en 2016, soit 741 TWh ; Le besoin total en chaleur devrait s’élever à 690 TWh en 2023 et 635 TWh en 2028 ; En 2016, la production de chaleur renouvelable s’élève à 154,6 TWh ; La présente PPE envisage une production comprise entre 218 et 247 TWh en 2028 ; Elle projette de rendre obligatoire un taux minimum de chaleur renouvelable dans tous les bâtiments neufs (individuel, collectif, tertiaire) dès 2020 ; Objectif de renforcer le Fonds Chaleur dès 2018 avec un budget du Fonds chaleur de 255 millions d’euros en 2018 et 307 millions d’euros en 2019 puis 350 millions d’euros en 2020.

Performances énergétiques: la loi ELAN refonde le dispositif « tertiaire » et annonce un nouveau décret

Par Lucas DERMENGHEM, Avocat, Green Law Avocats Souvenons-nous : à l’aube de l’été dernier, le Conseil d’Etat (CE, 18 juin 2018, n°411583, Conseil du commerce de France e.a) annulait le décret n°2017-918 du 9 mai 2017 relatif aux obligations d’amélioration de la performance énergétique dans les bâtiments à usage tertiaire, dit décret « tertiaire », texte dont l’exécution avait dans un premier temps été suspendue par le juge des référés de la Haute Assemblée. Ce décret avait pour objet la mise en application de l’article L. 111-10-3 du code de la construction et de l’habitation, lequel prévoit : « Des travaux d’amélioration de la performance énergétique sont réalisés dans les bâtiments existants à usage tertiaire ou dans lesquels s’exerce une activité de service public dans un délai de huit ans à compter du 1er janvier 2012 ». Il était ainsi prévu qu’au 1er janvier 2020, les propriétaires de bâtiments de bureaux, d’hôtels, de commerces, d’enseignement et de bâtiments administratifs de plus de 2000 m² de surface utile devaient réaliser des travaux permettant de réduire leurs consommations énergétiques de plus de 25% par rapport à la dernière consommation énergétique connue, ou à hauteur d’un seuil exprimé en kWh/m²/an. C’est en vertu du principe de sécurité juridique que le Conseil d’Etat avait prononcé l’annulation du décret, au regard notamment du délai trop court laissé aux obligés : « […] qu’ainsi, compte tenu, d’une part, du délai nécessaire à la réalisation des études énergétiques et plans d’actions et, d’autre part, du délai nécessaire, à compter de l’élaboration de ces documents, pour entreprendre les actions et réaliser les travaux nécessaires pour atteindre, d’ici au 1er janvier 2020, les objectifs de réduction des consommations d’énergie fixés à l’article R. 131-39, les associations requérantes sont fondées à soutenir que le décret attaqué méconnaît le principe de sécurité juridique ; qu’au regard du vice dont le décret est entaché, qui affecte, compte tenu de l’objectif de réduction de la consommation énergétique d’ici au 1er janvier 2020 fixé par le législateur et des particularités du dispositif mis en place, son économie générale et son séquençage temporel, il y a lieu d’annuler le décret dans sa totalité, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ; » On pouvait craindre que cette annulation juridictionnelle sonne le glas des obligations d’amélioration de la performance énergétique dans les bâtiments à usage tertiaire. Mais par son article 175, la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi « ELAN », est venue refonder le socle législatif de ces obligations en modifiant l’article L. 111-10-3 du code de la construction et de l’habitation, et prévoir l’édiction prochaine d’un nouveau décret « tertiaire ». Cette nouvelle rédaction, nettement plus détaillée, intéressera le lecteur à plusieurs égards. Tout d’abord, on relèvera qu’a disparu la notion de « travaux », chère à l’ancienne rédaction de l’article L. 111-103 issue de la loi Grenelle 2. La loi ELAN évoque désormais des « actions de réduction de la consommation d’énergie finale ». Le texte se veut ici plus réaliste en n’intégrant plus seulement les économies réalisées grâce aux travaux en « dur » mais également la maintenance des équipements ou encore la sensibilisation des occupants des bâtiments. Autre modification majeure : si la loi ELAN maintient l’exigence prévue par la loi de transition énergétique de diminution de la consommation d’énergie de 40% en 2030, 50% en 2040 et 60% en 2050, sur la base de l’année 2010, elle repousse à 2030 la première échéance de l’obligation de réduction de la consommation d’énergie dans les bâtiments tertiaires et supprime donc en conséquence l’ancienne obligation de réduction de 25% prévue pour 2020. Il s’agit ici d’une conséquence directe de l’annulation juridictionnelle opérée par le Conseil d’Etat qui a jugé que l’échéance de 2020 était trop proche pour pouvoir être respectée compte tenu de la date de publication de l’ancien décret « tertiaire », en mai 2017. Ensuite, le nouveau dispositif issu de la loi ELAN se caractérise par une certaine souplesse. Ainsi, la loi fixe des objectifs de réduction alternatifs : il est ainsi prévu que tout bâtiment, partie de bâtiment ou ensemble de bâtiments soumis à l’obligation de réduction atteigne, pour chacune des années 2030, 2040 et 2050, les objectifs suivants : Soit un niveau de consommation d’énergie finale réduit, respectivement de 40%, 50% et 60% par rapport à une consommation énergétique de référence qui ne peut être antérieure à 2010 ; Soit un niveau de consommation d’énergie finale fixé en valeur absolue, en fonction de la consommation énergétique des bâtiments nouveaux de leur catégorie. De plus, la loi ELAN a assorti ces objectifs de possibilités de modulation, en fonction : Soit de contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales ; Soit d’un changement de l’activité exercée dans ces bâtiments ou du volume de cette activité ; Soit de coûts manifestement disproportionnées des actions par rapport aux avantages attendus en termes de consommation d’énergie finale. La souplesse du dispositif se caractérise également par le fait que la chaleur fatale autoconsommée par les bâtiments (par exemple la chaleur diffusée par les serveurs informatiques) peut être déduite de la consommation et que la consommation d’énergie liée à la recharge de véhicules électriques et hybrides rechargeables est déduite de la consommation énergétique du bâtiment et ne rentre pas dans la consommation de référence. Le dispositif crée par la loi ELAN se distingue en outre par les obligations mises à la charge des propriétaires et preneurs à bail des bâtiments ou parties de bâtiments concernés. Il est prévu que ceux-ci soient soumis à l’obligation d’amélioration de la performance énergétique « pour les actions qui relèvent de leur responsabilité respectives en raison des dispositions contractuelles régissant leurs relations ». Les bailleurs et locataires devront définir ensemble les actions destinées à respecter l’obligation de performance énergétique. Chaque partie procédera à la transmission des consommations d’énergie afin que soit assuré le suivi du respect de leurs obligations. Ces informations devront être transmises d’ici le 1er janvier 2020, par le biais d’une plateforme informatique devant être instituée par décret, ce qui supposera vraisemblablement la réalisation d’audits énergétiques d’ici cette échéance. L’évaluation du respect des…

Loi ELAN et décret du 10 décembre 2018 : un nouvel assouplissement des contraintes applicables aux antennes relais

Par Thomas RICHET (Green Law Avocats) Soucieux de lutter contre les « zones blanches » du réseau téléphonique et l’accélération du déploiement du très haut débit sur l’ensemble du territoire national, le gouvernement et le législateur ont intégré dans la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ou loi « ELAN ») de nombreuses dispositions permettant de faciliter l’implantation des antennes relais. Ce texte a ensuite été complété par le décret n° 2018-1123 du 10 décembre 2018 relatif à l’extension du régime de la déclaration préalable aux projets d’installation d’antennes-relais de radiotéléphonie mobile et à leurs locaux ou installations techniques au titre du code de l’urbanisme. Assouplissement des exigences en matière d’information des Maires et Présidents d’Intercommunalités (Articles 219 et 220 de la loi ELAN): La loi ELAN a tout d’abord assoupli l’obligation d’information due aux Maires et Présidents d’EPCI au titre de l’article L. 34-9-1 du Code des postes et des communications électroniques (CPCE). Cet article prévoit en effet que toute personne souhaitant exploiter une ou plusieurs installations radioélectriques soumises à l’accord ou l’avis de l’Agence Nationale des Fréquences (ANFR) est tenue de transmettre un dossier d’information au Maire ou au Président de l’EPCI. Avant la loi ELAN, ce dossier devait être transmis deux mois avant le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme : il doit aujourd’hui l’être un mois avant (article 219 de la loi EALN). Cette modification du CPCE est applicable aux dossiers d’information transmis à compter du 24 novembre 2018. Par ailleurs, jusqu’au 31 décembre 2022, une dérogation au régime d’information précité est prévue pour « les travaux ayant pour objectif l’installation de la quatrième génération du réseau de téléphonie mobile sur un équipement existant » (article 220 de la loi ELAN). Pour ces travaux, une simple information préalable du maire est prévue si le support ne fait pas l’objet d’une « extension ou d’une rehausse substantielle ». Suppression de la possibilité de retirer des décisions d’urbanisme autorisant une antenne relais (article 222 de la loi ELAN): A titre expérimental et jusqu’au 31 décembre 2022, la loi ELAN prévoit que les décisions qui autorisent ou ne s’opposent pas à l’implantation d’antennes de radiotéléphonie mobile ne peuvent plus être retirées, par dérogation à L. 424-5 du Code de l’urbanisme. Concrètement, cela signifie qu’il ne sera plus possible de demander le retrait de l’autorisation dans le cadre d’un recours gracieux : tout recours devra nécessairement être contentieux. Ces dispositions sont applicables aux décisions d’urbanisme prises à compter du 24 décembre 2018, et le Gouvernement devra établir un bilan de cette expérimentation au plus tard le 30 juin 2022. Passage d’un accord à un avis de l’Architecte des Bâtiment de France (ABF) (article 56 de la loi ELAN): Lorsque des travaux sont entrepris dans le périmètre d’un site remarquable, ils sont normalement soumis à l’accord de l’ABF (Art. 632-1 et L. 632-2 du Code du Patrimoine). L’article L. 632-2-1 du Code du patrimoine prévoit toutefois un certain nombre d’hypothèses dans lesquels cet accord est remplacé par un simple avis. La loi ELAN intègre les projets d’antennes relais à cette liste. Précisons que cette nouvelle exception s’applique aux demandes déposées à compter 25 novembre 2018. Exception aux règles de sélection préalable du Code Général de la Propriété des Personnes Publiques (CG3P) (article 221 de la loi ELAN) : Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques, les personnes publiques sont tenues d’organiser une procédure de sélection préalable des candidats à l’obtention d’un titre visant à occuper ou utiliser le domaine public en vue d’une exploitation économique (cf. Art. L. 2122-1-1 du CG3P). La loi ELAN élargit le champ des exceptions à cette règle (cf. Art. L. 2122-1-2 et L. 2122-1-3 du CG3P) en créant un article L. 2122-1-3-1 qui prévoit que la procédure de sélection préalable ne sera pas applicable lorsque le titre vise à permettre l’implantation et l’exploitation « d’un réseau de communications électroniques ouvert au public ». Assouplissement des règles relatives à la construction en zones Montagne et Littoral (articles 223 et 224 de la loi ELAN): L’article L. 122-3 du Code de l’urbanisme fixe une liste des installations et des ouvrages qui ne sont pas soumises à la loi montagne. La loi ELAN y ajoute l’hypothèse de « l’établissement de réseaux de communications électroniques ouverts au public » si ce type d’installation s’avère nécessaire pour améliorer la couverture du territoire. Les règles de construction en zone littoral sont elles aussi assouplies en faveur des antennes relais. En effet, alors que l’article L. 121-16 du Code de l’urbanisme fixe le principe de l’interdiction des constructions et installations dans la bande littorale des « 100 mètres », l’article L. 121-17 prévoit des exceptions à cette règles lorsque les constructions et installations projetées qui sont nécessaires au service public nécessitent la proximité de l’eau. Plus précisément, cette exception joue pour « l’atterrage des canalisations et à leurs jonctions lorsque ces canalisations et jonctions sont nécessaires à l’exercice des missions de service public définie à l’article L. 121-4 du Code de l’énergie ». L’article 224 de la loi ELAN prévoit que cette exception jouera désormais également pour « l’établissement des réseaux ouverts au public de communication électroniques ». Entrée en vigueur du décret n° 2018-1123 du 10 décembre 2018 relatif à l’extension du régime de la déclaration préalable aux projets d’installation d’antennes-relais de radiotéléphonie mobile et à leurs locaux ou installations techniques au titre du code de l’urbanisme: Le décret n° 2018-1123 du 10 décembre 2018 (qui s’applique aux déclarations préalables déposées à compter du 13 décembre 2018) a modifié l’article R. 421-9 du Code de l’urbanisme de manière à soumettre les projets d’installation d’antenne relais de radiotéléphonie mobile à déclaration préalable dans l’hypothèse où l’antenne et les annexes nécessaires à son fonctionnement présentent une surface de plancher et une emprise au sol comprises entre 5 m² et 20 m², et ce, quelle que soit la hauteur de l’antenne. Jusque-là, de telles constructions étaient soumise à permis de construire, et lorsque l’opérateur avait malgré tout bénéficié d’une déclaration préalable, le moyen pouvait…

Une autorisation loi sur l’eau doit être compatible avec le SDAGE, après une analyse globale (et non pas à l’égard d’une seule orientation selon le Conseil d’Etat)

Par Me Jérémy Taupin, Green Law Avocats Par une décision n°408175 en date du 21 novembre 2018, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de préciser sa jurisprudence relative à la compatibilité des autorisations délivrées au titre de la loi sur l’eau avec les orientations et objectifs d’un schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE). En substance: l’autorisation IOTA doit être compatible avec le SDAGE apprécié dans son ensemble, et non à l’égard d’une seule de ses orientations. Cette décision intéressera l’ensemble des maîtres d’ouvrage dans le domaine de l’aménagement et de la construction, de l’irrigation, de l’hydroélectricité, ou de la protection contre les risques naturels. En l’espèce, la Haute Juridiction était saisie d’un pourvoi contre l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon (req. n° 15LY03104, 15LY03144, décision du 16 décembre 2016) qui avait confirmé l’annulation par le Tribunal administratif de Grenoble de l’autorisation délivrée au titre des dispositions des articles L. 214-1 et suivants du code de l’environnement à la société Roybon cottages. Cette société n’est pas étrangère aux juristes en droit environnement, puisque le projet qu’elle porte, à savoir le Centrer Parc de Roybon, a donné lieu à de nombreux contentieux ces dernières années. L’autorisation d’espèce était donc une autorisation loi sur l’eau, portant notamment sur les aspects relatifs à la maîtrise foncière des mesures compensatoires à la destruction des zones humides. Plusieurs requérants en avaient demandé l’annulation au juge administratif, qui y avait fait droit au motif d’une incompatibilité avec le SDAGE Rhône-Méditerranée du fait de l’insuffisance de ces mesures compensatoires. Le Conseil d’Etat vient ici annuler l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon, estimant que celle-ci a commis une erreur de droit. En effet, et en premier lieu, le Conseil d’Etat rappelle très clairement qu’il résulte des dispositions de l’article L. 212-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction applicable au litige, que les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux doivent se borner à fixer des orientations et des objectifs, ces derniers pouvant être, en partie, exprimés sous forme quantitative. Le Conseil estime ensuite que les autorisations délivrées au titre de la législation de l’eau sont soumises à une simple obligation de compatibilité avec ces orientations et objectifs. Or, « pour apprécier cette compatibilité, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d’une analyse globale le conduisant à se placer à l’échelle de l’ensemble du territoire couvert, si l’autorisation ne contrarie pas les objectifs qu’impose le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l’adéquation de l’autorisation au regard chaque disposition ou objectif particulier. » Il s’agit ici d’un considérant très intéressant pour l’appréciation du contrôle du rapport de compatibilité opéré par le juge, qui n’avait à notre connaissance jamais été énoncé en ce qui concerne ce rapport précis (autorisation loi sur l’eau à l’égard d’un SDAGE).  Rappelons que Conseil d’Etat a déjà eu l’occasion d’analyser ce rapport de compatibilité dans d’autres cas. Citons par exemple le rapport autorisation de carrière / Schéma départemental des carrières (CE, 10 janvier 2011, Association oiseaux nature, req. n°317076), ou encore le rapport POS – Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme (CE, 25 mars 2001, req. N° 205629). En second lieu, le Conseil d’Etat entend « globaliser le contrôle » à l’égard de l’ensemble des orientations du SDAGE. En effet, il considère qu’il « ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que, pour juger que le projet litigieux n’est pas compatible avec le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux 2016-2021 du bassin Rhône-Méditerranée, la cour s’est bornée à le confronter à une seule disposition de ce schéma, l’article 6B-04 relatif à une compensation minimale à hauteur de 100 % de la surface des zones humides détruites par le projet. Ce faisant, la cour n’a pas confronté l’autorisation litigieuse à l’ensemble des orientations et objectifs fixés par le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux 2016-2021 du bassin Rhône-Méditerranée et a, ainsi, omis de procéder à l’analyse globale exigée par le contrôle de compatibilité défini au point précédent. Par suite, elle a commis une erreur de droit. » Ainsi, si le respect du rapport de compatibilité s’impose à toutes les dispositions du SDAGE, le juge ne peut, lors de son contrôle, isoler telle ou telle mesure du SDAGE tout en en laissant d’autres de côté dans son examen. Il doit en effet apprécier la compatibilité de l’autorisation loi sur l’eau au regard d’une analyse globale de tous les objectifs dudit SDAGE, mais ce sans rechercher l’adéquation de l’autorisation au regard chaque disposition ou objectif particulier. Il s’agit d’un exercice complexe qui ne manquera pas d’être mis à l’épreuve par les requérants au sein de leurs écritures à l’encontre de telles autorisations. Cette décision s’inscrit dans un contexte jurisprudentiel cohérent : il est à rapprocher d’une autre récente décision du Conseil d’Etat, ayant trait aux modalités du contrôle exercé par le juge sur l’obligation de comptabilité d’un PLU à un SCOT (CE, 18 décembre 2017, Le Regroupement des organismes de sauvegarde de l’Oise et autre, req. n°395216, précédemment commenté sur le blog), qui énonçait également cette nécessité d’ « analyse globale ».