Diagnostic immobilier en matière de termite: le préjudice matériel et de jouissance est entièrement indemnisable (Cour de cassation, 8 juill.2015)

Par Aurélien BOUDEWEEL (Green Law Avocat)   Par un arrêt en date du 8 juillet 2015 (C.cass., Chambre mixte, n°13-26.686) la Cour de cassation rappelle que le diagnostiqueur termites est responsable des investigations insuffisantes effectuées et qu’il doit en conséquence répondre de la réparation de totale des préjudices matériels et de jouissance subis par les acquéreurs. La Cour de cassation rejette dès lors l’argument tiré de ce que seule une perte de chance serait indemnisable. En l’espèce, des particuliers avaient acquis un bien immobilier. Un état parasitaire avait été annexé à l’acte de vente, lequel mentionnait « des traces de termites et d’insectes xylophages sans activité ». Après l’achat, les acquéreurs constatèrent que la maison est en réalité infestée de termites et autres insectes. S’estimant lésés, ils avaient demandé une expertise judiciaire puis avaient assigné la société de diagnostic technique en responsabilité et sollicité en réparation de leur préjudice le paiement des travaux de désinfestation et les conséquences du trouble de jouissance. Rappelons que le législateur contemporain a multiplié les diagnostics obligatoires avant toute vente immobilière, qui donnent donc lieu à des diagnostics effectués par des organismes agréés, devant figurer en annexe de la promesse de vente ou, à défaut de promesse, dans l’acte authentique. La plupart de ces annexes sont contenues dans le dossier de diagnostic technique prévu par l’ordonnance n° 2005-655 du 8 juin 2005 (art. L. 271-4-I du Code de la construction et de l’habitation et Décret n° 2006-1114, 5 sept. 2006).   Dans le cadre du litige soumis à la Cour de cassation, l’assureur de la société de diagnostic (tombée en liquidation judiciaire) reprochait à la Cour d’appel d’avoir reconnu sa responsabilité et d’avoir fait droit à la demande de réparation totale des préjudices, alors que selon l’assureur, seule une perte de chance pouvait être indemnisée. Toute la question est ici de savoir si, dans l’hypothèse où les acheteurs avaient eu une connaissance totale du problème ils auraient quand même acheté; ou s’ils auraient simplement négocié le prix de vente à la baisse.   On comprend bien que l’enjeu pour les assureurs des sociétés de diagnostics techniques (amiante, plomb, termite etc…) est de voir leur condamnation moins lourde en faisant valoir que les acheteurs auraient probablement quand même contracté, et qu’ils ont simplement perdu la chance de négocier un prix de vente à la baisse. Saisie du litige, la Cour de cassation confirme l’appréciation portée par la Cour d’appel et considère:  «  qu’il résulte de l’article L. 271-4 du code de la construction et de l’habitation que le dossier de diagnostic technique annexé à la promesse de vente ou à l’acte authentique de vente d’un immeuble garantit l’acquéreur contre le risque mentionné au 3° du deuxième alinéa du I de ce texte et que la responsabilité du diagnostiqueur se trouve engagée lorsque le diagnostic n’a pas été réalisé conformément aux normes édictées et aux règles de l’art, et qu’il se révèle erroné ; qu’ayant relevé que les investigations insuffisantes de la société HDI n’avaient pas permis que les acquéreurs soient informés de l’état véritable d’infestation parasitaire de l’immeuble et retenu que ceux-ci avaient été contraints de réaliser des travaux pour y remédier, la cour d’appel a déduit exactement de ces seuls motifs que les préjudices matériels et de jouissance subis par M. et Mme X… du fait de ce diagnostic erroné avaient un caractère certain et que la société MMA, assureur de la société HDI, leur devait sa garantie ; que le moyen n’est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi».   L’arrêt rendu par la Cour de cassation confirme le courant jurisprudentiel rendu ces dernières années qui souligne qu’en matière de vente d’immeubles l’obligation du contrôleur technique est de résultat (Cass. 3e civ., 27 sept. 2006, n° 05-15.924 : Bull. civ. 2006, III, n° 194).   L’arrêt permet surtout d’apporter des solutions aux particuliers puisque rappelons que lorsqu’un état dressé par un professionnel certifiant l’absence d’amiante ou de termites a été annexé à l’acte de vente et lorsque la mauvaise foi des vendeurs profanes, qui ont rempli leur devoir d’information, n’est pas établie, la clause d’exonération de garantie des vices cachés, souvent prévue dans les actes de vente, est applicable (Cass. 3e civ., 6 juill. 2011, n° 10-18.882 : JurisData n° 2011-013576). La Haute juridiction par son arrêt du 8 juillet 2015 permet donc aux particuliers de rechercher la responsabilité et d’obtenir la réparation du diagnostiqueur en cas de diagnostic erroné et/ou insuffisant et d’être indemnisé en totalité. Notons par ailleurs que les sociétés de diagnostics sont logiquement assurées de leurs activités de sorte qu’en cas de procédure collective des ces dernières, les compagnies d’assurances concernées permettront aux particuliers, souvent en situation de détresse, d’obtenir réparation de leurs préjudices. Cela étant dit, il revient à celui qui en fait la demande de prouver les désordres. A cette fin, il ne peut qu’être recommandé non seulement de faire établir les faits par huissier, mais compte tenu de la technicité de certains désordres, l’expertise judiciaire préalable à une demande indemnitaire demeure un pré-requis stratégique.            

Xynthia : les « zones de solidarité » non susceptibles de recours

Par Me Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat) A la suite de la tempête Xynthia, une circulaire du 7 avril 2010 du ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer (consultable ici) a défini plusieurs mesures afin de faire face au risque de submersion marine dans les zones qui ont été sinistrées. En particulier, cette circulaire a établi des critères pour identifier les zones « d’extrême danger » où une délocalisation des constructions devait être envisagée dès lors qu’elle présentant « un risque d’extrême danger pour la vie humaine sans possibilité de réduire la vulnérabilité des bâtiments ». Cette circulaire prévoyait ainsi les critères provisoires suivants afin d’identifier les bâtiments concernés : « – plus d’un mètre de submersion lors de la tempête Xynthia ; – habitation construite à moins de 100 m derrière une digue ; – lorsque la cinétique de submersion lors de la tempête Xynthia a présenté un danger pour les Personnes ». Il était ajouté que, « Pour chacune de ces zones, il sera précisé le nombre approximatif d’habitations concernées ». En application de cette circulaire, le préfet de la Charente-Maritime a donc déterminé les zones d’extrême danger, renommées ensuite « zones de solidarité ». Le communiqué de presse et le document cartographique relatif à la délimitation de ces zones sur le territoire de la commune d’Aytré furent l’objet d’un recours en excès de pouvoir. Par un jugement n° 1001031-1002711 du 7 juillet 2011, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la requête en excès de pouvoir. Un appel fut alors formé devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux, qui, par un arrêt n°11BX02620 du 17 janvier 2013 a rejeté comme irrecevable le recours en excès de pouvoir (consultable ici). La Cour a jugé que les documents visés par le recours en excès de pouvoir ne constituaient pas des déclarations d’utilité publique au sens de l’article L. 561-1 du code de l’environnement et n’emportaient par eux-mêmes aucune atteinte au droit de propriété. Bien que les « zones de solidarité » aient été prises en compte pour limiter le champ des subventions exceptionnelles attribuées au titre de la réhabilitation des résidences principales sinistrées durant la tempête, les documents de zonage ont été reconnus par la Cour dépourvus d’effets juridiques. La requête a donc été considérée irrecevable. Un pourvoi en cassation fut alors formé devant le Conseil d’Etat. La Haute Juridiction s’est prononcée par une décision du 1er juin 2015 (consultable ici). Le Conseil d’Etat estime que « par les documents de zonage en litige, le préfet de la Charente-Maritime s’est borné à mettre en œuvre les critères énoncés par le ministre de l’intérieur et le ministre de l’écologie pour délimiter les zones au sein desquelles la localisation de biens sinistrés pourrait ouvrir droit au bénéfice d’un dispositif exceptionnel de solidarité nationale mis en place à la suite de la tempête Xynthia, sans pour autant faire obstacle à ce que des personnes situées hors de ces délimitations puissent demander à en bénéficier ». Selon son analyse, cette mise en œuvre des critères posés par la circulaire au sein de documents de zonage ne constitue qu’un dispositif d’information afin que les personnes situées dans ces zones soient informées qu’elles étaient susceptibles de voir leur habitation acquise amiablement par l’Etat : « ce dispositif a consisté à informer les personnes incluses dans ces zones qu’elles étaient susceptibles de bénéficier d’une acquisition amiable de leurs propriétés par l’Etat prévu par l’article L. 561-3 du code de l’environnement, à un prix se référant à la valeur de leur patrimoine avant la tempête ». Ce dispositif d’information ne doit donc, selon le Conseil d’Etat, en aucun cas être assimilé à une étape du processus d’expropriation dès lors que « ce n’est qu’en cas de refus, par les propriétaires intéressés, de bénéficier d’une telle acquisition amiable et après une expertise complémentaire de chaque habitation et terrain que devait être mise en œuvre, le cas échéant, une procédure d’expropriation sur le fondement des dispositions de l’article L. 561-1 du code de l’environnement ». Il en déduit alors « qu’au stade de l’élaboration des politiques publiques auquel ils interviennent et en raison de leur contenu, les documents de zonage en litige n’emportent par eux-mêmes aucun effet juridique ». Il confirme ainsi l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux. D’un point de vue strictement juridique, il est exact que ces documents s’inscrivent en dehors de la procédure d’expropriation et qu’ils n’entraînent aucune interdiction de vivre dans les habitations. Il est exact aussi qu’il s’agit de documents qui n’empêchent nullement les personnes situées en dehors de ces délimitations de bénéficier également du dispositif d’acquisition amiable de leur habitation. Quant aux personnes situées dans le périmètre susvisé, il leur sera loisible de faire valoir leurs droits dans le cadre de la procédure d’expropriation. Les différentes juridictions administratives ne pouvaient donc statuer autrement. D’un point de vue psychologique, ces documents produisent des effets pour les propriétaires des bâtiments concernés. Ne soyons pas dupes, ils serviront très certainement de documents de base pour justifier ou refuser une acquisition amiable selon que la personne est située dans la zone de solidarité ou au-delà de ladite zone. De même, ils pourront aussi être utilisés comme document préparatoire dans le cadre de l’éventuelle procédure d’expropriation qui sera mise en œuvre. Leur dénuer tout effet hormis un simple effet d’information peut donc, pour les personnes concernées, paraître peu compréhensible par celui qui sera exproprié et informé … La légalité commandait donc de statuer ainsi, quand bien même l’opportunité aurait pu en décider autrement. Notons enfin que la tempête Xynthia va sans doute continuer de faire parler d’elle. Au-delà de la procédure d’expropriation qui pourrait être mise en œuvre, notons également que le 7 juillet dernier, un rapport émanant de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat a tiré un bilan des enseignements de Xynthia en formulant dix recommandations (rapport consultable ici). Ainsi que le relève le communiqué de presse du Sénat, le constat est en « demi-teinte » car bien…

Droit de propriété : la construction d’une clôture ne vaut pas reconnaissance de bornage amiable définitif (Cass, 19 mai 2015)

Par Aurélien Boudeweel Green Law Avocat Par un arrêt en date du 19 mai 2015 (C.cass, 3ème civ, 19 mai 2015, n° 14-11984), la Cour de cassation relève que l’accord des parties sur la délimitation des fonds n’impliquait pas, à lui seul, leur accord sur la propriété des terrains litigieux. Rappelons que le bornage est l’opération par laquelle est recherchée, déterminée et fixée par des marques extérieures apparentes appelées bornes, la ligne séparative, le plus souvent incertaine, entre deux fonds contigus, non déjà bornés et faisant l’objet d’un droit de propriété privée. Même si la loi n’envisage le bornage que sous l’angle d’une action en justice, il est incontestable que, lorsque les propriétaires sont d’accord et maîtres de leurs droits, ils peuvent procéder à l’amiable au bornage de leurs fonds respectif. Par principe, le bornage est d’abord amiable et ne devient contentieux que subsidiairement. L’assentiment des parties sur l’implantation des bornes n’est soumis par la loi à aucune forme particulière (Cass. 3e civ., 29 mars 2000, n° 97-18.273 : JurisData n° 2000-001406. – CA Besançon, 1re ch. civ., 27 mai 1997 : JurisData n°1997-044057). En application de ce principe, la jurisprudence a admis qu’un plan établi par un géomètre-expert et signé de tous les intéressés constitue un véritable procès-verbal de bornage valant titre définitif tant pour les contenances des parcelles que pour les limites qu’il leur assigne (Cass. 3e civ., 16 févr. 1968, n° 65-13.546 ). Il a de même été jugé que c’est par une appréciation souveraine que les juges du fond décident qu’un acte contenant l’accord des deux voisins pour limiter leur propriétés respectives, en vue d’éviter toutes difficultés ultérieures, et suivi avec l’accord des parties d’un plan dressé par leurs architectes traçant la ligne divisoire constitue une convention qui remplit les conditions de validité de l’article 1108 du Code civil et tient lieu de loi à ceux qui l’avaient faite (Cass. 3e civ., 5 déc. 1968, n° 67-10.717). En l’espèce, un propriétaire avait assigné son voisin en revendication de propriété une bande de terrain qui aurait été prélevée sur sa propriété lors de l’édification d’une clôture, laquelle avait été édifiée d’un commun accord. Saisie de l’affaire, la Cour d’appel avait rejeté la demande aux motifs que la construction de la clôture était le résultat d’un accord entre les propriétaires des fonds et devait être analysée comme valant bornage définitif. La Cour de cassation dans son arrêt du 19 mai 2015 casse l’arrêt de la Cour d’appel et rappelle : « […] selon l’arrêt attaqué (Toulouse, 15 octobre 2012), que Mme X…, propriétaire de parcelles jouxtant le fonds des consorts E… a assigné ces derniers en revendication d’une bande de terrain qui aurait été prélevée sur sa propriété lors de l’édification d’une clôture ; Attendu que pour rejeter sa demande l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la construction en commun d’une clôture par les auteurs de Mme X… et les époux E… était le résultat concret d’un accord des deux propriétaires pour fixer les limites de leurs fonds respectifs, nonobstant la discordance entre la surface mesurée à l’intérieur de ces limites et la surface portée au cadastre et que cet accord liant les parties devait être considéré comme valant bornage amiable définitif; Qu’en statuant ainsi, alors que l’accord des parties sur la délimitation des fonds n’implique pas, à lui seul, leur accord sur la propriété des parcelles litigieuses, la cour d’appel a violé les textes susvisés ». L’arrêt de la Cour de cassation est intéressant puisque jusqu’à présent de nombreux praticiens considéraient que le bornage étant l’opération qui consiste à déterminer et à fixer par des signes extérieurs la ligne séparative de deux propriétés contiguës, les murs et clôtures séparatifs mis en place à frais communs par les voisins constituant la matérialisation de leur accord sur l’implantation de la ligne divisoire et faisaient donc échec au bornage, dès lors qu’ils sont réputés mitoyens, de sorte que l’action en bornage était irrecevable au fond, la matérialisation de la possession de chacun ayant été ainsi faite par accord des parties avant toute construction (CA Aix-en-Provence, 4e ch. B, 20 mai 1995 : Juris-Data n° 1995-043867. – CA Chambéry, 16 juin 2004 : Juris-Data n° 2004-252583). La position de la Cour de cassation en l’espèce est donc essentielle pour les propriétaires lésés lors de la mise en place des limites séparatives de leurs propriétés car elle ne lie pas l’accord de pose d’une clôture à l’accord sur la délimitation de la propriété. Rappelons en effet que le caractère définitif attribué au bornage amiable emporte l’impossibilité pour les parties de remettre en cause unilatéralement la ligne divisoire telle que définie lors des opérations contradictoires et approuvée dans le procès-verbal. Cette impossibilité découle directement des dispositions de l’article 1134, alinéa 1er du Code civil (CA Bourges, ch. civ., 8 févr. 2005, n° 04/00164 : JurisData n° 2005-265790). Les propriétaires ont donc avec cet arrêt toujours la possibilité de saisir le juge judiciaire s’ils s’estiment lésés et trompés même après l’édification d’une clôture.

Valorisation des énergies de récupération / Obligation d’achat: le Conseil d’Etat se prononce aux termes d’une affaire en deux actes (CE, 20 mai 2015)

Par Marie-Coline GIORNO Green law Avocat Le 20 mai 2015, le Conseil d’Etat a rendu deux décisions très intéressantes, qui seront mentionnées au recueil Lebon, concernant l’application du régime de l’obligation d’achat aux installations de valorisation des énergies de récupération et aux installations utilisant à titre principal l’énergie dégagée par la combustion de matières non fossiles d’origine végétale ou animale. ACTE I : Le Premier Ministre est enjoint de prendre un décret relatif aux installations de valorisation des énergies de récupération (CE, 20 mai 2015, n°380727, mentionné aux tables du recueil Lebon Par un courrier du 30 janvier 2014, la société P…SAS avait demandé au Premier ministre de prendre un décret, complétant le décret du 6 décembre 2000 fixant par catégorie d’installations les limites de puissance des installations pouvant bénéficier de l’obligation d’achat d’électricité, afin de mettre en œuvre les dispositions du 6° de l’article L. 314-1 du code de l’énergie (soit les installations qui valorisent des énergies de récupération dans les limites et conditions définies au même article, notamment au 2°). Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande. La société P…SAS a donc saisi le Conseil d’Etat d’un recours en excès de pouvoir afin de demander l’annulation de cette décision.  Aux termes de sa décision, le Conseil d’Etat commence par rappeler les conditions d’exercice du pouvoir réglementaire par le Premier ministre tel que défini par l’article 21 de la Constitution.  Ainsi, le Conseil d’Etat constate que «  le Premier ministre ” assure l’exécution des lois ” et ” exerce le pouvoir réglementaire ” sous réserve de la compétence conférée au Président de la République pour les décrets en Conseil des ministres par l’article 13 de la Constitution. » Il ajoute que « l’exercice du pouvoir réglementaire comporte non seulement le droit mais aussi l’obligation de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu’implique nécessairement l’application de la loi, hors le cas où le respect d’engagements internationaux de la France y ferait obstacle ». Il cite ensuite l’article L. 314-1 du code de l’énergie relatif aux contrats d’obligation d’achat de l’électricité produite par certaines installations  qui codifie les dispositions de l’article 20 de la loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l’énergie : « Sous réserve de la nécessité de préserver le fonctionnement des réseaux, Electricité de France et, si les installations de production sont raccordées aux réseaux publics de distribution dans leur zone de desserte, les entreprises locales de distribution chargées de la fourniture sont tenues de conclure, lorsque les producteurs intéressés en font la demande, un contrat pour l’achat de l’électricité produite sur le territoire national par :/ (…) 6° Les installations qui valorisent des énergies de récupération dans les limites et conditions définies au présent article, notamment au 2° ». Il considère à cet égard que le 2° de ce même article, qui vise notamment les installations qui utilisent des énergies renouvelables, précise qu’un décret en Conseil d’Etat détermine les limites de puissance installée des installations de production qui peuvent bénéficier de l’obligation d’achat et que ces limites, qui ne peuvent excéder 12 mégawatts, sont fixées pour chaque catégorie d’installations pouvant bénéficier de l’obligation d’achat sur un site de production. En l’espèce, il considère que « l’application de ces dispositions était manifestement impossible en l’absence du décret précisant les différentes catégories d’installations valorisant des énergies de récupération susceptibles de bénéficier de l’obligation d’achat d’électricité et fixant, sans excéder le plafond légal de 12 mégawatts, les limites de puissance installée de ces installations ». Il en déduit alors « que le gouvernement était ainsi tenu de prendre le décret dont la société requérante demandait l’édiction ». Certes, un décret du 28 mars 2014, qui modifie le décret du 6 décembre 2000 fixant par catégorie d’installations les limites de puissance des installations pouvant bénéficier de l’obligation d’achat d’électricité est intervenu pour préciser les dispositions de cet article. Toutefois, le Conseil d’Etat écarte cette circonstance au motif que ce décret « concerne les seules installations utilisant l’énergie dégagée par la combustion ou l’explosion du gaz de mine ; qu’en prenant un tel décret, qui ne vise, sans justification particulière, que ces installations, le Premier ministre ne saurait être regardé comme ayant satisfait à l’obligation qui lui incombait ». Au regard du délai de plus de sept ans entre la publication de la loi et le rejet implicite, sans que ce délai ne soit justifié par aucun motif particulier, le Conseil d’Etat conclut que le rejet implicite de la demande du requérant est intervenue « après l’expiration du délai raisonnable ». Il annule donc la décision litigieuse et enjoint au Premier ministre de prendre le décret requis pour les énergies de récupération dans un délai d’un an. Cette décision, qui traduit les difficultés pour le Premier ministre à mettre en œuvre le dispositif de l’obligation d’achat pour tous les types d’énergie, souligne également que l’exercice du pouvoir réglementaire est, certes, un droit mais surtout un devoir et que ce devoir doit s’exercer dans un délai raisonnable. Il sera intéressant d’examiner quelles suites le Premier ministre donnera à cette injonction compte tenu du fait que la décision du Conseil d’Etat intervient dans un contexte où le mécanisme de soutien aux énergies renouvelables fait actuellement l’objet d’une réforme importante. ACTE II : Le Conseil d’Etat maintient l’arrêté du 27 janvier 2011 fixant les conditions d’achat d’électricité produite par les installations utilisant à titre principal l’énergie dégagée par la combustion de matières non fossiles d’origine végétale ou animale (CE, 20 mai 2015, n380726, mentionné aux tables du recueil Lebon) La société P…avait également saisi le Conseil d’Etat d’une requête en excès de pouvoir tendant à obtenir, d’une part, l’annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande tendant à l’abrogation partielle du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 fixant, par catégories d’installations, les limites de puissance des installations pouvant bénéficier de l’obligation d’achat d’électricité et, d’autre part, l’annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de l’écologie sur sa demande tendant à…

Contrat de vente d’installation solaire et crédit affecté: une interdépendance dont les banques doivent répondre

Par Aurélien Boudeweel Green Law Avocat Par un jugement en date du 10 juin 2015 (TC EVRY, 10 juin 2015,n° de rôle 2014F00214- jurisprudence cabinet), le tribunal de commerce d’EVRY a fait droit, selon une jurisprudence établie, aux demandes d’un particulier s’étant vu installer une centrale solaire,  en prononçant la résolution d’un contrat de vente de l’installation de production photovoltaïque et du contrat de crédit affecté. En l’espèce, des particuliers avaient contracté auprès d’une société se revendiquant spécialisée dans la fourniture et la pose d’un système solaire photovoltaïque. Comme souvent en la matière au regard du coût de l’installation, l’acquisition s’est opérée au moyen d’un contrat de crédit affecté. Sur le plan juridique, les particuliers ont fait valoir l’irrégularité entourant la conclusion du contrat de vente au regard des dispositions du Code de la consommation. Surtout, les particuliers ont contesté devant la juridiction commerciale la signature de l’attestation de fin de travaux sur laquelle s’appuyait la banque pour justifier du déblocage des fonds directement auprès de la société installatrice de la centrale. Rappelons que dans le cadre d’un contrat de crédit affecté, une double relation contractuelle se noue entre le professionnel, l’établissement de crédit et le consommateur : Un premier contrat, dit contrat principal, est conclu entre le professionnel et le consommateur, Une autre relation contractuelle se noue entre le consommateur et l’établissement de crédit. Ces deux relations contractuelles sont interdépendantes aux termes des articles L. 311-19 à L. 311-28 du code de la consommation. Il est acquis par la jurisprudence que pour que se manifestent les conséquences du lien d’interdépendance, le contrat principal doit d’abord être valide (Cass. 1re civ., 20 déc. 1988 : D. 1989, somm. p. 341, obs. J.L. Aubert). Plus encore, l’obligation de l’emprunteur de rembourser le prêt d’argent ne commence qu’avec la livraison de la marchandise ou l’exécution de la prestation (Cass. 1re civ., 7 janv. 1997 : Contrats, conc. consom. 1997, comm. 86. – Cass. 1re civ., 7 févr. 1995 : Contrats, conc. consom. 1995, comm. 166. – CA Douai, 8 sept. 1994 : Rev. huissiers 1995, p. 116). L’exécution de la prestation était justement l’argument de la banque dans le cadre du présent litige pour justifier le déblocage des fonds. La tribunal de commerce d’EVRY analyse le contrat principal de vente pour en tirer les conséquences directes sur le contrat de crédit affecté: « Attendu que, selon le contrat de prêt, les premières échéances débutaient après un délai d’un an ; qu’ainsi, la première échéance présentée s’est située au mois de décembre 2013 ; que ce n’est qu’alors que Monsieur Z et Madame Z ont eu connaissance ou conscience de la situation réelle dans laquelle ils se trouvaient; Attendu que la signature apposée sur l’attestation de fin de travaux en date du 05/12/12 est contestée par les demandeurs ; que selon eux, il s’agit d’un faux adressé à leur insu à la banque X; Attendu que ce n’est qu’en date du 14/02/13 que Monsieur Z a sollicité l’intervention d’ERDF afin d’effectuer les travaux de raccordement au réseau de production ; que dès lors, l’installation ne pouvait être en état de fonctionnement ; que le devis, s’il ne comprenait pas le raccordement au réseau, comprenait la mise en service ; que l’attestation de fin de travaux n’aurait pu être produite que postérieurement à cette date, la mise en service ne pouvant intervenir qu’après le raccordement ; Attendu que la SARL Y a manqué à ses obligations contractuelles en effectuant pas la mise en service du matériel livré dans les trois mois de la date de la commande ; Attendu qu’au vu de l’attestation de fin de travaux contestée, la banque X a émis un paiement de la somme de 21.500 € directement au profit de la SARL Y; En conséquence et sans qu’il soit besoin de statuer sur le respect des différents articles du Code de la Consommation, les actes ultérieurs les ayant couverts les irrégularités liées au non respect dan s la forme, du bordereau de rétractation, le Tribunal prononcera la résolution de la vente  Qu’il condamnera la SARL Y à reprendre le matériel installé chez Monsieur et Madame Z et à remettre les lieux en l’état où ils se trouvaient avant son intervention ; Qu’il condamnera la SARL Y à rembourser à la banque X, la somme de 21.500€ relative au financement de l’installation effectuée chez Monsieur et Madame Z ; Qu’il prononcera conséquemment la résolution du contrat de prêt affecté conclu entre Monsieur et Madame Z auprès de la banque X sur le fondement de l’article L311-9 du Code de la consommation et ordonnera à cette dernière de procéder au remboursement des sommes déjà perçues au titre des échéances dudit prêt.» Ce jugement rappelle l’interdépendance du contrat principal et du contrat de crédit affecté et la résolution automatique du contrat de crédit lorsque la résolution du contrat principal est prononcée. Surtout le juridiction censure la banque qui faisait valoir la signature de l’attestation de fin de travaux pour justifier du déblocage des fonds. En l’occurrence, le tribunal relève que la date figurant sur l’attestation de fin de travaux, dont la signature est d’ailleurs contestée par les requérants, est bien antérieure à la date à laquelle il a été sollicité une demande auprès de la société ERDF des travaux de raccordement. Selon la juridiction, cela démontre de toute évidence que la société installatrice n’avait pas rempli ses obligations contractuelles et surtout que l’attestation de fin de travaux était sérieusement contestable. Le jugement du tribunal de commerce d’EVRY confirme une jurisprudence de plus en plus croissante tendant à sanctionner les organismes de crédit (professionnels) peu scrupuleux dans la vérification, pourtant obligatoire, de la régularité et conformité du contrat principal (contrat de vente) duquel il dépend. Surtout la juridiction commerciale confirme que la signature figurant sur une attestation de fin de travaux n’est pas le gage absolu pour une banque pour se dégager de toute responsabilité. Cela rappelle enfin que les consommateurs ne sont pas sans recours en cas de mise en liquidation ou redressement judiciaire des sociétés…