ICPE autorisée : un dossier de permis de construire sans étude d’impact (CE, 25 février 2015)

Par David DEHARBE (Green Law Avocat) Dans un arrêt qui sera cité au Recueil, (CE, 25 février 2015, n° 367 335, « Communauté d’agglomération de Mantes-en-Yvelines»), le Conseil d’Etat juge que la Cour administrative de d’appel Versailles (6 décembre 2012, n° 11VE02847) commet une erreur de droit, en déduisant l’obligation de joindre une étude d’impact à la demande de permis de construire des bâtiments, de la seule circonstance que cette étude est exigée pour leur exploitation industrielle, en application du code de l’environnement et au titre de la législation ICPE (Installations Classées pour la Protection de l’Environnement) : « l’obligation de joindre l’étude d’impact au dossier de demande de permis de construire prévue par l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme ne concerne que les cas où l’étude d’impact est exigée en vertu des dispositions du code de l’environnement pour des projets soumis à autorisation en application du code de l’urbanisme ; que, par suite, en se fondant, pour annuler les permis attaqués, sur l’absence d’étude d’impact sans rechercher si celle-ci était exigée pour un projet soumis à autorisation en application du code de l’urbanisme, la cour a méconnu, au prix d’une erreur de droit, la portée des dispositions de l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme ». Cette solution n’allait pas de soi, surtout à s’en tenir à la lecture du texte régissant la question. En effet, l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme mentionne bien, au nombre des pièces à joindre à la demande de permis de construire, « l’étude d’impact, lorsqu’elle est prévue en application du code de l’environnement ». Ainsi Xavier De Lesquen concède dans ses conclusions sur cette affaire qu’« Il est vrai que le texte de l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme peut troubler, en ce qu’il renvoie sans autre précision et donc sans limitation à l’application du code de l’environnement pour définir les cas dans lesquels l’étude d’impact doit être jointe à la demande de permis de construire ». D’ailleurs tout particulièrement s’agissant de la construction des installations classées soumises à autorisation, la jurisprudence semblait jusqu’ici exiger la production d’impact dans le dossier de permis de construire, de l’étude requise au titre de la seule législation environnementale (Conseil d’Etat, 1 / 4 SSR, du 15 janvier 1999, n° 181652, inédit au recueil Lebon et pour un ex. plus récent : CAA Nancy, 30 juin 2011, Assoc. Air Pur Environnement: req. n° 10NC01074, cité in code de l’environnement, Dalloz 2014). Mais à cela une autre raison essentielle : avant le Grenelle de l’environnement, le Conseil d’Etat lui-même juge encore que « les travaux de construction d’une installation classée relevant du régime de l’autorisation sont soumis à la procédure de l’étude d’impact », ceci en vertu des dispositions du B de l’article 3 du décret du 12 octobre 1977 pris pour l’application de l’article 2 de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature (Conseil d’Etat, 1 / 4 SSR, du 15 janvier 1999, n° 181652). Reste que dans notre espèce cette disposition ne jouait pas, dès lors qu’il s’agissait d’un permis de construire relatif à une installation classée déjà existante et pour laquelle était en débat la nécessité même d’exiger une nouvelle autorisation et donc une étude d’impact. Or non seulement la Cour d’appel de Versailles avait conclu à la nécessité de déposer une nouvelle étude au titre des installations classées mais elle avait exigé sa production dans le dossier de permis au visa du seul l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme. Fonder une telle production sur le seul article R. 431-16 du code de l’urbanisme revenait à poser une question en pratique très importante depuis la réforme de l’étude d’impact. On sait en effet que le nouveau champ de l’étude d’impact (cf. le tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement par le Décret n°2011-2019 du 29 décembre 2011) se substitue aux dispositions du B de l’article 3 du décret du 12 octobre 1977. Ainsi et en tout état de cause on ne peut plus en déduire, qu’en lui-même, le permis de l’installation classée autorisée doit être soumis à une étude d’impact.   On mesure alors tout l’enjeu pratique de la question de savoir si l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme ne devait pas imposer a minima que l’étude d’impact ICPE accompagne le dossier de permis de construire l’installation soumise à autorisation d’exploiter. Sans doute peut-on se convaincre, à la lecture (qui s’impose) des conclusions de Xavier De Lesquen, qu’il convient de circonscrire la production dans le dossier de permis de construire d’un exemplaire de l’étude d’impact aux seuls cas où l’étude est exigée pour l’opération de construction en elle-même. Comme le démontre le rapporteur public cette solution trouve un ancrage solide dans le principe d’indépendance des législations : on a trop tendance à oublier que l’acte de construire n’est pas celui d’exploiter et qu’ainsi étudier les effets du second n’a pas grand intérêt pour celui qui instruit le premier. Mais cette solution relativise surtout les risques contentieux et une lecture trop tatillonne du droit pour rappeler à ceux qui l’appliquent qu’ils ne devraient jamais oublier de s’interroger sur ce qui fait le bien-fondé d’une formalité. Bref on l’aura compris, selon le Conseil d’Etat l’étude d’impact n’a plus à figurer dans les pièces du dossier de permis de construire d’une installation classée soumise à autorisation. C’est un pas jurisprudentiel vers le dossier unique. Et si en droit de l’environnement industriel, le véritable choc de simplification était en réalité initié au Palais Royal ? Les évolutions jurisprudentielles les plus récentes en la matière, dont celle-ci, nous incitent de plus en plus à le penser …  

Installation photovoltaïque / crédit affecté: le bon, la brute et le truand (Cass, 10 déc.2014)

  Par Maître Aurélien BOUDEWEEL (Green Law Avocat) Par un arrêt en date du 10 décembre 2014 (Cass. 1ère civ. 10 décembre 2014, pourvoi n°13-22679), la Cour de cassation confirme la résolution du contrat principal relativement à la pose de l’installation photovoltaïque et du contrat de crédit signé par les particuliers destiné à financer leur installation photovoltaïque, en dépit de la signature par ces derniers de la signature d’un certificat de livraison du bien. Cette décision renforce donc un courant jurisprudentiel dont nous nous étions fait l’écho dans un précédent article (Article du 14 avril 2014, C. d’appel de LIMOGES, 24 janvier 2014, RG n°12/01358), Rappelons que le contrat de crédit affecté (on parle aussi de crédit lié) est celui qui est consenti par un organisme de crédit à un consommateur lors de la conclusion d’un contrat de vente ou prestation de services afin de financer cette opération commerciale. Dans ce contrat, une double relation contractuelle se noue entre le professionnel, l’établissement de crédit et le consommateur : Un premier contrat, dit contrat principal, est conclu entre le professionnel et le consommateur, Une autre relation contractuelle se noue entre le consommateur et l’établissement de crédit. Ces deux relations contractuelles sont interdépendantes aux termes des articles L. 311-20 à L. 311-28 anciens du Code de la consommation. Le lien d’interdépendance est d’ailleurs une règle d’ordre public à laquelle le consommateur ne saurait renoncer d’une manière ou d’une autre (Cass 1ère civ., 17 mars 1993 : Bull. civ. 1993, I, n° 116). L’article L. 311-32 du Code de la consommation dans sa version actuellement en vigueur prévoit que le contrat de crédit est résolu de plein droit lorsque le contrat, en vue duquel le prêt avait été conclu, est lui-même résolu (Cass. 1re civ., 2 juill. 1991 : JCP G1991, IV, p. 345. – CA Riom, 25 sept. 2002 : JurisData n° 2002-194658). En l’espèce, des particuliers avaient contracté auprès d’une société spécialisée dans la fourniture et la pose d’un système solaire photovoltaïque. A la suite d’une non-exécution et/ou une mauvaise exécution de ce contrat, les particuliers ont assigné la société installatrice et la banque, avec laquelle ils avaient contracté un contrat de crédit affecté au financement des travaux, pour obtenir la résolution des contrats passés. La Cour d’appel avait confirmé le bien fondé de l’action des particuliers et avait notamment prononcé la résolution du contrat de crédit affecté au motif que si, une attestation de livraison avait bien été signée par les particuliers justifiant le déblocage des fonds par la banque, cette attestation n’était pas suffisamment précise. Saisi du litige, la Cour de cassation valide le raisonnement du juge d’appel en jugeant : « Attendu que la banque fait grief à l’arrêt, qui prononce la résolution des contrats litigieux, de rejeter sa demande en paiement, alors, selon le moyen : 1°/ qu’en imputant à faute à la banque le fait d’avoir débloqué les fonds au vu d’une attestation de livraison qui aurait manqué de précision et de crédibilité s’agissant d’un contrat « destiné à financer la fourniture et l’installation d’un toit photovoltaïque », cependant que l’objet du prêt, tel que précisé dans l’offre préalable de crédit, portait exclusivement sur le financement d’un toit photovoltaïque moyennant le prix de 17 300 euros correspondant au montant dudit prêt, la cour d’appel a dénaturé l’offre préalable en violation de l’article 1134 du code civil ; 2°/ que l’emprunteur qui détermine l’établissement de crédit à verser les fonds au vendeur au vu de la signature par lui du certificat de livraison du bien n’est pas recevable à soutenir ensuite, au détriment du prêteur, que le bien ne lui a pas été livré ou que la prestation accessoire n’a pas été exécutée, de sorte qu’en statuant comme elle a fait bien qu’elle eût constaté que le prêteur avait débloqué les fonds au vu de l’attestation de livraison signée par les emprunteurs, la cour d’appel a violé l’article L. 311-20 ancien du code de la consommation, ensemble l’article 1147 du code civil ; Mais attendu qu’ayant relevé que l’attestation de “livraison-demande de financement” signée par M. Y… le 26 février 2009 n’était pas suffisamment précise pour rendre compte de la complexité de l’opération financée et ainsi permettre au prêteur de s’assurer de l’exécution complète du contrat principal, la cour d’appel a pu en déduire, sans encourir le grief de dénaturation, qu’en libérant la totalité des fonds au seul vu de cette attestation, la banque avait commis une faute excluant le remboursement du capital emprunté ». Cet arrêt de la Cour de cassation décline ici une jurisprudence constante qui veut que l’obligation de l’emprunteur de rembourser le prêt d’argent (dans le cadre d’un crédit affecté) ne commence qu’avec la livraison de la marchandise ou l’exécution de la prestation issue du contrat principal (Cass. 1re civ., 7 janv. 1997 : Contrats, conc. consom. 1997, comm. 86. – Cass. 1re civ., 7 févr. 1995 : Contrats, conc. consom. 1995, comm. 166. – CA Douai, 8 sept. 1994 : Rev. huissiers 1995, p. 116). Surtout, la Haute juridiction semble décider d’aller plus loin face à des organismes de crédit peu scrupuleux qui tentent d’arguer de la signature d’une attestation de livraison pour s’opposer à la résolution du contrat de crédit affecté. En effet la signature d’une attestation ne suffit pas à empêcher la résolution du contrat de crédit affecté dès lors que cette attestation est insuffisamment précise ou rédigée en des termes trop généraux ne permettant pas, malgré lui, à l’organisme de crédit d’apprécier la consistance des prestations, objet du financement.

Le droit à l’eau bientôt mis au régime sec ?

Par David DEHARBE (Green Law Avocat) La Cour de cassation vient de renvoyer en ces termes une question prioritaire de constitutionnalité sur la compatibilité du dispositif législatif anti-coupures d’eau avec les libertés contractuelles, d’entreprendre et l’égalité devant les charges publiques : “Attendu que, saisi d’une demande de réouverture du branchement en eau de la résidence principale de M. X…, le juge des référés du tribunal de grande instance d’Amiens a transmis la question prioritaire de constitutionnalité suivante : “La dernière phrase de l’alinéa 3 de l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles, introduite par l’article 19 de la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013, est-elle conforme aux principes constitutionnels de liberté contractuelle, de liberté d’entreprendre, d’égalité des citoyens devant les charges publiques et d’intelligibilité de la loi ?” ; Attendu que la disposition contestée est applicable au litige et n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel ; Attendu que la question ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle ; Mais attendu que la question posée présente un caractère sérieux dès lors que la disposition contestée, qui interdit, dans une résidence principale, l’interruption, y compris par résiliation du contrat, pour non-paiement des factures, de la distribution d’eau tout au long de l’année, est susceptible de porter une atteinte excessive à la liberté contractuelle, à la liberté d’entreprendre et à l’égalité des citoyens devant les charges publiques, en ce qu’elle interdit aux seuls distributeurs d’eau, à la différence des fournisseurs d’électricité, de chaleur ou de gaz, de résilier le contrat pour défaut de paiement, même en dehors de la période hivernale, sans prévoir aucune contrepartie et sans que cette interdiction générale et absolue soit justifiée par la situation de précarité ou de vulnérabilité des usagers bénéficiaires ; D’où il suit qu’il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel” (Cass. 1ère civ., 25 mars 2015, n° 446 (14-40.056) – Cour de cassation – Première chambre civile) Les pauvres se voient ainsi exposés au risque de devoir à nouveau justifier administrativement de leur détresse pour continuer à accéder à l’eau courante. Ceux qui sont à l’origine de cette Q.P.C. ne devraient pas oublier que l’on peut avoir juridiquement raison mais politiquement tort … en tout état de cause, la justice constitutionnelle est désormais sommée de passer.

Vente d’immeuble sans réel raccordement au réseau public d’assainissement : un défaut de conformité, non un vice caché

Par Maître Aurélien BOUDEWEEL (Green Law Avocat) A l’heure où le ministère de l’écologie envisage de mettre en place un système d’information systématique des SPANC (services publics d’assainissement non collectif) sur les transactions immobilières comprenant un assainissement non collectif (Réponse du ministère de l’écologie, publiée au JO Sénat du 19 mars 2015 page 609), l’arrêt de la Cour de cassation en date du 28 janvier 2015 retiendra toute notre attention. Dans cet arrêt publié au bulletin en date du 28 janvier 2015  (C.cass., 3ème civ, 28 janvier 2015 n°13-19945 et 13-27050) la Cour de cassation rappelle dans le cadre du litige qui lui est soumis relativement à la vente d’un immeuble, que l’absence de raccordement au réseau public d’assainissement n’est pas un vice caché mais un défaut de conformité. En l’espèce, après qu’une vente fût signée, les acquéreurs ont sollicité avec succès, par la voie judiciaire, la réparation de leur préjudice résultant de l’absence de raccordement au réseau public d’assainissement sur le fondement de l’article 1604 du code civil et tenant au défaut de conformité de la chose vendue. Précisons que l’acte de vente en cause comportait cette stipulation : « Le Vendeur déclare sous sa seule responsabilité que l’immeuble vendu est raccordé à l’assainissement communal ». Les vendeurs avaient fait appel du jugement aux motifs que la non-conformité de la chose vendue obéit au régime de la garantie des vices cachées et non du défaut de sa conformité. La Cour d’appel avait confirmé la position des premiers juges. Rappelons que l’article 1603 du code civil dispose que le vendeur «a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu’il vend ». Deux garanties distinctes découlent de cet article : L’obligation de délivrance conforme : elle est définie à l’article 1604 du Code civil: « la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l’acheteur ». L’obligation de délivrer une chose conforme consiste pour le vendeur à livrer le bien voulu par l’acheteur, c’est-à-dire un bien répondant aux caractéristiques souhaitées et spécifiées, et sur lesquelles les parties s’étaient mises d’accord. Dès lors, à défaut de délivrer une chose conforme, le vendeur, est susceptible d’engager sa responsabilité contractuelle à l’égard de l’acquéreur, lequel pourra à sa guise opter entre la résolution de la vente ou son exécution ; La garantie légale contre les vices cachés prévue à l’article 1641 du Code civil lequel dispose que « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage à laquelle on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix s’il les avait connus ». Cette garantie contre la théorie des vices cachés ne s’applique donc : – qu’en présence d’un vice ; – d’un vice qui était caché lors de la vente ; – et à condition qu’il soit invoqué dans le délai prévu à cet effet. Le vice s’apprécie par rapport à la destination normale de la chose. La formule jurisprudentielle habituelle au visa de l’article 1641 du code civil est celle d’un « défaut ou vice rendant la chose impropre à sa destination normale » (Cass. 3ème Civ., 14 fév. 1996 : Bull. Civ. 3, n° 47 ; Paris, 16 sept. 1997, TA 97, p. 1390). La garantie légale de conformité intègre donc aussi bien les défauts de conformité que les vices cachés. En dehors de cette garantie légale, un acheteur peut tout à fait agir sur le fondement de l’obligation de délivrance conforme issue du Code civil ou celui de la garantie des vices cachés lesquels sont fondamentalement distincts. Dès lors que la chose livrée est différente de celle convenue entre les parties et qu’elle ne présente pas les caractéristiques spécifiées, seul le non-respect de l’obligation de délivrance conforme peut être invoqué. Si la chose n’est pas conforme à sa destination normale et que son utilisation en est diminuée, voire impossible, l’acheteur n’aura alors d’autre choix que d’agir sur le fondement de la garantie des vices cachés En l’espèce, dans le cadre du litige qui lui était soumis, la Cour de cassation confirme l’appréciation portée par la Cour d’appel qui avait rejeté la demande des acquéreurs aux motifs : « Mais attendu qu’ayant relevé que l’immeuble avait été vendu comme étant raccordé au réseau public d’assainissement et constaté que le raccordement n’était pas conforme aux stipulations contractuelles, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a exactement déduit que les vendeurs avaient manqué à leur obligation de délivrance». Cet arrêt de la Cour de cassation est intéressant en ce qu’il confirme le raisonnement de la Cour d’appel qui s’était contentée de vérifier l’existence d’un défaut de conformité sans avoir recherché l’existence d’un vice caché, nécessitant pour l’acquéreur lésé une démonstration juridique plus importante au stade de la première instance (démonstration de l’existence d’un vice, lequel doit être caché et ce dans un délai). Notons que les juridictions civiles ont déjà eu l’occasion de rappeler que l’absence de raccordement au réseau collectif ne constitue pas un vice caché dans le cadre de la cession d’une maison d’habitation, même située en plein cœur de la campagne. Dans de telles circonstances, il appartenait en effet à l’acquéreur de se renseigner sur ce point, et éventuellement, d’en faire une condition déterminante de son consentement (CA Rouen, 1ère ch., 16 juin 2004, n°RG 02/01932, Mme de Frémicourt c/ Mme Ducloux : Juris-Data n° 2004-246738). De la même manière, on notera que le non raccordement d’un immeuble au réseau d’assainissement collectif n’est pas constitutif d’un vice caché (Civ. 3e, 28 mars 2007, pourvoi n°06-12.461, Dalloz actualité 05 avril 2007). L’arrêt de la Cour de cassation, publié au bulletin, nous rappelle également l’importance de bien veiller à la rédaction et la lecture des actes de vente et/ou notariés qui peuvent prévoir des régimes exonératoires ou limitatives sur ces questions d’absence de…

Prolongation exceptionnelle d’un permis de recherches d’hydrocarbures

Par Marie-Coline Giorno, Avocat (Green Law Avocat) Aux termes d’un arrêté du 23 février 2015, une prolongation exceptionnelle du permis exclusif de recherches de mines d’hydrocarbures a été accordée à une société. Ce permis exclusif de recherches de mines d’hydrocarbures (PERH) avait été accordé par arrêté du 23 juin 2000. Il avait fait ensuite l’objet de deux prolongations, la première en date du 17 décembre 2004 et la seconde en date du 28 janvier 2009. La loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique fut promulguée lors de la seconde prolongation. Le 12 septembre 2011, la société a rendu le rapport exigé par cette loi exposant qu’elle n’aurait pas recours à la fracturation hydraulique dans le cadre de son PERH. Son permis n’a donc pas été abrogé. Toutefois, la société soutient qu’elle n’aurait pu mener à bien ses principaux projets d’exploration et a demandé une prolongation supplémentaire en invoquant des circonstances exceptionnelles de fait et de droit. – En ce qui concerne les circonstances de fait exceptionnelles, la société soutient qu’elle n’aurait pu mener à bien ses principaux projets d’exploration en raison du « contexte défavorable pour les activités pétrolières » de 2011 avec l’intervention de la loi interdisant la fracturation hydraulique précitée et les différentes tensions ayant entourées cette loi. – En ce qui concerne les circonstances de droit exceptionnelles, la société invoque une évolution notable du contexte réglementaire, imposant désormais une étude d’impact préalablement aux travaux d’exploration. L’abstract publié au journal officiel ne donne pas plus d’informations, « Par arrêté de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et du ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique en date du 23 février 2015, la validité du permis exclusif de recherches de mines d’hydrocarbures conventionnels liquides ou gazeux dit ….. est prolongée jusqu’au …… sur une surface inchangée. » Cette prolongation exceptionnelle suscite plusieurs interrogations. En premier lieu, la prolongation vise la prolongation d’un « permis exclusif de recherches de mines d’hydrocarbures conventionnels liquides ou gazeux ». L’utilisation du terme « conventionnels » est surprenante et, à notre sens, dénuée de valeur et d’intérêt juridique. D’une part, l’article L. 122-1 du nouveau code minier indique que « Le permis exclusif de recherches de substances concessibles confère à son titulaire l’exclusivité du droit d’effectuer tous travaux de recherches dans le périmètre qu’il définit et de disposer librement des produits extraits à l’occasion des recherches et des essais ». En l’espèce, le PERH accordé à la société aux termes de l’arrêté du 23 juin 2000 visait les « hydrocarbures liquides ou gazeux » et ne distinguait nullement leur origine conventionnelle ou non. La précision apportée dans l’arrêté ministériel nous paraît donc erronée D’autre part, la recherche d’hydrocarbures non-conventionnels ne semble pas pouvoir s’exonérer de l’utilisation de la fracturation hydraulique. Or, cette dernière est interdite depuis la loi du 13 juillet 2011 précitée. Par suite, la recherche d’hydrocarbures non-conventionnels était, de facto, exclue et la précision apportée sur le caractère « conventionnel » des hydrocarbures était superfétatoire. Dès lors, la précision selon laquelle la prolongation exceptionnelle concerne un « permis exclusif de recherches de mines d’hydrocarbures conventionnels liquides ou gazeux » est, selon nous, dépourvue de valeur juridique et superfétatoire : elle ne vise qu’à apaiser les esprits en réaffirmant à mots couverts que la France ne souhaite pas s’engager à ce jour sur la voie des hydrocarbures non-conventionnels. En deuxième lieu, la motivation de l’arrêté n’est pas disponible sur le site Légifrance : il est précisé que « Le texte complet de l’arrêté peut être consulté dans les locaux du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, direction de l’énergie (bureau exploration et production des hydrocarbures), tour Séquoia, 1, place Carpeaux, 92800 Puteaux, ainsi que dans les bureaux de la direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie d’Ile-de-France, 10, rue Crillon, 75194 Paris Cedex 04. » La motivation retenue reste donc inconnue. Néanmoins, on peut s’interroger sur la légalité de cette décision. Aux termes de l’article L142-1 du code minier : « La validité d’un permis exclusif de recherches peut être prolongée à deux reprises, chaque fois de cinq ans au plus, sans nouvelle mise en concurrence. Chacune de ces prolongations est de droit, soit pour une durée au moins égale à trois ans, soit pour la durée de validité précédente si cette dernière est inférieure à trois ans, lorsque le titulaire a satisfait à ses obligations et souscrit dans la demande de prolongation un engagement financier au moins égal à l’engagement financier souscrit pour la période de validité précédente, au prorata de la durée de validité et de la superficie sollicitées. » A la lecture de cet article, deux prolongations paraissent pouvoir être, au maximum, accordées au détenteur du permis. En l’espèce, le PERH a été prolongé à titre exceptionnel une troisième fois. Il avait, en effet, déjà fait l’objet de deux prolongations auparavant. Il est donc possible de s’interroger sur la disposition sur laquelle se fonde l’autorité administrative pour accorder une troisième prolongation à titre exceptionnel. Nous ne sommes pas certains qu’elle agisse dans un cadre légal. En troisième et dernier lieu, aux termes de l’article L. 142-2 du code minier : « La superficie du permis exclusif de recherches d’hydrocarbures liquides ou gazeux, dit ” permis H “, est réduite de moitié lors du premier renouvellement et du quart de la surface restante lors du deuxième renouvellement. Ces réductions ne peuvent avoir pour effet de fixer pour un permis une superficie inférieure à une limite fixée par voie réglementaire. Les surfaces restantes sont choisies par le titulaire. Elles doivent être comprises à l’intérieur d’un ou de plusieurs périmètres de forme simple. En cas de circonstances exceptionnelles invoquées par le titulaire ou par l’autorité administrative, la durée de l’une seulement des périodes de validité d’un ” permis H ” peut…